LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 septembre 2011), que M. X... a cédé le 4 janvier 2007 à la société Seniors santé un fonds de commerce de maison de retraite dont sa fille était la directrice et écrit le même jour à l'acquéreur que si celle-ci ne démissionnait pas de ses fonctions dans les trois mois, il s'engageait « d'ores et déjà à prendre à sa charge toutes indemnités dues si un licenciement économique devait intervenir » dans le même délai ; que licenciée pour motif économique le 3 avril 2007 par la société Seniors santé, Mme X... a contesté son licenciement devant le conseil des prud'hommes qui l'a jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que M. X..., condamné à rembourser à l'acquéreur l'indemnité conventionnelle versée à sa fille à la suite de son licenciement, outre diverses sommes à titre de dommages-intérêts, l'a assigné à son tour en remboursement et en dommages-intérêts ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à exécuter l'engagement qu'il a souscrit et dit qu'en application de celui-ci, il devait payer à la société Seniors santé les sommes dues par cette dernière à Mme X... à la suite de son licenciement, alors, selon le moyen :
1°/ que l'engagement pris par le cédant d'un fonds de commerce de prendre en charge toutes indemnités dues par le cessionnaire en cas de licenciement économique d'un salarié ne peut être exécuté que si le licenciement auquel il a été procédé est effectivement justifié par une cause économique ; que tel n'est pas le cas lorsqu'il a été jugé que le licenciement litigieux n'était pas motivé par la situation économique du cédant et qu'il est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en considérant que le licenciement pour motif économique de Mme X... justifiait que M. X... soit condamné à exécuter l'engagement de prendre en charge toute indemnités dues par la société Seniors santé, que ledit engagement n'était pas subordonné à la réalité et à l'effectivité du caractère économique de la mesure et à son bien-fondé, et qu'il importait peu que le conseil de prud'hommes ait jugé qu'un telle cause n'existait pas, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;
2°/ que, subsidiairement, le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, M. X..., cédant d'un fonds de commerce, s'était engagé envers le cessionnaire à prendre en charge toutes indemnités dues en cas de licenciement économique de Mme X..., si celui-ci intervenait dans les trois mois de la cession ; qu'en affirmant que l'engagement de M. X... n'était pas subordonné à la réalité et à l'effectivité du caractère économique du licenciement, la cour d'appel a dénaturé l'engagement pris dans la lettre du 4 janvier 2007 et violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que M. X... a fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que les écritures de première instance de la société Seniors santé lui avaient révélé qu'il avait été victime d'un dol car elles établissaient que la société n'avait jamais eu l'intention de maintenir Mme X... dans ses effectifs ; qu'en décidant que la preuve d'un dol n'était pas rapportée, sans répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution d'une obligation d'un évènement qu'il est du pouvoir de l'une ou de l'autre des parties de faire arriver ou d'empêcher ; qu'en l'espèce, il résulte de la lettre de M. X... en date du 4 janvier 2007 que si Mme X... ne démissionnait pas après la cession et si un licenciement économique devait intervenir, il prendrait les indemnités à sa charge ; qu'en considérant que cet engagement n'était pas totalement potestatif car il ne dépendait pas uniquement de la société Seniors santé, alors que seule cette dernière pouvait décider de procéder ou non au licenciement de Mme X..., et ainsi faire naître l'obligation pour M. X... de prendre en charge les indemnités, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que Mme X... avait été licenciée pour motif économique par la société Seniors santé et relevé que M. X... s'était engagé à prendre en charge toutes indemnités dues à sa fille Mme X... en cas de licenciement économique de celle-ci, l'arrêt retient que cet engagement n'est ni subordonné à la réalité et à l'effectivité du caractère économique de cette mesure ou à son bien-fondé, ni limité à un licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, et que la décision ayant jugé qu'une telle cause n'existait pas n'a pas eu pour effet de modifier le fondement économique du licenciement ; que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire, sans dénaturer l'engagement pris par M. X..., que les conditions auxquelles était soumis cet engagement étaient satisfaites ;
Attendu, en deuxième lieu, que c'est souverainement et sans avoir à s'expliquer sur un élément de preuve qu'elle décidait d'écarter que la cour d'appel a estimé que M. X... ne démontrait pas que son engagement envers la société Seniors santé avait été surpris par un dol de celle-ci ;
