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18/06/2013 | FRANCE | N°12-18796

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 juin 2013, 12-18796


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Cob Caraïbes (la société), victime d'émission de chèques contrefaits par Mme X..., entrepreneur indépendant auquel elle avait sous-traité des travaux de secrétariat, par imitation de la signature du gérant et tirés sur le compte ouvert au nom de la cai

sse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe (la banque), a recherché l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Cob Caraïbes (la société), victime d'émission de chèques contrefaits par Mme X..., entrepreneur indépendant auquel elle avait sous-traité des travaux de secrétariat, par imitation de la signature du gérant et tirés sur le compte ouvert au nom de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe (la banque), a recherché la responsabilité de cette dernière ;

Attendu que, pour débouter la société de sa demande, l'arrêt se borne, au titre de sa motivation, à reproduire sur tous les points en litige, sans aucune autre motivation, les conclusions d'appel de la banque ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute sur l'impartialité de la juridiction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Cob Caraïbes

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Cob Caraïbes de ses demandes tendant à la condamnation de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Guadeloupe à lui payer la somme de 52.449,80 € au titre des onze chèques falsifiés en confirmation du jugement entrepris, outre les intérêts au taux légal, et les sommes de 300,68 € pour frais bancaires et 4.000 € et 1.200 € correspondant à des factures d'expertises comptable et graphologique ;

AUX MOTIFS QU'il est établi que Madame X... qui effectuait des missions de secrétariat et de comptabilité pour la SARL Cob Caraïbes a, durant les mois d'avril à novembre 2007, déposé sur son propre compte onze chèques détournés au préjudice de la SARL Cob Caraïbes, par imitation de la signature du cogérant. L'expertise graphologique diligentée à la demande de la société Cob précise que la signature a été imitée avec une certaine application. Cependant, si elle permet d'affirmer que la banque n'a pas commis de faute, cette dernière constatation ne suffit pas à libérer celle-ci de son obligation de restitution des fonds au déposant, puisqu'il lui revient d'établir la faute de ce dernier. En l'espèce, il ressort des éléments factuels du dossier que la société Cob Caraïbes a fait preuve de négligences vis-à-vis de Madame X... : - elle a confié à Madame X... des chéquiers vierges, - aucun contrôle n'était exercé sur elle ni sur les documents qu'elle mettait à la signature du gérant, - les manoeuvres de Madame X... ont duré 8 mois, - la Cob n'a pas surveillé son compte bancaire : elle n'a exercé aucun contrôle sur ses relevés de comptes pendant plusieurs mois, ce qui a permis la commission puis la répétition de la fraude, - la société Cob Caraïbes n'a pas fait le nécessaire rapprochement bancaire qui s'impose à tout chef d'entreprise normalement diligent alors même que les relevés lui parvenaient tous les mois. Elle n'a pas plus émis la moindre réception de ses relevés de compte mensuels, protestation ou réserves ; - Mme X... bien qu'ayant le statut juridique de «secrétaire indépendante», était sous les ordres de Cob Caraïbes qui lui donnait des instructions puisqu'elle exécutait son travail dans les bureaux de l'entreprise et pour le compte de cette dernière. Madame X... était donc bien la préposée de la Cob et a accompli les fautes qui lui sont reprochées dans le cadre de ses fonctions. Compte tenu de ces éléments, la banque doit voir sa responsabilité dégagée du fait des fautes du titulaire du compte à l'origine de son propre préjudice. Le jugement dont appel sera donc infirmé sur ce point ;

ALORS QUE la motivation d'une décision doit établir l'impartialité de la juridiction ; qu'en se bornant, au titre de sa motivation, à reproduire les conclusions d'appel de la CRCAM de la Guadeloupe, la Cour d'appel s'est contentée d'une apparence de motivation et a violé l'article 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 455 et 458 du Code de procédure civile.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Cob Caraïbes de ses demandes tendant à la condamnation de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Guadeloupe à lui payer la somme de 52.449,80 € au titre des onze chèques en confirmation du jugement entrepris, outre les intérêts au taux légal, et les sommes de 300,68 € pour frais bancaires et 4.000 € et 1.200 € correspondant à des factures d'expertises comptable et graphologique ;

