LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, qu'aucun texte n'exige que soit mentionnée dans l'arrêt la date de la désignation du président de la chambre de l'expropriation qui a prononcé l'arrêt attaqué et qui est présumé avoir été désigné conformément aux dispositions légales et que la société EADM ne démontre pas l'irrégularité qu'elle allègue ;
Attendu, d'autre part, qu'il résulte des productions de la société EADM que la désignation de chacun des deux assesseurs n'était pas caduque à la date des débats ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que la qualification de terrain à bâtir n'était pas revendiquée par les consorts X..., que les parties s'accordaient sur la qualification de terrain en situation privilégiée compte tenu de leur proximité des lotissements déjà existants, le litige portant uniquement sur les conséquences devant en être tirées en terme d'évaluation et, retenu, que les ventes dont la société EADM se prévalait concernaient pour certaines des parcelles contigües aux parcelles expropriées, que le prix de 10,50 euros le mètre carré auquel elles avaient été vendues apparaissait comme la valeur pouvant s'appliquer à la majeure partie des parcelles expropriées et qu'à hauteur de 1500 m2 les parcelles 611 et 779 qui donnent sur la route d'Arzal, sont bordées de terrains construits à l'est à l'ouest et au sud, la cour d'appel, qui n'a pas dit que les parcelles expropriées étaient pour partie des terrains agricoles et pour une autre partie des terrains à bâtir, en a souverainement déduit qu'elles bénéficiaient d'un emplacement spécifique devant conduire à un prix supérieur au reste de l'ensemble, qu'elle limitait à 20 euros le mètre carré ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société EADM aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société EADM à payer aux consorts X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société EADM ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Espace aménagement et développement du Morbihan
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir été rendu par « Madame JEORGER-LE GAC, Président, Monsieur STOLL, Juge de l'expropriation du Département du Finistère, Madame OLIVIERO, Juge de l'expropriation du Département de Loire-Atlantique, ces deux derniers désignée conformément aux dispositions des articles R13-1 et suivants du Code de l'expropriation » ;
1°) Alors que la chambre statuant en appel est présidée par un président de chambre de la cour d'appel désigné pour trois années renouvelables par ordonnance du premier président ; qu'en statuant dans une composition dont le président n'avait pas été désigné par une ordonnance du premier président de la cour d'appel datant de moins de trois ans, la cour d'appel a violé l'article R13-5 du Code de l'expropriation ;
2°) Alors que la chambre statuant en appel comprend deux assesseurs qui seront choisis par le président de la chambre parmi les juges du ressort visés à l'article L13-1 du Code de l'expropriation ; que les juges de l'expropriation et les magistrats sont désignés par ordonnance du premier président pour une durée de trois ans renouvelable ; que Monsieur STOLL a été désigné juge de l'expropriation pour le département du Finistère par ordonnance du 31 décembre 2008, pour trois ans à compter du 1er janvier 2009 ; qu'en statuant dans une composition comprenant un assesseur, juges de l'expropriation, non désigné par ordonnance du premier président datant de moins de trois ans, la cour d'appel a violé les articles L13-22, L13-1 et R13-2 du Code de l'expropriation.
3°) Alors que la chambre statuant en appel comprend deux assesseurs qui seront choisis par le président de la chambre parmi les juges du ressort visés à l'article L13-1 du Code de l'expropriation ; que les juges de l'expropriation et les magistrats sont désignés par ordonnance du premier président pour une durée de trois ans renouvelable ; que Madame OLIVIERO a été désignée juge de l'expropriation pour le département de Loire-Atlantique par ordonnance du 7 septembre 2010, à compter du 31 août 2010 et jusqu'au 31 décembre 2011 ; qu'en statuant dans une composition comprenant un assesseur, juge de l'expropriation, non désigné par ordonnance du premier président pour la période à laquelle elle a rendu sa décision, la cour d'appel a violé les articles L13-22, L13-1 et R13-2 du Code de l'expropriation.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé l'indemnité principale due aux consorts X... par la société EADM pour l'expropriation des parcelles situées à BILLIERS, cadastrées section AC 220, 222, 224, 229, 230, 609, 611, 779 et section B 59 et 60 à la somme de 135.986 €, et d'avoir en conséquence fixé l'indemnité de remploi à la somme de 14.946 € ;
