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04/06/2013 | FRANCE | N°12-84543

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 juin 2013, 12-84543


Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Christine X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 31 mai 2012, qui, pour homicide involontaire, l'a condamnée à deux mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, alinéa 4, et 221-6 du code pénal, R. 4127-64 du code de la santé publique, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du

code procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Christine X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 31 mai 2012, qui, pour homicide involontaire, l'a condamnée à deux mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, alinéa 4, et 221-6 du code pénal, R. 4127-64 du code de la santé publique, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Mme Y...coupable d'homicide involontaire, l'a condamnée à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis et s'est prononcé sur les intérêts civils ;
" aux motifs propres que, par des énonciations suffisantes auxquelles il y a lieu de se référer expressément et par des motifs qui doivent être adoptés le tribunal a exactement exposé et analysé les faits poursuivis en procédant à une appréciation des éléments constitutifs de l'infraction qui doit être approuvée, éléments de preuve dont les débats d'appel n'ont aucunement modifié le caractère déterminant ; qu'il suffit encore d'ajouter : le rapport du professeur Z...rappelle sans ambiguïté qu'il existe une relation directe entre le décès de Mme A... et l'épanchement pleural compressif consécutif au mauvais positionnement du cathéter veineux sous-clavier ; que ceci est la cause exclusive du décès sans qu'aucun état pathologique antérieur puisse interférer ; que, par ailleurs, les expertises des professeurs Z...et I... ainsi que celle du Dr B...mettent en évidence que les prévenus se sont abstenus d'accomplir les diligences normales qui auraient permis de diagnostiquer les lésions et de mettre en place le traitement approprié, alors que ce manquement a contribué à causer le dommage, soit le décès de Mme A... ; que, par ailleurs, l'un et l'autre savaient que ces manquements flagrants aux obligations de sécurité et de prudence étaient de nature à entraîner un risque de mort ou de blessures qu'ils ne pouvaient ignorer en raison de leurs fonctions et de leurs compétences (..) ; que, s'agissant plus particulièrement du Dr Y...: la faute commise par le docteur C...n'est pas exclusive de la faute commise par le Dr Y...qui a, quoiqu'elle s'en défende, commis une faute caractérisée qui a consisté à ne pas s'être assurée que le médecin anesthésiste, prescripteur de la radiographie et qui avait placé le cathéter, avait été informé de son mauvais positionnement et de l'épanchement pleural constaté ; que les médecins experts et la littérature médicale qu'ils citent affirment que ces constatations radiologiques imposaient le retrait et la remise en place de ce cathéter ; que la prévenue ne pouvait ignorer que ce positionnement était de nature à accroître l'épanchement pleural déjà important constaté entraînant les complications qui sont survenues et qui sont directement à l'origine du décès de Mme A..., ce manquement constitue une faute caractérisée entretenant un lien direct de causalité avec le dommage ; que Mme Y...a reconnu dans un premier temps qu'elle ignorait le cheminement de la radio et dans un deuxième temps devant le juge d'instruction qu'au cas d'urgence le circuit de transmission des radios était identique au sein de la clinique que les éléments de l'interprétation du cliché qu'elle avait réalisé justifiaient une information rapide du médecin prescripteur ; que le Dr B..., expert radiologue, a précisé que si la présence d'un plicature du cathéter n'a pas toujours de conséquence, l'importance de l'épanchement pleural et médiastinal constaté, était pathologique et témoignait d'une complication postopératoire ; qu'il ajoute que quel qu'ait été le circuit de l'information médicale dans l'établissement, une telle complication méritait d'être signalée directement au médecin prescripteur ou, au moins, de s'assurer que l'information lui était bien parvenue ; qu'à cet égard les carences des uns ne sauraient exonérer les autres de leurs responsabilités ; que Mme Y...est apparue soucieuse de se dégager de toute responsabilité en invoquant exclusivement celle de la clinique et des praticiens qui y exerçaient, comme si le caractère autonome du service de radiologie au sein de l'établissement médical était exclusif de l'exercice en commun de la médecine ; que quelles qu'aient été l'organisation administrative, l'indépendance ou l'interdépendance juridique des structures au sein desquelles exerçaient les prévenus, ils se devaient mutuellement assistance et devaient se tenir mutuellement informés ;
" et aux motifs adoptés des premiers juges que, s'il apparaît que le Dr Y...n'a pas commis d'erreur de diagnostic dans la mesure où son interprétation radiologique met en évidence les complications effectivement constatées, ce médecin s'est en revanche abstenu dans un premier temps de s'informer suffisamment et entièrement sur l'état du patient au vu des moyens dont elle disposait ; qu'en effet, l'information judiciaire a permis d'établir sans ambiguïté que la radiologue a procédé à l'interprétation de l'examen de contrôle avec pour seules indications la nature de la radiographie mentionnée sur le bon et le compte rendu de celle réalisée précédemment ; qu'à ce titre, au regard de l'expertise du Dr B..., " la consultation du résultat du cliché pré-opératoire ne peut constituer qu'un des éléments de l'interprétation radiologique " alors que les expertises médicales des professeurs Z...et I... ont souligné de manière concordante le défaut " d'information concernant les éléments cliniques de la patiente constitutif d'un manque de professionnalisme " ; que dans un second temps, la négligence du Dr Y...est caractérisée par le fait qu'elle n'a pas pris les dispositions nécessaires afin de signaler au médecin prescripteur, à savoir le Dr C..., les constatations graves qu'elle venait de faire, en présence desquelles les données actuelles de la science prescrivent de retirer immédiatement le dispositif en cause, et ce en violation du protocole relatif au circuit de la radiologie, dont elle déclarait au demeurant ne pas avoir connaissance ; qu'alors même que les déclarations de la secrétaire médicale et de l'aide soignante sont contradictoires sur l'indication d'une éventuelle urgence médicale, il convient de rappeler que les médecins se doivent une assistance mutuelle et qu'en tout état de cause de telles complications méritaient d'être signalées directement par le Dr Y...au médecin anesthésiste ; que ce faisant, le Dr Y...n'a pas appliqué le standard minimal des soins appropriés, exposant ainsi Mme A... à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer ;
" 1°) alors que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage, ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence et de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; que la faute caractérisée s'entend soit d'une accumulation de fautes d'imprudence, soit d'une faute dont les éléments sont en eux-mêmes marqués d'une certaine gravité ; qu'en retenant en l'espèce qu'il y avait faute caractérisée du seul fait que le Dr Y...ne s'était pas suffisamment informée de l'état de santé de Mme A... en procédant à l'interprétation d'une radiographie postopératoire avec pour seules indications la nature de celle-ci mentionnée sur le bon et le compte-rendu d'une radiographie réalisée précédemment, et avait transmis son compte-rendu sans s'assurer que le Dr C..., prescripteur de la radiographie qui avait placé le cathéter, l'avait effectivement reçu, la cour d'appel n'a pas légalement iustifié sa décision ;
" 2°) alors que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage, ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence et de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; que la seule négligence sans conscience du risque grave encouru ne permet pas de retenir la faute caractérisée au sens de l'article 121-3 du code pénal ; qu'en retenant en l'espèce qu'il y avait faute caractérisée du seul fait que le Dr Y...ne s'était pas suffisamment informée de l'état de santé de Mme A... en procédant à l'interprétation d'une radiographie postopératoire (dont il n'est pas constaté qu'elle ait été faussée) avec pour seules indications la nature de celle-ci mentionnée sur le bon et le compte-rendu d'une radiographie réalisée précédemment, et avait transmis son compte-rendu sans s'assurer que le Dr C..., prescripteur de la radiographie qui avait placé le cathéter, l'avait effectivement reçu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 3°) alors que le Dr Y...soutenait en appel que l'absence de procédure efficace de transmission des radiologies en cas d'urgence, au sein de l'établissement de soins avait fortement contribué au décès de Mme A... ; qu'en se bornant à affirmer que le Dr Y...avait commis une faute caractérisée, à défaut d'avoir informé le Dr C...des constatations graves qu'elle avait faites en interprétant la radiographie postopératoire, dès lors qu'elle était tenue d'un devoir d'assistance mutuel à