AUX MOTIFS QU'il est établi que Madame X... qui effectuait des missions de secrétariat et de comptabilité pour la SARL Cob Caraïbes a, durant les mois d'avril à novembre 2007, déposé sur son propre compte onze chèques détournés au préjudice de la SARL Cob Caraïbes, par imitation de la signature du cogérant. L'expertise graphologique diligentée à la demande de la société Cob précise que la signature a été imitée avec une certaine application. Cependant, si elle permet d'affirmer que la banque n'a pas commis de faute, cette dernière constatation ne suffit pas à libérer celle-ci de son obligation de restitution des fonds au déposant, puisqu'il lui revient d'établir la faute de ce dernier. En l'espèce, il ressort des éléments factuels du dossier que la société Cob Caraïbes a fait preuve de négligences vis-à-vis de Madame X... : - elle a confié à Madame X... des chéquiers vierges, - aucun contrôle n'était exercé sur elle ni sur les documents qu'elle mettait à la signature du gérant, - les manoeuvres de Madame X... ont duré 8 mois, - la Cob n'a pas surveillé son compte bancaire : elle n'a exercé aucun contrôle sur ses relevés de comptes pendant plusieurs mois, ce qui a permis la commission puis la répétition de la fraude, - la société Cob Caraïbes n'a pas fait le nécessaire rapprochement bancaire qui s'impose à tout chef d'entreprise normalement diligent alors même que les relevés lui parvenaient tous les mois. Elle n'a pas plus émis la moindre réception de ses relevés de compte mensuels, protestation ou réserves ; - Mme X... bien qu'ayant le statut juridique de «secrétaire indépendante», était sous les ordres de Cob Caraïbes qui lui donnait des instructions puisqu'elle exécutait son travail dans les bureaux de l'entreprise et pour le compte de cette dernière. Madame X... était donc bien la préposée de la Cob et a accompli les fautes qui lui sont reprochées dans le cadre de ses fonctions. Compte tenu de ces éléments, la banque doit voir sa responsabilité dégagée du fait des fautes du titulaire du compte à l'origine de son propre préjudice. Le jugement dont appel sera donc infirmé sur ce point ;

1) ALORS, D'UNE PART, QU'en se bornant, pour considérer que l'exposante avait fait preuve de négligences vis-à-vis de Madame X..., à affirmer que les manoeuvres de Madame X... avait duré huit mois et qu'aucun contrôle n'était exercé sur les documents qu'elle mettait à la signature du gérant, bien qu'il fût constant que les chèques détournés s'échelonnaient du 19 avril au 30 octobre 2007, Madame X... n'étant intervenue au sein de l'entreprise que durant sept mois, et que le gérant de la société Cob Caraïbes n'était l'auteur d'aucune des signatures portées sur les chèques détournés, sa signature ayant chaque fois été imitée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1937 du Code civil ;

2) ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'exposante faisait valoir dans ses conclusions d'appel que Madame X..., auteur des détournements de chèques litigieux, secrétaire indépendante précisément chargée de procéder au rapprochement bancaire entre les factures encaissées et les relevés de compte reçus chaque mois, puis après vérification, de transmettre ces documents à l'expert-comptable chargé de la comptabilité de la société et ayant accès aux chéquiers de l'entreprise dans le cadre de cette mission, avait minutieusement organisé la fraude en s'abstenant de transmettre les factures et relevés de comptes à l'expert-comptable, empêchant ainsi toute vérification matérielle et comptable, et en prenant soin de retirer des chéquiers de l'entreprise les talons correspondants aux chèques détournés, ainsi que d'échelonner sur plusieurs mois les onze détournements opérés, ce qui avait permis aux retraits litigieux d'être intégrés aux mouvements habituels du compte, rendant ainsi ses agissements indécelables pour la société ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si la fraude de la secrétaire indépendante n'était pas si minutieusement organisée qu'elle ne pouvait être décelée sans investigations approfondies, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1937 du Code civil ;

3) ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE dans ses conclusions d'appel, l'exposante soutenait que Madame X... n'avait pas procuration sur le compte bancaire de l'entreprise et que sa mission se limitait à des fonctions de secrétariat consistant en l'établissement des devis et des factures y afférentes, à la vérification des règlements des clients sur les relevés de compte, à la transmission des factures et relevés de comptes pointés à l'expert-comptable extérieur chargé de la comptabilité de l'entreprise, ainsi qu'au classement des dossiers, de sorte qu'elle n'avait pas agi dans l'exercice de ses fonctions en falsifiant et détournant onze chèques tirés sur le compte de la société Cob Caraïbes ; que dès lors, en se fondant sur la simple affirmation reprise des conclusions de la banque, que Madame X... avait accompli les fautes reprochées dans le cadre de ses fonctions, sans constater qu'elle exerçait des fonctions comptables au sein de l'entreprise et qu'elle était habilitée à établir des chèques, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1937 du Code civil.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Cob Caraïbes de ses demandes tendant à la condamnation de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Guadeloupe à lui payer la somme de 52.449,80 € au titre des onze chèques en confirmation du jugement entrepris, outre les intérêts au taux légal, et les sommes de 300,68 € pour frais bancaires et 4.000 € et 1.200 € correspondant à des factures d'expertises comptable et graphologique ;

AUX MOTIFS QU'il est établi que Madame X... qui effectuait des missions de secrétariat et de comptabilité pour la SARL Cob Caraïbes a, durant les mois d'avril à novembre 2007, déposé sur son propre compte onze chèques détournés au préjudice de la SARL Cob Caraïbes, par imitation de la signature du cogérant. L'expertise graphologique diligentée à la demande de la société Cob précise que la signature a été imitée avec une certaine application. Cependant, si elle permet d'affirmer que la banque n'a pas commis de faute, cette dernière constatation ne suffit pas à libérer celle-ci de son obligation de restitution des fonds au déposant, puisqu'il lui revient d'établir la faute de ce dernier ;

1) ALORS, D'UNE PART, QU'en déclarant que « l'expertise graphologique diligentée à la demande de la société Cob précise que la signature a été imitée avec une certaine application », quand cette affirmation ne figurait pas dans le rapport d'expertise graphologique, qui précisait au contraire que « chacune des signatures questionnées présente des différences signifiantes avec les signatures de comparaison », la Cour d'appel a dénaturé ce document, violant ainsi les dispositions de l'article 1134 du Code civil ;

2) ALORS, D'AUTRE PART, QUE même lorsque l'établissement du faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d'une faute du titulaire du compte ou de l'un de ses préposés, le banquier demeure tenu envers lui, s'il a lui-même commis une négligence en ne décelant pas une signature apparemment différente de celle du titulaire du compte, ce pour la part de responsabilité en découlant ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, l'exposante invoquait expressément les énonciations du rapport d'expertise graphologique constatant que « chacune des signatures questionnées présente des différences signifiantes avec les signatures de comparaison » et que la signature apposée sur le premier chèque falsifié du 19 avril 2007 « est la plus différente des signatures de comparaison : en effet, la boucle triangulaire de l'initiale n'apparaît jamais en comparaison, le « S » se place à la fin du nom, alors qu'il est soit au début, soit au milieu du nom en comparaison et les proportions de sa boucle inférieure sont complètement différentes de celles des « S » de comparaison » ; qu'elle en déduisait que les irrégularités ainsi constatées sur les signatures des chèques falsifiés étaient décelables par un employé de banque normalement attentif, de sorte qu'en ne les décelant pas, la CRCAM de la Guadeloupe avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard ; que dès lors, en omettant de s'expliquer sur les énonciations du rapport d'expertise explicitement invoquées par l'exposante et propres à établir que la banque avait, en ne décelant pas les fraudes, commis une négligence de nature à engager, au moins pour partie, sa responsabilité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1937 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-18796
Date de la décision : 18/06/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 16 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 jui. 2013, pourvoi n°12-18796


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.18796
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