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14/05/2013 | FRANCE | N°12-16432

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 mai 2013, 12-16432


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 9 février 2012), que la société Mano, qui exerce une activité de vente en gros, demi-gros et détail de fournitures générales pour le bâtiment, le sanitaire et le chauffage, vendait en qualité de distributeur agréé, des produits que lui fournissait la société Viessmann, depuis 2002 dans le département de la Gironde puis, à partir de juin 2004, dans les départements des Landes, des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées ; que, le 1

er juillet 2007, il a été mis fin au contrat de distribution non exclusif liant...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 9 février 2012), que la société Mano, qui exerce une activité de vente en gros, demi-gros et détail de fournitures générales pour le bâtiment, le sanitaire et le chauffage, vendait en qualité de distributeur agréé, des produits que lui fournissait la société Viessmann, depuis 2002 dans le département de la Gironde puis, à partir de juin 2004, dans les départements des Landes, des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées ; que, le 1er juillet 2007, il a été mis fin au contrat de distribution non exclusif liant les deux sociétés dans le département de la Gironde, puis, par lettre du 27 novembre 2007, la société Viessmann a informé la société Mano de sa décision de réorganiser son système de distribution en assurant désormais la vente directe de ses produits et lui a notifié la rupture de leurs relations, assortie d'un préavis de six mois ; qu'estimant cette rupture brutale et fautive, la société Mano l'a fait assigner sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce ;
Attendu que la société Mano reproche à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel n'a pas recherché si, comme le soutenait la société Mano, pièces à l'appui, dans ses conclusions, un contrat de concession exclusive non écrit à durée indéterminée ne résultait pas, outre l'ancienneté des relations, de ce que la société Viessmann s'était engagée à transmettre à la société Mano pour facturation toutes les commandes reçues directement de clients et avait confié à la société Mano la réalisation et la distribution des prospectus publicitaires de ses produits, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I 5° du code de commerce ;
2°/ que constitue un contrat de distribution exclusive celui par lequel le fournisseur s'engage à n'avoir qu'un seul distributeur tout en se réservant la possibilité de vendre directement à certains clients ; que la société Mano faisait valoir dans ses conclusions que la société Viessmann lui avait consenti une telle exclusivité dès lors que le montant des ventes réalisées par d'autres distributeurs dans le territoire concerné n'était nullement « significatif » ; qu'en n'ayant pas comparé le montant des ventes réalisées par ces autres distributeurs (62 874 euros en 2005, 28 335 euros en 2006, 29 796 euros en 2007) avec montant des ventes de produits Viessmann réalisées par la société Mano (873 777 euros en 2005, 1 206 708 euros en 2006 et 969 338 euros en 2007), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ;
3°/ que se rend coupable de pratiques discriminatoires le fournisseur qui impose à un revendeur des conditions tarifaires moins favorables que celles consenties à ses clients directs ; que la cour d'appel qui a seulement relevé que la société Mano, n'étant plus distributeur agréé, ne pouvait plus prétendre aux remises attachées à cette qualité, devait rechercher, comme le lui demandait la société Mano, si les nouvelles conditions tarifaires qui étaient désormais imposées à cette dernière, n'étaient pas considérablement moins favorables que celles consenties aux clients directs (manque de base légale au regard des articles L. 420-2 et L. 442-6 du code de commerce) ;
