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19/06/2013 | FRANCE | N°11-22269

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 juin 2013, 11-22269


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. B..., X... et Y..., marins-pêcheurs, étaient régulièrement embarqués sur le chalutier " Tournevire II ", appartenant à M. Z..., patron-pêcheur, respectivement depuis 1999, janvier 2007 et mars 2008 ; qu'en 2009, M. Z... est entré en pourparlers avec M. A... pour la vente de son navire ; qu'un compromis a été signé le 26 septembre 2009, prévoyant la réitération au plus tard le 15 novembre 2009 ; que le 13 octobre 2009, M. Z... a proposé à ses salariés une rupture conv

entionnelle de leur contrat de travail, proposition qui a été refusée ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. B..., X... et Y..., marins-pêcheurs, étaient régulièrement embarqués sur le chalutier " Tournevire II ", appartenant à M. Z..., patron-pêcheur, respectivement depuis 1999, janvier 2007 et mars 2008 ; qu'en 2009, M. Z... est entré en pourparlers avec M. A... pour la vente de son navire ; qu'un compromis a été signé le 26 septembre 2009, prévoyant la réitération au plus tard le 15 novembre 2009 ; que le 13 octobre 2009, M. Z... a proposé à ses salariés une rupture conventionnelle de leur contrat de travail, proposition qui a été refusée le 19 octobre 2009 ; que le 20 octobre 2009, M. Z... a été victime d'un accident du travail entraînant un arrêt de travail ; que par lettre du 27 octobre 2009, il a informé ses salariés de son indisponibilité et de l'impossibilité de faire sortir le bateau jusqu'au 20 novembre 2009, « sous réserve d'une éventuelle prolongation » ; que soutenant qu'ils n'avaient pas perçu l'intégralité de la rémunération à laquelle ils avaient droit, les trois marins ont, le 3 novembre 2009, saisi l'administrateur des affaires maritimes en vue de la tentative préalable de conciliation prévue par l'article 2 du décret du 20 novembre 1959 ; qu'un procès-verbal de non-conciliation est intervenu le 24 novembre 2009 ; que le 5 novembre 2009, les marins ont sollicité une saisie conservatoire du navire, laquelle a été autorisée par un juge de l'exécution le 9 novembre 2009 ; que le 19 novembre 2009, M. Z... a avisé ses salariés de la prolongation de son arrêt de travail ; que par lettre du 11 décembre 2009, il les a informés de sa décision d'engager M. A... pour assumer les fonctions de capitaine et leur a demandé de se présenter à l'embarquement le 15 décembre 2009 à 14 heures ; que les marins ont pris acte de la rupture du contrat de travail par lettres des 14 et 15 décembre 2009 et saisi un tribunal d'instance pour obtenir paiement de diverses sommes ;
Sur les premier et second moyens du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais, sur le premier moyen du pourvoi principal des marins, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 3171-4 du code du travail et 33, alinéa 2, du code du travail maritime ;
Attendu que pour débouter les marins de leurs demandes de rappels de salaire au titre des années 2008 et 2009 et de congés payés afférents, l'arrêt retient que ceux-ci ne peuvent prétendre bénéficier dans le même temps de la rémunération « à la part de pêche » et des dispositions du droit commun qui imposent à celui qui se prétend créancier de salaires de fournir au juge des éléments de nature au moins à faire présumer qu'il a effectivement travaillé en contrepartie de la rémunération qu'il réclame ; qu'il n'est ni allégué, ni démontré par les marins qu'ils auraient perçu une rémunération inférieure au SMIC terrestre brut pour une durée de travail correspondant au travail effectivement accompli ;
Qu'en statuant ainsi, en faisant peser la preuve des heures de travail exécutées sur les seuls marins, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal des marins, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter les marins de leurs demandes de rappels de salaire au titre des années 2008 et 2009 et de congés payés afférents, l'arrêt retient que ceux-ci ne peuvent prétendre bénéficier dans le même temps de la rémunération « à la part de pêche » et des dispositions du droit commun qui imposent à celui qui se prétend créancier de salaires de fournir au juge des éléments de nature au moins à faire présumer qu'il a effectivement travaillé en contrepartie de la rémunération qu'il réclame ; qu'il n'est ni allégué, ni démontré par les marins qu'ils auraient perçu une rémunération inférieure au SMIC terrestre brut pour une durée de travail correspondant au travail effectivement accompli à l'occasion des périodes ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher le montant de la rémunération contractuelle des marins, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le premier moyen du pourvoi principal des marins, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1148 du code civil ;