Et attendu, enfin, que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le licenciement économique de Mme X... par la société Seniors santé ne dépendait pas exclusivement de cette dernière, mais était avant tout la conséquence de l'absence de démission de Mme X..., laquelle reposait sur le seul pouvoir de cette dernière ; qu'en l'état de ces constatations faisant ressortir que l'engagement de M. X... était subordonné à la réalisation d'une condition mixte en ce que celle-ci ne dépendait pas de la volonté discrétionnaire de la société Seniors santé mais supposait une décision préalable d'un tiers, c'est à bon droit que la cour d'appel a statué comme elle a fait ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société Seniors santé la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Christian X... à exécuter l'engagement qu'il a souscrit et dit qu'en application de celui-ci, il devait payer à la société SENIORS SANTE les sommes dues par cette dernière à Mlle X... à la suite du licenciement économique prononcé le 3 avril 2007,
AUX MOTIFS QUE "l'engagement de Monsieur X... de prendre en charges toutes indemnités dues à sa fille Cécile en cas de licenciement économique de celle-ci par la société SENIORS SANTE n'est pas subordonné à la réalité et à l'effectivité du caractère économique de cette mesure ainsi qu'au bien-fondé de la même, ni limité uniquement à son licenciement avec cause réelle et sérieuse. Le fait que le Conseil de Prud'hommes ait jugé qu'une telle mesure n'existait pas n'a pas pour effet de modifier le fondement économique pour lequel s'est engagé M. X..., dans la mesure où ce jugement n'a pas transformé le licenciement pour motif économique en un licenciement pour motif personnel.Monsieur X... ne démontre aucunement que son engagement du 4 janvier 2007 vis-à-vis de la société SENIORS SANTE ait été surpris par un dol de celle-ci, et par suite, c'est à tort qu'il invoque un vice du consentement.L'engagement de M. X... de prendre en charge toutes indemnités résultant du licenciement économique de sa fille Cécile est clairement énoncé dans la lettre du 4 janvier 2007 qu'il a signée, ce qui exclut le doute visé par l'article 1162 du Code Civil.La condition potestative est selon l'article 1170 du Code "celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un évènement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher"; elle a été écartée à juste titre par le Tribunal de Commerce au motif que le licenciement économique de Mademoiselle Cécile X... par la société SENIORS SANTE ne dépend pas exclusivement de cette dernière mais est avant tout la conséquence de la démission de cette salariée qui repose sur le seul pouvoir de celle-ci; de plus Mademoiselle X... est étrangère à la relation contractuelle née de la lettre écrite le 4 janvier 2007 par Monsieur X... à la société SENIORS SANTE.C'est en conséquence à bon droit que le jugement dont appel a condamné Monsieur X... à exécuter son engagement indiscutable de prendre en charge toutes les indemnités dues par la société SENIORS SANTE suite au licenciement de sa fille Cécile, parmi lesquelles figurent les sommes résultant du jugement prud'homal du 11 mars 2009" (arrêt p. 5);
ALORS, D'UNE PART, QUE l'engagement pris par le cédant d'un fonds de commerce de prendre en charge toutes indemnités dues par le cessionnaire en cas de licenciement économique d'un salarié ne peut être exécuté que si le licenciement auquel il a été procédé est effectivement justifié par une cause économique ; que tel n'est pas le cas lorsqu'il a été jugé que le licenciement litigieux n'était pas motivé par la situation économique du cédant et qu'il est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse; qu'en considérant que le licenciement pour motif économique de Mlle X... justifiait que M. X... soit condamné à exécuter l'engagement de prendre en charge toute indemnités dues par la société SENIORS SANTE, que ledit engagement n'était pas subordonné à la réalité et à l'effectivité du caractère économique de la mesure et à son bien-fondé, et qu'il importait peu que le conseil de prud'hommes ait jugé qu'un telle cause n'existait pas, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil;
ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause; qu'en l'espèce, M. X..., cédant d'un fonds de commerce, s'était engagé envers le cessionnaire à prendre en charge toutes indemnités dues en cas de licenciement économique de Mlle X..., si celui-ci intervenait dans les trois mois de la cession; qu'en affirmant que l'engagement de M. X... n'était pas subordonné à la réalité et à l'effectivité du caractère économique du licenciement, la cour d'appel a dénaturé l'engagement pris dans la lettre du 4 janvier 2007 et violé l'article 1134 du code civil;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE M. X... a fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que les écritures de première instance de la société SENIORS SANTE lui avaient révélé qu'il avait été victime d'un dol car elles établissaient que la société n'avait jamais eu l'intention de maintenir Mlle X... dans ses effectifs ; qu'en décidant que la preuve d'un dol n'était pas rapportée, sans répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution d'une obligation d'un évènement qu'il est du pouvoir de l'une ou de l'autre des parties de faire arriver ou d'empêcher; qu'en l'espèce, il résulte de la lettre de M. X... en date du 4 janvier 2007 que si Mlle X... ne démissionnait pas après la cession et si un licenciement économique devait intervenir, il prendrait les indemnités à sa charge ; qu'en considérant que cet engagement n'était pas totalement potestatif car il ne dépendait pas uniquement de la société SENIORS SANTE, alors que seule cette dernière pouvait décider de procéder ou non au licenciement de Mlle X..., et ainsi faire naître l'obligation pour M. X... de prendre en charge les indemnités, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil.