LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 8 mars 2012), que la société Carty a conclu avec la société Neroisel un contrat de fourniture d'un progiciel avec les prestations associées, à installer sur un réseau informatique préexistant ; que la société Carty, invoquant des dysfonctionnements du progiciel, a, par lettre du 23 décembre 2009, annulé la commande et interdit à la société Neroisel toute intervention sur son système informatique ; que la société Neroisel a assigné en exécution forcée du contrat et paiement de sa facture la société Carty, qui a sollicité reconventionnellement le prononcé de la résolution du contrat et la remise en état de son installation ;
Attendu que la société Neroisel fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résolution judiciaire du contrat à ses torts avec condamnation à la remise en état du système informatique de la société Carty et rejeté ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge, saisi à la fois d'une demande d'exécution d'un contrat de fourniture et d'installation d'un système informatique et d'une demande de résolution judiciaire faisant suite à une rupture unilatérale du contrat par l'acheteur ayant interdit l'accès de ses locaux au prestataire informatique, doit se prononcer sur la légitimité de la rupture unilatérale ainsi mise en oeuvre par cet acheteur ; que, la cour d'appel, qui s'est d'emblée prononcée sur le bien-fondé d'une demande de résolution judiciaire et s'est abstenue d'examiner si les manquements reprochés à la société venderesse et installatrice du système à l'appui de la décision unilatérale de rupture étaient suffisamment graves pour justifier cette rupture unilatérale, a violé l'article 1184 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel ne pouvait non plus reprocher à la société Neroisel un défaut d'assistance ou de communication avec son client postérieurement à la lettre reçue de celui-ci le 23 décembre 2009 qui comportait à la fois la rupture unilatérale du contrat, l'interdiction de pénétrer dans ses locaux et de s'occuper de son système informatique ; que dès lors, la cour d'appel, qui, pour prononcer la résolution judiciaire du contrat de fourniture et d'installation, a pris en considération l'ensemble des obligations de la société Neroisel et notamment celle de fournir « l'assistance indispensable à la mise en route harmonieuse du système » postérieurement à cette décision de rupture unilatérale émanant du client, n'a pas légalement justifié la mesure ainsi prise d'une résolution du contrat aux torts de la société Neroisel et a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1184 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions que la société Neroisel a soutenu devant les juges du fond que la société Carty avait rompu le contrat de façon extrajudiciaire et unilatérale par lettre du 23 décembre 2009 et que cette rupture n'était pas justifiée par un comportement d'une gravité suffisante ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé que la société Neroisel ne justifiait pas avoir fourni l'assistance indispensable à la mise en route harmonieuse du système après les dysfonctionnements constatés puisqu'elle n'a pas répondu aux lettres recommandées adressées par la société Carty les 23 décembre 2009 et 16 janvier 2012, l'arrêt retient que ces lettres, qui annulaient la commande, invitaient néanmoins au dialogue, cependant que la société Neroisel s'était bornée, par l'entremise de son avocat, à mettre en demeure la société Carty de payer des factures ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Neroisel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils, pour la société Neroisel
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la résolution du contrat de vente du progiciel CRM SAGE aux torts de la société NEROISEL, d'avoir débouté en conséquence la société NEROISEL de sa demande de paiement des factures et de dommages et intérêts et d'avoir ordonné à la société NEROISEL de désinstaller à ses frais le progiciel CRM SAGE et de remettre les systèmes de la société CARTY dans leur configuration antérieure sous astreinte de 100 € par jour de retard un mois après la signification de l'arrêt ;
AUX MOTIFS QUE le vendeur professionnel d'un progiciel informatique est tenu d'une obligation de renseignement et de conseil envers un client dépourvu de compétence en la matière tandis que l'obligation de délivrance de produits complexes n'est pleinement exécutée qu'une fois réalisée la mise au point effective de la chose vendue ; que cette obligation de conseil s'étend à l'information de l'acheteur sur la compatibilité du progiciel avec le matériel existant et les systèmes déjà installés ; que le devis accepté par la société CARTY comporte la facturation de l'analyse des besoins, mais l'étude produite sur la gestion de la relation client reste muette sur les préconisations techniques en matière de configuration requise des serveurs et du système d'exploitation, la pièce n° 35 de la sociét é NEROISEL intitulée « préconisations pour Sage 100 pour SQL serveur » étant postérieure de deux années à cette étude ; qu'aux termes de l'article 563 du Code de procédure civile, les parties peuvent invoquer en appel des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ; que la société CARTY communique (pièce n°9) une lettre du 10 août 2011 de son prestataire habituel, la société PC SOFTWARE bvba, qui indique que la consultante de la société NEROISEL lui avait demandé des informations sur l'installation du logiciel SAGE CRM ; que, même si la société intimée conteste que sa collaboratrice ait interrogé la société PC SOFTWARE, elle ne discute néanmoins pas les considérations techniques mentionnées dans cette lettre, à savoir que le serveur de la société CARTY n'était pas assez puissant pour l'installation du système de gestion de base de données (SQL SERVER 2008 de MICROSOFT) supplémentaire et qu'en tout état de cause, la base de données a été installée sur un espace trop étroit du disque dur de l'ordinateur ; qu'après l'installation, le progiciel CRM n'a pas fonctionné et a entraîné des perturbations dans les applications préexistantes à tel point que la dernière formation des utilisateurs le 22 décembre 2009 a été interrompue au bout d'une heure ; que le rapport d'analyse établi par la société NEROISEL le 4 novembre 2009 prévoyait une procédure de réception en deux étapes, une recette provisoire et une recette définitive à un mois d'intervalle pour tenir compte des anomalies identifiées ; que ces réceptions de l'application n'ont pas eu lieu ; que, même si l'obligation du fournisseur est tempérée par celle corrélative du client de coopération en termes d'implication, de dialogue et de participation financière, la société NEROISEL ne rapporte toutefois pas la preuve d'avoir fourni l'assistance indispensable à la mise en route harmonieuse du système après les dysfonctionnements constatés, hormis quelques appels téléphoniques reconnus par la société CARTY ; qu'en effet, la société NEROISEL n'a jamais répondu aux lettres recommandées que lui a adressées sa cliente, les 23 décembre 2009 et 16 janvier 2010, qui certes annulaient la commande, mais invitaient néanmoins au dialogue, et s'est bornée par l'entremise de son avocat à mettre en demeure la société CARTY de payer les factures ; que, compte tenu des circonstances de l'affaire, il apparaît que la société NEROISEL a délaissé son acheteur et les manquements commis par le vendeur, au regard de l'ensemble de ses obligations, justifient la résolution de la vente à ses torts ; que le jugement sera infirmé de ce chef ; qu'il sera également ordonné à la société NEROISEL de désinstaller à ses frais le progiciel CRM SAGE et de remettre les systèmes de la société CARTY dans leur configuration antérieure sous astreinte de 100 euros par jour de retard après la signification de l'arrêt ;
1°) ALORS QUE le juge, saisi à la fois d'une demande d'exécution d'un contrat de fourniture et d'installation d'un système informatique et d'une demande de résolution judiciaire faisant suite à une rupture unilatérale du contrat par l'acheteur ayant interdit l'accès de ses locaux au prestataire informatique, doit se prononcer sur la légitimité de la rupture unilatérale ainsi mise en oeuvre par cet acheteur ; qu'aussi bien, la Cour d'appel, qui s'est d'emblée prononcée sur le bien fondé d'une demande de résolution judiciaire s'est abstenue d'examiner si les manquements reprochés à la société venderesse et installatrice du système à l'appui de la décision unilatérale de rupture étaient suffisamment graves pour justifier cette rupture unilatérale, a violé l'article 1184 du Code civil ;
2°) ALORS QUE la Cour d'appel ne pouvait non plus reprocher à la société NEROISEL un défaut d'assistance ou de communication avec son client postérieurement à la lettre reçue de celui-ci le 23 décembre 2009 qui comportait à la fois la rupture unilatérale du contrat, l'interdiction de pénétrer dans ses locaux et de s'occuper de son système informatique ; que dès lors, la Cour d'appel, qui, pour prononcer la résolution judiciaire du contrat de fourniture et d'installation, a pris en considération l'ensemble des obligations de la société NEROISEL et notamment celle de fournir « l'assistance indispensable à la mise en route harmonieuse du système » postérieurement à cette décision de rupture unilatérale émanant du client,
n'a pas légalement justifié la mesure ainsi prise d'une résolution du contrat aux torts de la société NEROISEL et a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil.