LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 septembre 2011), que le10 février 1998, les époux X..., mariés sans contrat préalable, ont acquis un immeuble pour un prix de 84 761, 17 euros ; que le 20 mars 2006, M. X... a fait signifier à Mme Y..., à laquelle il avait donné ce bien à bail, un congé pour vente au prix de 144 827 euros ; que le 30 mars 2006, il lui a fait signifier un nouveau congé pour vente « annulant et remplaçant » le précédant en raison d'une erreur matérielle, le prix étant de 444 827 euros ; que le 31 mars 2006, Mme Y... a accepté l'offre de vente notifiée le 20 mars ; que le 6 février 2007, elle et son mari, M. Z..., ont assigné les époux X... pour voir déclarer la vente parfaite ; que le tribunal a accueilli leur demande ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de rejeter les moyens tirés de la nullité des actes de congé en date des 20 et 30 mars 2006 pour violation de l'article 1424 du code civil, alors, selon le moyen, que la ratification de la vente d'un bien de la communauté par l'autre époux ne peut résulter que d'un acte impliquant sans équivoque sa volonté de confirmer ; que ne caractérise pas la volonté de l'épouse de ratifier le congé pour vendre délivré par son mari la circonstance que celle-ci ait, avant d'en soulever la nullité sur le fondement de l'article 1424 du code civil, défendu, aux côtés de son époux, à l'action des locataires tendant à voire dire la vente parfaite, notamment en faisant valoir d'autres moyens de nullité du congé ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1424 et 1427 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs adoptés, que les époux X... qui prétendaient avoir donné mandat à l'huissier de justice de notifier un congé pour le prix de 444 827 euros, ne justifiaient pas de cette allégation et qu'au contraire les termes de la lettre que celui-ci leur avait adressée le 24 mars 2006 confirmaient qu'il n'en avait pas été ainsi, l'huissier de justice mentionnant expressément que c'est le prix de 144 827 euros qui lui avait été déclaré, la cour d'appel a retenu, par motifs propres, que Mme X... avait constitué le même avocat que son mari et s'était associée à son argumentation durant toute la procédure de première instance et une partie de celle d'appel, sans contester la validité des congés, soulevant, pour la première fois en cause d'appel, leur nullité pour dépassement par son conjoint de ses pouvoirs ; que la cour d'appel a pu en déduire que Mme X... avait ainsi manifesté sans équivoque sa volonté de confirmer les actes litigieux, les ratifiant au sens de l'article 1427 du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de rejeter le moyen des époux X... tiré de la nullité de la vente pour erreur sur le prix et la chose et de déclarer parfaite la vente aux époux Z... de la maison d'habitation appartenant aux époux X... ;
Attendu que sous couvert d'un grief non fondé de manque de base légale au regard de l'article 1109 du code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre au détail de l'argumentation des parties, du sens et de la portée de la lettre du 24 mars 2006 ; qu'en aucune de ses branches, il ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des époux X... et les condamne à payer aux époux Z... une somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour les époux X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté les moyens tirés de la nullité des actes de congé en date des 20 et 30 mars 2006 pour violation de l'article 1424 du code civil ;
AUX MOTIFS QUE l'article 1424 du code civil dispose que les époux ne peuvent l'un sans l'autre aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitation dépendant de la communauté ; que le bien litigieux acquis par les époux X... le 10 février 1998 dépend du régime de communauté légale auquel ils sont soumis en l'absence de contrat préalable à leur union célébrée le 20 décembre 1973 ; que seul M. X... a délivré congé pour vendre conformément à l'article 15 I et II de la loi du 6 juillet 1989, alors que ce congé valant offre de vente, il ne pouvait agir sans le consentement de son conjoint ; que l'article 1427 du code civil prévoit que si l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l'autre, à moins qu'il n'ait ratifié l'acte, peut en demander l'annulation ; que l'action en nullité est ouverte au conjoint pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte ; que les époux Z... opposent la forclusion à Mme X... dès lors qu'elle a eu connaissance de l'acte par l'assignation en vente forcée qui lui a été signifiée le 6 février 2007 et qu'elle a conclu pour la première fois à la nullité des congés par ses écritures déposées le 21 juillet 2010, et donc postérieurement à l'expiration du délai biennal ; que ce délai, cependant, ne s'applique pas, selon les principes généraux, lorsque la nullité est invoquée par voie d'exception, ce qui est bien le cas en l'espèce, Mme X... opposant aux époux Z... qui l'actionnent en vente forcée, l'exception de nullité des congés ; que l'exception étant perpétuelle, le moyen tiré par les époux Z... de la prescription doit être rejeté ; que les pièces du dossier, et en particulier le comportement procédural de Mme X... qui a constitué le même avocat que son mari et s'est associée à son argumentation durant toute la procédure de première instance et une partie de celle qui a eu lieu devant la cour, sans contester la validité des congés, permettent, en revanche, de dire qu'elle a ainsi manifesté sans équivoque sa volonté de confirmer les actes litigieux et qu'elle les a ainsi ratifiés au sens de l'article 1427 précité ; que l'exception de nullité des congés soulevée pour la première fois en appel par Mme X... pour dépassement par son conjoint de ses pouvoirs, doit en conséquence être rejetée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen des époux Z... selon lequel ils ont cru légitimement que M. X... agissait en concertation avec son épouse ;
ALORS QUE la ratification de la vente d'un bien de la communauté par l'autre époux ne peut résulter que d'un acte impliquant sans équivoque sa volonté de confirmer ; que ne caractérise pas la volonté de l'épouse de ratifier le congé pour vendre délivré par son mari la circonstance que celle-ci ait, avant d'en soulever la nullité sur le fondement de l'article 1424 du code civil, défendu, aux côtés de son époux, à l'action des locataires tendant à voire dire la vente parfaite, notamment en faisant valoir d'autres moyens de nullité du congé ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1424 et 1427 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté le moyen des époux X... tiré de la nullité de la vente pour erreur sur le prix et la chose et D'AVOIR déclaré parfaite la vente aux époux Z... de la maison d'habitation appartenant aux époux X... AUX MOTIFS QUE, selon les époux X..., en l'absence d'accord des parties sur le prix et la chose, aucun contrat n'a pu valablement se former entre eux ; sur l'erreur sur prix ; que les époux X... ne démontrent pas cependant cette erreur prétendue, qu'elle émane d'eux-mêmes ou de Me A...; que Me A..., pour sa part, déclare, au contraire, dans une lettre adressée aux époux X... le 24 mars 2006 : « En ce qui concerne le congé pour vente que nous avons délivré pour votre compte à Sandrine Y..., nous lui avons communiqué le montant que vous nous avez déclaré pour l'achat de l'immeuble d'une valeur de 950. 000 francs, soit 144. 827 euros. Cette dernière a téléphoné en notre étude, s'étonnant du faible montant de la somme proposée : Y a-t-il une erreur ? » ; que l'analyse des époux X... selon laquelle Me A...a cru qu'il devait mentionner le prix auquel eux-mêmes avaient acquis le bien en février 1998 n'est pas convaincante ; qu'outre le fait que les deux prix ne coïncident pas (1998 : 91. 469, 41 euros ; 20 mars 2006 : 144. 827 euros), les époux X... se livrent à une interprétation hasardeuse du courrier de Me A...ne correspondant à aucun élément objectif ; que les époux X... ne justifient pas davantage de l'erreur sur le prix prétendument commise par eux ; que l'affirmation selon laquelle, étant d'origine étrangère, ils ne maîtrisent pas la langue française, ce qui les expose à des confusions et des malentendus, est combattue par les pièces du dossier ;
ALORS, 1°), QUE l'indication dans un congé pour vendre d'un montant erroné est exclusive de tout accord sur le prix et sur la chose et constitue une cause de nullité de la vente dès lors qu'elle altère la substance même de la convention ; qu'en écartant une erreur commise sur le montant du prix de vente nonobstant le rappel d'un courrier révélant l'existence d'une telle erreur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1109 du code civil ;
ALORS, 2°) et en tout état de cause, QUE dans leurs conclusions d'appel (pp. 9 et 10), les époux X... soutenaient que le contenu du courrier de l'huissier, Me A..., en date du 24 mars 2006 faisait état de l'évidence du caractère erroné du prix, dès lors qu'il relevait la réaction d'étonnement de la locataire eu égard au faible montant de la somme proposée, et constatait l'éventualité fort probable d'une erreur ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent propre à démontrer le malentendu fondamental intervenu entre les parties, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.