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24/04/2013 | FRANCE | N°12-82824

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 avril 2013, 12-82824


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre avril deux mille treize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller RACT-MADOUX, les observations de la société civile professionnelle FABIANI et LUC-THALER, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Slim X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-12, en date du 27mars 2012, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures

en comptabilité, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, a o...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre avril deux mille treize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller RACT-MADOUX, les observations de la société civile professionnelle FABIANI et LUC-THALER, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Slim X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-12, en date du 27mars 2012, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration des impôts, partie civile ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741, 1743, 1745 du code général des impôts, 121-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X...coupable de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt : omission de déclaration dans les délais prescrits-fraude fiscale, et omission d'écriture dans un document comptable, l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement assortie du sursis, a ordonné l'affichage du jugement ainsi que sa publication par extraits et dit que M. X...serait solidairement tenu avec la société PRAF au paiement des impôts fraudés et à celui des pénalités y afférentes ;

" aux motifs qu'il résulte de la procédure que la société La parisienne de rénovation d'aménagement et de finition PRAF, immatriculée au registre du commerce de Créteil le 19 mars 2003, avait pour activité « entreprise de bâtiment », son activité s'exerçant au ...à Saint-Maur des Fossés à compter du 2 juin 2003 ; que son capital de 15 000 euros était réparti entre M. X...trente parts, M. Humidi X...quarante-cinq parts, Mme Catherine X...quarante-cinq parts, M. Z...trente parts ; que la société a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Créteil le 4 avril 2007, sur saisine d'office du président du tribunal de commerce, lequel redressement a été converti en liquidation judiciaire le 9 mai 2007 ; qu'à la suite d'un avis de vérification du 27 août 2007, adressé tant au mandataire liquidateur, la SELARL B...-C..., qu'à M. X..., l'administration des impôts a procédé à la vérification de la comptabilité de la société Parisienne de rénovation d'aménagement et de finition ; qu'à l'issue de cette vérification l'administration fiscale a constaté que la société PRAF n'avait pu produire un certain nombre de documents comptables (grands livres complets, balances générales, contrats clients, facturations clients et, fournisseurs pour la période 2005 et 2006, relevés bancaires 2005 et 2006) ; que son chiffre d'a faires reconstitué d'après les relevés bancaires était de 1 616 618 euros hors taxes en 2005 et de 1 192 160 euros en 2006 ; que la société s'était abstenue de souscrire dans les délais légaux les déclarations mensuelles de TVA au titre des années 2005 et 2006, alors que compte tenu de son chiffre d'affaires elle était soumise au régime normal d'imposition mais n'avait pas davantage déposé la déclaration annuelle de TVA pour la même période alors qu'elle prétendait relever du régime simplifié et que, dès lors, l'impôt éludé en matière de TVA s'élevait à 112 160 euros au titre de l'année 2005 et de 205 745 euros au titre de l'année 2006 soit un total visé pénalement de 317 905 euros ; qu'il a été remis au vérificateur le 15 octobre 2007, au titre des années 2005 et 2006, des déclarations annuelles de TVA établies selon le régime simplifié d'imposition sous lequel la société était prise en compte ainsi que des déclarations mensuelles de TVA établies selon le régime normal d'imposition ; que le prévenu fait valoir que la comptabilité de la société depuis sa création était tenue par lu société EMD Services, ayant pour gérant M. A..., les bilans 2003, 2004 et 2005 ayant été établis par cette société ; qu'à la suite de la liquidation judiciaire de cette société afin d'assurer sa comptabilité il avait embauché M. A...à effet rétroactif du 2 janvier 2006 en qualité de chef comptable ainsi que deux de ses assistants, ce dernier étant chargés de tous les aspects comptables de l'entreprise y compris les déclarations sociales et fiscales ; que fin 2006, la situation financière de la société étant très tendue, il avait demandé à son chef comptable d'effectuer une déclaration de cessation des paiements tout en effectuant le bilan 2006, ce que ce dernier avait refusé tant que les salaires ne seraient pas payés ; que, dès lors, faute d'avoir établi le bilan et les déclarations sociales et fiscales la société a fait l'objet d'une taxation d'office ce qui a alourdi encore plus le passif déclaré qui a été de 1 077 000 euros contre un actif de 70 000 euros ; que la cour d'appel dans son arrêt du 13 octobre 2009, statuant en matière commerciale, a dit n'y avoir lieu de mettre à la charge de M. X...une contribution au paiement de l'insuffisance d'actif de la société aux motifs que ce dernier avait embauché un comptable à compter du 2 janvier 2006 pour une rémunération supérieure à la sienne, soit 3. 400 euros ; que dès lors, le délit visé à la prévention ne peut lui être reproché aucune intention coupable ne pouvant être mise à sa charge ; qu'il est constant qu'à raison de son activité et de son chiffre d'affaires, la société PRAF était assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime réel normal d'imposition et à ce titre devait souscrire des déclarations mensuelles de TVA mentionnant l'intégralité des opérations réalisées et le détail des opérations taxables ; qu'il est également constant qu'aucun document comptable n'a été remis au vérificateur qui a établi un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité en date du 13 septembre 2007 contresigné par le mandataire liquidateur de la société ; qu'outre l'absence de présentation des livres obligatoires avait également été constatée l'absence des factures clients et fournisseurs pour les années 2005 et 2006, des contrats clients et des relevés bancaires ; que la société qui s'est placée abusivement sous le régime réel simplifié avait versé des acomptes provisionnels à hauteur de 40. 