LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme X..., ès qualités, de sa reprise d'instance ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 22 novembre 2011) rendu sur contredit, que M. Y..., après avoir fondé le 30 mai 1995 avec MM. Z... et A... à parts égales la société Mécanique outillage de Picardie maritime (MOPM), a été engagé par cette société en qualité de responsable technique statut cadre le 3 juillet suivant, M. Z... étant gérant jusqu'en 2007, puis M. A... ; que la société a été mise en redressement judiciaire le 23 janvier 2009 et que sur autorisation du juge-commissaire du 25 février suivant, M. Y... a été licencié pour motif économique par lettre de l'administrateur judiciaire du 12 mars 2009 ; que le 23 avril 2010, un plan de redressement par voie de continuation a été adopté pour la société ; que le 23 novembre 2012, la société a été mise en liquidation judiciaire, Mme X... étant désignée liquidateur ;
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de dire le contrat de travail non fictif et de retenir en conséquence la compétence de la juridiction prud'homale saisie, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'il s'agit d'un dirigeant social, la production d'un écrit ne suffit pas à créer une apparence de contrat de travail et il appartient à l'intéressé de rapporter la preuve du lien de subordination qu'il prétend avoir existé parallèlement à ses fonctions de dirigeant ; que la cour d'appel a constaté que le responsable technique avait vu sa rémunération fixée par le juge-commissaire, dans le cadre du redressement judiciaire de la société MOPM, en qualité de dirigeant de ladite société ; que si le juge-commissaire n'avait pas compétence pour trancher le point de savoir s'il existait ou non un contrat de travail, la qualité de dirigeant du prétendu salarié n'en était pas moins établie de telle sorte que la cour d'appel, statuant en matière prud'homale, devait rechercher si les conditions du cumul entre les qualités de dirigeant social et de salarié étaient réunies ; qu'en se bornant à relever, pour dire que le responsable technique pouvait se prévaloir de la qualité de salarié, qu'il existait un contrat de travail apparent constitué par le contrat écrit signé en 1995 cependant que ce seul constat était impuissant, compte tenu de la qualité de dirigeant de la société reconnue par la décision du juge-commissaire en date du 19 février 2009, à caractériser l'existence d'un contrat de travail apparent, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles L. 1221-1 du code du travail, ensemble les articles 9 du code de procédure civile, 1134 et 1315 du code civil ;
2°/ qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a méconnu l'autorité de chose jugée de l'ordonnance du juge-commissaire en date du 19 février 2009 en ce qu'elle avait reconnu au responsable technique la qualité de dirigeant de la société MOPM et a ainsi violé, par refus d'application, les articles 1350 et 1351 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le salarié n'avait jamais été gérant de la société ni de droit ni de fait et que l'ordonnance du juge-commissaire lui reconnaissant une rémunération en sa qualité d'associé ne suffisait pas à établir la fictivité du contrat de travail correspondant à des fonctions techniques et régulièrement executé, la cour d'appel a fait une exacte application des règles de preuve en la matière sans méconnaître l'autorité de la chose jugée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X..., ès qualités, et la condamne à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour Mme X..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société MOMP,
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le contrat de travail de Monsieur Y... n'était pas fictif, de sorte que le litige portant sur la rupture dudit contrat relevait de la compétence de la juridiction prud'homale et d'AVOIR, en conséquence, déclaré le conseil de prud'hommes d'ABBEVILLE compétent pour en connaître ;
AUX MOTIFS QUE « Sur ce, la Cour : que la SARL MOMP a été créée le 30 mai 1995 par Messieurs Z..., Y... et A..., associés à parts égales, Monsieur Z... étant nommé gérant et Monsieur Y... concluant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 juillet 1995 en qualité de responsable technique, statut cadre, pour une rémunération mensuelle brute de 4500 € ; que par jugement du tribunal de commerce d'Amiens du 23 janvier 2009 la société a été déclarée en redressement judiciaire, Me C... étant désigné comme administrateur judiciaire, Me D... en qualité de juge-commissaire et Me X... en qualité de mandataire judiciaire ; que par jugement du 23 avril 2010 un plan de redressement par continuation a été arrêté et Me C... désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan ; que par ordonnance du 25 février 2009 le juge-commissaire a autorisé l'administrateur judiciaire à procéder à des licenciements pour motif économique concernant trois salariés ; que monsieur Y... a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 3 mars 2009 par lettre du 23 février 2009 précédent, puis licencié pour motif économique