LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 4 janvier 2011), que par acte sous seing privé du 1er juin 2002, la société Coopérative des exploitants du Gard (la Coopex) et l'Institut coopératif du vin (l'ICV) ont conclu un contrat de prestations de services ; que par acte du 26 octobre 2007, l'ICV a assigné la Coopex devant le tribunal de grande instance en paiement d'une certaine somme au titre de l'exécution du contrat ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la Coopex reproche à l'arrêt infirmatif de statuer par défaut et de la condamner au paiement d'une certaine somme, alors, selon le moyen :
1°/ que l'intimé est jugé sans avoir été entendu ou appelé si la signification qui lui a été faite de l'acte d'appel a fait l'objet d'un procès-verbal de recherches infructueuses à une adresse dont l'appelant savait pertinemment qu'il ne s'agissait pas de son domicile ou de son siège social et connaissait en outre l'adresse de l'intimé à laquelle l'acte pouvait être valablement signifié ; si bien qu'en affirmant que l'ICV avait régulièrement interjeté appel et que la Coopex avait été régulièrement assignée en l'étude d'huissier de justice, quand la signification de la déclaration d'appel avait pourtant été délivrée à l'adresse de son ancien siège social, que l'ICV savait ne plus être correcte, pour avoir partagé le même immeuble avec elle jusqu'à son départ, et pour avoir reçu à la requête de cette dernière, domicilié dans ses nouveaux locaux, une assignation à jour fixe, ce dont il résultait que l'ICV avait parfaitement connaissance que l'acte d'appel avait été signifié à une mauvaise adresse et s'était bien gardé d'informer l'huissier de justice de ce changement d'adresse, la cour d'appel a violé l'article 14 du code de procédure civile, ensemble l'article 659 du même code ;
2°/ qu'à supposer même par impossible que l'ICV ait porté à la connaissance de l'huissier de justice le changement de siège social de la Coopex, ce dernier aurait dû alors signifier l'acte d'appel au véritable siège social de cette dernière, ce qui n'est manifestement pas le cas, de sorte que la cour d'appel ne pouvait valablement affirmer que la Coopex avait été régulièrement assignée en l'étude d'huissier de justice, sans violer les articles susvisés ;
Mais attendu que le moyen soutient que l'ICV avait eu connaissance d'un changement de siège social de la Coopex dès avant la signification de la déclaration d'appel ; qu'une telle circonstance ne résulte toutefois ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure au fond ; que le moyen est donc nouveau et mélangé de fait, partant irrecevable ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt de condamner la Coopex à payer à l'ICV les intérêts au taux légal sur la somme de 458 236,83 euros du 10 août 2007 au 20 septembre 2007 et sur la somme de 381 236,83 euros du 21 septembre 2007 au 25 février 2008, ainsi que la somme de 23 973,37 euros avec intérêt au taux légal à compter du 22 décembre 2008, alors, selon le moyen :
1°/ que les dispositions de l'article 1153 du code civil ne trouvent pas à s'appliquer dans le cadre des relations entre une société coopérative agricole et l'un de ses coopérateurs, qui sont exclusivement régis par le contrat de coopération agricole ; de sorte qu'en faisant application des dispositions de l'article 1153 du code civil après avoir constaté que le contrat passé entre l'ICV et l'un de ses coopérateurs, la Coopex, était régi par le statut d'ordre public de la coopération agricole, qui ne prévoyait manifestement aucun versement d'intérêts moratoires dans l'hypothèse où le compte de l'associé coopérateur apparaissait déficitaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé ce faisant l'article 1153 du code civil, ensemble l'article R. 522-3 du code rural ;
2°/ que manque à son obligation d'exécuter de bonne foi une convention la partie qui modifie brutalement son comportement pour exiger de son cocontractant le paiement d'une somme dans des conditions incompatibles avec celles qui prévalaient entre les parties au cours des années précédentes ; de sorte qu'en faisant droit aux demandes de l'ICV en paiement d'intérêts au taux légal sur la somme de 458 236,83 euros du 10 août 2007 au 20 septembre 2007 et sur la somme de 381 236,83 euros du 21 septembre 2007 au 25 février 2008, quand ces demandes se fondaient sur une mise en demeure datant du 10 août 2007, résultant d'un échéancier brutalement imposé à la Coopex, qui ne correspondait à aucun autre échéancier soumis à celle-ci depuis le début de leur relation contractuelle, la cour d'appel a derechef méconnu l'article 1153 du code civil ;
3°/ que tout paiement suppose une dette ; qu'au 29 août 2007, date à laquelle le conseil d'administration de l'ICV a décidé d'exclure la Coopex, il n'était fait aucune mention d'une prétendue dette de la Coopex d'un montant de 23 973,39 euros portant sur une période antérieure comprise entre le 1er juin 2007 et le 29 août 2007, mais uniquement d'une dette, acquittée dès février 2008, d'un montant de 458 236,83 euros valant pour cette dernière solde de tout compte ; si bien qu'en se fondant sur la seule facture émise par l'ICV le 9 janvier 2008 et sur les constatations pour le moins sommaires de l'expert judiciaire pour condamner la Coopex à payer à l'ICV une somme supplémentaire de 23 973,37 euros TTC, sans même s'interroger, au besoin d'office, sur l'absence de mention de cette prétendue dette dans la décision d'exclusion notifié le 29 août 2007 au président de la Coopex, la cour d'appel a violé les articles 1235 et 1134 du code civil ;
Mais attendu que l'article R. 522-3 du code rural et de la pêche maritime vise uniquement les sanctions applicables en cas d'inexécution de l'engagement des coopérateurs d'utiliser les services de la coopérative et ne concerne pas les intérêts légaux produits par un compte d'associé débiteur qui relèvent de l'article 1153 du code civil ; qu'ayant constaté l'existence d'une créance de nature contractuelle au bénéfice de l'ICV, c'est à bon droit que la cour d'appel a condamné la Coopex à lui payer des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure outre le principal restant dû dont elle a souverainement apprécié le montant ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche comme étant nouvelle et mélangée de fait, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Coopérative des exploitants du Gard aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour la société Coopérative des exploitants du Gard.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir statué par défaut et condamné la COOPEX à payer à l'ICV les intérêts au taux légal sur la somme de 458.236,83 € du 10 août 2007 au 20 septembre 2007 et sur la somme de 381.236,83 € du 21 septembre 2007 au 25 février 2008 ainsi que la somme de 23.973,37 € TTC avec intérêt au taux légal à compter du 22 décembre 2008,
AUX MOTIFS QUE l'ICV a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation partielle demandant à la Cour de condamner la société coopérative des exploitants du Gard à lui verser les intérêts au taux légal calculés sur la somme de 458.236,83 € du 10 août 2007 au 20 septembre 2007, calculés sur la somme de 381.236,83 € du 21 septembre 2007 au 25 février 2008 et à lui payer la somme de 23.973,37 € au titre des prestations exécutées du 1er juin 2007 au 29 août 2007 avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2008 ; qu'elle sollicite à titre subsidiaire une mesure d'expertise sur ce dernier chef de demande et réclame les sommes de 5000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et 2000 € pour ses frais irrépétibles ainsi que la condamnation de l'intimée aux dépens comprenant les frais d'expertise et ceux afférents aux saisies conservatoires régularisées le 2 octobre 2007 ; qu'elle fait essentiellement valoir que le paiement des intérêts au taux légal est dû en application de l'article 1153 du Code civil et que la désignation d'un expert judiciaire n'a pu avoir pour effet de la priver du bénéfice des intérêts moratoires sur les sommes dues à compter de la mise en demeure ; qu'elle observe, quant à sa demande additionnelle, que l'expert judiciaire a fourni les éléments permettant de confirmer sa créance au titre de prestations effectuées entre le 1er juin 2007 et le 29 août 2007 et que la coopérative des exploitants du Gard n'a jamais contesté ce supplément,
AUX MOTIFS ENCORE QUE la société coopérative agricole « coopératives des exploitants du GARD » (COOPEX), bien que régulièrement assignée en l'étude d'huissier, n'a pas constitué avoué,
ALORS, D'UNE PART, QUE l'intimé est jugé sans avoir été entendu ou appelé si la signification qui lui a été faite de l'acte d'appel a fait l'objet d'un procès verbal de recherches infructueuses à une adresse dont l'appelant savait pertinemment qu'il ne s'agissait pas de son domicile ou de son siège social et connaissait en outre l'adresse de l'intimé à laquelle l'acte pouvait être valablement signifié ; si bien qu'en affirmant que l'ICV avait régulièrement interjeté appel et que la COOPEX avait été régulièrement assignée en l'étude d'huissier, quand la signification de la déclaration d'appel avait pourtant été délivrée à l'adresse de son ancien siège social, que l'ICV savait ne plus être correcte, pour avoir partagé le même immeuble avec elle jusqu'à son départ, et pour avoir reçu à la requête de cette dernière, domicilié dans ses nouveaux locaux, une assignation à jour fixe, ce dont il résultait que l'ICV avait parfaitement connaissance que l'acte d'appel avait été signifié à une mauvaise adresse et s'était bien gardé d'informer l'huissier de justice de ce changement d'adresse, la Cour d'appel a violé l'article 14 du Code de procédure civile, ensemble l'article 659 du même Code,
ALORS, D'AUTRE PART, QU'à supposer même par impossible que l'ICV ait porté à la connaissance de l'huissier de justice le changement de siège social de la COOPEX, ce dernier aurait dû alors signifier l'acte d'appel au véritable siège social de cette dernière, ce qui n'est manifestement pas le cas, de sorte que la Cour d'appel ne pouvait valablement affirmer que la COOPEX avait été régulièrement assignée en l'étude d'huissier, sans violer les articles susvisés.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la COOPEX à payer à l'ICV les intérêts au taux légal sur la somme de 458.236,83 € du 10 août 2007 au 20 septembre 2007 et sur la somme de 381.236,83 € du 21 septembre 2007 au 25 février 2008 ainsi que la somme de 23.973,37 € TTC avec intérêt au taux légal à compter du 22 décembre 2008,
AUX MOTIFS QUE les chefs du jugement critiqués portent d'une part sur le paiement des intérêts au taux légal réclamés à compter de la mise en demeure sur les sommes dues et d'autre part sur le règlement des prestations complémentaires effectuées entre le 1er juin 2007 et le 29 août 2007 ; que sur le premier chef de demande, l'appelante a observé à juste titre qu'il ne s'agissait pas du règlement d'intérêts contractuels ainsi que l'a retenu à tort le premier juge mais de ceux légalement prévus et plus spécialement par l'article 1153 du Code civil ; que c'est ainsi qu'il a été stipulé que les intérêts moratoires sont dus au jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive, s'il en ressort une interpellation suffisante ; que force est de constater qu'en l'espèce il a été réclamé le règlement de prestations contractuelles qui, si elles avaient fait l'objet d'une vérification quant à leur étendu et à leur coût, n'en constituaient pas moins une créance qui porte intérêts pour le montant retenu après expertise dès la mise en demeure ; qu'il s'ensuit qu'il sera fait droit à la demande telle que formulée par l'institut coopératif du Vin dans ses écritures puisqu'elle a tenu compte des versements opérés par la débitrice ; que la COOPEX a été condamnée à payer à l'appelant les intérêts au taux légal sur la somme de 458.236,83€ du 10 août 2007 au 20 septembre 2007 et sur la somme de 381.236,83€ du 21 septembre 2007 au 25 février 2008, date de réception du règlement ; que sur la somme réclamée au titre des prestations effectuées du 1er juin 2007 au 29 août 2007 est justifiée non seulement par la facture du 9 janvier 2008 et ses annexes mais également d'une part, par les vérifications opérées par l'expert X... ainsi qu'il l'a précisé en pages 5 et 12 de son rapport et d'autre part, par l'ensemble des bulletins d'analyses effectuées par l'ICV sur la période, communiqués aux débats ; que la COOPEX devra payer à l'institut coopératif du Vin la somme de 23.973,37 €
TTC, les intérêts au taux légal pouvant être réclamés à compter de la demande formulée en justice valant mise en demeure, en l'occurrence les conclusions récapitulatives du 22 décembre 2008, le courrier du 10 janvier 2008 remis le 14 janvier 2008 ne valant pas mise en demeure au sens de l'article 1153 précité,
ALORS, D'UNE PART, QUE les dispositions de l'article 1153 du Code civil ne trouvent pas à s'appliquer dans le cadre des relations entre une société coopérative agricole et l'un de ses coopérateurs, qui sont exclusivement régis par le contrat de coopération agricole ; de sorte qu'en faisant application des dispositions de l'article 1153 du Code civil après avoir constaté que le contrat passé entre l'Institut Coopératif du Vin et l'un de ses coopérateurs, la SCA Coopérative des exploitants du Gard (COOPEX), était régi par le statut d'ordre public de la coopération agricole, qui ne prévoyait manifestement aucun versement d'intérêts moratoires dans l'hypothèse où le compte de l'associé coopérateur apparaissait déficitaire, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé ce faisant l'article 1153 du Code civil, ensemble l'article R 522-3 du Code rural,
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE manque à son obligation d'exécuter de bonne foi une convention la partie qui modifie brutalement son comportement pour exiger de son cocontractant le paiement d'une somme dans des conditions incompatibles avec celles qui prévalaient entre les parties au cours des années précédentes ; de sorte qu'en faisant droit aux demandes de l'ICV en paiement d'intérêts au taux légal sur la somme de 458.236,83 € du 10 août 2007 au 20 septembre 2007 et sur la somme de 381.236,83 € du 21 septembre 2007 au 25 février 2008, quand ces demandes se fondaient sur une mise en demeure datant du 10 août 2007, résultant d'un échéancier brutalement imposé à la COOPEX, qui ne correspondait à aucun autre échéancier soumis à celle-ci depuis le début de leur relation contractuelle, la Cour d'appel a derechef méconnu l'article 1153 du Code civil,
ALORS, ENFIN, QUE tout paiement suppose une dette ; qu'au 29 août 2007, date à laquelle le conseil d'administration de l'ICV a décidé d'exclure la COOPEX, il n'était fait aucune mention d'une prétendue dette de la COOPEX d'un montant de 23.973,39 euros portant sur une période antérieure comprise entre le 1er juin 2007 et le 29 août 2007, mais uniquement d'une dette, acquittée dès février 2008, d'un montant de 458.236,83 valant pour cette dernière solde de tout compte ; si bien qu'en se fondant sur la seule facture émise par l'ICV le 9 janvier 2008 et sur les constatations pour le moins sommaires de l'expert judiciaire pour condamner l'exposante à payer à l'ICV une somme supplémentaire de 23.973,37 euros TTC, sans même s'interroger, au besoin d'office, sur l'absence de mention de cette prétendue dette dans la décision d'exclusion notifié le 29 août 2007 au Président de la COOPEX, la Cour d'appel a violé les articles 1235 et 1134 du Code civil.