Attendu que pour débouter les marins de leurs demandes de rappels de salaire au titre de la période du 20 octobre au 15 décembre 2009, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. Z... n'était pas en mesure, à compter du 20 octobre 2009, pour motif médical, de prendre le commandement de son bateau, ce dont il a informé les marins, qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir pu trouver immédiatement, et en tout cas avant le 9 novembre 2009, une solution à son remplacement pour piloter le navire ; que l'immobilisation du bateau à compter du 9 novembre 2009 est due à la procédure de saisie conservatoire initiée par les requérants ; que par décision du 17 décembre 2009, la direction régionale des affaires maritimes a, en application de l'ordonnance du juge de l'exécution, informé M. Z... que son navire n'était pas autorisé à prendre la mer ; que cette circonstance, totalement indépendante de la volonté ce dernier, et qui lui a été imposée, ne peut être retenue à son encontre ; que la saisie du bateau et l'interdiction émise par la direction régionale des affaires maritimes ont constitué un obstacle matériel insurmontable, qui a mis l'employeur dans l'impossibilité d'embarquer les marins ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir le caractère irrésistible et imprévisible des événements ayant pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le premier moyen, du chef de la demande de rappels de salaire, entraîne la cassation par voie de conséquence du chef des demandes au titre de la prise d'acte de la rupture ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du premier moyen du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute les marins de leur demande en paiement de rappels de salaires et congés payés afférents au titre des années 2008 et 2009 et au titre de la prise d'acte de la rupture, l'arrêt rendu le 8 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z... à payer à MM. B..., X... et Y... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour MM. B..., X... et Y..., demandeurs au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les salariés de leurs demandes en paiement de rappels de salaire dus par M. Z... au titre des années 2008 et 2009 et de congés payés afférents, dont ceux pour la période du 20 octobre 2009, date de leur débarquement au 15 décembre 2009, date de la prise d'acte de rupture de leur contrat ;
AUX MOTIFS QU'en application des dispositions combinées des articles 33 du code du travail maritime et 15 de l'« accord national pêche artisanale » du 28 mars 2001, la mise en oeuvre de la rémunération « à part » est conditionnée par la signature d'un « contrat d'engagement maritime aux termes duquel la rémunération du marin consiste, en tout ou partie, en une part sur le produit des ventes ou sur d'autres éléments du chiffre d'affaires à définir. Le contrat d'engagement maritime doit mentionner de façon expresse les « frais communs », c'est à dire les charges et dépenses à déduire du produit brut, ou des autres éléments pris en compte pour former le produit net ou « net à partager » …/ … » ; (...…) que pour autant, en l'absence de signature de contrat écrit, l'employeur ne peut utilement s'en prévaloir devant les juridictions et c'est à juste titre que le premier juge a considéré que les contrats des appelants étaient à durée indéterminée et que le contrôle du mode de calcul et du montant de la rémunération devait se faire selon le droit commun, sans référence à la « part de pêche » ; que la rémunération étant la contrepartie du travail fourni, les appelants ne peuvent, en l'absence de toute contestation sur la durée du travail effectivement accompli, se contenter d'arguer d'une différence de leur rémunération annuelle d'une année sur l'autre pour en déduire que l'employeur a, de façon unilatérale, modifié un élément de leur contrat de travail ; que les intéressés ne peuvent en effet prétendre bénéficier dans le même temps de la rémunération « à la part de pêche » et des dispositions du droit commun qui imposent à celui qui se prétend créancier de salaires de fournir au juge des éléments de nature à faire au moins présumer qu'il a effectivement travaillé en contrepartie de la rémunération qu'il réclame ; qu'à cet égard, le premier juge note avec pertinence qu'il n'est ni allégué ni démontré par les appelants qu'ils auraient perçu une rémunération inférieure au SMIC terrestre brut pour une durée de travail correspondant au travail effectivement accompli à l'occasion des périodes d'embarquement ;

ET QUE le premier juge a, par des motifs que la cour adopte, exactement relevé que les marins n'ayant pas travaillé du 20 octobre au 15 décembre 2009 pour des raisons qui n'étaient pas imputables à l'employeur, aucune rémunération ne leur était dû à ce titre ;
Et aux motifs adoptés du jugement que le salaire est la rémunération que l'employeur doit verser au salarié en contrepartie du travail fourni ; qu'en l'espèce, il est constant que les marins n'ont pas travaillé sur la période du 20 octobre au 14 et 15 décembre 2009 pour des motifs qui ne sont pas imputables à l'employeur ; que les requérants qui font grief à M. Z... de n'avoir versé aucun salaire durant cette période, n'indiquent pas sur quel fondement l'absence de rémunération constituerait un manquement fautif de l'employeur à ses obligations contractuelles ; qu'en effet, l'article 35 du code du travail maritime prévoit que « le marin payé au mois est rétribué en proportion de la durée effective de ses services » ; que même dans l'hypothèse d'une rémunération à la part, l'accord national de pêche artisanale du 28 mars 2001 ainsi que l'avenant n° 2 du 28 juin 2007, prévoient que les marins rémunérés à la part doivent recevoir au minimum une rémunération annuelle brute équivalente à un SMIC terrestre brut pour une durée annuelle correspondant au seuil de jours de mer ; qu'il n'est pas soutenu ni allégué que les marins aient perçu une rémunération inférieure au SMIC terrestre brut pour une durée annuelle correspondant au seuil des jours de mer ; qu'au surplus, il est permis de s'interroger sur la disponibilité des marins vis-à-vis de l'employeur sur la période considérée, puisque lorsque M. Z... leur a demandé par courrier du 11 décembre 2009 de rejoindre le bateau le 15 décembre, ils ne se sont pas présentés (comme en atteste le constat d'huissier relatant l'absence de tout personnel à bord à cette date) et ont répliqué par les courriers de la prise d'acte de la rupture ; que dès lors il n'est pas démontré que l'absence de rémunération pendant la période non travaillée du 20 octobre 2009 au 14 et 15 décembre 2009, constitue un manquement de l'employeur à ses obligations ;

1°- ALORS D'UNE PART QU'en cas de litige sur la rémunération du marin, il incombe à l'employeur de communiquer au juge le détail du calcul de la rémunération avec les pièces justificatives et de justifier du temps de travail accompli ; qu'en reprochant aux marins exposants de ne pas avoir fourni au juge des éléments de nature à faire au moins présumer qu'ils avaient effectivement travaillé en contrepartie de la rémunération qu'ils réclament, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 1315 du code civil, L. 3171-4 du code du travail et 33 alinéa 2 du code du travail maritime ;
2°- ALORS de plus que le salarié a droit au maintien du niveau de rémunération que lui a accordée son employeur ; qu'une baisse de celle-ci s'apprécie au regard de celle qu'il percevait antérieurement et non au regard du SMIC ; qu'en l'espèce, les exposants ont fait valoir qu'ils avaient subi une baisse significative de leur rémunération au cours des années 2007 à 2009, qu'ainsi M. B... qui avait perçu la somme de 64 216 € en 2007, n'avait perçu que 39 946 € pour l'année 2008 et 18 773 € pour l'année 2009 ; que M. X... qui avait perçu 64 075 € en 2007 n'avait perçu que 43 145 € en 2008 et 16 431 € en 2009 ; que M. Y... qui avait perçu 33 760 € en 2008 n'avait perçu que 10 657 € en 2009 ; qu'en rejetant la demande des salariés au motif inopérant qu'ils n'ont pas démontré avoir perçu une rémunération inférieure au SMIC terrestre brut pour une durée de travail correspondant au travail effectivement accompli à l'occasion des périodes d'embarquement, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3°- ALORS en outre qu'ayant constaté que la rémunération à « la part » n'était pas applicable aux salariés faute de signature d'un contrat d'engagement maritime, que seules devaient l'être les dispositions du droit commun, il appartenait au juge saisi du litige sur le montant de la rémunération due aux salariés de fixer cette rémunération conformément à ces règles à partir des éléments non contestés versés au débat par les exposants et de s'expliquer sur la baisse de la rémunération qu'ils ont subie au cours des années 2007 à 2009 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu son office et a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
