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26/06/2013 | FRANCE | N°11-19740

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 juin 2013, 11-19740


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 20 avril 2011), que M. X..., engagé le 9 novembre 1994 par la société Automobile service, aux droits de laquelle se trouve la société René Y..., en qualité de vendeur et occupant en dernier lieu les fonctions de directeur commercial, a été licencié pour motif économique le 24 novembre 2008 ; que, soutenant que son contrat de travail aurait dû se poursuivre avec la société Autosport Albi à laquelle a été cédé, le 3 octobre 2008, le fonds

de commerce de la société Automobile service, M. X... a saisi le conseil de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 20 avril 2011), que M. X..., engagé le 9 novembre 1994 par la société Automobile service, aux droits de laquelle se trouve la société René Y..., en qualité de vendeur et occupant en dernier lieu les fonctions de directeur commercial, a été licencié pour motif économique le 24 novembre 2008 ; que, soutenant que son contrat de travail aurait dû se poursuivre avec la société Autosport Albi à laquelle a été cédé, le 3 octobre 2008, le fonds de commerce de la société Automobile service, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de demandes indemnitaires dirigées contre les trois sociétés ;
Attendu que la société René Y... fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de M. X... intervenu en fraude des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et de la condamner à payer in solidum avec la société Autosport Albi une somme à titre de dommages-intérêts au salarié et à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités, alors, selon le moyen :
1°/ que si le salarié licencié pour motif économique à l'occasion du transfert de l'entreprise peut demander au cédant la réparation du préjudice que lui cause la perte de son emploi, c'est à la condition que le contrat de travail ne se soit pas poursuivi avec le cessionnaire ; que sauf collusion frauduleuse, les manquements du cessionnaire à ses obligations ne peuvent être imputés au cédant ; que la collusion frauduleuse consiste en des manoeuvres entre le cédant et le cédé pour échapper aux effets de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en condamnant la société René Y..., venant aux droits de la société Automobile service, à prendre en charge, in solidum avec la société Autosport Albi, les sommes allouées à M. X... à titre d'indemnité pour licenciement abusif, tout en constatant qu'à l'occasion de la cession du fonds de commerce de la société Automobile service à la société Autosport Albi, le contrat de travail de M. X... avait été transféré de plein droit au sein de cette dernière société, ce dont il résultait que la société Automobile Service, cédante, ne pouvait être tenue à indemniser le salarié qu'à la condition de faire ressortir une collusion frauduleuse entre elle et la société Autosport Albi afin d'échapper aux effets de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel, qui n'a en rien caractérisé l'existence d'une telle collusion frauduleuse, a violé ce texte ;
2°/ qu'en relevant, à l'appui de sa décision, qu'« en indiquant au surplus dans ses conclusions avoir attendu que la SAS AUTOSPORT ALBI fixe sa position sur la reprise du contrat de Monsieur X..., la SA René
Y...
admet l'existence d'une collusion frauduleuse destinée à éluder l'application du texte susvisé pourtant d'ordre public », cependant que, dans les écritures visées par l'arrêt, la société René Y..., venant aux droits de la société Automobile service, contestait expressément l'existence d'une collusion frauduleuse entre elle et la société Autosport Albi, la cour d'appel a dénaturé les conclusions susvisées et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que la collusion frauduleuse consiste en des manoeuvres entre le cédant et le cédé pour échapper aux effets de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en estimant qu'une telle collusion se trouvait caractérisée dans la mesure où la société René Y..., venant aux droits de la société Autosport Albi, indiquait « avoir attendu que la SAS AUTOSPORT ALBI fixe sa position sur la reprise du contrat de Monsieur X... », cependant qu'une telle circonstance, même à la considérer avérée, ne caractérisait pas l'existence d'une collusion frauduleuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le licenciement avait été prononcé par la société René Y..., à l'occasion de la cession du fonds auquel était rattaché le salarié, en a déduit à bon droit que ce licenciement était dépourvu d'effet et que la société cédante, qui l'avait notifié, était tenue en conséquence de réparer le préjudice causé par la perte de l'emploi ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société René Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société René Y... à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société René Y...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X... était intervenu en fraude des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et d'avoir condamné la société René Y..., venant aux droits de la société Automobile Service, in solidum avec la société Autosport Albi, à payer 75. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts à M. X... et à rembourser au Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des pièces versées aux débats et des explications des parties que dès le 1er octobre 2008, M. Reza Sanii, président de la SAS Autosport Albi est venu se présenter aux salariés de la SARL Automobile Service, dont la cession du fonds de commerce n'était signée que trois jours plus tard ; que, postérieurement, M. Y... informait M. Jean-François X... qu'il ne faisait pas partie du personnel transféré ; que par courrier du 20 octobre 2008, M. X... s'étonnait de cette situation et demandait des explications à M. Y... en indiquant qu'étant salarié de la SARL Automobile Service, son contrat de travail devait être repris par le nouvel acquéreur ; qu'en réponse, la SA René
Y...
le convoquait le 21 octobre à un entretien préalable à son licenciement fixé au 4 novembre ; qu'il était licencié par lettre du 24 novembre 2008 par la SA René
Y...
pour le motif économique suivant : « ¿ suppression de votre emploi de directeur commercial, consécutive à la restructuration mise en oeuvre au sein de notre société et des sociétés du groupe Y..., en raison des difficultés économiques et financières rencontrées, avec une réorganisation de la commercialisation des véhicules d'occasion, tâche que vous exécutiez jusqu'alors. Malgré une étude attentive de votre dossier, il s'avère impossible de vous reclasser à un poste compatible avec votre expérience professionnelle et votre qualification, ni dans l'immédiat, ni dans un avenir prévisible, aussi bien dans notre société, que dans les autres sociétés du groupe Y... ¿ » ; que le certificat de travail remis à M. X... mentionne qu'il a fait l'objet de mutations dans les différentes sociétés du groupe Y... et qu'il a travaillé :- du 9 novembre 1994 au 31 décembre 2001 pour la société Automobile Service route de Castres 81000 Albi ;- du 1er janvier au 31 décembre 2002 pour la SA René Y... route de Castres 81000 Albi ;- du 1er janvier 2003 au 31 mars 2004 pour le groupe Y... Aveyron 97 avenue de Toulouse 12000 Rodez ;- du 1er avril 2004 au 18 novembre 2008 pour la SA René Y... route de Castres à Albi ; qu'il n'est pas discuté que M. X... exerçait des fonctions de directeur commercial pour l'activité véhicule d'occasion ; qu'au vu de l'organigramme versé aux débats, la SA René
Y...
est une société holding qui détenait au début de l'année 2008 des participations dans sept sociétés, dont la SARL Automobile Service (98 % du capital), en revanche, cette holding n'a jamais eu d'activité commerciale ; que par ailleurs, il n'est pas discuté que depuis son embauche par la SARL Automobile Service et en dépit du changement dans l'intitulé de sa fonction, M. X... a toujours exercé les mêmes tâches, au même endroit, dans les mêmes conditions et qu'aucun avenant écrit n'est venu modifier son contrat de travail signé en 1994 ; qu'aucune modification de son contrat de travail ne peut être imposée à un salarié et que la seule poursuite du contrat ne suffit pas à caractériser son consentement ; qu'ainsi, à défaut d'un accord exprès de M. X... pour le transfert de son contrat de travail au sein d'une autre société du groupe, la seule indication sur ses bulletins de salaire du nom de l'une ou de l'autre de ces sociétés suffit à concrétiser un changement d'employeur opposable au salarié ; qu'en outre, M. X... produit des relevés de commissions versés par l'organisme de crédit FC France à la SARL Automobile Service en 2006, notamment pour des ventes réalisées par ses soins, ainsi que des propositions de lots de véhicules d'occasion qui lui ont été adressées via la SARL Automobile Service en janvier 2008 par Fiat France ; que de même, le nom de M. X... apparaît sur les tableaux comparatifs du nombre de véhicules facturés et des marges sur les véhicules fracturés établis pour l'année 2007 et le premier trimestre de l'année 2008 au sein de la SARL Automobile Service ; que ces éléments confirment que jusqu'à la cession du fonds de commerce, M. X... travaillait bien au sein de la société Automobile Service ; que d'ailleurs, son nom figure sur la liste du personnel édité au mois de mars 2008 que le conseil de M. X... a régulièrement communiquée ; que pourtant, sur la liste du personnel annexée à l'acte de cession du fonds de commerce signé sept mois plus tard, le nom de M. X... a été supprimé ; qu'il convient d'ailleurs de souligner qu'en cause d'appel, la SA René
Y...
