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28/05/2013 | FRANCE | N°12-19748

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 28 mai 2013, 12-19748


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable en la cause ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, les actions civiles et les demandes relatives aux marques sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance, y compris lorsqu'elles portent à la fois sur une question de marques et sur une question connexe de concurrence déloyale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur contredit, que la soci

été Sara Lee Coffee and Tea France (la société Sara Lee), qui commercia...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable en la cause ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, les actions civiles et les demandes relatives aux marques sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance, y compris lorsqu'elles portent à la fois sur une question de marques et sur une question connexe de concurrence déloyale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur contredit, que la société Sara Lee Coffee and Tea France (la société Sara Lee), qui commercialise comme la société Segafredo Zanetti France (la société Segafredo) du café emballé, reprochant à cette dernière d'avoir mis sur le marché en 2010 un café, dénommé « arôme et sensation », dans un emballage présentant des similitudes avec celui qu'elle utilise pour la vente du café dénommé « arôme et caractère », l'a fait assigner en concurrence déloyale et parasitaire devant le tribunal de commerce de Paris ; que la défenderesse a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie ;
Attendu que pour rejeter l'exception d'incompétence, l'arrêt retient que le litige ne commande pas d'apprécier les droits privatifs dont les sociétés disposent sur le seul nom de leurs produits mais tend uniquement à rechercher si l'utilisation par la société Segafredo d'une dénomination voisine figurant sur un emballage présentant des similitudes avec le sien entraîne un risque de confusion entre les cafés pour le consommateur d'attention moyenne ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'une demande tendant à faire interdire à la société Segafredo l'utilisation tant de l'emballage en cause que de la seule dénomination « arôme et sensation », ce qui mettait la juridiction saisie dans l'obligation d'apprécier les droits de cette société sur le signe « arôme et sensation », déposé par elle à titre de marque pour désigner du café, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Sara Lee Coffee and Tea France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Segafredo Zanetti France la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la société Segafredo Zanetti France
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le contredit fondé, dit le tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître du litige et renvoyé l'affaire devant cette juridiction ;
Aux motifs que la société Sara Lee déclare que la société Segafredo a choisi une dénomination construite de la même façon que la sienne reproduite sur un emballage similaire, qu'elle a apposé aussi la tasse dorée à trois reprises sur son emballage se plaçant ainsi dans son sillage dès lors que les cafés l'or qui sont l'emblème de sa notoriété, sont symbolisés par une tasse dorée ; qu'elle lui fait grief de banaliser son symbole, qu'elle soutient que son action est uniquement fondée sur ces actes de concurrence déloyale et qu'elle est étrangère au droit des marques ; qu'elle se plaint de l'utilisation de la dénomination sur un emballage imitant le sien et que les marques de la société Sara Lee n'ont pas pour objet un tel ensemble qu'elle déclare n'avoir aucun droit privatif sur l'emballage tel que présenté et qu'elle ne peut se protéger que par une action en concurrence déloyale ; que la société Segafredo expose être titulaire d'une marque "arôme et sensation" mais souligne que son adversaire est titulaire de trois marques ; qu'elle relève que la société Sara Lee demande l'interdiction de l'utilisation de la dénomination "arôme et sensation" et de l'emballage ; qu'elle en déduit que dès lors le droit des marques est en cause et l'article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle doit s'appliquer ; qu'elle indique qu'elle est fondée à solliciter la déchéance de deux marques de la société adverse et qu'à ce titre, le tribunal de grande instance est compétent aussi ; que les sociétés en cause sont toutes deux des sociétés commerciales et à ce titre, ont toutes deux la qualité de commerçante ; que le contentieux les opposant relève en principe de la compétence du tribunal de commerce ; que toutefois, il est invoqué par la société Segafredo pour justifier de la compétence du tribunal de grande instance de Paris, l'article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que "Les actions civiles et les demandes relatives aux marques, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire" ; que pour déterminer la compétence de la juridiction susceptible de statuer sur l'instance engagée par la société Sara Lee, il convient de rechercher si les prétentions de cette dernière portent ou non sur des dispositions relevant du droit des marques ; que la compétence s'apprécie au jour où l'instance est introduite et donc au regard de l'assignation qui a été délivrée par la société Sara Lee a l'encontre de la société Segafredo ; que les conclusions ultérieures déposées par la société Segafredo sont indifférentes quant à la détermination de la juridiction compétente ; que la société Sara Lee a saisi le tribunal de commerce aux fins, aux termes du dispositif de l'assignation délivrée à la société Segafredo, de :
- dire et juger qu'en dénommant un café Arôme et Sensation et en le conditionnant dans un emballage similaire à celui du café Arôme et Caractère de la société Sara Lee reproduisant une tasse dorée, la société Segafredo a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire aux dépens de la société Sara Lee ;
- interdire à la société Segafredo d'une part d'utiliser la dénomination Arôme et Sensation et un emballage présentant un aspect similaire à l'emballage Arôme et Caractère et d'autre part de reproduire une tasse dorée sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- se réserver la liquidation de l'astreinte ;
- condamner la société Segafredo à payer à la société Sara Lee une somme de 100 000 euros à titre de dommages intérêts ;
- ordonner la publication de la décision à intervenir dans cinq supports au choix de la société Sara Lee aux frais de la société Segafredo dans la limite de 50 000 euros HT ;
- condamner la société Segafredo à payer à la société Sara Lee une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner l'exécution du jugement à intervenir ;
qu'il résulte de ce dispositif que la société Sara Lee n'a formé qu'une demande de dommages intérêts fondée sur des actes de concurrence déloyale et de parasitisme commis par son adversaire et relevant de la responsabilité délictuelle prévue à l'article 1382 du code civil ; que la demande figurant au dispositif de cette assignation ne tend pas à constater une contrefaçon de marque et à interdire l'usage de la marque détenue par la société Segafredo "Arôme et Sensation" ; qu'il n'est pas contesté par la société Sara Lee qu'elle est titulaire de trois marques déposées pour des cafés à savoir une marque verbale "arôme et caractère maison du café", une marque semi-figurative "arôme et caractère maison du café maîtres torréfacteurs depuis 1753" et une marque semi-figurative "arôme et caractère de maîtres torréfacteurs depuis 1753" ; qu'il n'est pas établi que la société Sara Lee a déposé une marque ou un modèle de nature à protéger l'emballage qu'elle utilise pour la commercialisation de son café "arôme et caractère" ; que dans son assignation, la société Sara Lee ne revendique pas la protection attachée à ces marques ; qu'elle stigmatise l'usage par son concurrent d'un café dénommé "arôme et sensation" dans un emballage dont les trois quarts supérieurs sont de couleur noire et brune et dont le quart inférieur est de couleur dorée au milieu duquel est reproduite la dénomination Arôme et Sensation en lettres blanches, les termes étant superposés et sur lequel est reproduite par ailleurs, une tasse dorée sur les côtés et le dos de cet emballage ; qu'elle en déduit l'existence de similitudes tant au regard du nom du produit que de sa présentation susceptibles d'entraîner un risque de confusion entre les cafés en cause pour le consommateur d'attention moyenne ne les ayant pas simultanément sous les yeux ce qui serait constitutif de concurrence déloyale ; qu'elle fait grief à son adversaire de se placer dans son sillage et donc de se rendre coupable de concurrence parasitaire; que ces griefs ne relèvent pas du droit des marques et n'appellent pas de la part de la juridiction saisie d'apprécier les droits privatifs dont les sociétés disposent sur le seul nom de leurs produits, l'emballage ne faisant lui l'objet d'aucun droit privatif ; que le reproche fait à l'encontre de la société Segafredo par la société Sara Lee est l'utilisation d'une dénomination voisine figurant sur une emballage présentant des similitudes et c'est la combinaison de ces éléments qui est considérée par la société Sara Lee comme établissant la concurrence déloyale et parasitaire dont elle entend obtenir réparation ; que dès lors le tribunal de commerce est bien compétent pour connaître de la demande d'indemnisation présentée par la société Sara Lee à l'encontre de son concurrent pour des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;
Alors, d'une part, que, relève de la compétence du tribunal de grande instance l'examen des demandes impliquant d'apprécier la contrefaçon ou l'imitation d'une marque et tendant à affecter les droits du défendeur sur sa propre marque ; que l'arrêt attaqué rappelle que la société Sara Lee Coffee And Tea France faisait valoir devant le tribunal de commerce notamment que la société Segafredo Zanetti France commercialise un café sous la dénomination Arôme et Sensation, qu'elle en a déduit l'existence de similitudes, pour un consommateur moyen, avec le signe qu'elle exploite – Arôme et Caractère – et qu'elle a demandé en conséquence qu'interdiction soit faite à la société Segafredo Zanetti France d'utiliser la dénomination Arôme et Sensation ; que l'arrêt attaqué constate que ces deux signes sont déposés à titre de marque ; qu'en écartant la compétence exclusive du tribunal de grande instance cependant qu'il résultait de ces constatations que l'examen du litige commandait d'examiner les droits respectifs des parties sur les signes en cause au titre du droit des marques et que la demande tendant à affecter les droits de la société Segafredo Zanetti France sur la marque dont elle est titulaire en en interdisant l'exploitation, la cour d'appel a violé l'article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Alors, d'autre part, que les demandes fondées sur la concurrence déloyale, connexes aux demandes en matière de marque, relèvent de la compétence du tribunal de grande instance ; que l'arrêt considère que la combinaison, d'une part, de l'imitation de la dénomination Arôme et Caractère par la marque appartenant à la société Segafredo Zanetti France et, d'autre part, de l'imitation du conditionnement du produit, dépourvu de tout droit privatif, commande la compétence du tribunal de commerce pour connaître de la demande fondée sur la concurrence déloyale ; qu'en statuant ainsi, bien que l'imitation prétendue du conditionnement, constitutive d'une concurrence déloyale, implique la compétence du tribunal de grande instance en tant qu'elle est connexe à la demande en matière de marques procédant des faits prétendus d'imitation par la marque appartenant à la société Segafredo Zanetti France de la marque déposée par la société Sara Lee Coffee And Tea France, la cour d'appel a violé l'article 716-3 du code de la propriété intellectuelle.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-19748
Date de la décision : 28/05/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 avril 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 28 mai. 2013, pourvoi n°12-19748


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.19748
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