4°- ALORS D'AUTRE PART QUE, sauf cas de force majeure caractérisée par la survenance d'un événement extérieur irrésistible, l'employeur a l'obligation de payer les salaires au titre des périodes pendant lesquelles il n'a pas fourni de travail au salarié qui est resté à sa disposition, et ce jusqu'à la rupture du contrat ; qu'en déboutant les salariés de leur demande en paiement de leur rémunération du 20 octobre 2009, date de leur débarquement au 15 décembre 2009, date de la prise d'acte de rupture de leur contrat au motif inopérant que les marins n'avaient pas travaillé du 20 octobre au 15 décembre 2009 « pour des raisons qui n'étaient pas imputables à l'employeur », sans constater l'existence d'une force majeure ou que les marins ne sont pas restés à la disposition de leur employeur au cours de cette période, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 3211-1 et L. 3242-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture des contrats de travail par les exposants produit les effets d'une démission et de les avoir déboutés de leurs demandes en paiement de sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité de préavis et de congés payés afférents ;
AUX MOTIFS tels que visés au premier moyen
Et aux motifs que sur le débarquement inopiné sans rémunération, les pièces communiquées démontrent que le bateau n'est plus sorti en mer à compter du 20 octobre 2009 tout d'abord en raison de l'accident du travail dont M. Z... a été victime la veille, puis de la saisie du navire à l'initiative des marins à partir du 9 novembre 2009 ; qu'il résulte par ailleurs des pièces communiquées que les marins étaient au courant de l'arrêt de travail de leur capitaine dès le 21 octobre 2009, date à laquelle M. Y... avait un entretien avec lui sur l'organisation de ses congés ; que comme l'indique avec pertinence le premier juge, l'arrêt médicalement constaté du capitaine du navire et l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de pourvoir à son remplacement au moins avant le 9 novembre 2009 excluent que l'immobilisation du navire entre le 20 octobre et le 9 novembre constitue un manquement suffisamment grave pour justifier la rupture des contrats de travail des marins embarqués ; que quant à la situation postérieure au 9 novembre 2009, elle découle nécessairement de la saisie du navire, le directeur régional des affaires maritimes de Marseille confirmant l'interdiction de reprendre la mer par décision du 17 décembre 2009, étant précisé que la mainlevée de la saisie n'a été obtenue que le 11 janvier 2010 à la demande de l'intimé, soit postérieurement aux prises d'acte de rupture des contrats de travail ; que du reste, la proposition faite par l'intimé aux appelants de reprendre la mer sous le commandement de M. A... embauché comme capitaine à cette fin s'est heurté à une fin de non-recevoir en raison des effets de la saisie du navire ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que le fait que les appelants n'aient pu travailler entre le 20 octobre 2009 et le 14 décembre 2009 ne pouvait constituer un motif de rupture imputable à l'employeur ;
Et aux motifs adoptés que la saisie du bateau et l'interdiction émise par la direction régionale des affaires maritimes ont constitué un obstacle matériel insurmontable, qui a mis l'employeur dans l'impossibilité d'embarquer les cinq marins ;
Et que sur les bulletins de paie, M. Z... s'oppose à l'établissement des bulletins de paie demandés au motif qu'il « vient de se voir indiquer par son comptable que la saisie de bulletins de paie sur la période demandée par les marins devrait être faite en cohérence avec les revenus déclarés par les marins », ce qui démontre à tout le moins une approche singulière des obligations qu'il tient du code du travail et que nul ne lui demande d'être vertueux pour quatre et il lui appartient de s'en tenir aux rémunérations versées par ses soins, chacun des appelants étant responsable vis-à-vis du fisc de ses propres déclarations de revenus ;
Et que sur les congés payés, M. Z... se contente de produire sa volumineuse comptabilité, sans aucune analyse de celle-ci, sans aucun récapitulatif des jours de congés effectivement pris, ni justificatif des modalités de paiement des congés, ni aucun bulletin de paie indiquant les dates de ces congés ; que l'employeur ne démontre pas que les marins ont été remplis de leurs droits aux titre des congés payés ; qu'en conséquence il sera fait droit aux demandes des requérants au titre de l'indemnité de congés payés ;
Et que sur les jours non pêchés mais travaillés, que ce nombre de jours non pêchés, de même que leur caractère de jours effectivement travaillés, n'est pas contesté dans son principe par l'employeur ; … ; qu'il a été rappelé que faute de signature de contrats d'engagements écrits, les contrats des cinq marins sont des contrats à durée indéterminée sans qu'il soit possible de considérer que s'applique une rémunération « à la part » ; que dès lors les dispositions spécifiques de la rémunération à la part invoquées par l'employeur ne peuvent trouver application ; qu'en conséquence, il sera fait droit aux demandes des requérants au titre des jours non pêchés mais travaillés, évalués à partir de leur salaire forfaitaire par jour ;
1° ALORS QUE la baisse unilatérale de la rémunération ou le non-paiement des salaires constitue un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles lui rendant imputable la rupture ; qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur l'une des branches du premier moyen de cassation du chef des demandes en paiement de rappel de salaires liés à la baisse unilatérale de la rémunération au cours des années 2008 et 2009 ou du chef des demandes en paiement de la rémunération des marins à compter du 20 octobre 2009 au 15 décembre 2009, emportera la cassation par voie de conséquence des chefs du dispositif relatif à la rupture du contrat de travail ;
2°- ALORS en outre qu'en se bornant à relever l'existence de la saisie du chalutier qui l'a empêché d'effectuer toute sortie en mer à compter du 9 novembre 2009 pour en déduire qu'aucun manquement n'était imputable à M. Z..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette circonstance n'était pas due à la propre faute de l'employeur qui avait l'intention de vendre son bateau et n'avait pas payé les salaires dus aux exposants, ce qui les avait contraints à faire procéder à une saisie conservatoire de ce navire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
3°- ALORS QUE la non remise de bulletins de salaire pendant toute la durée de la relation salariale constitue un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles lui rendant imputable la rupture du contrat de travail ; qu'en l'espèce, au soutien de leur prise d'acte de rupture, les salariés ont fait grief à leur employeur de ne pas leur avoir remis de bulletins de salaire ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué lui-même que M. Z..., patron pêcheur, a délibérément refusé d'établir des bulletins de salaire correspondant aux rémunérations qu'il avait versées aux exposants et a été condamné à remettre les bulletins de salaire à M. B... de janvier 2005 à octobre 2009, à M. X... de janvier 2007 à octobre 2009 et à M. Y... de mars 2008 à octobre 2009 ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si cette faute de l'employeur nécessairement préjudiciable aux salariés ne lui rendait pas imputable la rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, 31 du code du travail maritime, 1 à 3 du décret n° 2006-214 du 22 février 2006 et L. 1231-1 du Code du travail ;
4°- ALORS en outre qu'ayant condamné M. Z... à payer aux salariés des indemnités de congés payés qu'il ne leur avait jamais versées ainsi que des rappels de salaire pour des jours non pêchés mais travaillés, ce dont il ressort que M. Z... avait gravement manqué à ses obligations contractuelles et en décidant cependant que la prise d'acte de rupture des contrats aux torts de l'employeur produit les effets d'une démission, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. Z..., demandeur au pourvoi incident
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit l'acte d'appel recevable ;
AUX MOTIFS QU'« il résulte des dispositions combinées des articles L5541-1, L5542-48 du code des transports et R 221-13 du COJ que le code du travail est applicable aux marins salariés des entreprises d'armement maritime ainsi qu'à leurs employeurs sous réserve des dispositions particulières prévues par le titre V du code des transports et que le différent qui peut s'élever, à l'occasion des périodes d'embarquement, entre l'employeur et les marins est porté devant le tribunal d'instance ; sauf en ce qui concerne le capitaine, cette instance est précédée d'une tentative de conciliation devant l'autorité compétente de l'État ; en application des articles R1451-3 et R 1461-2 du code du travail, lorsque le tribunal d'instance est appelé à statuer en cette matière les demandes sont formées, instruites et jugées comme en matière prud'homale ; ce dont il se déduit notamment que l'appel doit être fait devant la chambre sociale de la cour d'appel selon la procédure sans représentation obligatoire ; il est constant que l'appel a été formalisé en stricte conformité avec les indications figurant dans la lettre de notification de la décision déférée au " greffe de la cour d'appel " de Montpellier le 22 juin 2010, par un avoué à la cour qui fait partie des personnes à même de représenter une partie devant la chambre sociale de la cour d'appel en application de l'article 931 du code de procédure civil ; il est tout aussi constant que l'acte d'appel a été transféré sans délai au greffe de la chambre sociale devant qui la procédure sans représentation obligatoire a été suivie. L'appel est donc recevable » ;
ALORS, d'une part, QUE lorsque le tribunal d'instance est appelé à statuer, en matière prud'homale, sur un litige qui s'élève, en ce qui concerne les contrats d'engagement régis par le Code de travail maritime, entre les armateurs ou leurs représentants et les marins, à l'exception des capitaines, il est procédé, en cas de recours, comme en matière prud'homale et l'appel est porté devant la Chambre sociale de la cour d'appel ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui a jugé l'appel recevable, après avoir pourtant constaté qu'il avait été formé au greffe de la cour d'appel de Montpellier par un avoué à la cour dans les formes prévues en matière de représentation obligatoire, ce dont il résultait qu'il avait été interjeté en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 1461-2 du code du travail pour ne pas avoir été déposé au greffe de la Chambre sociale de la cour d'appel, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles R. 221-3 du code de l'organisation judiciaire, R. 1451-3, R. 1461-1 et R. 1461-2 du Code du travail ;
ALORS, d'autre, QUE n'est pas recevable, l'appel qui n'est pas interjeté dans les formes prescrites en matière de procédure sans représentation obligatoire ; qu'en matière prud'homale, l'appel est formé par une déclaration que la partie adresse ou tout mandataire fait ou adresse par lettre recommandée au greffe de la cour ; qu'en l'espèce, en ne déclarant pas l'appel irrecevable après avoir pourtant constaté qu'il avait été déposé par un avoué au greffe de la cour d'appel de Montpellier dans les formes prévues en matière de représentation obligatoire, ce dont il résultait qu'il avait été interjeté en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 1461-1 du Code du travail qui impose l'envoi par lettre recommandée, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles R. 221-3 du code de l'organisation judiciaire, R. 1451-3, R. 1461-1 et R. 1461-2 du code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur Z... à verser à titre d'indemnité de congés payés les sommes de 16. 907 € pour M. B..., 10. 182 € pour M. X..., 4. 887 € pour M. Y... ;
AUX MOTIFS QUE, Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a fait droit à la demande présentée de ce chef à hauteur de : 16. 907 €pour M. B..., 10. 182 € pour M. X..., 4. 887 € pour M. Y... ; qu'en effet l'intimé renvoie la cour comme le premier juge à l'examen détaillé de sa comptabilité mais ne prend pas la peine d'en extraire le moindre justificatif susceptible de prouver, en application des dispositions de l'article 1315 du code civil, qu'il s'est acquitté des obligations qu'il tient de l'article 92-1 du code du travail maritime ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 92-1 du Code du Travail Maritime prévoit que les marins embarqués pour servir à bord d'un navire ont droit à un congé payé à la charge de l'armateur, calculé à raison de trois jours par mois de service ; que les requérants réclament des sommes au titre des congés payés non réglés depuis 2006 pour Mrs C..., D... et B..., depuis janvier 2007 pour M. X..., et depuis mars 2008 pour M Y..., et versent au soutien de leurs demandes un tableau qui récapitule le montant de leurs droits respectifs à congés payés pour les années concernées, évalué selon une méthode classique, à 10 % de la rémunération annuelle, déduction faite des sommes effectivement payées à ce titre ; que pour s'opposer à ces demandes, les défendeurs font valoir l'absence de réclamation pour les années antérieures à 2009 ; qu'un salarié peut réclamer dans la limite de la prescription, les indemnités de congés payés qui ne lui ont pas été versées pour les congés annuels qu'il a effectivement pris ; que le paiement des indemnités de congés payés est soumis aux règles applicables au paiement des salaires, et que la prescription quinquennale de l'indemnité de congés payés débute à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés auraient dû être pris ; que M. Z... ne démontre pas que les marins n'ont pas pris leurs congés payés sur les années antérieures à 2009, sauf en ce qui concerne M. Brahim C... pour l'année 2008, et qu'il. s'ensuit que les réclamations des autres marins et celles de M. Brahim C... (à l'exception de l'année 2008), sont recevables ; que, sans contester les montants effectivement payés à ce titre, M. Z... se contente de produire sa volumineuse comptabilité, sans aucune analyse de celle-ci, sans aucun récapitulatif des jours de congés effectivement pris, ni justificatif des modalités de paiement des congés, ni aucun bulletin de salaire indiquant les dates de ces congés ; que l'employeur ne démontre pas que les marins ont été remplis de leurs droits au titre des congés payés ; qu'en conséquence, il sera fait droit aux demandes des requérants au titre de l'indemnité de congés payés, et M. Z... sera condamné à payer les sommes de : 14 879 € (19. 821-4. 942 au titre de l'année 2008), au titre de l'indemnité de congés payés depuis 2005 à M. C..., 16. 907 € au titre de l'indemnité de congés payés depuis 2005 à M. B..., 15. 474 € au titre de l'indemnité de congés payés depuis 2005 à M. D..., 10. 182 € au titre de l'indemnité de congés payés depuis 2007 à M. X..., 4. 887 € au titre de l'indemnité de congés payés depuis 2008 à M. Y....
ALORS, d'une part, QUE le salarié qui n'a jamais voulu prendre ses droits à congés et qui a préféré travailler pour son employeur ne peut réclamer des indemnités de congés payés qui viendraient s'ajouter, pour les mêmes périodes de référence, aux salaires qu'il a perçus ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a accueilli la demande des salariés en paiement d'indemnités de congés payés pour les années de référence antérieures à l'année de la rupture du contrat de travail sans avoir vérifié s'ils auraient été empêchés de prendre leurs congés par l'employeur et sans s'assurer de l'absence de cumul des indemnités de congés payés avec le salaire qui leur avait été versé, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3141-3 et L. 3141-13 du Code du travail.
ALORS, d'autre part, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, par motifs adoptés des premiers juges, a retenu que les salariés réclamaient le paiement de leur salaire pour les périodes où ils avaient été en congés, quand il ressortait des conclusions d'appel des salariés qu'ils n'avaient jamais prétendu ne pas avoir été rémunérés lors des périodes de congés pris mais soutenaient uniquement qu'ils avaient droit, par principe, à 10 % de leur salaire annuel au titre des indemnités de congés payés pour chaque année de référence, a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS, en tout état de cause, QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité, et que le juge ne peut écarter les pièces versées aux débats, sans les avoir analysées, même de façon sommaire ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui a refusé d'apprécier le contenu des livres de comptes produits par l'employeur (cf. production n° 5) et sur lesquels apparaissaient, pour chacun des marins concernés, le montant précis des sommes qui avaient été versées au titre des congés payés, a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-22269
Date de la décision : 19/06/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 08 juin 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 jui. 2013, pourvoi n°11-22269


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.22269
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