LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 2 septembre 2011), que Mme Laurence Z... et M. Gilles Y...ont vécu en concubinage et ont acquis ensemble le 30 novembre 2006, indivisément chacun pour moitié, un immeuble d'habitation ; que la veille de leur séparation, ils ont signé le 26 décembre 2008 un document détaillant les points sur lesquels ils déclaraient « s'accorder mutuellement pour la gestion » de ce bien indivis ; que, le 3 mars 2009, Mme
Z...
a assigné M. Y...devant le tribunal de grande instance en liquidation et partage de l'indivision ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. Y...fait grief à l'arrêt de déclarer fondée sur de justes motifs la demande en partage ;
Attendu qu'ayant constaté que les imprécisions de l'accord rendaient impossible son exécution et que, dès la signature de la convention, un conflit avait opposé les coïndivisaires quant au paiement des sommes mises à leur charge, la cour d'appel, qui a souverainement estimé que le partage avait été demandé pour de justes motifs, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; que le moyen ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, après avoir dit que la convention du 26 septembre 2008 devait recevoir application, ayant été valablement formée, il a déclaré fondée sur de justes motifs la demande en partage de Mme Laurence Z... introduite le 3 mars 2009 ;
AUX MOTIFS QUE « par dérogation au principe contenu à l'article 815 du code civil, selon lequel nul ne peut être contraint à rester dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, les indivisaires sont admis à passer des conventions relatives à l'exercice de leurs droits indivis conformément aux articles 1873-1 à 1873-18 ; que l'article 1873-2 dispose que les coïndivisaires s'ils y consentent tous, peuvent convenir de demeurer dans l'indivision qu'à peine de nullité, la convention doit être établie par un écrit comportant la désignation des biens indivis et l'indication des quotes-parts appartenant à chaque indivisaire que si les biens indivis comprennent des immeubles il y a lieu aux formalités de publicité foncière ; que les parties ont établi le 26 décembre 2008 un acte sous seing privé par lequel elles ont déclaré " s'accorder mutuellement pour la gestion du bien " dont elles sont propriétaires indivisément et dont suivent l'adresse et la désignation cadastrale ; que plus bas dans le corps de l'acte, il est mentionné la qualité de madame
Z...
de " propriétaire à 50 10 du bien avec monsieur Y..." ; que ces stipulations sont suffisantes pour considérer que l'acte répond aux conditions de forme posées par l'article 1873-2, soit un écrit comportant la désignation des biens indivis et l'indication des quotes-parts appartenant à chaque indivisaire ; que le document n'a pas été publié, bien que concernant un immeuble ; que le défaut de publicité foncière n'est pas une condition de validité de l'acte, mais une condition d'opposabilité aux tiers ; que l'acte n'est pas annulable sur ce motif ; que, cependant, la convention des parties n'est pas claire ; qu'elle est d'abord ambiguë sur sa durée ; que l'article 1873-3 impose qu'une convention d'indivision soit conclue pour une durée déterminée qui ne peut être supérieure à cinq ans, le partage ne pouvant être provoqué avant le terme convenu qu'en cas de justes motifs, ou pour une durée indéterminée, le partage pouvant alors être provoqué à tout moment, pourvu que ce ne soit pas de mauvaise foi ou à contretemps ; que l'acte sous seing privé des parties stipule d'une part que " mademoiselle
Z...
s'engage à verser sur le compte Société Générale " la somme de 250 € par mois non révisable sur une durée de huit ans (01. 01. 2018), date à laquelle soit une vente éventuelle, soit un rachat ou une prolongation du présent contrat pourront être envisagés " et d'autre part que " monsieur Y...s'engage à assumer le remboursement du prêt immobilier et de son assurance courant sur ce bien jusqu'à la date du 01. 01. 2016 sans solliciter financièrement mademoiselle
Z...
