LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Poitiers, 27 janvier 2012), que les époux X... ont consenti à la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Poitou-Charentes (la SAFER) une promesse de vente portant sur un domaine agricole ; que la SAFER a levé l'option dans le délai stipulé ; que les époux X... ont refusé de passer l'acte de vente ; que la SAFER les a alors assignés afin d'obtenir une décision valant titre de propriété ; qu'au cours de cette procédure, les époux X... ont donné les biens litigieux à bail à Mme X... laquelle a ensuite apporté ce bail à l'EARL La Belle Alouette (l'EARL) dont elle est membre ; que la SAFER a demandé l'annulation de ce bail ;
Attendu que pour déclarer le bail inopposable à la SAFER et condamner les époux X... à régulariser la vente dans les conditions promises, l'arrêt retient que ce bail a été consenti par les époux X... en violation des termes de la promesse prévoyant que les biens litigieux devaient être libres de location ;
Qu'en statuant ainsi, tout en retenant que la validité du bail n'était pas contestable et que la SAFER ne rapportait pas la preuve de la fraude alléguée, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes des dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers autrement composée ;
Condamne la SAFER Poitou-Charentes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SAFER Poitou-Charentes à payer à l'EARL La Belle Alouette la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la SAFER Poitou-Charentes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour la société La Belle Alouette.
Il fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré inopposable à la SAFER POITOU CHARENTE le bail consenti par les époux X... à Madame X..., puis apporté ensuite à la société LA BELLE ALOUETTE ;
AUX MOTIFS QUE si les époux X... sont restés propriétaires des parcelles vendues jusqu'à la date de la signature de l'acte authentique et avaient donc qualité pour consentir un bail sur ces parcelles et apporter les droits dérivant de ce bail à la société LA BELLE ALOUETTE, cependant ils avaient également souscrit l'obligation de délivrer des terrains libres de tous baux, locations ou occupations quelconques, sauf clause contraire insérée en page 3 ; qu'aucune clause n'a été insérée en page 3 de la promesse les autorisant à conclure un bail sur les terrains vendus ; qu'en concluant un tel bail au bénéfice de Madame X... elle-même, par ailleurs propriétaire de certains terrains vendus et en transmettant les droits qu'ils tiennent de ce bail à la société LA BELLE ALOUETTE, cogérée par Madame X..., les époux X... ont manqué à l'obligation qu'ils avaient souscrite envers la SAFER POITOU-CHARENTE, de lui vendre des terrains libres de tout bail ; que si le bail n'est pas contestable en ses éléments de validité, il est parfaitement inopposable à la SAFER, quelle que soit la formule alléguée par cette dernière, dont la preuve n'est pas rapportée de façon circonstanciée ; que la SAFER est donc fondée à demander que le projet d'acte authentique de vente soit modifié comme indiquant que les terres vendues sont libres de tout bail ou de toute occupation, et que la régularisation par acte authentique de vente soit ordonnée sous astreinte ; que le bail du 24 novembre 2004 étant inopposable à l'acquéreur des terres vendues par les époux X..., il appartiendra à la société LA BELLE ALOUETTE d'en tirer toutes conséquences utiles sur le plan d'une action en garantie, laquelle n'est pas formée dans la présente procédure ;
ALORS, D'UNE PART, QUE si un créancier peut en son nom personnel attaquer un acte fait par son débiteur en fraude de ses droits, encore faut-il qu'il rapporte la preuve, d'une part, de la fraude, et d'autre part, de celle de la complicité du tiers dans la fraude commise par le débiteur ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait tout en constatant que la preuve de la fraude reprochée aux époux X... n'était pas établie et sans caractériser davantage la preuve de la complicité de l'EARL LA BELLE ALLOUETTE dont la prétendue fraude commise par les époux X..., la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1165 et 1167 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en toute hypothèse, toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait et en retenant l'inopposabilité à la SAFER POITOU-CHARENTES du bail consenti par les époux X... à Madame X... et apporté par cette dernière à l'EARL LA BELLE ALOUETTE, cependant que le manquement par ces derniers à leur obligation de vendre à la SAFER des terrains libres de tout bail, ne pouvait, tout au plus, se résoudre qu'en dommages et intérêts à la charge des vendeurs, la Cour d'appel a procédé d'une violation de l'article 1142 du Code civil.