LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 17 décembre 2004, M. X..., titulaire du droit moral sur les oeuvres de Juan Y..., a fait procéder à la saisie-contrefaçon d'un tableau intitulé « Nature morte aux flacons », propriété de Mme Z... et proposé à la vente aux enchères publiques organisée, le 19 décembre suivant, à Saint-Dié-des-Vosges, par Michel A..., commissaire-priseur, et dont il conteste l'authenticité ainsi que celle du certificat de l'expert B..., en date du 21 décembre 1968, produit lors de cette vente ; qu'il a assigné Mme Z... et le commissaire-priseur en contrefaçon et en responsabilité civile pour atteinte au droit moral et à la réputation de l'artiste ; que pour s'opposer à cette action, Mme Z... s'est prévalue de deux décisions pénales rendues, la première le 24 mars 1977 par le tribunal correctionnel de Paris et la seconde, le 12 janvier 1979 par la cour d'appel de Paris, renvoyant son père, qui lui avait transmis le tableau litigieux, des fins de la poursuite des chefs d'escroquerie et de fraude en matière artistique ; que la société Krebs et Suty, administrateur provisoire de la société Etude Michel A...et Mme C..., gérant de tutelle de Michel A...sont intervenus volontairement à l'instance ;
Que Michel A...étant décédé, ses héritiers MM. Raoul, Jean-Luc, Matthieu et Mme Claire A...sont intervenus volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, tel que reproduit en annexe :
Attendu que M. X... reproche à la cour d'appel d'avoir dénaturé les termes des décisions pénales de 1977 et 1979 en retenant, que, pour le débouter de son action en contrefaçon, les deux juridictions avaient considéré le tableau « nature morte » attribué à Juan Y...comme authentique et d'avoir méconnu l'objet du litige en énonçant qu'il n'aurait invoqué aucun élément nouveau depuis l'arrêt du 12 janvier 1979 ;
Mais attendu, d'une part, que contrairement à ce que soutient la première branche du moyen, l'arrêt attaqué a simplement relevé qu'après avoir constaté la divergence d'opinion des deux collèges d'experts désignés pour procéder à l'examen de l'oeuvre et de celle des personnes compétentes à en connaître, l'arrêt du 12 janvier 1979 avait énoncé que « la fausseté de l'oeuvre n'était pas plus démontrée que son caractère authentique » ; que, d'autre part, c'est sans méconnaître l'objet du litige que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de s'expliquer sur les éléments du débat qu'elle décidait d'écarter comme n'étant pas probants, a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, que M. X... n'invoquait aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause ce que la cour d'appel de Paris avait constaté en 1979 ; que le moyen qui manque en fait dans sa première branche, n'est pas fondé en sa seconde ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil et l'article 3 du décret du 3 mars 1981 ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande en dommages-intérêts formée à l'encontre de Mme Z... et du commissaire-priseur en réparation de l'atteinte à la réputation du peintre, l'arrêt retient que n'ayant pas invoqué l'existence d'élément nouveau depuis l'arrêt de la cour d'appel de Paris, l'intéressé n'a pu rapporter la preuve de la fausseté du tableau « nature morte » attribué à Juan Y...;
Qu'en se déterminant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si la responsabilité de Mme Z... et du commissaire-priseur n'était pas engagée à l'égard de M. X..., du seul fait, distinct de la contrefaçon, d'avoir présenté à la vente, sans la moindre réserve, un tableau dont l'authenticité douteuse était par ailleurs constatée en raison des opinions divergentes relevées, non contredites par un élément nouveau postérieur à l'arrêt du 12 janvier 1979, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes précités ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE et ANNULE, sauf en ce qu'elle a rejeté le grief de contrefaçon, l'arrêt rendu le 10 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de son action en contrefaçon formée contre Mme Z..., Me A...et la SARL Etude Michel A...;
AUX MOTIFS PROPRES QU': « il importe maintenant de déterminer si le tableau « nature morte » est une reproduction illicite d'une oeuvre, étant précisé qu'il incombe à celui qui invoque la fausseté de l'oeuvre de le démontrer ; qu'à cet effet, Mme Monique Z... a invoqué un arrêt rendu le 12 janvier 1979 par la Cour d'appel de Paris, statuant au pénal au sujet de poursuites du chef d'escroquerie et de fraudes en matière artistique reprochées à M. André D..., père de Mme Monique Z..., infractions pour lesquelles il a été relaxé ; que la Cour d'appel y a précisé que « la fausseté de ces oeuvres – visant notamment le tableau « nature morte » attribué à Juan Y...– n'était pas plus démontrée que leur caractère authentique » ; qu'or la décision de la juridiction pénale qui acquitte un prévenu établit à l'égard de tous l'inexistence de l'infraction poursuivie ; que pour se prononcer ainsi, elle a constaté que l'oeuvre était contestée par les héritiers du peintre, par M. E..., auteur du catalogue raisonné et par le deuxième collège d'expert ; qu'en revanche son authenticité est acquise pour le premier collège d'expert et M. B..., qui est un spécialiste de l'oeuvre de Juan Y...et qui a émis un certificat d'authenticité le 21 décembre 1968 ; que cette dernière pièce est dénoncée par M. Quentin X... comme étant un faux apparu en 2004 ; qu'or ce certificat est déjà évoqué par le tribunal de grande instance de Paris dans son jugement rendu le 24 mars 1977 (page 13, premier paragraphe) ; que par ailleurs, M. Quentin X... n'a invoqué à l'appui de cette allégation aucun motif permettant de remettre en cause son caractère authentique et en tout état de cause considéré comme tel par les deux juridictions qui se sont prononcées en 1977 et 1979 ; que M. Quentin X... n'a pas invoqué l'existence d'élément nouveau depuis l'arrêt de la Cour d'appel de Paris ; que l'appelant n'a donc pas pu rapporter la preuve de la fausseté du tableau « nature morte » attribué à Juan Y...; que ce tableau ne constituant pas une reproduction illicite, la procédure de saisie-contrefaçon prévue par l'article ci-dessus ne pouvait pas être appliquée et présente donc un caractère abusif ; que la nullité de cette saisie-attribution est donc justifiée et confirmée ; que la demande de remise du tableau au profit de l'appelant est rejetée » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU': « il incombe au titulaire du droit moral la charge de la preuve que l'oeuvre qu'il incrimine est bien un faux ; qu'en l'espèce, il est constant que la Cour d'appel de Paris s'est déjà prononcée au plan pénal le 12 janvier 1979 sur ce point en estimant que cette preuve n'était pas rapportée ; qu'elle l'a fait au visa notamment des motifs suivants : « le tableau « nature morte » de Juan Y..., contesté par les héritiers du peintre, par E...auteur d'un catalogue sur lui et par le deuxième collège d'experts est admis comme authentique par le premier collège d'experts et par l'expert B..., spécialiste de ce peintre », puis « la fausseté de ces oeuvres n'est pas plus démontrée que leur caractère authentique » ; qu'en conséquence, sur le plan civil, l'oeuvre en cause reste authentique jusqu'à preuve contraire ; qu'en l'espèce, M. Quentin X... estime d'une part qu'il y aurait un élément nouveau (une lettre de B...admettant l'inauthenticité de l'ensemble des oeuvres qui lui ont été soumises par M. E...), et d'autre part que le certificat d'authenticité de M. B...serait lui-même un faux ; que sur ce dernier point, aucun élément n'établit que ledit certificat serait un faux ; que sur le premier point, une lettre générale, sans aucune analyse détaillée, ne saurait en aucune façon ni constituer une preuve, ni même jeter le doute sur un certificat élaboré pour une oeuvre précise ; qu'il en résulte que M. Quentin X... succombe totalement dans son obligation de rapporter la preuve de la fausseté du tableau ; qu'en conséquence c'est tout-à-fait à tort que M. Quentin X... prétend que l'oeuvre en cause est un faux alors qu'elle doit être tenue pour authentique » ;
1°/ ALORS QUE par jugement du 24 mars 1977, le tribunal de grande instance de Paris avait retenu qu'il ne lui était pas possible « de tirer des conclusions tranchées et de se substituer aux experts, hommes de l'art, pour décider de l'authenticité ou de la non-authenticité des toiles saisies » – au nombre desquelles figurait le tableau « nature morte » attribué à Juan Y...; que par arrêt du 12 janvier 1979, la Cour d'appel de Paris avait jugé que « la fausseté de ces oeuvres n'est pas plus démontrée que leur caractère authentique » ; qu'en retenant que les deux juridictions qui se sont prononcées en 1977 et 1979 auraient considéré le tableau « nature morte » attribué à Juan Y...comme authentique, la Cour d'appel a dénaturé ces deux décisions, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
2°/ ALORS QUE pour étayer le caractère faux du tableau intitulé « nature morte », M. X... avait fait valoir dans ses écritures d'appel, d'abord que la fourchette de prix de 120 000 à 150 000 euros auquel ce tableau était estimé dans le catalogue de vente était très largement inférieure au cours auquel s'échangent les toiles de Juan Y..., ensuite que l'usage qui veut que l'ayant-droit du peintre soit interrogé sur l'authenticité du tableau mis en vente n'avait pas été respecté, enfin que l'usage qui veut que le dirigeant de la galerie qui a émis le document accompagnant le tableau mis en vente soit lui aussi interrogé pour vérifier la qualité de ce document n'avait pas davantage été respecté ; qu'il en déduisait que la preuve de la fausseté du tableau résultait ainsi de sa mise en vente en toute discrétion et que ces éléments devaient être examinés en conjugaison avec les éléments antérieurs à 1979 ; qu'en énonçant que M. X... n'aurait « pas invoqué d'élément nouveau depuis l'arrêt de la Cour d'appel de Paris » de 1979, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 24 juillet 2009 en ce qu'il avait débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts formée contre Mme Z..., Me A...et la SARL Etude Michel A...en réparation de l'atteinte à la réputation du peintre Juan Y...;
AUX MOTIFS QUE : « il importe maintenant de déterminer si le tableau « nature morte » est une reproduction illicite d'une oeuvre, étant précisé qu'il incombe à celui qui invoque la fausseté de l'oeuvre de le démontrer ; qu'à cet effet, Mme Monique Z... a invoqué un arrêt rendu le 12 janvier 1979 par la Cour d'appel de Paris, statuant au pénal au sujet de poursuites du chef d'escroquerie et de fraudes en matière artistique reprochées à M. André D..., père de Mme Monique Z..., infractions pour lesquelles il a été relaxé ; que la Cour d'appel y a précisé que « la fausseté de ces oeuvres – visant notamment le tableau « nature morte » attribué à Juan Y...– n'était pas plus démontrée que leur caractère authentique » ; qu'or la décision de la juridiction pénale qui acquitte un prévenu établit à l'égard de tous l'inexistence de l'infraction poursuivie ; que pour se prononcer ainsi, elle a constaté que l'oeuvre était contestée par les héritiers du peintre, par M. E..., auteur du catalogue raisonné et par le deuxième collège d'expert ; qu'en revanche son authenticité est acquise pour le premier collège d'expert et M. B..., qui est un spécialiste de l'oeuvre de Juan Y...et qui a émis un certificat d'authenticité le 21 décembre 1968 ; que cette dernière pièce est dénoncée par M. Quentin X... comme étant un faux apparu en 2004 ; qu'or ce certificat est déjà évoqué par le tribunal de grande instance de Paris dans son jugement rendu le 24 mars 1977 (page 13, premier paragraphe) ; que par ailleurs, M. Quentin X... n'a invoqué à l'appui de cette allégation aucun motif permettant de remettre en cause son caractère authentique et en tout état de cause considéré comme tel par les deux juridictions qui se sont prononcées en 1977 et 1979 ; que M. Quentin X... n'a pas invoqué l'existence d'élément nouveau depuis l'arrêt de la Cour d'appel de Paris ; que l'appelant n'a donc pas pu rapporter la preuve de la fausseté du tableau « nature morte » attribué à Juan Y...; que ce tableau ne constituant pas une reproduction illicite, la procédure de saisie-contrefaçon prévue par l'article ci-dessus ne pouvait pas être appliquée et présente donc un caractère abusif ; que la nullité de cette saisie-attribution est donc justifiée et confirmée ; que la demande de remise du tableau au profit de l'appelant est rejetée » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE : « il échet donc de déclarer la saisie effectuée par M. Quentin X... nulle et de nul effet ; qu'il s'ensuit que M. Quentin X... doit être débouté de toutes ses autres demandes, toutes consécutives à ladite saisie (…) ; qu'il incombe au titulaire du droit moral la charge de la preuve que l'oeuvre qu'il incrimine est bien un faux ; qu'en l'espèce, il est constant que la Cour d'appel de Paris s'est déjà prononcée au plan pénal le 12 janvier 1979 sur ce point en estimant que cette preuve n'était pas rapportée ; qu'elle l'a fait au visa notamment des motifs suivants : « le tableau « nature morte » de Juan Y..., contesté par les héritiers du peintre, par E...auteur d'un catalogue sur lui et par le deuxième collège d'experts est admis comme authentique par le premier collège d'experts et par l'expert B..., spécialiste de ce peintre », puis « la fausseté de ces oeuvres n'est pas plus démontrée que leur caractère authentique » ; qu'en conséquence, sur le plan civil, l'oeuvre en cause reste authentique jusqu'à preuve contraire ; qu'en l'espèce, M. Quentin X... estime d'une part qu'il y aurait un élément nouveau (une lettre de B...admettant l'inauthenticité de l'ensemble des oeuvres qui lui ont été soumises par M. E...), et d'autre part que le certificat d'authenticité de M. B...serait lui-même un faux ; que sur ce dernier point, aucun élément n'établit que ledit certificat serait un faux ; que sur le premier point, une lettre générale, sans aucune analyse détaillée, ne saurait en aucune façon ni constituer une preuve, ni même jeter le doute sur un certificat élaboré pour une oeuvre précise ; qu'il en résulte que M. Quentin X... succombe totalement dans son obligation de rapporter la preuve de la fausseté du tableau ; qu'en conséquence c'est tout-à-fait à tort que M. Quentin X... prétend que l'oeuvre en cause est un faux alors qu'elle doit être tenue pour authentique » ;
1°/ ALORS QUE, sauf si elle est accompagnée de réserves, la mise en vente publique d'un tableau sous le nom d'un peintre garantit que celui-ci en est effectivement l'auteur ; que commettent en conséquence une faute le commissaire-priseur et le vendeur qui présentent sans la moindre réserve une oeuvre dont ils connaissent l'authenticité douteuse ; que la Cour d'appel a constaté que, par arrêt du 12 janvier 1979, la Cour d'appel de Paris avait jugé, au sujet de plusieurs oeuvres au nombre desquelles figurait le tableau intitulé « nature morte » attribué à Juan Y..., que « la fausseté de ces oeuvres n'est pas plus démontrée que leur caractère authentique » ; que M. X... invoquait dans ses conclusions d'appel le fait que, « en mettant en vente ce tableau, sans avoir pris les précautions élémentaires en sa qualité de professionnel, le commissaire-priseur a commis une imprudence et engagé sa responsabilité civile, portant atteinte à la réputation du peintre »
(conclusions p. 36, § 3), qu'il « n'a pas émis la moindre réserve ni le moindre problème d'authentification dans son catalogue » (page 36, § 9) ; qu'il ajoutait, s'agissant de Mme Z..., « qu'elle connaissait la procédure pénale antérieure », qu'elle avait néanmoins décidé de mettre le tableau en vente « en le présentant sans aucune réserve » (page 33 § 6 et 7) et qu'elle « avait également porté atteinte à la réputation de Juan Y...» (page 34, § 5) ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si la responsabilité de Mme Z..., Me A...et la SARL Etude Michel A...n'était pas engagée en raison de faits distincts de la contrefaçon consistant à avoir mis en vente, sans aucune réserve, un tableau dont l'authenticité était douteuse, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil et de l'article 3 du décret du 3 mars 1981 ;
2°/ ALORS QUE les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité de chose jugée à l'égard de tous ; que la Cour d'appel a constaté que, par arrêt du 12 janvier 1979, la Cour d'appel de Paris avait jugé, au sujet de plusieurs oeuvres au nombre desquelles figurait le tableau intitulé « nature morte » attribué à Juan Y..., que « la fausseté de ces oeuvres n'est pas plus démontrée que leur caractère authentique » ; que la Cour d'appel avait ainsi constaté qu'il existait un doute sur l'authenticité de ce tableau ; qu'en retenant que, sur le plan civil, l'oeuvre resterait authentique jusqu'à preuve contraire et que, faute pour M. X... d'avoir invoqué l'existence d'éléments nouveaux depuis l'arrêt de la Cour d'appel de Paris de 1979, l'oeuvre ne constituerait pas une reproduction illicite, mais devrait au contraire être tenue pour authentique, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure pénale ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. X... à payer à la société Krebs et Suty, ès-qualités d'administrateur provisoire de la société Etude Michel A...et à Mme C..., ès-qualités de gérante de tutelle de Maître A..., 16. 000 euros au titre du préjudice financier ainsi que 5. 000 euros au titre du préjudice moral, à Mme Z... 4. 000 euros au titre de l'abus de saisie ainsi que 10. 000 euros au titre du préjudice moral et d'avoir confirmé la publication du jugement telle qu'ordonnée par les premiers juges ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle permet aux commissaires de police ou aux juges d'instance de saisir les exemplaires constituant une reproduction illicite de l'oeuvre protégée, étant précisé que si la saisie a pour effet de retarder ou suspendre des représentations ou des exécutions publiques, une autorisation spéciale doit être obtenue auprès du président du tribunal de grande instance ; qu'il importe maintenant de déterminer si le tableau « nature morte » est une reproduction illicite d'une oeuvre, étant précisé qu'il incombe à celui qui invoque la fausseté de l'oeuvre de le démontrer ; qu'à cet effet, Mme Monique Z... a invoqué un arrêt rendu le 12 janvier 1979 par la Cour d'appel de Paris, statuant au pénal au sujet de poursuites du chef d'escroquerie et de fraudes en matière artistique reprochées à M. André D..., père de Mme Monique Z..., infractions pour lesquelles il a été relaxé ; que la Cour d'appel y a précisé que « la fausseté de ces oeuvres – visant notamment le tableau « nature morte » attribué à Juan Y...– n'était pas plus démontrée que leur caractère authentique » ; qu'or la décision de la juridiction pénale qui acquitte un prévenu établit à l'égard de tous l'inexistence de l'infraction poursuivie ; que pour se prononcer ainsi, elle a constaté que l'oeuvre était contestée par les héritiers du peintre, par M. E..., auteur du catalogue raisonné et par le deuxième collège d'expert ; qu'en revanche son authenticité est acquise pour le premier collège d'expert et M. B..., qui est un spécialiste de l'oeuvre de Juan Y...et qui a émis un certificat d'authenticité le 21 décembre 1968 ; que cette dernière pièce est dénoncée par M. Quentin X... comme étant un faux apparu en 2004 ; qu'or ce certificat est déjà évoqué par le tribunal de grande instance de Paris dans son jugement rendu le 24 mars 1977 (page 13, premier paragraphe) ; que par ailleurs, M. Quentin X... n'a invoqué à l'appui de cette allégation aucun motif permettant de remettre en cause son caractère authentique et en tout état de cause considéré comme tel par les deux juridictions qui se sont prononcées en 1977 et 1979 ; que M. Quentin X... n'a pas invoqué l'existence d'élément nouveau depuis l'arrêt de la Cour d'appel de Paris ; que l'appelant n'a donc pas pu rapporter la preuve de la fausseté du tableau « nature morte » attribué à Juan Y...; que ce tableau ne constituant pas une reproduction illicite, la procédure de saisie-contrefaçon prévue par l'article cité ci-dessus ne pouvait pas être appliquée et présente donc un caractère abusif ; que la nullité de cette saisie-contrefaçon est donc justifiée et confirmée ; que la demande de remise du tableau au profit de l'appelant est rejetée » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « sur la validité de la saisie-contrefaçon opérée par M. Quentin X... le 17 décembre 2004, que l'article L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « si la saisie doit avoir pour effet de retarder ou suspendre des représentations ou des exécutions publiques en cours ou déjà annoncées, une autorisation spéciale doit être obtenue du président du tribunal de grande instance, par ordonnance sur requête » ; que ce même texte prévoit que le président peut en outre ordonner toutes sortes de mesures complémentaires, et notamment celle d'ordonner au saisissant la constitution préalable de garanties ; qu'en l'espèce, il est constant que la saisie-contrefaçon est intervenue à l'occasion d'une vente publique annoncée par Me Michel A...et la Sarl Etude Michel A...; qu'une telle vente publique constitue bien une des formes de représentation ou d'exécution publique prévue par l'article précité ; que, dès lors, M. Quentin X... devait solliciter l'autorisation spéciale du Président du Tribunal de grande instance, seul à même d'ordonner ou non la saisie-contrefaçon ; que c'est sans emport que M. Quentin X... fait état de l'ordonnance du juge des référés de Paris, rendue a posteriori, en référé, à la demande de Mme Monique Z... et qui a suspendu la saisie sans statuer sur sa validité ; que cette procédure de référé ne saurait équivaloir à l'autorisation spéciale requise par la loi a priori, et encore moins valoir régularisation a posteriori ; qu'il échet donc de déclarer la saisie effectuée par M. Quentin X... nulle et de nul effet ; qu'il s'ensuit que M. Quentin X... doit être débouté de toutes ses autres demandes, toutes consécutives à la ladite saisie ; que par surcroît il sera observé que la procédure de saisie-contrefaçon s'applique aux reproductions illicites d'une oeuvre ; qu'en l'espèce, l'oeuvre saisie ne constituait pas une reproduction illicite d'un tableau authentique, mais un original argué de faux, en sorte que cette procédure spécifique ne pouvait pas s'appliquer ; (…) que la saisie-contrefaçon a été abusive dans sa forme et infondée dans son principe » ;
(…) que M. Quentin X... soutient d'une part qu'il avait intérêt à agir sur le fondement du droit moral de Juan Y...dont il est le dépositaire, et d'autre part qu'il était bien fondé dans son action puisque le tableau concerné est un faux ; que sur le premier point, il est constant que l'article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre » ; qu'il découle de ce droit moral, dont les éléments sont susceptibles de se combiner et non de s'exclure, la possibilité pour les ayants droits de poursuivre non seulement les contrefaçons, mais aussi les faux dans la mesure où l'artiste a droit au respect combiné de son nom et de son oeuvre ; qu'en effet, si l'on analyse les atteintes au nom, à l'honneur et à la réputation d'un artiste comme ressortant de la protection des droits de la personnalité, lesdites atteintes ne sont plus susceptibles d'être sanctionnées dès que l'artiste est décédé et que ses droits ne sont pas transmis à des membres de sa famille ; que de fait, la protection des droits de la personnalité est principalement attachée à la personne et transmise très restrictivement à ses seuls proches ; qu'en réalité, la protection du nom d'un artiste, dans une telle analyse, disparaît même complètement si ses droits sont transmis à une fondation ou à un musée, qui n'a aucune qualité à agir en poursuite d'une atteinte au nom ; qu'ainsi une telle analyse, qui occulte complètement le lien consubstantiel existant entre le nom et l'oeuvre de l'artiste doit être écartée ; qu'au contraire, il apparaît que le faussaire, qui n'a commis aucune contrefaçon, n'usurpe le nom de l'artiste qu'en raison de la réputation de son oeuvre, pour s'attribuer indûment cette réputation et en tirer parti ; qu'en conséquence, c'est à bon droit qu'il convient de comprendre le respect du droit moral d'un auteur comme respect du nom en lien avec l'oeuvre et réciproquement, en sorte qu'il est ainsi permis au conservateur d'un musée d'agir, non en contrefaçon mais en responsabilité, contre le trafic de fausses oeuvres, les droits de la personnalité des artistes en cause fussent-ils éteints de longue date ; qu'il en résulte que M. Quentin X... avait un légitime intérêt pour agir et défendre toute atteinte au nom et à l'oeuvre de Juan Y..., notamment en cas de mise en vente d'un faux ; qu'aucun préjudice ne saurait donc résulter de ce premier point ; que sur le second point, il incombe au titulaire du droit moral la charge de la preuve que l'oeuvre qu'il incrimine est bien un faux ; qu'en l'espèce, il est constant que la Cour d'appel de Paris s'est déjà prononcée au plan pénal le 12 janvier 1979 sur ce point en estimant que cette preuve n'était pas rapportée ; qu'elle l'a fait au visa notamment des motifs suivants : « le tableau « nature morte » de Juan Y..., contesté par les héritiers du peintre, par E...auteur d'un catalogue sur lui et par le deuxième collège d'experts est admis somme authentique par le premier collège d'experts et par l'expert B..., spécialiste de ce peintre », puis « la fausseté de ces oeuvres n'est pas plus démontrée que leur caractère authentique » ; qu'en conséquence, sur le plan civil, l'oeuvre en cause reste authentique jusqu'à preuve contraire ; qu'en l'espèce, M. Quentin X... estime d'une part qu'il y aurait un élément nouveau (une lettre de B...admettant l'inauthenticité de l'ensemble des oeuvres qui lui ont été soumises par M. E...), et d'autre part que le certificat d'authenticité de M. B...serait lui-même un faux ; que sur ce dernier point, aucun élément n'établit que ledit certificat serait un faux ; que sur le premier point, une lettre générale, sans aucune analyse détaillée, ne saurait en aucune façon ni constituer une preuve, ni même jeter le doute sur un certificat élaboré pour une oeuvre précise ; qu'il en résulte que M. Quentin X... succombe totalement dans son obligation de rapporter la preuve de la fausseté du tableau ; qu'en conséquence c'est tout-à-fait à tort que M. Quentin X... prétend que l'oeuvre en cause est un faux alors qu'elle doit être tenue pour authentique ; que la procédure qu'il a engagée fautivement cause un préjudice indéniable aux défendeurs »,
1°/ ALORS QUE la saisie-contrefaçon ayant été qualifiée d'abusive en raison du fait qu'elle aurait été infondée en son principe, la cassation à intervenir sur le fondement de l'un ou l'autre des deux premiers moyens entraînera la censure de l'arrêt en ce qu'il a condamné M. X... au paiement de dommages et intérêts en raison des préjudices prétendument causés par cette saisie, et ce par application de l'article 624 du Code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE la procédure de saisie-contrefaçon prévue à l'article L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle est applicable pour faire obstacle à la vente d'un faux artistique ; qu'en déclarant que la procédure de saisie-contrefaçon ne serait pas applicable pour appréhender un tableau original argué de faux, pour en déduire l'existence d'un abus de procédure de la part de M. X..., la Cour d'appel a violé l'article L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
3°/ ALORS QUE l'article L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que la procédure de saisie-contrefaçon d'une oeuvre ne requiert une autorisation spéciale du président du tribunal de grande instance que lorsqu'elle aura pour effet de retarder ou de suspendre des représentations ou des exécutions publiques ; que l'exposition d'une oeuvre picturale en vue de sa vente ne constitue pas une représentation ou une exécution publiques au sens de cet article ; qu'en retenant que M. X... aurait dû solliciter une autorisation spéciale du président du tribunal de grande instance avant de faire procéder à une saisie-contrefaçon en vue d'appréhender la toile intitulée « nature morte » présentée comme un tableau de Juan Y...et de faire obstacle à sa vente, la Cour d'appel a violé l'article L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
4°/ ALORS QUE la saisie-contrefaçon est une procédure destinée à se procurer la preuve d'agissements argués de contrefaçon et à les suspendre provisoirement en attendant l'issue de l'instance au fond ; que le doute avéré sur l'authenticité d'une oeuvre justifie la réalisation d'une saisie destinée à éviter la mise sur le marché de cette oeuvre dans l'attente du débat qui aura lieu sur l'authenticité ; que le seul fait que le saisissant soit ensuite débouté au fond ne rend pas la saisie abusive ; qu'en retenant que la saisie-contrefaçon effectuée par M. X... aurait été abusive car le caractère faux de l'oeuvre n'aurait pas été démontré, cependant qu'elle avait elle-même constaté que, par son arrêt de 1979, la Cour d'appel de Paris avait constaté l'existence d'un doute sur l'authenticité de l'oeuvre, la Cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1382 du Code civil ;
5°/ ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE l'abus d'une voie de droit ne peut résulter que d'une faute commise par celui qui l'exerce ; que ni l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits, ni l'échec final de sa prétention, ne sont constitutifs d'une telle faute ; qu'en se bornant à retenir que la saisie contrefaçon n'aurait pas été adaptée dans sa forme et qu'elle aurait été infondée dans son principe puisque la preuve du caractère faux de l'oeuvre n'aurait pas été rapportée, pour condamner M. X... pour abus dans l'exercice de cette procédure, sans caractériser aucune faute de ce dernier dans l'exercice de cette voie de droit, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. X... à payer à Madame Monique Z... la somme de 10. 000 euros au titre du préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE « cette procédure a également contribué à jeter le doute sur l'authenticité d'une oeuvre, ce qui se traduit inévitablement par une diminution de la valeur de celle-ci et justifie ainsi l'attribution d'une somme de 10. 000 euros à Mme Monique Z... au titre de son préjudice moral » ;
ALORS QUE seul est réparable le préjudice qui est la conséquence du fait générateur, ce qui exclut qu'un dommage qui était entièrement constitué avant ce fait soit mis à la charge de son auteur ; qu'en décidant que la saisie-contrefaçon effectuée à l'initiative de M. X... avait « contribué à jeter le doute sur l'authenticité d'une oeuvre », alors qu'elle relevait par ailleurs que ce doute avait été clairement constaté par l'arrêt du 12 janvier 1979, qui avait prononcé une relaxe sur ce fondement, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1382 du Code civil.