LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai,19 janvier 2012), que M. X..., aux droits duquel vient Mme X..., a, par acte du 30 novembre 1987, donné à bail un local à usage commercial à la société DP Optic devenue NG Optic ; que, par acte du 1er mars 2007, le bailleur a délivré un congé avec offre de renouvellement moyennant un loyer déplafonné puis l'a assigné en fixation du loyer ;
Attendu que pour rejeter la demande du bailleur , l'arrêt retient que les travaux réalisés par le locataire au cours du bail antérieur au bail expiré concernant la création d'un vélux dans la toiture de l'immeuble constituaient des travaux lourds, ayant amélioré, en permettant un éclairement naturel des locaux, les conditions de l'exploitation commerciale, et constituait en conséquence une modification notable des locaux ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, a méconnu les exigences du teste susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société NG Optic aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société NG Optic à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... ; rejette la demande de la société NG Optic ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande de déplafonnement du loyer formée par Mme X... et, en conséquence, D'AVOIR fixé le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er décembre 2007 à la somme de 7.582,01 euros HT et HC ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE les travaux réalisés en 2005 dans les lieux loués ont été exclusivement financés par la société NG Optic, preneuse, à hauteur de plus de 64.000 euros ; que les parties s'opposent sur la nature des travaux qui, pour le bailleur, constituent une modification notable des caractéristiques du local pouvant justifier un déplafonnement immédiat du loyer et qui, pour le preneur, constituent des améliorations ne pouvant être évoquées qu'à l'occasion d'un second renouvellement ; que l'expert décrit les travaux réalisés en page 9 de son rapport : « Après établissement des plans soumis à l'accord du bailleur le 23 mai 2005 (annexe 8), les travaux réalisés par le preneur ont concerné selon le courrier « la partie arrière du magasin au niveau de la cour ouverte en tôles nervurées à savoir : l'actuel atelier, le bureau ; la pièce dans laquelle se trouve la machinerie climatiseur et les deux pièces situées au-dessus. .Dans la pièce de rajout (qui comportait une partie du fond de magasin et l'ancien bureau), la couverture très ancienne en tôles fibrociment a été remplacée par une verrière alu de bel effet ; l'ancien bureau, décloisonné est devenu un atelier de 8,77 m² ouvert sur l'espace client du magasin duquel il n'est séparé que par des comptoirs (pour empêcher l'accès client). L'ancien atelier est devenu un espace réfraction (examen des yeux) ouvert au public. Dans la réserve a été installé un escalier hélicoïdal débouchant sur les réserves de l'entresol. Les deux réserves de l'entresol ont été décloisonnées et sont devenues un bureau qui est désormais accessible de la surface commerciale du rez-de-chaussée » ; que l'expert qualifie ces travaux en page 14 de son rapport de « travaux d'amélioration » qui ont cependant eu « pour effet immédiat d'augmenter la surface pondérée commerciale », M. Z... concluant « il nous paraît donc que ces travaux apportent une modification de la consistance des lieux loués » ; qu'en page 15 de son rapport, l'expert judiciaire précise que « l'assiette du bail est inchangée » ; que la réflexion menée par l'expert révèle la coexistence de travaux de modification et de travaux d'amélioration ; que les travaux réalisés n'ont donc pas entraîné de modification de l'assiette du bail et n'ont pas été financés par le bailleur, de quelque manière que ce soit ; que l'importance des frais exposés par le preneur à cette occasion, en l'occurrence une somme de près de 65.000 euros, démontre que la société NG Optic a cherché, certes en passant par certaines modifications notables du local, à réaliser des améliorations des lieux loués afin d'optimiser les conditions de travail, en gagnant en clarté et en fonctionnalité ; qu'il s'agit donc de travaux d'améliorations au sens de l'article R. 145-8 du code de commerce et non de travaux ayant modifié de façon notable les caractéristiques du local ; que dès lors, le bailleur ne pourra se prévaloir de ces améliorations qu'à l'occasion du prochain renouvellement, soit en 2016 ; que la demande de déplafonnement du loyer est rejetée, les travaux réalisés par le preneur ne constituant pas des modifications notables des caractéristiques du local considéré au sens des textes susvisés ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE l'expert n'a pas pris parti entre les deux options modification notable de la consistance des biens/amélioration, et a proposé une évaluation du loyer du bail renouvelé selon les deux hypothèses du déplafonnement, d'une part, et du plafonnement, d'autre part ; qu'il est constant que les locaux ont fait l'objet de travaux qui ont été réalisés par le locataire à ses frais exclusifs en 2005 ; que l'opération a consisté en une nouvelle affectation des surfaces louées ayant consisté à transformer l'atelier en une salle d'examen de vue, le bureau en atelier et les réserves de l'entresol en nouveau bureau ; que lors de la réunion d'expertise du 22 octobre 2009, la bailleresse a admis que les travaux n'avaient pas entraîné un accroissement de la surface commerciale, mais avaient seulement amélioré la « visibilité commerciale » par le client et l'utilité des locaux de l'entresol ; que si l'expert retient que, par suite des travaux, la surface pondérée commerciale a augmenté de 7,54 m², soit + 10,50 %, et que la surface pondérée commerciale accessible au public s'est accrue de 9,24 m², soit 18,83 %, il convient : - d'une part de rapprocher ces éléments de l'évolution de la surface utile totale, qui a augmenté de seulement 5,4 m², dont 4,9 m² pour le WC/placard ; - d'autre part, de prendre en compte, à la différence de l'expert, et comme le propose le preneur, dans un souci de comparabilité, une pondération constante des surfaces en début et en fin de bail, de sorte que l'augmentation de la surface commerciale pondérée s'établit à + 4,94 m² (75,83 m²-70,89 m²), soit + 6,97 % ; que si la surface accessible à la clientèle a été accrue par suite de la création d'une salle d'examen de vue, cette augmentation d'une part a été faible – de seulement 9 m² - d'autre part n'a eu pour effet que d'améliorer le confort des clients, mais n'a en aucune façon étendu la surface de vente ; que cet élément ne présente pas, dans ces conditions, de caractère déterminant ; que dès lors que l'opération conduite en 2005 s'est limitée à un changement d'affectation des différentes pièces, qu'il n'y a pas eu accroissement de l'assiette du bail et que la surface commerciale pondérée a évolué dans une proportion particulièrement minime, les travaux en cause constituent un simple aménagement interne et relèvent de l'amélioration des lieux loués au sens de l'article R. 145-8 du même code ; que c'est en conséquence à raison que le premier juge a estimé que le bailleur n'était pas fondé à conclure au déplafonnement du loyer sur ce fondement ;
ALORS QUE les modifications des caractéristiques propres du local loué financées par le preneur peuvent être invoquées par le bailleur, dans le cadre d'une demande de déplafonnement, lors du premier renouvellement suivant le bail au cours duquel elles ont été exécutées ; que les caractéristiques propres du local s'apprécient notamment en considération de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public, de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation, ou à chacune des activités qui sont exercées dans les lieux, de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ; qu'en conséquence, les travaux d'aménagement interne ayant pour effet un changement d'affectation des surfaces louées ainsi qu'une augmentation de la surface commerciale et de la surface accessible à la clientèle sont constitutifs d'une modification des caractéristiques propres du local loué ; qu'en qualifiant d'améliorations les travaux financés par la société NG Optic, après avoir expressément relevé que ceux-ci avaient entraîné non seulement « une nouvelle affectation des surfaces louées ayant consisté à transformer l'atelier en une salle d'examen de vue, le bureau en atelier et les réserves à l'entresol en nouveau bureau », mais également une augmentation de « la surface pondérée commerciale » et de « la surface accessible à la clientèle (…) par suite de la création d'une salle de vue », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L.145-34, R.145-3 et R. 145-8 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande de déplafonnement du loyer formée par Mme X... et, en conséquence, D'AVOIR le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er décembre 2007 à la somme de 7.582,01 euros HT et HC ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE les travaux réalisés en 1997 par le preneur sur la toiture dans laquelle a été posé un velux vont au-delà de son obligation d'entretien ; que dans la mesure où il s'est agi de créer un velux dans la toiture de l'immeuble, ces travaux constituent une modification notable des caractéristiques du local qui devait exclusivement être invoquée à l'occasion du premier renouvellement suivant le bail au cours duquel elle a été exécutée ; que la demande subsidiaire en déplafonnement du loyer, reposant sur la réalisation des travaux effectués en 1997 par le locataire est rejetée, comme ne pouvant être formée à l'occasion du second renouvellement ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE le bailleur n'est pas fondé à invoquer subsidiairement, au soutien du déplafonnement, les travaux réalisés par le locataire en 1997 concernant la création d'un vélux dans la toiture de l'immeuble, dès lors qu'il s'agissait en l'espèce de travaux lourds ayant amélioré, en permettant un éclairement naturel des locaux, les conditions de l'exploitation commerciale et qu'ils ne constituaient en conséquence ni une opération d'entretien comme le soutient à tort la société NG Optic, ni une simple amélioration, mais une modification notable des locaux ; que dès lors, faute d'avoir invoqué ces travaux lors du premier renouvellement suivant leur réalisation, le bailleur ne peut à présent se prévaloir de cette modification ;
ALORS QUE les améliorations financées par le preneur peuvent être invoquées à l'appui d'une demande de déplafonnement lors du second renouvellement suivant le bail au cours duquel elles ont été exécutées ; que constitue une amélioration la création, dans la toiture de l'immeuble, d'un velux qui augmente la clarté des locaux loués ; que la cour d'appel a relevé que les travaux entrepris en 2005, avaient eu pour but « d'optimiser les conditions de travail (de la locataire), en gagnant en clarté et en fonctionnalité », de sorte que, n'ayant pas modifié l'assiette du bail, ils devaient être qualifiés d'améliorations ; qu'en qualifiant au contraire de modification notable des caractéristiques des lieux loués la création du velux effectuées en 1997 par la société NG Optic après avoir pourtant relevé qu'il s'agissait de travaux « ayant amélioré, en permettant un éclairement naturel des locaux, les conditions de l'exploitation commerciale », la cour d'appel a violé les articles L. 145-34, R. 145-3 et R. 145-8 du code de commerce.