LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Siderm que sur le pourvoi incident relevé par la Banque populaire de Lorraine Champagne ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 14 décembre 2011), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 16 mars 2010, pourvoi n° 08-17.316) que la société Siderm ayant été mise en redressement judiciaire le 4 avril 2003, la Banque populaire de Lorraine Champagne (la banque) a déclaré sa créance, sans joindre les documents justificatifs ; que le 1er octobre 2003, M. X..., représentant des créanciers et depuis liquidateur, lui a fait connaître, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, visant les dispositions de l'article L. 621-47 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, que, faute d'avoir reçu les documents justificatifs réclamés par une précédente lettre du 7 mai 2003, il envisageait de proposer le rejet de la créance, tout en lui rappelant que le défaut de réponse dans le délai de trente jours lui interdirait toute contestation ultérieure d'une décision conforme à cette proposition ; que la banque a répondu le 16 octobre 2003 en faisant part de son désaccord et en indiquant qu'elle adresserait ses pièces, dès que son conseil lui en aurait fait retour ; qu'elle a fait parvenir les documents justificatifs à M. X... le 16 décembre 2003 ; que l'arrêt de la cour d'appel confirmant l'ordonnance du juge-commissaire rejetant la créance a été cassé le 16 mars 2010 par la Cour de cassation qui a considéré que la lettre du 1er octobre 2003 par laquelle le représentant des créanciers demandait les documents justificatifs de la créance, sans préciser l'objet de la contestation, ne relevait pas de la sanction prévue par les articles L. 621-47 et L. 621-105 du code de commerce en cas de défaut de réponse dans le délai de trente jours ; que devant la cour d'appel de renvoi la banque a sollicité l'admission de sa créance ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir admis à titre chirographaire la créance de la banque au passif de la procédure collective, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en se bornant à énoncer qu'il résultait de l'ancien article L. 621-47 du code de commerce, applicable en l'espèce, que «la lettre par laquelle le représentant des créanciers demande les justificatifs de la créance et ne précise pas l'objet de la contestation, ne constitue pas une discussion de celle-ci - et ne déclenche donc ni le délai ni la sanction ci-dessus indiqués», sans rechercher si, en l'espèce, les lettres adressées par le représentant des créanciers à la banque constituaient ou non une discussion au sens de ce texte tel qu'interprété par la Cour de cassation, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard des anciens articles L. 621-47 et L. 621-105 du code de commerce, applicables en l'espèce ;
2°/ qu'en toute hypothèse, constitue une discussion sur tout ou partie d'une créance déclarée au passif d'une procédure collective, la lettre par laquelle le représentant des créanciers ne se borne pas à solliciter des pièces justificatives mais précise l'objet de la contestation de la créance, tenant à l'absence de ces pièces, afin que le créancier puisse faire connaître ses explications et informe ce dernier qu'à défaut de réponse dans le délai de trente jours, toute contestation ultérieure de la proposition du représentant des créanciers est interdite ; qu'en jugeant, pour déclarer recevable le recours de la banque à l'encontre de la décision du juge-commissaire ayant rejeté sa créance, que le représentant des créanciers n'avait pas discuté cette créance quand elle constatait que, dans sa lettre du 1er octobre 2003, ce dernier avait informé la banque, en visant l'article L. 621-47 ancien du code de commerce, que faute d'avoir reçu les justificatifs précédemment demandés, il envisageait de proposer le rejet de la créance, tout en lui rappelant que le défaut de réponse dans le délai de trente jours lui interdirait toute contestation ultérieure d'une décision conforme à cette proposition, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'ancien article L. 621-47du code de commerce, applicable en l'espèce ;