; que ce remboursement prendra fin soit à la vente de la maison à un tiers, soit au rachat par l'une des parties ou continuera si une entente n'est pas trouvée. " ; qu'alors que l'acte contient déjà deux dates distinctes susceptibles de constituer le terme, il est incompréhensible que monsieur Y...ait fait conclure que le terme de la convention se situait selon lui au " 1er janvier 2008 date mentionnée sur les tableaux d'amortissement immobilier " cette date du 1er janvier 2008 ne correspondant à rien ; qu'en effet la référence que fait monsieur Y...au terme des emprunts immobiliers ne rajoute qu'à la confusion dans la mesure où les emprunts immobiliers ont été stipulés pour deux d'entre eux à échéance de 180 mois (ou quinze ans, soit jusqu'en 2021) et pour le troisième à échéance de 300 4 mois (ou vingt-cinq ans, soit jusqu'en 2031) ; que plus largement l'économie du contrat est ambiguë, la cause des versements mensuels de 250 € mis à la charge de madame
Z...
et expressément stipulés non récupérables dans un paragraphe spécial demeurant indéterminée puisque monsieur Y...s'est engagé à supporter seul la charge de remboursement de l'emprunt immobilier ainsi que l'intégralité des charges afférentes à l'immeuble que la contrepartie des engagements de monsieur Y...paraît résider dans la jouissance exclusive du " bien et de ses annexes " à titre gratuit qu'il n'apparaît en revanche aucune contrepartie à l'engagement de madame
Z...
; que pour accroître la difficulté, le calcul des droits de chacun n'a été prévu à l'avance qu'en cas de vente du bien à un tiers mais non de rachat de part par l'un des indivisaires ; qu'il sera conclu de tout ce qui précède que si la commune intention des parties a été lors de la signature de demeurer dans l'indivision pour une durée déterminée de quelques années, qui ne pouvait être que de cinq ans au plus pour répondre aux prévisions de la loi l'imprécision de leur accord, son déséquilibre, les conflits qu'il contient en germe pour la liquidation ont constitué autant de justes motifs pour madame
Z...
de provoquer le partage avant terme ; que les conditions de signature de l'acte sous seing privé, à l'issue du déménagement de madame
Z...
, dans la cour de l'immeuble, sur le couvercle d'une poubelle, ainsi que l'indiquent des témoins, suivies d'un conflit quasi immédiat entre les parties sur leurs paiements respectifs et d'une dénonciation par monsieur Y...aux autorités du fait que madame
Z...
, infirmière de profession, avait stocké chez eux du matériel provenant de l'hôpital sont autant de justes motifs supplémentaires de mettre fin à un accord impraticable et inexécutable de bonne foi ; que les demandes d'ouverture des opérations de partage et de licitation de l'immeuble seront donc accueillies » (arrêt, p. 5-7) ;
ALORS QUE, premièrement, en vertu en principe du dispositif, les juges du fond sont tenus par l'objet des demandes telles qu'elles résultent des écritures des parties ; qu'en l'espèce, Mme
Z...
demandait à titre principal que la convention d'indivision fut tenue pour nulle (conclusions du 3 mai 2011, p. 3, 4 et 5) ; qu'à titre subsidiaire, elle soutenait qu'à supposer que la convention échappe à la nullité « elle doit être considérée à défaut d'être nulle comme étant à durée indéterminée » pour relever « que dans cette hypothèse, en application de l'article 1873-3, alinéa 2 du code civil, le partage peut être provoqué à tout moment » et en conclure « que Mme
Z...
est donc fondée à solliciter le partage de l'indivision en toute hypothèse » (arrêt, p. 5, alinéas 4 et 5, et p. 7) ; qu'en décidant, après avoir écarté la nullité, que la convention était une convention à durée déterminée, conclue pour une durée de cinq ans, pour décider qu'elle pouvait être considérée comme résiliée, pour juste motif, en application de l'article 1873-3 alinéa 1er du code civil, ce qui était étranger aux demandes de Mme
Z...