admet que le contrat de travail de M. X... devait être transféré en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail qui énonce que, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; qu'en indiquant au surplus dans ses conclusions (p. 7) avoir attendu que la SAS Autosport Albi fixe sa position sur la reprise du contrat de M. X..., la SA René
Y...
admet l'existence d'une collusion frauduleuse destinée à éluder l'application du texte susvisé pourtant d'ordre public ; que les dénégations de la SAS Autosport Albi sont d'autant moins crédibles que son dirigeant a rencontré M. X... sur son lieu de travail trois jours avant de signer l'acte de cession et que c'est à elle que profitait en premier lieu cette collusion en écartant un collaborateur au salaire élevé dont les fonctions faisaient double emploi avec des postes déjà pourvus en son sein ; que c'est donc à tort que le conseil de prud'hommes l'a mise hors de cause ; que le contrat de travail de M. X... ayant été transféré de plein droit au sein de la société Autosport Albi par l'effet de la loi, il ne pouvait être licencié par le cédant ; que M. X... ne réclamant pas sa réintégration au sein de la SAS Autosport Albi, il a droit à réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi ; qu'au regard des éléments suffisants dont la cour dispose, il lui sera alloué la somme de 75. 000 ¿ à ce titre ; qu'au regard de ce qui précède sur la collusions frauduleuse, les trois sociétés seront tenues in solidum au paiement de cette somme ;
ALORS, D'UNE PART, QUE si le salarié licencié pour motif économique à l'occasion du transfert de l'entreprise peut demander au cédant la réparation du préjudice que lui cause la perte de son emploi, c'est à la condition que le contrat de travail ne se soit pas poursuivi avec le cessionnaire ; que sauf collusion frauduleuse, les manquements du cessionnaire à ses obligations ne peuvent être imputés au cédant ; que la collusion frauduleuse consiste en des manoeuvres entre le cédant et le cédé pour échapper aux effets de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en condamnant la société René Y..., venant aux droits de la société Automobile Service, à prendre en charge, in solidum avec la société Autosport Albi, les sommes allouées à M. X... à titre d'indemnité pour licenciement abusif, tout en constatant qu'à l'occasion de la cession du fonds de commerce de la société Automobile Service à la société Autosport Albi, le contrat de travail de M. X... avait été transféré de plein droit au sein de cette dernière société (arrêt attaqué, p. 7 § 5), ce dont il résultait que la société Automobile Service, cédante, ne pouvait être tenue à indemniser le salarié qu'à la condition de faire ressortir une collusion frauduleuse entre elle et la société Autosport Albi afin d'échapper aux effets de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel, qui n'a en rien caractérisé l'existence d'une telle collusion frauduleuse, a violé ce texte ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en relevant, à l'appui de sa décision, qu'« en indiquant au surplus dans ses conclusions (page 7) avoir attendu que la SAS AUTOSPORT ALBI fixe sa position sur la reprise du contrat de Monsieur X..., la SA RENE Y... admet l'existence d'une collusion frauduleuse destinée à éluder l'application du texte susvisé pourtant d'ordre public » (arrêt attaqué, p. 7 § 3), cependant que, dans les écritures visées par l'arrêt, la société René Y..., venant aux droits de la société Automobile Service, contestait expressément l'existence d'une collusion frauduleuse entre elle et la société Autosport Albi, la cour d'appel a dénaturé les conclusions susvisées et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE la collusion frauduleuse consiste en des manoeuvres entre le cédant et le cédé pour échapper aux effets de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en estimant qu'une telle collusion se trouvait caractérisée dans la mesure où la société René Y..., venant aux droits de la société Autosport Albi, indiquait « avoir attendu que la SAS AUTOSPORT ALBI fixe sa position sur la reprise du contrat de Monsieur X... » (arrêt attaqué, p. 7 § 3), cependant qu'une telle circonstance, même à la considérer avérée, ne caractérisait pas l'existence d'une collusion frauduleuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-19740
Date de la décision : 26/06/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 20 avril 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 jui. 2013, pourvoi n°11-19740


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.19740
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