LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été blessé dans un accident de la circulation alors qu'il était passager d'un véhicule appartenant à M. Y..., conduit par Mme Z..., et assuré auprès de la Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (l'assureur) ; qu'à la suite d'une expertise ordonnée en référé, M. X... a assigné M. Y..., Mme Z... et l'assureur, en indemnisation, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes ;
Attendu que le premier et le deuxième moyens ne sont pas de nature à permette l'admission du pourvoi ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X... relative à l'acquisition d'un logement adapté, l'arrêt énonce que s'il apparaît que l'acquisition d'un tel logement a été rendue nécessaire du fait du défaut d'adaptation du propre appartement de M. X... à son handicap, encore convient-il que ce dernier justifie s'être trouvé dans l'impossibilité d'acquérir un logement adapté du même type que celui qu'il occupait pour sa valeur de 300 000 euros ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a refusé d'évaluer le surcoût engendré par la nécessité d'un relogement équivalent, dont elle avait admis l'existence, a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande en paiement de la somme de 263 989,40 euros en rapport avec l'acquisition d'une villa pour son habitation, l'arrêt rendu le 4 novembre 2009 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. Y..., Mme Z... et la MATMUT aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y..., Mme Z... et la MATMUT, les condamne à payer à M. X... la somme globale de 2 300 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour M. Eric X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir limité la somme allouée à Monsieur X... en réparation de ses préjudices consécutifs à l'accident dont il a été victime le 15 juin 2003 à la somme de 1.169.855,08 € et fixé la rente trimestrielle au titre de la tierce personne et de l'aide distincte de tierce personne à 29.656,26 €, indexée suivant les dispositions de la loi du 27 décembre 1974 modifiée par l'article 43 de la loi du 5 juillet 1985 et payable trimestriellement à terme échu sur présentation d'une attestation sur l'honneur d'absence de séjour ou de placement durant la période écoulée,
AUX MOTIFS QUE "L'objet de l'indemnisation relative à la tierce personne est de permettre une réparation du fait des difficultés voire de l'impossibilité pour la victime d'accomplir divers actes essentiels de la vie courante.
L'évaluation du coût de cette assistance doit être effectuée in concreto par rapport au cas particulier de la victime
L'appréciation qualitative de ces actes concernant M. Éric X..., atteint d'une quadriplégie avec dépendance permanente pour la vie quotidienne, selon les termes de l'expertise du Dr A... en date du 9 mai 2005, peut être effectuée au travers de ce rapport, lequel décrit la situation d'Eric X... au jour de l'expertise, description intégrant par ailleurs celle d'une journée-type rédigée dans le rapport du Dr B..., assistant technique de la MATMUT, dans les termes suivants :
"M. Éric X... demeure chez ses parents. Les soins quotidiens sont assurés par sa compagne qui demeure également au domicile de ses parents, ils sont assurés également avec l'aide de la mère de M. X....
- Il n'y a pas de tierce personne extérieure. Il n'y a pas d'intervention infirmière et il n'y a pas de bilan biologique depuis la sortie de l'hôpital Renée SABRAN.
- Les soins centrés par des hétérosondages urinaires de l'ordre de 6 fois/24 heures, une surveillance stricte et des soins de l'escarre sacrée qui est actuellement cicatrisée. Evidemment ces soins prennent en compte l'alimentation de monsieur Eric X....
- Le quotidien se situe en permanence sur un lit électrique et toute commande extérieure d'appareils, type télévision, nécessite une tierce personne.
- Les soins kinésithérapie ont lieu trois fois par semaine avec transport au centre de rééducation d'Atlantis à Nice.
- La mobilisation et les transports majorent des sensations de contractures musculaires diffuses.
- Il est à noter que l'appartement de ses parents n'est pas adapté à une qualité de prise en charge requise compte tenu de sa situation, et que son propre appartement est encore moins adapté à une possibilité de prise en charge correcte de son état médical et de sa vie quotidienne.
Une journée type a été rédigée dans le rapport du Dr B... :
- réveil entre 10 heures et 11 heures ; deuxième hétérosondage effectué par sa compagne (le premier hétérosondage ayant été effectué vers six heures sans le réveiller). Toilette succincte, habillage (grande toilette sous la douche effectuée une fois par semaine, compte tenu des difficultés d'accessibilité).
- avant la toilette, exonération des selles par suppositoire (et souvent par toucher rectal) ; puis petit déjeuner. L'ensemble de ces soins ayant nécessité globalement deux heures. Puis repos soit au fauteuil, soit au lit en raison de l'instabilité et de vertiges.
- déjeuner vers 12 h 30 - 13 heures, bien évidemment réalisé par des tiers.
Alimentation par un tiers permanente.
- nouvel hétérosondage après le déjeuner, il y en aura un autre à 17 heures.
- après-midi télévision, sauf les jours (1 jour sur 2 où il a ses soins de kinésithérapie), l'ensemble trajet-soins de kinésithérapie et retour prend environ trois heures.
