LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Ecole de conduite des petits prés a engagé M. X... le 6 avril 2007 suivant un contrat à durée déterminée puis, à compter du 6 juin 2007, pour une durée indéterminée ; que son contrat de travail a été transféré à compter du 1er octobre 2007 à la société Auto moto école de la Carmagnole ; qu'il a été victime le 3 janvier 2008 d'un accident déclaré par l'employeur comme un accident de trajet ; qu'ayant été licencié le 26 juin 2008, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre de la nullité du licenciement, alors, selon le moyen :
1°/ que l'application par le juge prud'homal des règles protectrices des salariés victimes d'accident du travail ou d'une maladie professionnelle n'est pas subordonnée à la décision prise par la caisse d'assurance maladie ; qu'en décidant que la prise en charge de l'accident par la caisse primaire d'assurance maladie au titre d'un accident de trajet ne pouvait être remise en cause par le salarié devant la juridiction prud'homale pour bénéficier de la protection attachée aux accidents de travail, au motif qu'il ne l'avait pas remise en cause devant la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, la cour d'appel qui s'est estimé liée par la décision de la caisse primaire a méconnu le principe de l'autonomie du droit du travail par rapport au droit de la sécurité sociale et a violé les articles L. 1226-7, L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail ;
2°/ que le salarié doit être regardé comme étant au temps et au lieu de travail dès lors qu'il est soumis à l'autorité de son employeur ; qu'ayant relevé que l'accident est survenu alors que le moniteur d'auto école arrivait sur son lieu de travail pour donner un cours de conduite à un élève qu'il venait de saluer et qu'il avait glissé devant la porte d'entrée de l'auto-école, ce dont il s'évinçait que se trouvant sous la subordination de l'employeur, il s'agissait d'un accident du travail, la cour d'appel qui a décidé le contraire a violé les articles L. 1226-7, L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail ;
Mais attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le moyen, qui en sa première branche, s'attaque à des motifs surabondants, ne tend par ailleurs qu'à contester l'appréciation souveraine par les juges du fond de l'origine non professionnelle de l'arrêt de travail à la suite de l'accident du 3 janvier 2008 ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1224-2 du code du travail ;
Attendu que si l'obligation au paiement d'une indemnité de requalification d'un contrat à durée déterminée naît dès la conclusion de ce contrat en méconnaissance des exigences légales et pèse en conséquence sur l'employeur l'ayant conclu, cette circonstance ne fait pas obstacle à l'application de l'article L. 1224-2 du code du travail en vertu duquel, sauf dans certains cas, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité de requalification, l'arrêt retient que celui-ci a conclu le contrat à durée déterminée ne comportant pas les mentions requises par l'article L. 1242-12 du code du travail avec la société Ecole de conduite des petits prés qui n'est pas en cause et qu'en conséquence, la société Auto moto école de la Carmagnole qui a acquis le fonds de commerce de cette société et qui n'est pas l'employeur initial ne peut se voir condamner au paiement d'une telle indemnité de requalification ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne par voie de dépendance la cassation du chef de l'arrêt, visé par le quatrième moyen, ayant débouté l'union locale CGT de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de la législation sur le recours au contrat à durée déterminée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée du 6 avril 2007 et l'union locale CGT de celle à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 19 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Auto moto école de la Carmagnole aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Auto moto école de la Carmagnole et condamne celle-ci à payer à M. X... et à l'union locale CGT la somme globale de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X... et le syndicat Union locale CGT de Chatou
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
sur la requalification du contrat à durée déterminéeLe moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 4.682 € au titre de l'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée de 6 avril 2007 ;
AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne la demande tendant à la requalification du premier contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée pour absence de mentions du nom et de la qualification du salarié remplacé, il convient de rappeler que l'indemnité de requalification naît à la conclusion de ce contrat conclu en méconnaissance des exigences légales et pèse sur l'employeur l'ayant conclu ; qu'au cas présent que Monsieur X... a conclu le contrat de travail à durée déterminée ne comportant pas les mentions requises par l'article L. 1242-12 du Code du travail avec la société ECOLE DE CONDUITE DES PETITS PRES qui n'est pas en cause ; qu'en conséquence la SOCIETE AUTO MOTO ECOLE DE LA CARMAGNOLE qui a acquis le fonds de commerce de la société ECOLE DE CONDUITE DES PETITS PRES et qui n'est pas l'employeur initial ne peut se voir condamner au paiement d'une indemnité de requalification ;
ALORS QUE si l'obligation au paiement d'une indemnité de requalification d'un contrat à durée déterminée naît dès la conclusion de ce contrat en méconnaissance des exigences légales et pèse en conséquence sur l'employeur l'ayant conclu, cette circonstance ne fait pas obstacle à l'application de l'article L. 1224-2 du Code du travail en vertu duquel, sauf dans certains cas, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de paiement de l'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée au motif que la SOCIETE AUTO MOTO ECOLE DE LA CARMAGNOLE qui a acquis le fonds de commerce de la société ECOLE DE CONDUITE DES PETITS PRES et qui n'est pas l'employeur initial, ne peut se voir condamner au paiement d'une indemnité de requalification, la Cour d'appel a violé l'article L 1224-2 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
sur la nullité du licenciementLe moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de réintégration dans l'entreprise sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de la décision à intervenir et de ses demandes de condamnation de l'employeur à lui payer les sommes de 40.000 € à titre d'indemnité pour licenciement nul, 98.322,40 € au titre des salaires échus du 30 juin 2008 au 31 décembre 2011 à parfaire au jour de la décision à intervenir en tenant des augmentations de salaires légales et conventionnelles, outre les congés payés afférents et sous astreinte de 150 € par jour de retard ;
AUX MOTIFS QU'une protection particulière a été instituée pour les salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dans leurs rapports avec l'employeur au service duquel est survenu l'accident ou a été contractée la maladie (article L. 1226-7 et suivants du code du travail) ; que toutefois cette protection s'applique aux accidents du travail proprement dits et aux maladies professionnelles mais non aux accidents de trajet qui relèvent des dispositions communes régissant les absences pour indisponibilité physique ; qu'au cas présent suite à l'accident dont Monsieur X... a été victime le 3 janvier 2008 la société AUTO MOTO ECOLE DE LA CARMAGNOLE a procédé le 28 janvier 2008 a une déclaration au titre d'un accident "survenu mail de la Carmagnole le 3 janvier 2008 à 8 heures sur le trajet du travail, Monsieur X... ayant glissé sur le trottoir verglacé"; qu'il est établi que la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines a informé Monsieur X... le 29 février 2008 de la prise en charge de l'accident au titre d'un accident de trajet et lui a versé les indemnités en proportion de cette reconnaissance ; qu'à ce jour, Monsieur X... n'a pas remis en cause devant la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale une telle reconnaissance au titre de la législation professionnelle ; qu'une telle prise en charge ne peut donc être remise en cause par Monsieur X... devant la présente juridiction pour lui permettre de bénéficier de la protection attachée exclusivement à la reconnaissance des accidents du travail ; que par ailleurs, en indiquant que l'accident était survenu alors qu'il arrivait sur son lieu de travail pour donner un cours de conduite à un élève qu'il venait de saluer et qu'il avait glissé devant la porte d'entrée de l'auto-école (sans avoir pénétré encore dans l'enceinte de l'auto-école), Monsieur X... n'a pas démontré la réalité d'un accident du travail puisqu'à la date de l'accident il n'était pas encore placé sous la subordination de son employeur ; qu'en conséquence qu'il convient de débouter Monsieur X... de toutes les demandes tendant à voir dire nul et de nul effet son licenciement ;
ALORS QUE l'application par le juge prud'homale des règles protectrices des salariés victimes d'accident du travail ou d'une maladie professionnelle n'est pas subordonnée à la décision prise par la Caisse d'Assurance Maladie ; qu'en décidant que la prise en charge de l'accident par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie au titre d'un accident de trajet ne pouvait être remise en cause par le salarié devant la juridiction prud'homale pour bénéficier de la protection attachés aux accidents de travail, au motif qu'il ne l'avait pas remise en cause devant la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, la Cour d'appel qui s'est estimé liée par la décision de la Caisse Primaire a méconnu le principe de l'autonomie du droit du travail par rapport au droit de la sécurité sociale et a violé les articles L 1226-7, L 1226-9 et L 1226-13 du Code du travail ;