l'égard de ce praticien, sans rechercher si le défaut d'organisation du service de la clinique en matière de transmission des radiologies avait constitué un élément déterminant ayant contribué au décès de la patiente, alors même qu'elle avait transmis son compte-rendu en urgence à Mme D..., aide-soignante, salariée de la clinique, le Dr C...n'étant en toute hypothèse alors pas joignable ainsi qu'il l'avait exposé et ne s'étant pas lui-même inquiété de l'absence de réception du compte-rendu de radiographie demandé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 4°) alors que, il n'y a de lien direct de causalité entre la faute et le dommage que dans la mesure où la faute est la cause essentielle et déterminante du dommage sans laquelle celui-ci n'aurait pu être causé ; que la seule omission d'un acte qui aurait permis d'éviter un accident ne peut en soi être considéré comme ayant un lien de causalité directe avec le dommage ; qu'il est constant que le Dr Y...n'a pas elle-même effectué un acte causant le décès de Mme A... et qu'il lui est uniquement reproché de ne pas avoir pris des mesures qui auraient permis d'éviter l'accident et en particulier d'avoir transmis son compte-rendu sans s'assurer que le Dr C..., prescripteur de la radiographie qui avait placé le cathéter, l'avait effectivement reçu ; qu'en retenant néanmoins que cette faute " entretenait un lien direct de causalité avec le dommage ", la cour d'appel n'a pas légalement sa décision
" 5°) alors que tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en affirmant d'une part que le manquement du Dr Y..., qui ne s'était pas assurée que le Dr C...avait été informé du mauvais positionnement du cathéter et de l'épanchement pleural qu'elle avait constaté sur la radiographie, constituait une faute caractérisée et d'autre part que cette faute caractérisée entretenait un lien direct de causalité avec le dommage, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé les textes susvisés ;
" 6°) alors que l'absence de certitude du lien de causalité entre le dommage et la faute du prévenu entraîne la relaxe de celui-ci ; qu'en se bornant à affirmer que le manquement du Dr Y...constituait une faute caractérisée entretenant un lien direct de causalité avec le dommage, sans constater que la faute reprochée au Dr Y...avait de manière certaine contribué au décès de Mme A..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision et a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 13 I... 2006, Mme A... a été hospitalisée à la clinique Saint-Joseph à Angoulême afin d'y subir une colectomie en vue de laquelle le médecin anesthésiste lui a implanté un cathéter central ; qu'après l'intervention chirurgicale, une radiographie de contrôle a été effectuée par Mme Y..., médecin radiologue ; que la patiente est décédée le 17 I... d'un arrêt cardiaque découlant d'un épanchement pleural compressif dû à un mauvais positionnement du cathéter veineux central ; que les deux médecins ont été poursuivis pour homicide involontaire et déclarés coupables des faits poursuivis par jugement dont ils ont interjeté appel ;
Attendu que, pour confirmer le jugement à l'égard de Mme Y..., l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que celle-ci a commis une faute caractérisée ayant exposé la patiente à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer en ne s'assurant pas que le médecin anesthésiste, prescripteur de la radiographie, et qui avait placé le cathéter, avait été informé de son mauvais positionnement et de la présence d'un épanchement pleural dont l'importance témoignait d'une complication post opératoire ; que les juges ajoutent que, quelles que soient l'organisation administrative de l'établissement et l'indépendance des structures, les praticiens y exerçant se devaient assistance et devaient se tenir mutuellement informés ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 3 000 euros la somme globale que Mme Y...devra payer à Mmes Isabelle A..., Chantal A..., M. Olivier A..., Mmes Jessica E..., Audrey H..., Andrée F..., M. Marcel F..., Mmes Paulette F..., Vanessa G..., parties civiles, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Harel-Dutirou conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Couffrant
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-84543
Date de la décision : 04/06/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 31 mai 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 jui. 2013, pourvoi n°12-84543


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Richard, SCP Tiffreau, Corlay et Marlange

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.84543
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