LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 1134 du code civil et 12 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un testament olographe du 25 juin 1998, Emilienne X... a déclaré léguer " ma maison et mon argent au jour de mon décès " à la Ligue contre le cancer et à l'Association des paralysés de France ; qu'elle est décédée le 2 octobre 2005 laissant pour lui succéder trois soeurs, dont Mme Y..., et deux neveux, dont M. Z... ;
Attendu que, pour retenir que les associations ont la qualité de légataires universels, l'arrêt énonce que le notaire chargé de la liquidation de la succession a précisé clairement dans sa lettre du 1er mars 2006 adressée à M. Z... " qu'au vu du testament, la succession se trouve entièrement dévolue aux associations et que vous ne conservez aucun droit dans la succession, n'étant pas un héritier réservataire " ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui incombait de qualifier les legs dévolus aux associations, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société Prepar-vie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Prepar-vie et la condamne à payer à M. Z... et Mme Y... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. Z... et Mme X... épouse Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré héritières, en leur qualité de légataires universels, les associations « La ligue contre le cancer » et « Les paralysés de France » et de les avoir en conséquence déclarées bénéficiaires des contrats d'assurance-vie souscrits par Emilienne A... ;
Aux motifs que « les parties rappellent les dispositions des articles du code des assurances concernant les assurances sur la vie ; que selon l'article L. 132-12, le capital payable lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne fait pas partie de la succession de l'assuré ; qu'en vertu de l'article L. 132-13, ce capital n'est pas soumis aux règles successorales ; que les termes de l'article L. 132-8 du même code sont les suivants : " Le capital ou la rente peuvent être payables lors du décès de l'assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés. Est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la stipulation par laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiées au moment de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis. Est notamment considérée comme remplissant cette condition la désignation comme bénéficiaires des personnes suivantes : 1°) les enfants nés ou à naître du contractant, de l'assuré ou de toute autre personne désignée ; 2°) les héritiers ou ayants droit de l'assuré ou d'un bénéficiaire prédécédé... Les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leur parts héréditaires " ; que les contrats d'assurance-vie souscrits par Mme X... veuve A... sont donc libellés comme suit concernant le bénéficiaire en cas de décès : " son conjoint non séparé de corps, à défaut ses enfants légitimes, adoptés ou reconnus, par parts égales, entre eux, la part du prédécédé revenant à ses descendants, ou à ses frères et soeurs s'il n'a pas de descendants, à défaut ses héritiers " ; qu'après avoir rappelé ce dernier article, la société appelante fait valoir qu'en raison du libellé (ci-dessus cité) de la clause bénéficiaire " les héritiers " qui ne mentionne pas la proportion des droits revenant à chacun, les seules personnes pouvant prétendre, au jour du décès de Mme X..., à la qualité d'héritier sont les légataires universels en l'absence de tout héritier réservataire ; qu'au soutien de sa position la société Prepar-Vie cite diverses jurisprudences, indique que l'un des contrats est antérieur au testament olographe du juin 1998 mais que les trois autres sont postérieurs alors que les deux associations avaient déjà la qualité d'héritier et que si Mme X... avait voulu écarter ces légataires universels elle aurait alors, à l'occasion de la mise en place de ces contrats d'assurance vie, clairement désigné des tiers bénéficiaires ce qui n'a pas été le cas ; qu'elle ajoute que de toute façon, en vertu de l'article L. 132-8 du code des assurances, la qualité de bénéficiaire s'apprécie au moment de l'exigibilité des capitaux, soit au décès de l'assuré, et non au jour de la désignation du bénéficiaire ; que pour M. Lionel Z... et Mme Huguette X..., le terme " héritiers " de la clause bénéficiaire des contrats d'assurance-vie vise sans contestation possible les soeurs et les neveux de Mme A... ; qu'ils soutiennent que le notaire et la compagnie d'assurances raisonnent comme si les deux associations étaient légataires universels ou à titre universel alors qu'elles sont légataires à titre particulier, et ils indiquent que l'écrit de Mme A... vise la maison et l'argent disponible dont ne fait pas partie le produit de l'assurance-vie qui n'entre pas dans le patrimoine de la défunte ; qu'ils précisent que les deux associations ne figurent pas dans les contrats d'assurance-vie alors qu'il était simple de les désigner expressément comme bénéficiaires ; qu'il est exact, en vertu du code des assurances, que les capitaux des assurances sur la vie payables au décès de l'assuré ne font pas partie de la succession et ne sont pas soumis aux règles successorales ; que cependant il convient de se référer à la clause de ces contrats pour déterminer qui en est le bénéficiaire ; que M. Lionel Z... et Mme Huguette X... prétendent que les deux associations ne sont que des légataires à titre particulier ; que s'il est vrai que le testament, portant le nom du notaire Maître B...et daté du 25 juin 1998, de Mme Émilienne A... en faveur des deux associations cite " ma maison et mon argent disponible au jour de mon décès ", ce notaire, chargé de la liquidation de la succession, a précisé clairement dans sa lettre du 1er mars 2006 à M. Lionel Z... qu'au vu de cette pièce " la succession se trouve entièrement dévolue aux associations et vous ne conservez aucun droit dans la succession n'étant pas un héritier réservataire " ; qu'il apparaît ainsi que les deux associations étaient bien légataires universels ; que dans ces conditions Mme Émilienneveuve A... a donc institué des légataires universels et les deux associations viennent à ce titre à sa succession, alors que M. Lionel Z... et Mme Huguette X..., héritiers non réservataires, ne viennent pas à cette succession ; que la clause bénéficiaire des contrats d'assurance-vie désigne les " héritiers " de sorte que ce sont bien les deux associations qui doivent recevoir les capitaux de ces contrats, et le jugement doit en conséquence être infirmé » (arrêt, pages 5 à 7) ;
Alors, premièrement, que les dispositions testamentaires sont ou universelles, ou à titre universel, ou à titre particulier ; que le legs universel est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l'universalité des biens qu'il laissera à son décès ; que le legs à titre universel est celui par lequel le testateur lègue une quote-part des biens dont la loi lui permet de disposer, telle qu'une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier ; que tout autre legs ne forme qu'une disposition à titre particulier ; que pour déclarer les deux associations bénéficiaires des contrats d'assurance-vie, l'arrêt retient que, selon le notaire chargé de la liquidation de la succession, il résulte du testament d'Emilienne A... que sa succession est entièrement dévolue à ces personnes morales, de sorte que ces dernières, légataires universels, avaient seules la qualité d'héritier ouvrant droit au bénéfice desdits contrats, en l'absence d'héritiers réservataires ; qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que, dans son testament, Emilienne A... ne donnait aux associations que sa maison et l'argent disponible au jour de son décès, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il ressortait que les associations étaient de simple légataires à titre particulier, a violé les articles 1002, 1003 et 1010 du code civil ;
Alors, deuxièmement, que le legs universel est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l'universalité des biens qu'il laissera à son décès ; que pour déclarer les deux associations légataires universels d'Emilienne A... et, en conséquence, bénéficiaires des contrats d'assurance-vie, l'arrêt se borne à énoncer que si, dans son testament, la défunte ne fait don à ces associations que de sa maison et de son argent disponible au jour du décès, le notaire chargé de la liquidation de la succession a précisé clairement dans une lettre que la succession leur est, au vu de cet acte, entièrement dévolue ; qu'en se déterminant ainsi par simple référence à l'interprétation de l'officier public et sans analyser elle-même les dispositions testamentaires qui lui étaient soumises, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à établir l'existence d'un legs universel et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1002, 1003 et 1134 du code civil, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ;
Alors, troisièmement et subsidiairement, que le terme héritier employé pour déterminer le bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie désigne exclusivement les héritiers légaux et non les légataires universels, peu important qu'il n'y ait pas d'héritier réservataire ; que pour déclarer les deux associations bénéficiaires des contrats d'assurance-vie, l'arrêt retient que ces dernières, étant légataires universels, avaient seules la qualité d'héritier ouvrant droit au bénéfice desdits contrats, en l'absence d'héritiers réservataires ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 132-8 du code des assurances, ensemble l'article 1134 du code civil.