La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/04/2011 | FRANCE | N°09/05977

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 2eme chambre section 1, 20 avril 2011, 09/05977


20/ 04/ 2011
ARRÊT No 118
NoRG : 09/ 05977 FC/ MP

Décision déférée du 2 novembre 2009 Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 07/ 02553- Madame X...

Sybil Y... épouse Z... représentée par la SCP MALET

C/

SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALI VIE représentée par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI

Confirmation

*** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 2eme Chambre Section 1

*** ARRÊT DU VINGT AVRIL DEUX MILLE ONZE

***
APPELANTE

Madame Sybil Y... épouse Z... agissant en son nom propre et ès qualités de représentant légal de sa

fille mineure Inès Z...... 31000 TOULOUSE

Représentée par la SCP MALET, avoués à la Cour Assistée de Me Claude-Marie SIGUIER-POU...

20/ 04/ 2011
ARRÊT No 118
NoRG : 09/ 05977 FC/ MP

Décision déférée du 2 novembre 2009 Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 07/ 02553- Madame X...

Sybil Y... épouse Z... représentée par la SCP MALET

C/

SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALI VIE représentée par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI

Confirmation

*** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 2eme Chambre Section 1

*** ARRÊT DU VINGT AVRIL DEUX MILLE ONZE

***
APPELANTE

Madame Sybil Y... épouse Z... agissant en son nom propre et ès qualités de représentant légal de sa fille mineure Inès Z...... 31000 TOULOUSE

Représentée par la SCP MALET, avoués à la Cour Assistée de Me Claude-Marie SIGUIER-POULHIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALI VIE... 75009 PARIS

Représentée par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI, avoués à la Cour Assistée de Me Olivia RISPAL-CHATELLE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 9 mars 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :
G. COUSTEAUX, président A. ROGER, conseiller F. CROISILLE-CABROL, vice présidente placée qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : A. THOMAS

ARRÊT :
- contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties-signé par G. COUSTEAUX, président et par A. THOMAS, greffier de chambre.

FAITS ET PROCÉDURE
La société FRAM avait souscrit auprès de GÉNÉRALI VIE, au bénéfice de ses salariés, un contrat d'assurance couvrant notamment le risque de décès par accident.
Le 29 janvier 2003, M. Laurent Z..., directeur de la communication de FRAM, est décédé d'un arrêt cardiaque à l'aéroport d'ORLY où il attendait un avion à destination de TOULOUSE.
Le 21 février 2003, GENERALI VIE a versé à la veuve de M. Z..., Mme Sybil Y..., un capital décès « toutes causes » d'un montant de 373 352, 81 € ; elle a en revanche refusé l'indemnisation des conséquences du décès au titre de la garantie « accident ».
Dans le cadre d'un litige opposant Madame Sybil Z... à la CPAM de la Haute-Garonne qui refusait de prendre en charge le décès au titre de la législation sur les accidents du travail, par jugement du 14 juin 2006, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TOULOUSE a estimé que le décès de M Z... constituait un accident du travail.
Par exploit d'huissier du 24 juillet 2007, Madame Z..., agissant tant en son nom personnel qu'ès-qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de sa fille mineure Inès, a fait assigner GENERALI VIE devant le Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE aux fins notamment de paiement des sommes de 373 352, 82 € en principal et 10 000 € de dommages intérêts pour résistance abusive.
Par jugement du 2 novembre 2009, le Tribunal a considéré que le décès n'était pas accidentel au sens du contrat d'assurance et a :
- débouté Mme Z... de ses demandes ;
- dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamné Madame Z... aux dépens.
Par acte déposé le 2 décembre 2009, Madame Z... a interjeté appel du jugement.
Madame Z... a déposé des conclusions récapitulatives le 7 février 2011.
GÉNÉRALI VIE a déposé des conclusions récapitulatives le 15 février 2011.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2011.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame Z... soutient que : Pour rejeter sa demande, le Tribunal s'est fondé sur le rapport du Dr D... du dispensaire d'ORLY du 29 janvier 2003, sur le rapport d'expertise anatomopathologique du Pr E... du 10 décembre 2003 et surtout sur le rapport d'autopsie des Docteurs A... et B... du 11 avril 2003, autopsie à laquelle a seul assisté le Dr F..., médecin conseil de la CPAM, sans recueil d'informations auprès du médecin traitant du défunt ou de la famille ;

Le décès de son mari n'est pas dû à des prédispositions physiques anormales et en particulier à son hypertension et son hypercholestérolémie, banales pour homme de son âge (49 ans), et stabilisées par médicaments ;
La définition de l'accident au sens de l'article 13 du contrat est un « dommage corporel provenant de l'action soudaine, imprévisible et exclusive d'une cause extérieure » ; or, la cause extérieure et exclusive du décès est le stress et le surmenage professionnels générés par les objectifs et les contraintes qui étaient imposés à son mari par FRAM et ressortant de nombreuses attestations ; en effet, en novembre et décembre 2002, il avait fait de nombreux déplacements tant en France qu'à l'étranger ; depuis fin 2002, des divergences l'opposaient à la direction générale de FRAM, en particulier à Madame Marie-Georges G..., petite-fille du fondateur du groupe, au « rôle mal défini », constituant une menace pour la pérennité de son emploi et une ingérence dans ses fonctions ; en particulier, l'avant-veille et la veille de son décès, il avait eu deux nouvelles altercations avec elle ; le jour de son décès, au sortir d'une nouvelle réunion à PARIS, il était épuisé et stressé par son travail ; le lien entre le stress et le décès est mis en évidence par le rapport du Dr H... du 4 février 2011 qui a examiné, à la demande de l'appelante, les trois rapports retenus par le Tribunal, et par les textes européens et publications médicales sur la mort subite ; le décès est donc bien accidentel comme l'a estimé le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale.
Elle sollicite :
- l'infirmation du jugement ;- la condamnation de GENERALI VIE à lui payer les sommes suivantes : * 373 552, 81 € avec intérêts légaux à compter du 4 décembre 2006 ; * 10 000 € de dommages intérêts pour résistance abusive, * 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; * la condamnation de l'intimée aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP d'avoués.

GÉNÉRALI VIE réplique que :
Madame Z... ne peut se fonder que sur les clauses du contrat d'assurance, et non sur la définition de l'accident du travail au sens de l'article L. 114-1 du Code du Travail retenue par le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, qui ne lui est pas opposable ;
Les conditions de l'accident au sens du contrat d'assurance ne sont pas réunies ; en effet, il ressort du rapport d'autopsie (qui constitue une preuve valable) et du rapport du 11 février 2011 du Dr I..., réalisé à la demande de l'intimée, que le décès est dû à un état antérieur vasculaire, avec deux facteurs de risques (l'hypertension artérielle et la dislipidémie, ayant provoqué une hypertrophie ventriculaire concentrique et une maladie athéromateuse touchant à la fois les gros vaisseaux et les vaisseaux coronariens), aucun élément ne permettant de retenir un facteur déclenchant favorisant au cours de l'activité professionnelle ; il ne s'agissait pas d'affections banales mais de maladies évolutives arrivées au stade des complications et ayant déjà provoqué une modification de la structure du c œ ur ; le décès n'est donc pas dû à une cause extérieure ;
L'appelante ne peut pas s'appuyer sur le rapport du Dr H... pour prétendre que le décès serait dû à l'effet du stress, car ce rapport évoque une littérature non scientifique ; en l'espèce, ainsi que l'indique le Dr I..., le stress ou le surmenage ne peuvent pas modifier la structure du c œ ur.
Elle sollicite :
La confirmation de la décision de première instance ;
La condamnation de Madame Z... à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
La condamnation de l'appelante aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP d'avoués.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le caractère accidentel du décès :
Les parties s'accordent pour dire que le contrat de groupe souscrit par FRAM couvrait le risque d'accident, défini comme « un dommage corporel provenant de l'action soudaine, imprévisible et exclusive d'une cause extérieure » (cf. notice). Il appartient donc à Madame Z..., qui réclame l'application de cette garantie, d'apporter la preuve que le décès de son époux a été de manière soudaine, imprévisible et exclusive, provoqué par une cause extérieure constituée par le stress, le surmenage et la fatigue professionnels.
La définition contractuelle est différente de la définition large de l'accident du travail de l'article L. 411-1 du Code de la Sécurité Sociale comme « l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail » ; en effet, la législation sociale instaure une présomption d'imputabilité du décès au travail, qui ne peut être renversée que si l'employeur ou la CPAM fait la preuve de ce que le décès résulte d'une cause totalement étrangère au travail. Le fait que le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale ait, dans un litige opposant Madame Z... à la CPAM de la Haute-Garonne, considéré comme accident du travail le décès, ne lie pas la Cour d'Appel se prononçant sur l'application du contrat d'assurance entre Madame Z... et GÉNÉRALI VIE. Les parties versent aux débats les pièces médicales suivantes :