ALORS subsidiairement QUE le salarié doit être regardé comme étant au temps et au lieu de travail dès lors qu'il est soumis à l'autorité de son employeur ; ayant relevé que l'accident est survenu alors que le moniteur d'auto école arrivait sur son lieu de travail pour donner un cours de conduite à un élève qu'il venait de saluer et qu'il avait glissé devant la porte d'entrée de l'auto-école, ce dont il s'évinçait que se trouvant sous la subordination de l'employeur, il s'agissait d'un accident du travail, la Cour d'appel qui a décidé le contraire a violé les articles L 1226-7, L 1226-9 et L 1226-13 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
subsidiaire, sur le licenciementLe moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes de condamnation de l'employeur à lui payer les sommes de 2.341 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents et de 90.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE si les articles L. 1132-1 et suivants du code du travail (ancien article L. 122-45) font interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, ces textes ne s'opposent pas au licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son fonctionnement ; qu'au cas présent que la société AUTO MOTO ECOLE DE LA CARMAGNOLE a notifié à Monsieur X... la rupture de son contrat de travail le 26 juin 2008 en invoquant son absence prolongée depuis le 3 janvier 2008 entraînant des difficultés de fonctionnement et rendant indispensable son remplacement définitif ; qu'à cet égard la société AUTO MOTO ECOLE DE LA CARMAGNOLE était en 2008 une très petite entreprise employant trois salariés ; qu'elle indique, sans encourir aucune véritable critique, qu'elle a éprouvé au cours de l'année 2008 des difficultés pour pourvoir au remplacement de Monsieur X... par des contrats de travail à durée déterminée dès lors que la pénurie de moniteurs de conduite impose la nécessité pour les auto-écoles de conclure des contrats de travail à durée indéterminée ; qu'enfin la société AUTO MOTO ECOLE DE LA CARMAGNOLE précise que l'absence de son salarié pendant plus de six mois a entraîné des perturbations l'ayant privée notamment de la possibilité de conclure plus de contrats relatifs à l'apprentissage de la conduite de véhicules automobiles ; qu'enfin elle a justifié avoir procédé le 17 juin 2008 à l'embauche en contrat de travail à durée indéterminée d'un nouveau moniteur, contrat devenu définitif à l'issue de la période d'essai d'un mois ; qu'en conséquence que le licenciement de Monsieur X... est fondé sur une cause réelle et sérieuse ; qu'ainsi le jugement déféré doit être réformé ; qu'aucune précision n'est apportée par les parties concernant le versement du salaire pendant la durée du préavis ; qu'à cet égard, Monsieur X... ne justifie pas qu'il pouvait reprendre le travail à l'issue de la notification du licenciement ; qu'ainsi aucune indemnité n'est due ;
ALORS QUE le contrat de travail suspendu par une maladie non professionnelle, ne peut être rompu qu'en raison de perturbations causées par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié entraînant la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif ; qu'en se contentant de reprendre des allégations de l'employeur selon lesquels il aurait connu pendant 6 mois des difficultés pour remplacer le salarié par des contrats à durée déterminée et qu'il aurait été privé de la possibilité de conclure plus de contrats d'apprentissage, sans indiquer ni analyser les documents de preuve sur lesquels, elle se serait fondée pour caractériser les perturbations justifiant le licenciement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1132-1 du Code du travail ;
ALORS encore QU'en s'abstenant d'analyser tout document de preuve au motif que les indications de l'employeur n'encourent aucune véritable critique, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté l'Union Locale CGT de Chatou de sa demande de condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'aucun manquement grave n'ayant été commis par la société AUTO MOTO ECOLE DE LA CARMAGNOLE dans le cadre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail la liant à M. Mohamed X..., aucun préjudice n'a été occasionné à l'ensemble des salariés ; qu'ainsi la demande d'indemnisation présentée par l'Union Locale CGT de Chatou en défense de l'intérêt collectif de la profession doit être rejetée ;
ALORS QUE la cassation qui ne manquera pas d'être prononcée sur le fondement des premier, deuxième ou troisième moyens, entraînera par voie de conséquence l'annulation du chef ici querellé en application de l'article 625 du Code de procédure civile.