- le dîner vers 19h30.
- hétérosondage à 20 heures après le déshabillage.
- endormissement autour de 21 h 30. Nouveaux hétérosondages aux environs de minuit, l'autre vers trois heures et dernier hétérosondage se situera à six heures alors qu'il est encore endormi. A noter que pendant la nuit il a environ quatre changements de position pour modifier les appuis.
- sa compagne qui le prend en charge consacre la totalité de son activité à cette démarche et bien évidemment, cette situation fait qu'elle est dans l'impossibilité d'avoir un emploi.
- la programmation ultérieure des événements est liée à la présence à ses côtés de sa compagne."
Il apparaît ainsi qu'en l'espèce l'assistance de tierce personne donnée à M. Éric X... comporte une prise en charge permanente de ce dernier de type familial, effectuée actuellement par sa compagne et incluant un ensemble de prestations différentes, telles que les actes essentiels de la vie, des actes de soins spécifiques centrés sur les hétérosondages ainsi que l'accompagnement et la présence aux côtés de l'intéressé.
L'appréciation quantitative du coût de cette tierce personne permanente comportant à la fois des actes de soins spécifiques, de substitution, de surveillance, d'accompagnement et de présence doit être effectuée par référence à un coût moyen.
Toutefois, la Cour ne saurait suivre les prétentions de M. X... reposant sur des articles de journaux relatifs à des coûts horaires pratiqués par des associations d'aides à domicile ou sur la production d'un tarif émanant d'une de ces associations. En effet de tels documents, à caractère général, ne permettent pas de cibler le coût spécifique de la prise en charge permanente de M. Eric X... par ce type d'organisme en l'absence de production de toutes pièces, et notamment de devis estimatifs d'offres de services permanents émanant d'associations situées dans le ressort domiciliaire de l'intéressé.
L'offre de la MATMUT, reposant en l'espèce sur un tarif horaire de 13 €, représentant actuellement le taux du SMIC horaire brut majoré de 50%, apparaît parfaitement raisonnable dans le cadre de la fixation d'un coût moyen de la prise en charge spécifique de monsieur Eric X... ci-dessus décrite.
En retenant les modalités de calcul opérées par la MATMUT, il est dû à M. X... :
- au titre de la tierce personne échue au 4 novembre 2009 13 € x 24 x 1998 jours = 623 376 €- au titre de la tierce personne à échoir 13 € x 24 x 365 jours = 113 880 €/an, soit 9 490 €/mois et 28 470 €/trimestre
S'agissant des tâches distinctes de celles effectuées par la tierce personne, tâches recouvrant essentiellement la tenue de la maison et les courses, l'offre de la MATMUT totalisant 7 heures par semaine, constituant une juste évaluation au besoin de monsieur Eric X... de ce chef, est entérinée par la cour.
Il est donc dû à ce titre la somme de 25 979,08 € pour la période échue du 14 mai 2004 au 4 novembre 2009 et 4745 €/an pour la rente à échoir de ce chef, soit 395,42 €/mois et 1186,25 €/trimestre
S'agissant des modalités du versement des rentes ainsi fixées, il convient de rappeler que le préjudice résultant de l'accident dont une personne a été victime doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.
L'objet de la rente allouée à M. Eric X... est de contribuer à la réparation du préjudice subi par celui-ci du fait de la nécessité de recourir aux aides précédemment décrites au fur et à mesure de ses besoins au cours de son existence, et non d'opérer un placement financier du capital de rente, comme sollicité par M. Eric X..., au titre de cette tierce personne.
À cet égard, ne sauraient être tenus comme déterminants les arguments développés par ce dernier sur ses capacités à opérer des placements sécurisés le mettant à l'abri d'une prétendue insuffisance de la revalorisation légale des rentes viagères par rapport au coût de la vie, à l'érosion du pouvoir d'achat et au régime fiscal présent ou à venir de ce type de rentes.
(…)En regard des modifications apportées par la présente décision sur les seuls postes de préjudice concernés par l'appel principal, il est dû à M. X...