Aux motifs que « Description du bien. Les parcelles communiquent entre elles et forment un ensemble d'une surface totale de 11.980 m2, en nature de pré, qui dispose au sud d'un accès d'environ 35 m de large sur la route d'ARZAL, laquelle est le prolongement d'une rue donnant accès au centre bourg de BILLIERS. Les parcelles sont situées en zone AUa et jouxtent le secteur déjà urbanisé de la commune de BILLIERS et à cet égard, les deux côtés de la route d'ARZAL sont constitués de parcelles déjà construites, sauf pour trois d'entre elles, dont l'une est justement la parcelle 611, bordée à l'est et à l'ouest par des parcelles construites. La route d'ARZAL est desservie par tous les réseaux nécessaires aux constructions qui la bordent, même s'il est acquis aux débats qu'ils se révéleront insuffisants pour la future ZAC du LOS MER. Date de référence et qualification des biens. Les parties s'accordent à juste titre sur la date du 9 août 2008, puisque les parcelles sont situées en zone de préemption urbaine. La qualification de terrain à bâtir n'est pas revendiquée par les consorts X... et les parties s'accordent sur la qualification de terrain en situation privilégiée compte tenu de leur proximité des lotissements déjà existants, le litige portant uniquement sur les conséquences devant en être tirées en terme d'évaluation. Evaluation des biens. Les références dont se prévalent les consorts X... sont dépourvues de pertinence en ce qu'aucune d'entre elle ne concerne des terrains situés sur la même commune ou à proximité des parcelles expropriées. Pour sa part, EADM se prévaut de ventes qui, certes, ont été conclues dans le cadre du projet d'aménagement de la ZAC, mais qui n'en avaient pas moins un caractère amiable, démontrant que les vendeurs considéraient acceptable le prix leur étant offert, et qui concernent, pour certaines, des parcelles contiguës aux parcelles expropriées : vente du 3 juin 2009 RAUX/EADM pour une parcelle de 489 m2 au prix de 10,50 € le m2 – vente du 7 octobre 2009 RICHARD /EADM pour des parcelles d'une contenance totale de 8.020 m2 au prix de 10,50 € le mètre carré – vente du 11 février 2010 LE GUILLOTIN/EADM pour des parcelles d'une contenance totale de 33.157 m2 au prix de 10,50 euros le m2 – vente du 11 février 2010, OLIVIER/EADM pour des parcelles d'une contenance totale de 31.557 m2 8 au prix de 10,50 € le m2. Dès lors, et même si l'absence de données d'ensemble ne permet pas la stricte application à l'espèce des dispositions de l'article L13-16 du Code de l'expropriation, le prix de 10,50 euros le mètre carré apparaît comme la valeur pouvant s'appliquer à la majeure partie des parcelles expropriées. Aucune disposition légale n'imposant que sur une même zone, les parcelles, quelques soient leur situation, soit évaluées au même prix, et les dispositions de l'article L13-13 du Code de l'expropriation posant le principe d'une évaluation intégrale du préjudice, le premier juge a retenu à bon droit qu'à hauteur de 1.500 m2, les parcelles 611 et 779 qui donnant sur la route d'ARZAL, sont bordées de terrains construits à l'est, à l'ouest et au sud (de l'autre côté de la route), bénéficiaient d'un emplacement spécifique devant conduire à les évaluer à un prix supérieur au reste de l'ensemble. La cour estime toutefois que ce supplément de prix doit être limité à 20 euros du mètre carré. Par conséquent, l'indemnité revenant aux consorts X... se calcule comme suit :
Indemnité principale :
1.500 m2 x 20 = 30.000 euros
10.480 m2 x 10,50 euros = 110.040
Total : 140.040 euros
Abattement pour location : 4.054 euros
soit indemnité principale : 135.986,00 euros.
Indemnité de remploi :
20% de 5.000 = 1.000 euros
15% de 10.000 = 1.500 euros
10% de 134.486 = 13.446 euros
total de l'indemnité de remploi : 14.946 euros » (arrêt, p.4 et 5) ;
et aux motifs adoptés des premiers juges que « les termes de comparaison proposés par EADM constituent des éléments de référence privilégiés concernant des immeubles directement comparables, en zonage identique, situés dans le même périmètre et qui ont été acquis entre le 3/6/2009 et le 11/2/2010 soit à une date récente. Toutefois il convient de tenir compte des atouts de la partie sud de la parcelle 779 jouxtant la route d'ARZAL, située entre des propriétés bâties 610, 778 et face à d'autres propriétés bâties situées de l'autre côté de la route. Il convient de noter que l'urbanisation constituée de maisons individuelles avec jardin y est continue. Il y a lieu en conséquence d'individualiser une surface de 1.500 m2 dans cette parcelle de 4351 m2 et fixer à 30 € le m2 le montant de l'indemnité pour cette partie de la parcelle. Pour le reste, la proposition d'EADM sur la base de 10,50 € le m2 apparaît appropriée. » (jugement, p.5) ;
1°) Alors que la règle de l'unicité du terrain s'oppose à ce qu'un ensemble d'un seul tenant soit considéré pour partie comme terrain à bâtir et pour partie comme terrain agricole ; qu'en fixant pourtant pour une fraction des parcelles expropriées une indemnité correspondant au double de l'indemnité prévue pour le reste des parcelles, déjà qualifiées de terrains en situation privilégiée, et en accordant ainsi aux expropriés pour cette fraction une indemnité correspondant à une qualification de terrain à bâtir, la cour d'appel a violé l'article L13-15 du Code de l'expropriation ;
2°) Alors que pour fixer l'indemnité d'expropriation par la méthode par comparaison, le juge doit indiquer les termes de référence qu'il retient à l'appui de son évaluation ; qu'en se bornant à affirmer que le supplément de prix pour la fraction des parcelles 611 et 779 bénéficiant d'un emplacement spécifique devait être fixé à 20 euros le mètre carré, soit près du double de l'évaluation retenue pour le reste des terrains expropriés intégrant déjà une plus-value par rapport à de simples terres agricoles et résultant des seuls termes de comparaison jugés pertinents, sans indiquer les éléments de comparaison lui permettant d'évaluer l'avantage particulier de la fraction de parcelle ainsi indemnisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L13-15 du Code de l'expropriation.