- le certificat initial du 29 janvier 2003 du Dr D... du dispensaire d'ORLY, qui a tenté une réanimation et constaté le décès par « arrêt cardio-respiratoire précédé de crise convulsive » ;- le rapport d'autopsie du 11 avril 2003 des Drs A... et L..., relevant un état antérieur vasculaire sous la forme d'une maladie athéromateuse touchant à la fois les gros vaisseaux et les vaisseaux coronariens et une cardiopathie hypertrophique ; il note deux facteurs de risques cardio-vasculaires : l'hypertension artérielle et la dyslipidémie, pouvant provoquer le décès ;- le rapport d'expertise anatomo-pathologique du c œ ur prélevé sur le corps, du 10 décembre 2003, du Dr E..., relevant une hypertrophie myocardique, une pathologie coronarienne et des remaniements pouvant être en rapport avec une surcharge pondérale ;- le rapport du 4 février 2011 du Dr H..., mandaté par Madame Z..., rappelant que, dans 80 % des cas, les arrêts cardiaques ont une cause qui peut être une cardiomyopathie déclenchée le plus souvent par le stress, l'asthénie, le surmenage professionnel, et estimant qu'en l'espèce, l'arrêt cardio-vasculaire était dû à un trouble du rythme cardiaque provoqué par le stress, la fatigue et la cardiomyopathie ;- le rapport du 11 février 2011 du Dr I..., mandaté par GÉNÉRALI, concluant que le décès ne peut pas être rattaché de façon exclusive à une cause extérieure mais doit être rattaché de façon exclusive à une cause interne constituée par l'association d'une maladie athéromateuse touchant à la fois les gros vaisseaux et les vaisseaux coronariens.

Force est de constater qu'avant son décès, M Z... présentait deux facteurs de risques cardio-vasculaires (l'hypertension artérielle et la dislipidémie) ayant d'ores et déjà provoqué des dégâts physiologiques, et ce, malgré les traitements médicamenteux (dépôts dans les artères) ; il était bien atteint d'une cardiopathie qui est incontestablement interne à la personne de l'intéressé.
Il n'est pas sérieusement contestable qu'au jour de son décès, M Z... était, depuis plusieurs mois, stressé à cause de son travail, comme en témoignent les attestations versées aux débats. Néanmoins, quand bien même le stress aurait été l'élément déclenchant de l'arrêt cardiaque, il convient de relever que :
- le stress reste un élément variable selon les individus : à conditions de travail égales, certaines personnes ne sont pas stressées alors que d'autres le sont ; le stress ne peut pas en soi être considéré comme une cause extérieure à la personne ;
- chez M Z..., le stress était chronique ; le jour du décès, survenu le 29 janvier 2003 dans l'après-midi, alors qu'il faisait la queue au comptoir d'enregistrement, il n'avait pas été soumis à des événements particulièrement stressants ni n'avait subi de choc émotionnel provoqué par le travail : les altercations avec Madame G... remontaient à la veille et à l'avant-veille ; il était à PARIS depuis la veille, avait retrouvé M J... le matin, rendu visite au réseau BOUTIQUES FRAM le matin, déjeuné avec M J..., assisté l'après-midi avec M. K... au début d'une réunion à LA SORBONNE, qu'il avait quittée avant la fin pour aller à ORLY, cherchant d'abord un taxi en vain puis prenant le métro ; le 29 janvier 2003, il n'y avait donc pas eu d'événement soudain provoquant un pic de stress professionnel ;
Ce stress aurait eu des effets sur une personne présentant déjà une cardiopathie ; il n'aurait donc pas été la cause exclusive de la crise cardiaque, mais une cause parmi d'autres, et ce serait l'association de ces diverses causes qui aurait provoqué le décès ; même le Dr H... retient trois causes à l'arrêt cardiaque : le stress, la fatigue et la cardiomyopathie.
La littérature médicale produite par l'appelante, sur la relation entre le stress et la mort subite, reste générale et ne suffit pas à établir que, dans le cas de son époux, le stress a été l'unique cause du décès, alors qu'il est incontestable qu'il avait des facteurs de risques cardio-vasculaires.
Il convient donc de considérer que le décès de M Z... n'est pas accidentel au sens du contrat d'assurance et de confirmer le jugement du 2 novembre 2009 ayant débouté sa veuve de sa demande de capital-décès accident, et par suite de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive.
Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :
La condamnation en première instance au titre des dépens de Madame Z..., qui succombe au principal et est déboutée de sa demande au titre de l'article 700, sera confirmée, de même que le rejet de la demande de GÉNÉRALI VIE fondée sur l'article 700 ; l'appelante supportera aussi les dépens d'appel. L'équité commande de ne pas accorder à GÉNÉRALI VIE une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du 2 novembre 2009 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Condamne Madame Z... aux dépens d'appel.
Autorise les avoués de la cause à recouvrer directement les dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu de provision conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le greffier, Le président,.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 2eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 09/05977
Date de la décision : 20/04/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

ASSURANCE (règles générales)

Le contrat d¿assurance définissant l¿accident comme ¿un dommage corporel, provenant de l¿action soudaine, imprévisible et exclusive d¿une cause extérieure¿, ne permet pas de couvrir le décès par arrêt cardiaque dont le stress n¿était pas la cause exclusive, l¿assuré présentant avant son décès deux facteurs de risques cardio-vasculaires et étant atteint d¿une cardiopathie interne à sa personne.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2011-04-20;09.05977 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award