LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., salariée de la société Valfleuri, a été victime, le 28 février 2000, d'un accident du travail ayant nécessité l'amputation du bras droit ; qu'estimant avoir été victime d'une faute inexcusable de son employeur, la salariée a saisi la caisse primaire d'assurance maladie de Mulhouse, aux droits de laquelle est venue la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin (la caisse), puis une juridiction de sécurité sociale ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Attendu que la rente majorée servie à la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur répare la perte des gains professionnels futurs, le retentissement professionnel de l'incapacité résultant de l'accident et le déficit fonctionnel permanent ;
Attendu que pour accorder à Mme X... une certaine somme au titre de l'incapacité permanente partielle, l'arrêt retient que la rente allouée à la salariée, qui ne compense que les pertes de salaires et ce de manière forfaitaire, ne la remplit pas de ses droits au titre de l'incapacité permanente partielle et ne fait pas obstacle à l'allocation de sommes complémentaires de ce chef ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 452-3, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale ;
Attendu que l'arrêt dit que la caisse n'est tenue de faire l'avance que des indemnités allouées en réparation des préjudices expressément énumérés par le texte susvisé ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la réparation de tous les préjudices alloués au titre de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle dus à la faute inexcusable de l'employeur est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur, la cour d'appel a violé ce texte ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne Mme X... et la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq avril deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la société Valfleuri
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
II est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement qui avait constaté que la société VAL FLEURI avait commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident dont avait été victime Mme Y... le 28 février 2000 et avait condamné la société VAL FLEURI à indemniser les préjudices subis par cette dernière pour un montant global de 302.959 €, soit les sommes de 20.000 € au titre de l'ITT, 25.000 € au titre des souffrances endurées, 18.000 € et 15.000 € au titre des préjudices esthétiques temporaire et permanent, 210.959 € au titre de l'IPP et 3.000 € au titre du préjudice d'agrément ;
AUX MOTIFS QUE s'agissant de l'indemnisation des préjudices, si la société VAL FLEURI est recevable à discuter, même pour la première fois en appel, le taux d'incapacité permanente de Mme Y..., elle ne saurait toutefois prospérer en cette argumentation ;Que le taux de 90% retenu par la CPAM ne régit que les rapports entre cette dernière et l'assurée pour la détermination des indemnisations forfaitaires légales servies par la CPAM, à savoir la rente ;Qu'en revanche ce taux ne s'impose pas dans les rapports entre la salariée victime de la faute inexcusable, et l'employeur ;Que Mme Y... est recevable à se prévaloir envers la société VALFLEURI, dans le cadre de l'action en réparation de ses préjudices personnels que lui a ouvert à l'encontre de celle-ci la reconnaissance de la faute inexcusable, de l'expertise médicale de droit commun réalisée au contradictoire des deux parties, et dont il s'évince un taux d'IPP de 95,5% ;Que doivent aussi être déclarés sans emport les moyens tirés par la société VALFLEURI de la circonstance qu'au titre de l'ITT et de l'IPP, Mme Y... a respectivement perçu de la CPAM des indemnités journalières puis la rente, et que de ces chefs la salariée serait remplie de ses droits, ce qui ferait obstacle à la possibilité de réclamer des sommes complémentaires, celles-ci constituant alors un enrichissement sans cause ;Qu'il suffit à cet égard de rappeler que les indemnités journalières et la rente ne compensent que les pertes de salaires et de manière forfaitaire ;Que le principe du droit à réparation intégrale autorise le salarié à réclamer à l'employeur la réparation des pertes complémentaires de revenus causés par les incapacités qui le prive de la possibilité de se les procurer ;Que s'agissant des indemnités, la société VALFLEURI conteste vainement la somme de 5.000 € allouée au titre de la perte de chance de promotion professionnelle, alors que la qualité d'ouvrière expérimentée de Mme Y... lui assurait une possibilité certaine de progression d'échelons de salaire ;Qu'il n'y a pas lieu de réduire l'indemnité de 25.000 € fixée pour les souffrances - estimées par l'expert à 5/7 - aux motifs que le syndrome dégénératif de l'épaule gauche subi en 2003 serait, selon l'un des experts sans lien de causalité avec l'accident ;Qu'à l'évidence les douleurs massives subies lors de l'arrachage et de l'amputation du bras, puis lors de la rééducation et du port de la prothèse justifient à elles seules le montant alloué ;Qu'il en est de même des préjudices esthétiques temporaire et permanent, respectivement réparés par les sommes de 18.000 € et 15.000 € ;Que l'expert souligne la gravité de l'état dépressif avec tendance suicidaire connu par Mme Y... ;Qu'en considération de l'âge de la victime, de la durée de l'ITT (52 mois)du taux d'incapacité de 95,5 % et aussi au vu du montant annuel de la rente qui en 2001, outre les revalorisations, a été seulement fixée à 14.832 F - soit 2.261,12 € - le tribunal a exactement et intégralement réparé les préjudices liés à l'ITT et à l'IPP en accordant les sommes de 26.000 € et 210.959 €, étant observé que la société VALFLEURI n'excipe d'aucun autre moyen, que ceux qui ont été précédemment analysés et rejetés, pour critiquer la décision du tribunal ;Qu'elle ne discute pas l'appréciation chiffrée des premiers juges de ces deux chefs ;
ALORS QUE par application des articles L. 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise de manière forfaitaire et définitive d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que la cour d'appel a alloué à Mme Y... une somme de 210.959 € au titre de l'indemnisation complémentaire de l'incapacité permanente partielle tout en constatant qu'une rente majorée avait été allouée à la victime au titre de la législation sur les accidents du travail, au motif erroné que cette rente ne compensait « que les pertes de salaires et de manière forfaitaire » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
II est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé en toutes ses dispositions le jugement qui avait condamné la société VALFLEURI à indemniser les préjudices de Mme Maria X... veuve Y... pour un montant de 302.959 € et y ajoutant, D'AVOIR dit que sans préjudice de son recours à rencontre de la société VALFLEURI, la CPAM ne serait tenue de faire l'avance que des indemnités allouées en réparation des préjudices expressément énumérées par l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale ;
AUX MOTIFS QUE la Caisse fait valoir avec pertinence qu'elle n'est tenue de faire l'avance que des indemnités allouées en réparation des préjudices expressément énumérés à l'article L. 452-3 du code de la Sécurité Sociale, étant observé qu'en l'espèce il n'y a pas de discussion Mme Y... n'ayant pas formé de réclamations non couvertes par le livre IV du code de la sécurité sociale ainsi que cela a déjà été souligné ;
1°) ALORS QU'en confirmant en toutes ses dispositions le jugement qui avait condamné la société VALFLEURI à indemniser directement les préjudices de Mme Maria X... veuve Y... pour un montant de 302.959 € et, y ajoutant, en disant que sans préjudice de son recours à l'encontre de la société VALFLEURI, la CPAM ne serait tenue de faire l'avance que des indemnités allouées en réparation des préjudices expressément énumérées par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a entaché son dispositif d'une contradiction et partant violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile :
2°) ALORS OU'il résulte du dernier alinéa de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale que la réparation des préjudices allouée à la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur, indépendamment de la majoration de la rente, est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur ; que le bénéfice de ce versement direct s'applique aux indemnités réparant les préjudices non énumérés par ce texte ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale.