LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sankyo company, aux droits de laquelle se trouve la société Daiichi Sankyo company (la société Daiichi), est titulaire d'un certificat complémentaire de protection (CCP) n° 92C0224 délivré le 19 mai 1992 pour une durée expirant le 10 août 2006 et rattaché au brevet français n° 80 11190 ; que par décision du 26 janvier 2005, publiée au Bulletin officiel de la propriété industrielle le 25 mars suivant, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a constaté la déchéance de ce CCP pour défaut de paiement de la quatrième annuité ; que la requête en annulation de cette décision, formée le 28 juin 2006, par la société Daiichi ayant été rejetée le 3 juillet 2006 par le directeur général de l'INPI, comme tardive, cette société a formé un recours devant la cour d'appel qui, par arrêt du 14 mars 2007, a annulé les deux décisions du directeur général de l'INPI ; que la société Biogaran a formé tierce opposition à l'encontre de cet arrêt ;
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches :
Attendu que la société Biogaran fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses conclusions au fond, la société Biogaran faisait valoir qu'était irrecevable le moyen de la société Daiichi tiré d'une notification irrégulière de la décision de l'INPI du 26 janvier 2005, dès lors que ce moyen avait été soulevé pour la première fois devant la cour d'appel de Paris lors d'un recours en annulation dépourvu d'effet dévolutif ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant de nature à établir le bien fondé de la tierce opposition de la société Biogaran à l'encontre de l'arrêt du 14 mars 2007 prononcé par la cour d'appel de Paris à l'occasion du recours en annulation dirigé contre deux décisions de l'INPI, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le délai de recours judiciaire contre une décision du directeur général de l'INPI constatant la déchéance des droits du titulaire d'un certificat complémentaire de protection (CCP) court à compter de la date de publication de cette décision au BOPI, et non à compter de la date de notification de cette décision ; qu'en retenant en l'espèce que la « notification » de la décision du directeur de l'INPI du 26 janvier 2005 constatant la déchéance des droits de la société Daiichi était irrégulière, pour décider que le recours en annulation formé par la société Daiichi devant la cour d'appel de Paris n'avait pas été tardif et débouter la société Biogaran de sa tierce opposition, quand cette décision avait fait l'objet d'une mesure de « publication » régulière au BOPI, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé les articles L. 613-22 et R. 411-20 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 11 décembre 2008 ;
3°/ qu'en cas de notification irrégulière d'une décision du directeur général de l'INPI constatant la déchéance des droits du titulaire d'un certificat complémentaire de protection (CCP), une publication régulière au BOPI de cette même décision suffit à faire courir le délai de recours judiciaire susceptible d'être formé devant la cour d'appel territorialement compétente ; qu'en retenant en l'espèce que la « notification » de la décision du directeur de l'INPI du 26 janvier 2005 constatant la déchéance des droits de la société Daiichi était irrégulière, pour décider que le recours en annulation formé par la société Daiichi devant la cour d'appel de Paris n'avait pas été tardif et débouter la société Biogaran de sa tierce opposition, quand cette décision avait fait l'objet d'une mesure de « publication » régulière au BOPI, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé les articles L. 613-22 et R. 411-20 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 11 décembre 2008 ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu que la cour d'appel, qui devait dans son précédent arrêt apprécier la validité de deux décisions du directeur général de l'INPI, ne s'est pas substituée à celui-ci en les annulant, la cour d'appel a ainsi répondu au moyen invoqué par la première branche ;
Et attendu, en second lieu, que la décision du directeur général de l'INPI constatant la déchéance des droits sur un CCP doit être notifiée à son titulaire ou à son mandataire qui dispose, à compter de cette notification, d'un certain délai pour former un recours et que la publication de cette décision au Bulletin officiel de la propriété industrielle a pour seul effet de la rendre opposable aux tiers ; qu'ayant retenu que la notification de la décision du directeur général de l'INPI du 26 janvier 2005 au cabinet A..., conseil en propriété industrielle, était irrégulière, la cour d'appel en a exactement déduit, peu important à cet égard que la décision litigieuse eût fait l'objet d'une publication, que le délai de recours contentieux n'avait pas commencé à courir et que le recours en annulation de cette décision était recevable ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu les articles R. 612-2 et R. 618-1 du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction applicable aux faits de la cause ;
Attendu que pour dire que la notification de la décision du 26 janvier 2005 adressée au cabinet A... était irrégulière, l'arrêt retient que le mandat confié à ce cabinet était limité à la seule procédure de dépôt d'une demande de CCP et que la quatrième redevance ainsi que les redevances postérieures ont été payées par un autre cabinet ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans constater que la société de droit japonais Daiichi avait informé l'INPI de ce qu'elle constituait comme mandataire le cabinet Weinstein pour recevoir toute notification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les sociétés Daiichi Sankyo company et Teva santé aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Biogaran.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la tierce opposition formée par la société Biogaran non fondée, d'avoir dit n'y avoir lieu à rétracter à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 mars 2007 et d'avoir débouté la société Biogaran de toutes ses prétentions ;
AUX MOTIFS QUE la cour, saisie par le recours formé par la société Daiichi Sankyo du 18 juillet 2006, était tenue de statuer, d'une part, sur la validité de la décision du 26 janvier 2005 constatant la déchéance, d'autre part, sur la validité de la décision du 3 juillet 2006 déclarant irrecevable comme tardive la requête en annulation de cette précédente décision ; que la lecture du dispositif de l'arrêt confirme que la cour ne s'est nullement substituée au directeur général de l'INPI, mais s'est au contraire limitée à l'annulation des deux décisions objet du recours qui lui était soumis ; que les arguments de la société Teva Santé comme les observations du directeur général de l'INPI ne font que reprendre les moyens développés à l'appui de leurs pourvois contre l'arrêt du 14 mars 2007, rejetés par la cour de cassation du 1er juillet 2008 ; qu'il est établi par les pièces versées au débat les explications des parties que le mandat confié, le 7 février 1992, par la société Daiichi Sankyo au cabinet A... était limité à la seule procédure de dépôt d'une demande de CCP puisqu'il y était expressément mentionné en conséquence de ce dépôt de verser les taxes exigibles, signer et déposer toutes pièces, élire domicile, substituer, lever l'expédition dudit certificat, en donner décharge, et généralement remplir toutes les formalités légales et administratives pour son exécution et qu'il s'infère des termes de ce mandat que la société Daiichi Sankyo avait clairement manifesté sa volonté de limiter les termes du mandat au seul dépôt du CCP, d'où il résulte que la notification à ce cabinet de la décision constatant la déchéance pour non paiement de la 4ème redevance, alors que cette redevance et les redevances postérieures avaient été payées par un autre cabinet, n'a pu avoir pour effet de faire courir les délais de recours ; qu'il suit de là que la tierce opposition n'est pas fondée et doit être rejetée ;
1°) ALORS QUE dans ses conclusions au fond, la société Biogaran faisait valoir qu'était irrecevable le moyen de la société Daiichi tiré d'une notification irrégulière de la décision de l'INPI du 26 janvier 2005, dès lors que ce moyen avait été soulevé pour la première fois devant la cour d'appel de Paris lors d'un recours en annulation dépourvu d'effet dévolutif ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant de nature à établir le bien fondé la tierce opposition de la société Biogaran à l'encontre de l'arrêt du 14 mars 2007 prononcé par la cour d'appel de Paris à l'occasion du recours en annulation dirigé contre deux décisions de l'INPI, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le délai de recours judiciaire contre une décision du directeur général de l'INPI constatant la déchéance des droits du titulaire d'un certificat complémentaire de protection (CCP) court à compter de la date de publication de cette décision au BOPI, et non à compter de la date de notification de cette décision ; qu'en retenant en l'espèce que la « notification » de la décision du directeur de l'INPI du 26 janvier 2005 constatant la déchéance des droits société Daiichi était irrégulière, pour décider que le recours en annulation formé par la société Daiichi devant la cour d'appel de Paris n'avait pas été tardif et débouter la société Biogaran de sa tierce opposition, quand cette décision avait fait l'objet d'une mesure de « publication » régulière au BOPI, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé les articles L. 613-22 et R. 411-20 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 11 décembre 2008 ;
3°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QU'en cas de notification irrégulière d'une décision du directeur général de l'INPI constatant la déchéance des droits du titulaire d'un certificat complémentaire de protection (CCP), une publication régulière au BOPI de cette même décision suffit à faire courir le délai de recours judiciaire susceptible d'être formé devant la cour d'appel territorialement compétente ; qu'en retenant en l'espèce que la « notification » de la décision du directeur de l'INPI du 26 janvier 2005 constatant la déchéance des droits de la société Daiichi était irrégulière, pour décider que le recours en annulation formé par la société Daiichi devant la cour d'appel de Paris n'avait pas été tardif et débouter la société Biogaran de sa tierce opposition, quand cette décision avait fait l'objet d'une mesure de « publication » régulière au BOPI, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé les articles L. 613-22 et R. 411-20 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 11 décembre 2008 ;
4°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE la notification d'une décision de l'INPI est régulière si elle est adressée au dernier mandataire du titulaire des droits affectés par cette décision, connu de l'INPI ; qu'en retenant en l'espèce, pour dire que notification de la décision de l'INPI du 26 janvier 2005 adressée au cabinet A... était irrégulière et débouter la société Biogaran de ses prétentions, que le mandat confié par la société Daiichi au cabinet A... était limité au seul dépôt du CCP, quand le cabinet A... était le dernier et seul mandataire de la société Daiichi, connu de l'INPI, le fait que des échéances annuelles aient pu être payées par une autre personne étant à cet égard indifférent en l'absence d'information spécifique de l'INPI concernant la qualité de cette personne, la cour d'appel a violé l'article R. 618-1 du code de la propriété intellectuelle.