, les juges du fond ont violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, à partir du moment où, pour le cas où la demande en nullité serait écartée, Mme
Z...
se bornait à soutenir que la convention devait être regardée comme étant à durée indéterminée, pour solliciter le bénéfice de l'article 1873-3 alinéa 2 du code civil, ouvrant la faculté à chaque partie de provoquer le partage à tout moment en cas de convention à durée indéterminée, les juges du fond ne pouvaient considérer la convention comme une convention à durée déterminée, puis se placer sur le terrain de l'article 1873-2 alinéa 1er du code civil, sans rouvrir les débats pour permettre à M. Y...de s'expliquer ; qu'à cet égard, les juges du fond ont violé l'article 16 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, après avoir dit que la convention du 26 décembre 2008 devait recevoir application, ayant été valablement formée, il a déclaré fondée sur de justes motifs la demande en partage de Mme Laurence Z... introduite le 3 mars 2009 ;
AUX MOTIFS QUE « par dérogation au principe contenu à l'article 815 du code civil, selon lequel nul ne peut être contraint à rester dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, les indivisaires sont admis à passer des conventions relatives à l'exercice de leurs droits indivis conformément aux articles 1873-1 à 1873-18 ; que l'article 1873-2 dispose que les coïndivisaires s'ils y consentent tous, peuvent convenir de demeurer dans l'indivision qu'à peine de nullité, la convention doit être établie par un écrit comportant la désignation des biens indivis et l'indication des quotes-parts appartenant à chaque indivisaire que si les biens indivis comprennent des immeubles il y a lieu aux formalités de publicité foncière ; que les parties ont établi le 26 décembre 2008 un acte sous seing privé par lequel elles ont déclaré " s'accorder mutuellement pour la gestion du bien " dont elles sont propriétaires indivisément et dont suivent l'adresse et la désignation cadastrale ; que plus bas dans le corps de l'acte, il est mentionné la qualité de madame
Z...
de " propriétaire à 50 10 du bien avec monsieur Y..." ; que ces stipulations sont suffisantes pour considérer que l'acte répond aux conditions de forme posées par l'article 1873-2, soit un écrit comportant la désignation des biens indivis et l'indication des quotes-parts appartenant à chaque indivisaire ; que le document n'a pas été publié, bien que concernant un immeuble ; que le défaut de publicité foncière n'est pas une condition de validité de l'acte, mais une condition d'opposabilité aux tiers ; que l'acte n'est pas annulable sur ce motif ; que, cependant, la convention des parties n'est pas claire ; qu'elle est d'abord ambiguë sur sa durée ; que l'article 1873-3 impose qu'une convention d'indivision soit conclue pour une durée déterminée qui ne peut être supérieure à cinq ans, le partage ne pouvant être provoqué avant le terme convenu qu'en cas de justes motifs, ou pour une durée indéterminée, le partage pouvant alors être provoqué à tout moment, pourvu que ce ne soit pas de mauvaise foi ou à contretemps ; que l'acte sous seing privé des parties stipule d'une part que " mademoiselle
Z...
s'engage à verser sur le compte Société Générale " la somme de 250 € par mois non révisable sur une durée de huit ans (01. 01. 2018), date à laquelle soit une vente éventuelle, soit un rachat ou une prolongation du présent contrat pourront être envisagés " et d'autre part que " monsieur Y...s'engage à assumer le remboursement du prêt immobilier et de son assurance courant sur ce bien jusqu'à la date du 01. 01. 2016 sans solliciter financièrement mademoiselle
Z...
; que ce remboursement prendra fin soit à la vente de la maison à un tiers, soit au rachat par l'une des parties ou continuera si une entente n'est pas trouvée. " ; qu'alors que l'acte contient déjà deux dates distinctes susceptibles de constituer le terme, il est incompréhensible que monsieur Y...ait fait conclure que le terme de la convention se situait selon lui au " 1er janvier 2008 date mentionnée sur les tableaux d'amortissement immobilier " cette date du 1er janvier 2008 ne correspondant à rien ; qu'en effet la référence que fait monsieur Y...au terme des emprunts immobiliers ne rajoute qu'à la confusion dans la mesure où les emprunts immobiliers ont été stipulés pour deux d'entre eux à échéance de 180 mois (ou quinze ans, soit jusqu'en 2021) et pour le troisième à échéance de 300 7 mois (ou vingt-cinq ans, soit jusqu'en 2031) ; que plus largement l'économie du contrat est ambiguë, la cause des versements mensuels de 250 € mis à la charge de madame
Z...
et expressément stipulés non récupérables dans un paragraphe spécial demeurant indéterminée puisque monsieur Y...s'est engagé à supporter seul la charge de remboursement de l'emprunt immobilier ainsi que l'intégralité des charges afférentes à l'immeuble que la contrepartie des engagements de monsieur Y...paraît résider dans la jouissance exclusive du " bien et de ses annexes " à titre gratuit qu'il n'apparaît en revanche aucune contrepartie à l'engagement de madame
Z...
; que pour accroître la difficulté, le calcul des droits de chacun n'a été prévu à l'avance qu'en cas de vente du bien à un tiers mais non de rachat de part par l'un des indivisaires ; qu'il sera conclu de tout ce qui précède que si la commune intention des parties a été lors de la signature de demeurer dans l'indivision pour une durée déterminée de quelques années, qui ne pouvait être que de cinq ans au plus pour répondre aux prévisions de la loi l'imprécision de leur accord, son déséquilibre, les conflits qu'il contient en germe pour la liquidation ont constitué autant de justes motifs pour madame
Z...
de provoquer le partage avant terme ; que les conditions de signature de l'acte sous seing privé, à l'issue du déménagement de madame
Z...
, dans la cour de l'immeuble, sur le couvercle d'une poubelle, ainsi que l'indiquent des témoins, suivies d'un conflit quasi immédiat entre les parties sur leurs paiements respectifs et d'une dénonciation par monsieur Y...aux autorités du fait que madame
Z...
, infirmière de profession, avait stocké chez eux du matériel provenant de l'hôpital sont autant de justes motifs supplémentaires de mettre fin à un accord impraticable et inexécutable de bonne foi ; que les demandes d'ouverture des opérations de partage et de licitation de l'immeuble seront donc accueillies » (arrêt, p. 5-7) ;
ALORS QUE, premièrement, les conditions ayant entouré la conclusion de la convention organisation l'indivision ne peuvent constituer les justes motifs de l'article 1873-3 du code civil, dès lors que la convention a été reconnue valable ; qu'en décidant le contraire, pour se fonder sur les conditions entourant la conclusion de la convention (arrêt, p. 7, antépénultième alinéa), les juges du fond ont violé l'article 1873-3 du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, dès lors que le juge a l'obligation, si un litige surgit, d'interpréter la convention et de lever les équivoques ou les imprécisions qu'elle comporte, l'imprécision de l'accord ne peut en soi constituer un juste motif ; qu'en décidant le contraire, en faisant état de l'imprécision de l'accord, les juges du fond ont de nouveau violé l'article 1873-3 du code civil, ensemble les articles 4 et 12 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, troisièmement, l'économie de la convention ne peut pas davantage, à elle seule, constituer un juste motif et qu'en décidant le contraire, pour viser son déséquilibre, les juges du fond ont violé une fois encore l'article 1873-3 du code civil ;
ALORS QUE, quatrièmement, si les difficultés nées de l'exécution de la convention peuvent à l'inverse constituer les justes motifs, encore faut-il que les juges du fond s'expliquent, concrètement, sur ces difficultés ; qu'en se bornant à faire état des « conflits qu'il l'accord contient en germe pour la liquidation » (arrêt, p. 4, alinéa 4), sans davantage s'expliquer, les juges du fond doivent être regardés comme ayant privé leur décision de base légale au regard de l'article 1873-3 du code civil.