LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 14 mars 2012), que M. André X..., locataire d'un domaine agricole appartenant à M. Y..., a demandé l'autorisation de céder son bail à son fils ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles L. 331-2, R. 331-4 et R. 331-6 de ce code ;
Attendu que pour autoriser la cession de bail, l'arrêt retient que M. André X... justifie avoir formé les demandes d'autorisation requises et qu'en l'absence de réponse dans le délai prescrit, l'autorisation administrative d'exploiter est réputée accordée ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, à quelle date l'administration avait accusé réception de la demande d'autorisation prétendument accordée tacitement à Mathieu X... et sans constater que le GAEC X... disposait d'une telle autorisation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims, autrement composée ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux X... à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande des époux X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, d'avoir autorisé M. André X... à céder à son fils, Mathieu, le bail à lui consenti, portant sur le corps de ferme et diverses parcelles de terre appartenant à M. Y..., situés sur le territoire des communes de HANNOGNE-SAINT-REMY et SERAINCOURT ;
AUX MOTIFS QU' il n'est pas contesté que lors de la signature du bail à long terme, André X..., outre la superficie louée dans le cadre du renouvellement d'un bail précédemment consenti au époux Z..., exploitait 222 ha ; que les bailleurs savaient que ces terres étaient mises à la disposition de la SCEA X... ; que André X... justifie avoir avisé son bailleur de la transformation de la SCEA en GAEC ; qu'il justifie également que son fils, Mathieu, a déposé un dossier d'installation en qualité de jeune agriculteur sur lequel la Commission départementale de l'orientation de l'agriculture a émis un avis favorable pour une installation de 405 ha qu'il justifie avoir avisé le Comité d'agrément des GAEC des modifications intervenues du fait de la cession des parts de son fils, Mathieu ; que justifiant avoir formé initialement les demandes d'autorisation requises, il ne peut être fait grief à André X... de ne pas produire les arrêtés préfectoraux d'autorisation d'exploiter, dès lors qu'en application de l'article R. 331-6 du code rural, en l'absence de réponse dans le délai prescrit, l'autorisation administrative est réputée accordée ; que Mathieu X... avait la qualité d'associé du GAEC avant que ne soit envisagée la cession ; que celle-ci qui ne constitue ni une installation ni une cession n'est pas soumise à autorisation préalable d'exploiter ; que la cession sollicitée qui n'est pas de nature à nuire aux intérêts légitimes du bailleur sera confirmée ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait, sans entacher son arrêt d'une contradiction de motifs, retenir que M. Mathieu X... pouvait bénéficier d'une autorisation administrative d'exploiter tacite, en l'absence de réponse dans le délai prescrit, et affirmer néanmoins que l'opération de cession n'était pas soumise à autorisation préalable d'exploiter ; qu'en se déterminant de la sorte, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que la cession du bail envisagée par M. André X... au profit de son fils Mathieu, « ne constituait ni une installation, ni une cession », la Cour d'appel qui s'est prononcée par un motif incohérent et inintelligible, n'a pas davantage satisfait à l'exigence de motivation, méconnaissant de ce nouveau chef l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'en retenant que M. André X... n'était pas tenu de produire les arrêtés préfectoraux d'autorisation d'exploiter, dès lors que le candidat à la cession avait pu bénéficier d'une autorisation tacite, en l'absence de réponse dans le délai prescrit, sans même rechercher, comme elle y avait été invitée, si M. Mathieu X... avait régulièrement formé auprès de l'autorité administrative compétente une demande d'autorisation d'exploiter dont un accusé de réception lui avait été délivré et si cet accusé de réception avait bien été affiché et publié à la mairie des communes sur le territoire desquelles étaient situés les biens et au recueil des actes administratifs, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 411-35, L. 331-2-II et R. 331-4 et R. 331-6 du Code rural et de la pêche maritime ;
ALORS, ENFIN, QU'en toute hypothèse, si le candidat à la cession est tenu d'obtenir une autorisation administrative d'exploiter, la validité de la cession est subordonnée à l'octroi de cette autorisation ; que si le candidat à la cession, membre d'un GAEC à la disposition duquel les terres prises à bail ont été mises, n'est pas tenu d'être personnellement titulaire d'une autorisation d'exploiter, c'est à la condition que le GAEC ait reçu une telle autorisation ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans même constater que le GAEC, au sein duquel le candidat à la cession était associé et entendait mettre en valeur les biens objet du bail, était titulaire d'une autorisation d'exploiter, la Cour d'appel n'a pas de ce nouveau chef donné une base légale à sa décision au regard des articles L. 411-35, L. 331-2, et L. 331-6 du Code rural et de la pêche maritime.