LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
1°/ Mme Françoise X..., épouse Y...,
2°/ M. Jean-Albert Y...,
domiciliés tous deux ..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'ayants droit de leur fils Clément Y...,
contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2011 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige les opposant :
1°/ à M. Didier Z..., domicilié...
2°/ à la caisse mutuelle régionale (CMR), dont le siège est 34 rue de Parpas, 71407 Autun cedex, dont l'organisme conventionné est la société Mutis,
3°/ à M. Jean-Charles A..., domicilié...
4°/ à la Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (MATMUT) salariés, dont le siège est 66 rue Sotteville, 76030 Rouen cedex,
5°/ à la société Mutuelles du Mans assurances (MMA) IARD, société anonyme, dont le siège est 10 boulevard Alexandre Oyon, 72030 Le Mans cedex, venant aux droits et obligations de la société Azur assurances,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 avril 2013, où étaient présents : M. Charruault, président, Mme Dreifuss-Netter, conseiller rapporteur, M. Gridel, conseiller, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Dreifuss-Netter, conseiller, les observations de la SCP Roger et Sevaux, avocat de M. et Mme Y..., de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de M. Z..., de la SCP Blanc et Rousseau, avocat de la société Mutuelles du Mans assurances IARD, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à M. et Mme Y... du désistement de leur pourvoi au profit de M. A... et de la Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (MATMUT) ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que M. et Mme Y..., parents du jeune Clément, décédé, à l'âge de 16 ans, des blessures subies lors d'un accident de la circulation survenu le 7 août 2003 et impliquant un véhicule conduit par M. B..., ayant recherché la responsabilité de son assureur, la société MMA, et de M. Z..., médecin-anesthésiste qui avait pris en charge le blessé lors de son hospitalisation, reprochent à l'arrêt attaqué (Paris, 28 janvier 2011) de surseoir à statuer sur l'ensemble de leurs prétentions jusqu'à ce qu'une décision irrévocable soit intervenue en suite de l'information pénale en cours à l'encontre de M. B..., alors, selon le moyen :
1°/ que le juge n'est tenu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur l'action publique que lorsqu'il est saisi d'une action civile en réparation du préjudice né de l'infraction qui en fait l'objet ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui relève que la juridiction pénale se trouve saisie de la seule plainte avec constitution de partie civile de M. et Mme Y... dirigée contre M. B... à l'origine de l'accident de circulation dont a été victime leur fils et ne fait état que d'une simple faculté de voir les investigations du juge d'instruction étendues à M. Z..., ce dont il résultait que l'action civile tendant à la réparation du préjudice subi par l'enfant et par ses parents à raison des fautes reprochées à M. Z... ou à l'application de la loi du 5 juillet 1985 ne pouvait se confondre avec une action civile en réparation des préjudices nés de l'infraction dont était saisie la juridiction pénale, a méconnu la portée de ses propres énonciations et violé par fausse application, l'article 4, alinéa 2, du code de procédure pénale ;
2°/ que l'action civile qu'un patient ou ses ayants droit peut exercer, devant la juridiction civile, à l'encontre d'un médecin à raison des fautes commises par celui-ci, étant nécessairement fondée soit sur les règles de la responsabilité contractuelle, soit sur les obligations nées pour le personnel médical de l'application du code de la santé publique, ne saurait être confondue avec une action civile en réparation du préjudice causé par une infraction ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a de plus fort violé l'article 4, alinéa 2, du code de procédure pénale ;
Mais attendu que l'appréciation de l'opportunité de prononcer un sursis à statuer sur le fondement de l'article 4 du code pénal relève du pouvoir discrétionnaire du juge du fond ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'il est sursis à statuer sur les prétentions formulées par les parties jusqu'à ce qu'une décision irrévocable soit intervenue en suite de l'information pénale ouverte devant le juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Nevers suite à la plainte déposée par les époux Y... ;
Aux motifs qu'en application de l'article 4 du Code de procédure pénale, si l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique, il doit être sursis à statuer sur cette action civile tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement ; qu'il résulte de l'ordonnance de consignation du 27 décembre 2006, émanant du juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Nevers que les époux Y... ont effectivement déposé le 9 octobre 2006 une plainte avec constitution de partie civile à l'encontre de Monsieur B..., conducteur du véhicule impliqué, des chefs de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou supérieure à 8 jours, refus de priorité et homicide involontaire ; que par ailleurs ce juge a, dans une réponse en date du 20 janvier 2010, faite au conseil des époux Y..., à un courrier en date du 14 janvier 2010, non produit aux débats, rappelé l'ouverture de l'information concernant Monsieur B... sous les qualifications de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 3 mois, refus de priorité et homicide involontaire et indiqué rester dans l'attente de la décision à rendre par cette Cour « avant d'achever les investigations nécessaires à réaliser sur l'aspect responsabilité médicale du dossier » ; qu'il doit être dès lors admis avec les parties, en l'état de ces quelques éléments d'appréciation, que l'information pénale en cours concerne également des actes susceptibles de mettre en cause la responsabilité pénale du docteur Z... ; que dans le cadre de leur action civile les époux Y... reprochent au médecin d'avoir commis diverses fautes, erreurs ou négligences, à savoir : technique d'anesthésie inadaptée et insuffisance du remplissage effectué avant la rachianesthésie, absence de monitorage durant les anesthésies, fixation fautive des seuils d'alarme des paramétrages de monitorage, départ de l'anesthésiste de la salle d'opération au moment le plus critique, perte de temps lors de la réanimation et absence d'oxygénation de la victime, mauvaise appréciation de l'état de gravité malgré les signes de souffrance cérébrale évidents, absence de soins post-opératoires et retard du transfert ; qu'il s'avère que ces mêmes erreurs et négligences peuvent faire l'objet d'investigations par le juge d'instruction qui à ce jour n'a pas achevé son information ; que la décision pénale à intervenir est ainsi susceptible d'exercer une influence sur la solution de la présente instance qui procède des mêmes faits et de la même cause ; qu'il convient en conséquence de surseoir à statuer sur la totalité des prétentions formulées par les parties dans l'attente d'une décision pénale irrévocable ;
Alors, que le juge n'est tenu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur l'action publique que lorsqu'il est saisi d'une action civile en réparation du préjudice né de l'infraction qui en fait l'objet ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui relève que la juridiction pénale se trouve saisie de la seule plainte avec constitution de partie civile de Monsieur et Madame Y... dirigée contre Monsieur B... à l'origine de l'accident de circulation dont a été victime leur fils et ne fait état que d'une simple faculté de voir les investigations du juge d'instruction étendues au docteur Z..., ce dont il résultait que l'action civile tendant à la réparation du préjudice subi par l'enfant et par ses parents à raison des fautes reprochées au docteur Z... ou à l'application de la loi du 5 juillet 1985 ne pouvait se confondre avec une action civile en réparation des préjudices nés de l'infraction dont était saisie la juridiction pénale, a méconnu la portée de ses propres énonciations et violé par fausse application, l'article 4 alinéa 2 du Code de procédure pénale ;
Et alors, en toute hypothèse, que l'action civile qu'un patient ou ses ayants-droit peut exercer, devant la juridiction civile, à l'encontre d'un médecin à raison des fautes commises par celui-ci, étant nécessairement fondée soit sur les règles de la responsabilité contractuelle, soit sur les obligations nées pour le personnel médical de l'application du Code de la santé publique, ne saurait être confondue avec une action civile en réparation du préjudice causé par une infraction ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a de plus fort violé l'article 4 alinéa 2 du Code de procédure pénale ;