- IPP: 289 000 € (confirmation)- tierce personne échue : 623 376 €- aide distincte de la tierce personne échue : 25 979,08 €- ITT-gêne: 11 500 € (confirmation)- pretium doloris : 30 000 € (confirmation)- préjudice esthétique : 25 000 € (confirmation)-préjudice d'agrément: 15 000 € + 75 000 € (confirmation)-préjudice moral : 15 000 € (confirmation)"
ALORS D'UNE PART QUE le principe de la réparation intégrale du préjudice interdit d'allouer à la victime une somme inférieure au montant de son préjudice réparable, si bien qu'en limitant le montant de la rente trimestrielle au titre de la tierce personne et de l'aide distincte de tierce personne au taux horaire de euros sans prendre en compte, ainsi qu'elle y était pourtant invitée par les conclusions de l'exposant, l'incidence du surcout lié aux charges sociales patronales, aux congés payés, au travail dominical et de nuit outre la spécificité des soins à apporter à Monsieur X..., la cour d'appel, qui avait cependant relevé la nécessité d'une présence permanente auprès de celui-ci, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et partant a violé le principe de la réparation intégrale ensemble l'article 1382 du code civil,
ALORS D'AUTRE PART QUE selon l'article 81-9° bis du Code général des impôts seules sont exonérées de l'impôt sur le revenu les rentes viagères servies en représentation de dommages-intérêts en vertu d'une condamnation prononcée judiciairement pour la réparation d'un préjudice corporel ayant entraîné pour la victime une incapacité permanente totale l'obligeant à avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie si bien qu'en refusant de capitaliser la rente servie à Monsieur X... atteint d'une incapacité partielle permanente de 85 %, au titre de la tierce personne et de l'aide distincte de tierce personne, entrainant ainsi la soumission de ladite rente à l'impôt sur le revenu ayant pour incidence de diminuer d'autant la somme disponible pour employer des tierces personnes et donc l'impossibilité de recourir autant que nécessaire à cette aide extérieure, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale ensemble l'article 1382 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'en cas de séjour ou de placement dans un établissement de soins ou d'accueil, le service de cette rente serait suspendu à compter du 45ème jour suivant l'entrée dans l'établissement,
ALORS QU'en statuant ainsi, sans donner aucun motif à sa décision, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif, si bien qu'en ne répondant pas au moyen péremptoire contenu dans les conclusions de Monsieur X... faisant valoir qu'en tout état de cause, à supposer que la cour d'appel décide d'une suspension du service de la rente tierce personne, ladite suspension ne pourrait s'appliquer que dans l'hypothèse d'un placement ou d'un séjour en établissement hospitalier, avec prise en charge par la sécurité sociale à 100% (conclusions, p. 34 à 36) la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande en paiement d'une somme de 263.989,40 € en rapport avec l'acquisition d'une maison pour son habitation,
AUX MOTIFS QUE "Concernant le logement, le tribunal a fait droit à la demande de M. Eric X... tendant au paiement de la somme de 263 989,40 € résultant de la différence entre le prix d'acquisition d'une villa à Nice pour la somme de 522 000 € majorée de frais et émoluments pour 16 304,40 € et de droits d'enregistrement pour 25 685 € ,et la valeur de son appartement acquis en 2001, soit 300 000 € selon attestation d'une agence immobilière.
C'est à tort que M. X... soutient que la remise en cause de cette condamnation ne pourrait être effectuée en raison d'un acquiescement qui résulterait des précédentes conclusions de la MATMUT ne comportant pas de discussion sur ce point. En effet, la déclaration d'appel de la MATMUT n'étant pas limitée, seules les dernières écritures de cette compagnie, en date du 27 août 2009, saisissent la cour des points en litige. Dans ces conditions, le moyen d'irrecevabilité soulevé par M. X... relativement à la discussion et à la condamnation prononcée par le tribunal doit être écarté.
S'il apparaît que l'acquisition d'un nouveau logement a été rendue nécessaire du fait du défaut d'adaptation du propre appartement de M. Eric X... à son handicap, encore convient-il que ce dernier justifie s'être trouvé dans l'impossibilité d'acquérir un logement adapté du même type que celui qu'il occupait pour sa valeur de 300 000 €.
Tel n'est pas le cas en l'espèce.
Il résulte par ailleurs du descriptif établi par M. C..., expertconseil de la MATMUT à l'occasion des opérations d'expertise judiciaire menées surplace par M. D..., ergothérapeute, dans le cadre de la mission donné par le tribunal relativement aux aménagements de l'habitation de monsieur Eric X... que la villa acquise par ce dernier, d'une superficie de 210m² se situe dans les hauteurs d'un quartier résidentiel de Nice avec vue sur la mer et piscine. Les arguments de M. X..., selon lequel ce bien permet aux ambulances de se garer devant la porte d'entrée et de loger les tierces personnes à un étage distinct de celui qu'il occupe ne peuvent sérieusement justifier l'acquisition d'un immeuble d'une valeur très largement supérieure à l'appartement de l'intéressé, augmentant de manière significative son patrimoine, dans une proportion que n'a pas à supporter la compagnie d'assurances adverse.
En conséquence, la cour, réformant la décision du premier juge, déboute M. X... de ce chef de demande",
ALORS QUE le principe de la réparation intégrale interdit d'allouer à la victime une somme inférieure au montant de son préjudice si bien qu'en déboutant Monsieur X... de sa demande en paiement d'une somme en rapport avec l'acquisition d'un nouveau bien immobilier pour son habitation en raison des incidences de son accident, quand elle avait retenu la nécessité d'une présence en permanence de tierces personnes à ses cotés, ce qui impliquait de les loger et donc l'obligation pour Monsieur X... de changer d'habitation et d'en acquérir une plus grande à cette fin, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le principe de la réparation intégrale ensemble l'article 1382 du code civil.