Mais attendu qu'en retenant que la lettre du 1er octobre 2003, par laquelle le représentant des créanciers demandait à la banque les justificatifs de sa créance sans préciser l'objet de la contestation, ne constituait pas une discussion de celle-ci, la cour d'appel de renvoi a statué en conformité de l'arrêt de cassation qui l'avait saisie ; que le moyen est irrecevable ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande d'admission, à titre chirographaire, de sa créance relative au découvert en compte et aux intérêts y afférents, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions récapitulatives n° 2 du 5 mai 2011, la banque fait valoir que si le relevé du compte courant débiteur de la société faisait apparaître un solde débiteur de 59 950,89 euros le 24 septembre 2002, date de dernière écriture intervenue sur ce compte et correspondant au basculement du solde débiteur en comptabilité contentieuse, le solde débiteur avait été déclaré pour 54 550,87 euros au lieu des 59 950,89 euros non pas par erreur mais parce que la réduction du solde à 54 550,87 euros résultait d'une affectation d'une retenue de garantie de 5 400,02 euros que détenait à l'époque la banque comme l'attestait la pièce n° 6 régulièrement produite aux débats ; qu'en rejetant cette créance motif pris de ce que le solde débiteur du compte courant n'aurait été justifié par aucune pièce et qu'aucune explication n'aurait été donnée sur le montant réclamé de 54 550,87 euros, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, violant ainsi les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Mais attendu que sous le couvert de la violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la portée des éléments du débat par les juges du fond ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société Siderm
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR admis la créance de la BANQUE POPULAIRE DE LORRAINE CHAMPAGNE au passif de la procédure collective de la société SIDERM à titre chirographaire pour les montants de 137 500 euros au titre de billets à ordre impayés, avec intérêts au taux légal du 6 mai 2002 au 4 avril 2003, date de l'ouverture de la procédure collective, sur la somme de 75.000 euros et du 6 juin 2002 au 4 avril 2003 sur la somme de 62 500 euros, de 21 656,01 euros au titre d'effets impayés et de 13 887,95 euros au titre de cessions DAILLY impayées ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que Me X..., alors représentant des créanciers, a par lettre du 7 mai 2003, invité la BANQUE POPULAIRE DE LORRAINE à lui faire parvenir les pièces justificatives de la créance dont la déclaration n'était pas accompagnée ; et que par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er octobre 2003, il l'a informée, en visant l'article L. 621-47 ancien du code de commerce, de ce que faute d'avoir reçu lesdites pièces, il envisageait de proposer le rejet de la créance, tout en lui rappelant que le défaut de réponse dans le délai de 30 jours lui interdirait toute contestation ultérieure d'une décision conforme à cette proposition ; que la BANQUE POPULAIRE DE LORRAINE, après avoir répondu le 16 octobre 2003 que les justificatifs de sa créance se trouvaient entre les mains de son avocat, les a adressés à Me X... le 16 décembre 2003 ; qu'aucun effet ne saurait être tiré de ce que la BANQUE POPULAIRE DE LORRAINE, dans ces réponses, a employé la formule «suite à votre contestation de créance…», étant rappelé qu'aucun aveu ne peut porter sur un point de droit ; que l'article L. 621-47 précité, dans sa rédaction antérieure à la loi du 25 juillet 2005 dispose «s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance …, le représentant des créanciers en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de 30 jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du représentant des créanciers» ; qu'il résulte de ce texte que la lettre par laquelle le représentant des créanciers demande les justificatifs de la créance et ne précise pas l'objet de la contestation, ne constitue pas une discussion de celle-ci - et ne déclenche donc ni le délai ni la sanction ci-dessus indiqués : la carence du créancier qui ne répondrait pas à cette demande expose son auteur au rejet de la créance par le juge-commissaire ; mais que la production des justificatifs peut être régularisée jusqu'à ce que le juge-commissaire statue, l'article L. 621-44 ancien du code de commerce relatif à la déclaration n'imposant au créancier aucun délai ; qu'en l'espèce, la BANQUE POPULAIRE DE LORRAINE a présenté à Me X... les pièces étayant sa déclaration, le 16 décembre 2003 ; qu'il appartient donc à la Cour, après avoir infirmé l'ordonnance critiquée, de statuer sur la créance, ainsi que le demande l'appelante, les parties incidentes, pour leur part, s'étant abstenues de conclure au fond, fût-ce à titre subsidiaire ;
1°/ ALORS QU'en se bornant à énoncer qu'il résultait de l'ancien article L. 621-47 du code de commerce, applicable en l'espèce, que «la lettre par laquelle le représentant des créanciers demande les justificatifs de la créance et ne précise pas l'objet de la contestation, ne constitue pas une discussion de celle-ci - et ne déclenche donc ni le délai ni la sanction ci-dessus indiqués» (arrêt, p. 3, § 5), sans rechercher si, en l'espèce, les lettres adressées par le représentant des créanciers à la BANQUE POPULAIRE DE LORRAINE CHAMPAGNE constituaient ou non une discussion au sens de ce texte tel qu'interprété par la Cour de cassation, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard des anciens articles L. 621-47 et L. 621-105 du code de commerce, applicables en l'espèce ;
2°/ ALORS QU'en toute hypothèse, constitue une discussion sur tout ou partie d'une créance déclarée au passif d'une procédure collective, la lettre par laquelle le représentant des créanciers ne se borne pas à solliciter des pièces justificatives mais précise l'objet de la contestation de la créance, tenant à l'absence de ces pièces, afin que le créancier puisse faire connaître ses explications et informe ce dernier qu'à défaut de réponse dans le délai de trente jours, toute contestation ultérieure de la proposition du représentant des créanciers est interdite ; qu'en jugeant, pour déclarer recevable le recours de la BANQUE POPULAIRE DE LORRAINE CHAMPAGNE à l'encontre de la décision du Juge commissaire ayant rejeté sa créance, que le représentant des créanciers n'avait pas discuté cette créance quand elle constatait que, dans sa lettre du 1er octobre 2003, ce dernier avait informé la banque, en visant l'article L. 621-47 ancien du code de commerce, que faute d'avoir reçu les justificatifs précédemment demandés, il envisageait de proposer le rejet de la créance, tout en lui rappelant que le défaut de réponse dans le délai de trente jours lui interdirait toute contestation ultérieure d'une décision conforme à cette proposition (arrêt, p. 3, § 2), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'ancien article L. 621-47 du code de commerce, applicable en l'espèce.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Defrenois et Lévis, avocat aux Conseils pour la Banque populaire de Lorraine Champagne
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Banque Populaire Lorraine Champagne de sa demande d'admission de sa créance, à titre chirographaire, pour un montant de 54 550,87 euros au titre du découvert en compte – solde débiteur à la clôture – et pour la somme de 5 955,84 euros correspondant aux intérêts du 30 juin 2002 au 4 avril 2003 afférents à ce compte ;
AUX MOTIFS QUE le solde débiteur du compte courant n'est justifié par aucune pièce, pas plus que l'exigibilité des intérêts : la date de clôture n'est pas indiquée, la pièce n° 6 dite historique du compte 0921169579 mentionne à la date du 24 septembre 2002 un solde débiteur de 59 950,89 euros, aucune explication n'est donnée sur le montant réclamé de 54 550,87 euros : ces postes de créances sont rejetés ;
ALORS QUE dans ses conclusions récapitulatives n° 2 du 5 mai 2011, la Banque Populaire Lorraine Champagne fait valoir que si le relevé du compte courant débiteur de la SARL Siderm faisait apparaître un solde débiteur de 59 950,89 euros le 24 septembre 2002, date de dernière écriture intervenue sur ce compte et correspondant au basculement du solde débiteur en comptabilité contentieuse, le solde débiteur avait été déclaré pour 54 550,87 euros au lieu des 59 950,89 euros non pas par erreur mais parce que la réduction du solde à 54 550,87 euros résultait d'une affectation d'une retenue de garantie de 5 400,02 euros que détenait à l'époque la Banque Populaire Lorraine Champagne comme l'attestait la pièce n° 6 régulièrement produite aux débats ; qu'en rejetant cette créance motif pris de ce que le solde débiteur du compte courant n'aurait été justifié par aucune pièce et qu'aucune explication n'aurait été donnée sur le montant réclamé de 54 550,87 euros, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, violant ainsi les articles 4 et 5 du code de procédure civile.