4°/ que la cour d'appel qui a retenu que l'établissement de Lons de la société Mano ne commercialisait pas seulement des chaudières de la société Viessmann, mais aussi des carrosseries de la société Ackeret et proposait des marques de chaudière concurrentes de Viessmann, que la société Mano avait pu, pendant la durée du préavis, réorienter son activité en trouvant de nouveaux fournisseurs et qu'ainsi elle ne pouvait se prévaloir d'une relation de dépendance économique, quand la société Mano invoquait et produisait deux lettres de son commissaire aux comptes des 1er et 3 septembre 2008, soit neuf mois après la rupture du 27 novembre 2007 et trois mois après l'expiration du délai de préavis, attestant que le chiffre d'affaires de 166 000 euros réalisé aux mois de juillet et août 2007 avec la société Viessmann qui n'avait été remplacé que par un chiffre d'affaires de 67 000 euros pour les mêmes mois de 2008 avec d'autres fournisseurs, soit une diminution de 100 000 euros, et qu'il fallait prévoir sur l'exercice en cours une perte de chiffre d'affaires annuel de 600 000 euros devant entraîner la fermeture de l'agence de Lons et le licenciement économique de ses salariés, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-2 et L. 442- 6 I 5° du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que les conditions définies dans les accords annuels de développement commercial précisant les objectifs et les engagements de nature à justifier des conditions particulières de vente au sens de l'article L. 441-7 du code de commerce, précisent que ces conditions sont destinées aux distributeurs agréés Viessmann et que l'appui commercial apporté par la société Viessmann à la société Mano pour lui permettre d'atteindre ses objectifs et percevoir la rémunération supplémentaire qui y est liée ne peut être assimilé à une reconnaissance d'exclusivité ; qu'il relève encore qu'il ressort de l'attestation du commissaire aux comptes de la société Viessmann qu'aucune anomalie n'a été révélée dans la ventilation du chiffre d'affaires communiqué par celle-ci, faisant ressortir, pour chacun des exercices considérés, qu'une partie des ventes de la société Viessmann était réalisée avec d'autres grossistes et qu'au vu de ces documents il n'existait aucune exclusivité de droit ni même de fait au profit de la société Mano ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations faisant ressortir que la société Mano ne rapportait pas la preuve de la relation d'exclusivité qu'elle invoquait, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé qu'il ne pouvait être reproché à la société Viessmann d'avoir adopté un comportement discriminatoire dans ses nouveaux tarifs, dans la mesure où la société Mano n'était plus distributeur agréé et n'avait plus vocation à recevoir les remises et bonifications spécifiques attachées à cette qualité, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en troisième lieu, que l'arrêt retient qu'il n'existait aucune exclusivité de droit, ni même de fait, au profit de la société Mano, qu'il n'est pas établi que celle-ci ait créé un établissement uniquement pour les produits Viessmann, dès lors qu'elle y intervenait avec la société Ackeret, spécialisée en carrosserie, laquelle avait transféré ses activités dans cet établissement dès 2003, et qu'ils assuraient en commun la fourniture de marques de chaudières concurrentes de celle de la société Viessmann ainsi que le confirme le prospectus versé aux débats, qu'enfin la société Mano a pu réorienter son activité pendant la durée du préavis en trouvant de nouveaux fournisseurs ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que l'état de dépendance économique invoqué par la société Mano n'était pas établi ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mano aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Viessmann la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils, pour la société Mano
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Mano, distributrice des produits de la société Viessmann, à qui elle a imposé de nouvelles conditions tarifaires discriminatoires, de sa demande de dommages-intérêts pour rupture brutale et abusive de leurs relations commerciales avec un préavis de seulement six mois,
Aux motifs que les parties n'étaient pas liées par un contrat de distribution exclusive ; qu'en effet, il résultait d'une attestation du commissaire aux comptes de la société Viessmann qu'en 2005 Viessmann avait réalisé en direct 92 839 euros de chiffre d'affaires et les autres grossistes que la société Mano 62 874 euros ; qu'en 2006 ces chiffres d'affaires étaient respectivement de 227 795 et 28 335 euros et en 2007 de 641 923 et 29 796 euros ; qu'il ne pouvait être reproché à Viessmann d'avoir adopté un comportement discriminatoire dans ses nouveaux tarifs dans la mesure où la société Mano, n'étant plus distributeur agréé Viessmann, n'avait plus vocation à percevoir les remises attachées à cette qualité ; qu'il n'était pas établi que la société Mano eût créé son établissement de Lons uniquement pour les produits Viessmann ; qu'en fait, il était couplé avec Ackeret, spécialisé en carrosserie ; que le prospectus publicitaire versé aux débats proposait sous l'enseigne Ackeret Mano des marques de chaudière concurrentes à Viessmann ; que la société Mano avait pu, pendant la durée du préavis, réorienter son activité en trouvant de nouveaux fournisseurs ; que la société Mano ne pouvait dès lors se prévaloir d'une situation de dépendance économique vis-à-vis de Viessmann ;
Alors que 1°) la cour d'appel n'a pas recherché si, comme le soutenait la société Mano, pièces à l'appui, dans ses conclusions, un contrat de concession exclusive non écrit à durée indéterminée ne résultait pas, outre l'ancienneté des relations, de ce que la société Viessmann s'était engagée à transmettre à la société Mano pour facturation toutes les commandes reçues directement de clients et avait confié à la société Mano la réalisation et la distribution des prospectus publicitaires de ses produits, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L.442-6, I-5° du code de commerce ;
Alors que 2°) constitue un contrat de distribution exclusive celui par lequel le fournisseur s'engage à n'avoir qu'un seul distributeur tout en se réservant la possibilité de vendre directement à certains clients ; que la société Mano faisait valoir dans ses conclusions que la société Viessmann lui avait consenti une telle exclusivité dès lors que le montant des ventes réalisées par d'autres distributeurs dans le territoire concerné n'était nullement « significatif » ; qu'en n'ayant pas comparé le montant des ventes réalisées par ces autres distributeurs (62 874 euros en 2005, 28 335 euros en 2006, 29 796 euros en 2007) avec montant des ventes de produits Viessmann réalisées par la société Mano (873 777 euros en 2005, 1 206 708 euros en 2006 et 969 338 euros en 2007), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ;
Alors que 3°) se rend coupable de pratiques discriminatoires le fournisseur qui impose à un revendeur des conditions tarifaires moins favorables que celles consenties à ses clients directs ; que la cour d'appel qui a seulement relevé que la société Mano, n'étant plus distributeur agréé, ne pouvait plus prétendre aux remises attachées à cette qualité, devait rechercher, comme le lui demandait la société Mano, si les nouvelles conditions tarifaires qui étaient désormais imposées à cette dernière, n'étaient pas considérablement moins favorables que celles consenties aux clients directs (manque de base légale au regard des articles L.420-2 et L.442-6 du code de commerce) ;
Alors que 4°) la cour d'appel qui a retenu que l'établissement de Lons de la société Mano ne commercialisait pas seulement des chaudières de la société Viessmann, mais aussi des carrosseries de la société Ackeret et proposait des marques de chaudière concurrentes de Viessmann, que la société Mano avait pu, pendant la durée du préavis, réorienter son activité en trouvant de nouveaux fournisseurs et qu'ainsi elle ne pouvait se prévaloir d'une relation de dépendance économique, quand la société Mano invoquait et produisait deux lettres de son commissaire aux comptes des 1er et 3 septembre 2008, soit neuf mois après la rupture du 27 novembre 2007 et trois mois après l'expiration du délai de préavis, attestant que le chiffre d'affaires de 166 000 euros réalisé aux mois de juillet et août 2007 avec la société Viessmann qui n'avait été remplacé que par un chiffre d'affaires de 67 000 euros pour les mêmes mois de 2008 avec d'autres fournisseurs, soit une diminution de 100 000 euros, et qu'il fallait prévoir sur l'exercice en cours une perte de chiffre d'affaires annuel de 600 000 euros devant entraîner la fermeture de l'agence de Lons et le licenciement économique de ses salariés, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.420-2 et L.442-6 I 5° du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-16432
Date de la décision : 14/05/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 09 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 mai. 2013, pourvoi n°12-16432


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Blanc et Rousseau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.16432
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