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16/05/2013 | FRANCE | N°12-18449

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 mai 2013, 12-18449


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 1er mars 2012), qu'invoquant des actes de concurrence déloyale qu'elles imputaient à la société Al et Co, créée par M. X..., ancien salarié, tenu par une clause de non-concurrence, les sociétés Adéquat gestion, Adéquat 012, Adéquat 013, Adéquat 016 et Adéquat 036 (les sociétés Adéquat) ont obtenu, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, du président d'un tribunal de grande instance, statuant sur requ

ête, une ordonnance donnant mission à un huissier de justice de procéder à dive...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 1er mars 2012), qu'invoquant des actes de concurrence déloyale qu'elles imputaient à la société Al et Co, créée par M. X..., ancien salarié, tenu par une clause de non-concurrence, les sociétés Adéquat gestion, Adéquat 012, Adéquat 013, Adéquat 016 et Adéquat 036 (les sociétés Adéquat) ont obtenu, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, du président d'un tribunal de grande instance, statuant sur requête, une ordonnance donnant mission à un huissier de justice de procéder à diverses investigations dans les locaux de cette société qui en a sollicité la rétractation ;
Attendu que la société Al et Co fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 7 avril 2011, alors, selon le moyen :
1°/ que seul le président du tribunal de commerce peut ordonner une mesure d'instruction avant tout procès lorsque le fond du litige ne peut relever que de la compétence de la juridiction consulaire ; qu'en retenant, pour admettre la compétence du tribunal de grande instance, que le fond du litige pouvait relever également de la compétence civile quand la procédure sur requête n'opposait pourtant que des sociétés commerciales et ne concernait que des prétendus faits de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé les articles 45, 493 et 875 du code de procédure civile et L. 721-3 du code de commerce ;
2°/ qu'en confirmant l'ordonnance de référé ayant refusé de rétracter la décision prise sur requête, sans avoir recherché si la mesure sollicitée par les sociétés requérantes exigeait une dérogation à la règle de la contradiction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 493 et 875 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la requête des sociétés Adéquat à l'encontre de la société Al et Co tendait à faire constater ou établir des manquements, relatifs tant à une obligation de loyauté qu'à une clause de non-concurrence liant leur ancien salarié, sans pour autant préjuger de la nature d'une action en justice, civile ou commerciale, et qu'une requête avait été formée à l'encontre de M. X... devant un autre tribunal de grande instance, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu la compétence du juge des requêtes de cette juridiction susceptible de connaître de cette éventuelle instance au fond ;
Et attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que la société Al et Co ait soutenu devant la cour d'appel que les motifs exposés dans la requête quant aux circonstances susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction étaient contestables ;
D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, et comme tel irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé en sa première branche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Al et Co aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Al et Co ; la condamne à payer aux sociétés Adéquat la somme globale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Al et CO
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société AL et CO de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 7 avril 2011 ;
Aux motifs propres que, « Sur la compétence du Président du Tribunal de grande instance :
Si, en application des dispositions de l'article L 721-3 du code de commerce, le Tribunal de Commerce connaît des contestations et litiges nés entre sociétés commerciales, la requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile ne constitue pas une action en justice mais tend seulement à voir opérer des constatations de conservation ou d'établissement de preuves, dont pourrait dépendre la solution d'un litige.
Force est de constater en l'espèce que la requête émanant des sociétés ADEQUAT GESTION, ADEQUAT 012, ADEQUAT 013, ADEQUAT 016 et ADEQUAT 036 tend à faire constater ou établir des manquements, relatifs tant à une obligation de loyauté qu'à une clause de non concurrence liant leur ancien salarié, sans pour autant préjuger de l'exercice, ou non, d'une action en justice et sans préjuger de la nature de cette action, qu'elle soit civile ou commerciale.
C'est ainsi à juste titre que le premier juge a retenu sa compétence pour ordonner, avant tout procès au fond, un constat d'huissier dans son ressort de juridiction.
Sur la recevabilité des sociétés ADEQUAT 012, ADEQUAT 013, ADEQUAT 016 et ADEQUAT 036 en leur requête :
En relevant que la requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile ne suppose pas la démonstration d'une qualité particulière, comme celle de cocontractant, mais seulement d'un intérêt légitime, en constatant que les sociétés ADEQUAT 012, ADEQUAT 013, ADEQUAT 016 et ADEQUAT 036 faisaient valoir l'existence d'un préjudice commercial potentiel, et en rejetant la demande de rétractation de ce chef, le premier juge a fait une juste analyse des éléments de la cause.
Sur le bien fondé de la requête :
L'article 145 du code de procédure civile prévoit que, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
C'est encore à juste titre que le premier juge a constaté que les sociétés requérantes produisaient au débat des éléments rendant vraisemblable l'emploi, par la SAS AL et CO, et par Franck X..., de salariés mis à disposition d'entreprises situées dans des départements visés par la clause de non concurrence, ainsi que des éléments relatifs aux liens entre Franck X... et Monsieur Z..., alors que celui-ci était salarié d'ADEQUAT.
Ainsi, en considérant qu'était établi le motif légitime, seule condition imposée par l'article 145, à faire établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, lequel n'apparaît pas comme étant, en l'état, manifestement voué à l'échec, et en rejetant la demande en rétractation de son ordonnance du 7 avril 2011, formée par la SAS AL et CO, le premier juge a fait une analyse pertinente des éléments du dossier.
Il convient par conséquent de confirmer sa décision » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que «Sur la compétence matérielle de la juridiction
Si l'article 872 du Code de procédure vient circonscrire le domaine d'intervention du Président du Tribunal de commerce en référé par référence à la compétence d'attribution définie à l'article L721-3 du Code de commerce, il ne fait pas obstacle à la compétence résiduelle du Président du Tribunal de grande instance, qui peut, en vertu de l'article 145 du Code de procédure civile, ordonner, sur requête ou en référé, les mesures d'instruction légalement admissibles pour autant qu'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.
Par ailleurs, l'ordonnance sur requête, provisoire, n'a pas pour effet de fixer par avance la compétence d'un litige ni de permettre de déroger aux règles prévues à cet effet, et elle doit être rendue soit par le président de la juridiction saisie au fond, soit par celui du tribunal du lieu où la mesure demandée doit être exécutée.
La compétence des juridictions de l'ordre commercial pour la question de la complicité d'une société commerciale dans la violation d'une clause de non concurrence, elle-même relevant du Conseil des Prud'hommes, ne s'oppose pas à la compétence des juridictions civiles en référé pour faire constater les manquements éventuels à la clause ou aux règles afférentes à la concurrence déloyale, sans préjuger de la juridiction qui sera saisie au fond, ni même de la simple saisine d'une quelconque juridiction.
En l'espèce, si la circonstance que les requérantes aient également formé une action sur le fondement de l'article 145 devant le Président du Tribunal de grande instance de MONTAUBAN, pour des constats sollicités dans un autre ressort territorial, s'oppose à qu'elles puissent revendiquer avoir exercé une action unique, elle ne préjuge nullement de l'action au fond qui sera éventuellement menée, et se trouve justifiée par la compétence de chaque juridiction quant aux lieux d'exécution des constats.
Il en résulte que le Président du Tribunal de grande instance de PERPIGNAN est bien compétent pour ordonner avant tout procès au fond un constat d'huissier dans son ressort et portant sur des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige dont la nature, civile ou commerciale, n'est au jour de la requête pas déterminée.
La demande en rétractation sera donc rejetée de ce chef. Sur la recevabilité des demandeurs à la requête
Aux termes, de l'article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel notamment le défaut de qualité ou le défaut d'intérêt.
L'article 145 du même Code réserve à tout intéressé le droit de formuler une requête ou une assignation en référé pour faire établir les faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.
En l'espèce, la demanderesse dénonce les SAS ADEQUAT 012, 013, 016, 036 comme irrecevables à agir par défaut de qualité, n'étant pas signataires du contrat de travail avec Monsieur X..., alors qu'elles mêmes soutiennent avoir intérêt à agir du fait du préjudice potentiel causé par les agissements de concurrence déloyale qu'elles supposent.
Outre que l'irrecevabilité éventuelle des SAS ADEQUAT 012, 013, 016 et 036 n'est pas de nature, en présence de la SAS ADEQUAT GESTION, à entraîner à elle seule la révocation de l'ordonnance sur requête du 7 avril 2011, l'exercice de l'action fondée sur l'article 145 du Code de procédure civile ne suppose pas de qualité particulière, comme celle de cocontractant, mais seulement un intérêt, lequel est suffisamment démontré en l'espèce par le préjudice commercial potentiel causé par l'activité d'une société concurrente.
Il en résulte que la demande en rétractation sera rejetée de ce chef.
Sur les motifs de la requête
L'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.
Le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête est investi des attributions du juge qui l'a rendue, si bien qu'il ne peut connaître du fond de l'affaire.
La question de la nullité de la clause de non concurrence, soulevée par la demanderesse, comme extérieure à l'objet social de l'employeur, est une question de fond dont la résolution impliquerait un débat sur la nature et l'organisation des sociétés du groupe ADEQUAT, et dont la connaissance échappe au juge des référés. Il n'est pas contesté que ladite clause est inscrite au contrat de travail, et que la SAS ADEQUAT GESTION a opéré des versements pécuniaires à Monsieur X... sur son fondement.
Il n'appartient pas au juge de la rétractation de statuer sur la validité d'une clause de non concurrence, et la demande de rétractation sera rejetée de ce chef.
Il est par ailleurs constant qu'une clause de non concurrence, attentatoire à la liberté du travail, doit recevoir une interprétation stricte.
La SAS AL ET CO procède à une distinction entre la participation à des sociétés de travail temporaire dont le siège ou les agences se situeraient dans les départements visés par la clause, que celle-ci interdirait, et la mise à disposition de personnel à des entreprises utilisatrices situées dans ces mêmes départements, pratique qui se trouverait hors du périmètre de la clause.
Cette distinction ne figure pas à la clause telle que rédigée au contrat de travail auquel sont tenues les parties, si bien qu'il n'y a pas lieu d'ajouter à son contenu et de restreindre son domaine à la seule participation à des sociétés de travail temporaire installées dans les départements visés.
En outre, l'éventuelle carence des sociétés ADEQUAT à établir, hors de la prise en compte du procès verbal de constat, l'existence de pratiques commerciales déloyales, est indifférente, l'objectif des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile étant précisément d'établir une preuve avant tout litige sur la seule démonstration d'un motif légitime.
Elles versent en revanche aux débats des éléments rendant vraisemblable l'emploi, par Monsieur X... et la SAS AL ET CO, de salariés mis à dispositions d'entreprises situées notamment dans la Haute-Garonne et les Hautes-Pyrénées, départements visés par la clause, ainsi que les liens entre Monsieur X... et Monsieur Z..., et établissent donc un motif légitime d'ordonner une mesure d'instruction portant sur l'activité de la SAS AL ET CO.
Il en résulte que la demande en rétractation sera rejetée de ce chef, et l'ordonnance du 7 avril 2011 confirmée » ;Alors, d'une part, que seul le président du Tribunal de commerce peut ordonner une mesure d'instruction avant tout procès lorsque le fond du litige ne peut relever que de la compétence de la juridiction consulaire ; qu'en retenant, pour admettre la compétence du Tribunal de grande instance, que le fond du présent litige pouvait relever également de la compétence civile quand la procédure sur requête n'opposait pourtant que des sociétés commerciales et ne concernait que des prétendus faits de concurrence déloyale, la Cour d'appel a violé les articles 45, 493 et 875 du Code de procédure civile et L. 721-3 du Code de commerce ;
Alors, d'autre part, qu'en confirmant l'ordonnance de référé ayant refusé de rétracter la décision prise sur requête, sans avoir recherché si la mesure sollicitée par les sociétés requérantes exigeait une dérogation à la règle de la contradiction, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 493 et 875 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 12-18449
Date de la décision : 16/05/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 01 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 16 mai. 2013, pourvoi n°12-18449


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.18449
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