par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 mars 2009 ; que contestant la régularité et la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, monsieur Y... a saisi le conseil de prud'hommes d'Abbeville, qui, statuant par jugement du 6 décembre 2010, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment ; que la qualité d'associé minoritaire d'une société à responsabilité limitée n'est pas exclusive de celle de salarié, qu'il ressort du dossier que monsieur Y... bénéficiait d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 juillet 1995, en qualité de responsable technique, avec des fonctions précises définies dans son contrat de travail (travail en atelier et responsabilité de la fabrication) ; que ce contrat a reçu exécution, l'intéressé percevant notamment la rémunération convenue en contrepartie de ses fonctions techniques, des bulletins de salaire lui étant régulièrement délivrés pour la période de juillet 1995 à mars 2008 ; qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui en invoque le caractère fictif d'en rapporter la preuve, notamment en démontrant l'absence de lien, de subordination juridique caractéristique du contrat de travail ; qu'en l'espèce aucun élément n'est produit de nature à établir l'absence de lien de subordination et à contredire sur ce point les mentions du contrat individuel de travail de monsieur Y... d'où il ressort que celui-ci devait se conformer aux instructions de monsieur Z... gérant, affirmation factuelle qui n'est contredite par aucun élément du dossier, la décision de l'Assédic du 25 mars 1996 de ne pas appliquer le régime d'assurance chômage aux associés Messieurs Y... et A... qui ne concerne que les rapports de cet organisme avec la société étant à elle seule parfaitement inopérante pour établir l'absence de lien de subordination, de même que la décision du juge-commissaire de modifier la rémunération brute mensuelle de monsieur Y..., alors que ce dernier n'a compétence en application de l'article L631-11 du code de commerce que pour fixer la rémunération du dirigeant d'une personne morale et non le salaire octroyé au titre d'un contrat de travail ; qu'on ne peut déduire de l'absence de contestation de cette décision par monsieur Y... la preuve de l'absence de lien de subordination ; que monsieur Y... n'a par ailleurs jamais exercé les fonctions de gérant, confiées à monsieur Z..., puis en octobre 2007 à monsieur A... ; qu'il ne peut davantage être considéré comme ayant agi en qualité de gérant de fait, dès lors qu'il ne disposait d'aucune délégation de signature et qu'aucune pièce du dossier ne permet de considérer qu'il se serait à un moment ou à un autre immiscé dans la direction et la gestion de l'entreprise pour exercer au lieu et place de ses représentants légaux les prérogatives de l'employeur ; que la preuve d'un contrat de travail fictif n'étant pas rapportée et en l'absence d'élément permettant de considérer que Monsieur Y... n'aurait pas effectivement exercé les fonctions techniques pour lesquelles il avait été engagé et rémunéré dans un lien de subordination juridique vis-à-vis de son employeur, la décision entreprise doit être infirmée et il convient de dire la juridiction prud'homale compétente pour connaître du litige lié à la rupture du contrat de travail de l'intéressé » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE lorsqu'il s'agit d'un dirigeant social, la production d'un écrit ne suffit pas à créer une apparence de contrat de travail et il appartient à l'intéressé de rapporter la preuve du lien de subordination qu'il prétend avoir existé parallèlement à ses fonctions de dirigeant ; que la cour d'appel a constaté que Monsieur Y... avait vu sa rémunération fixée par le juge commissaire, dans le cadre du redressement judiciaire de la société MOPM, en qualité de dirigeant de ladite société ; que si le juge commissaire n'avait pas compétence pour trancher le point de savoir s'il existait ou non un contrat de travail, la qualité de dirigeant du prétendu salarié n'en était pas moins établie de telle sorte que la cour d'appel statuant en matière prud'homale devait rechercher si les conditions du cumul entre les qualités de dirigeant social et de salarié étaient réunies ; qu'en se bornant à relever, pour dire que Monsieur Y... pouvait se prévaloir de la qualité de salarié, qu'il existait un contrat de travail apparent constitué par le contrat écrit signé en 1995 cependant que ce seul constat était impuissant, compte tenu de la qualité de dirigeant de la société reconnue par la décision du juge-commissaire en date du 19 février 2009, à caractériser l'existence d'un contrat de travail apparent, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles L. 1221-1 du Code du travail, ensemble les articles 9 du Code de procédure civile, 1134 et 1315 du Code civil ;
QU'EN STATUANT DE LA SORTE, la cour d'appel a méconnu l'autorité de chose jugée de l'ordonnance du juge-commissaire en date du 19 février 2009 en ce qu'elle avait reconnu à Monsieur Y... la qualité de dirigeant de la société MOPM et a ainsi violé par refus d'application les articles 1350 et 1351 du Code civil.