373 euros pour l'année 2005 et 27, 918 euros pour l'année 2006 ; que le chiffre d'affaires reconstitué s'est établi à 1 616 618 euros pour l'année 2005 et à 1 425 823 euros pour l'année 2006 induisant une TVA de 252 617 euros pour l'année 2005 et 205 745 euros pour l'année 2006 ; que, cependant, n'est visée pénalement que la somme de 112. 160 euros pour l'année 2005 à raison de la procédure de taxation d'office intervenue dans le cadre d'un contrôle sur pièces ; que les déclarations d'impôt sont établies sous la responsabilité du gérant de la société ; qu'il convient, en outre, de rappeler qu'à compter de janvier 2006, M. A...était comptable salarié de la société PRAF donc placé sous l'autorité du prévenu qui se devait de vérifier son travail ; qu'au demeurant la cour relève que M. X...qui avait seul la signature sur les comptes bancaires de la société n'a pas manqué de s'apercevoir qu'il n'avait établi aucun chèque au bénéfice du trésor public en janvier 2006 et janvier 2007 afin de s'acquitter de la TVA au titre de ces deux années, puisque seuls quelques acomptes d'un montant faible avaient été payés dans cette période qu'il apparaît ainsi que le prévenu, à raison des difficultés financières importantes de sa société, a entendu se faire de la trésorerie au moyen de la TVA collectée tout au long des années 2005 et 2006 en ne la déclarant pas puisque ne pouvant la payer » ;
" 1°) alors que hors le cas où la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ; que la délégation de pouvoir étant un moyen de défense, il appartient aux juges du second degré d'en apprécier la valeur si elle est invoquée en cause d'appel ; qu'en se bornant à affirmer, pour déclarer M. X...coupable de fraude fiscale, qu'il avait seul la signature des comptes bancaires de la société et n'avait établi aucun chèque au bénéfice du trésor public en janvier 2006 et janvier 2007 afin de s'acquitter de la TVA au titre de ces deux années, sans rechercher si M. X...avait délégué ses pouvoirs à M. A..., son comptable, en vue d'établir les déclarations et de payer les acomptes de TVA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 2°) alors que M. X...soutenait en cause d'appel que l'administration fiscale était à l'origine des erreurs commises dans les déclarations de TVA, dès lors que chaque trimestre, elle avait adressé à la société PRAF le formulaire relatif au régime simplifié ; qu'en se bornant à affirmer que la société s'était placée abusivement sous le régime réel simplifié, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions dudit prévenu, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;
" 3°) alors que M. X...soutenait devant la cour d'appel qu'il avait renvoyé en 2005 et 2006 à l'administration fiscale les formulaires de déclaration de TVA dûment remplis, tout en effectuant pour l'année 2005 des règlements à hauteur de 70 538 euros et pour l'année 2006 à hauteur de 15 327 euros, et qu'il produisait divers éléments preuve à l'appui de ses énonciations ; qu'en se bornant à affirmer qu'à raison des difficultés financières importantes de la société, M. X...avait entendu se faire de la trésorerie au moyen de la TVA collectée tout au long des aimées 2005 et 2006, en ne la déclarant pas puisque ne pouvant la payer, sans avoir analysé, ne fût-ce que sommairement, les éléments de preuve versés aux débats par ledit prévenu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 61-1 et 62 de la Constitution, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 1741 alinéa 4 du code général des impôts, 111-3, alinéa 2, 112-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X...coupable de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt : omission de déclaration dans les délais prescrits-fraude fiscale, et omission d'écriture dans un document comptable et a ordonné l'affichage du jugement ainsi que sa publication par extraits ;
" aux motifs adoptés des premiers jugés qu'en application de l'article 1741, alinéa 4, du code général des impôts (dans sa rédaction en vigueur à la date des faits et du jugement, la publication de la décision au JORF et dans l'édition Val-de-Marne du quotidien Le Parisien ainsi que l'affichage de la décision sur les panneaux officiels de la mairie de Boissy-Saint-Léger pour une durée de trois mois seront ordonnées ;
" alors que d'une part, une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que d'autre part, nul ne peut être puni pour un délit, d'une peine qui n'est pas prévue par la loi à la date à laquelle les faits ont été commis ; qu'en ordonnant l'affichage du jugement ainsi que sa publication par extraits, quand les dispositions de l'alinéa 4, de l'article 1741, du code général des impôts, applicables aux faits, ont été déclarées contraires à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel du 10 décembre 2010, prenant effet à la date de sa publication au Journal officiel de la République Française le 11 décembre 2010, et que les dispositions du même texte, résultant de l'article 63. IV de la loi du 29 décembre 2010, selon lesquelles, « la juridiction peut, en outre, ordonner l'affichage de la décision prononcée et la diffusion de celle-ci dans les conditions prévues aux articles 131-35 ou 131-39 du code pénal » ne s'appliquent qu'aux infractions commises après l'entrée en vigueur de cette loi, la cour d'appel a violé les textes susvisés et les principes susénoncés " ;
Vu les articles 61-1 et 62 de la Constitution ;
Attendu qu'une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 précité est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ;
Attendu qu'après avoir condamné M. X..., déclaré coupable de fraude fiscale à six mois d'emprisonnement avec sursis, l'arrêt ordonne la publication et l'affichage de la décision, sur le fondement de l'article 1741 alinéa 4 du code général des impôts ;
Mais attendu que cet article a été déclaré contraire à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel du 10 décembre 2010, prenant effet à la date de sa publication au Journal officiel de la République française, le 11 décembre 2010 ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 27 mars 2012, mais en ses seules dispositions relatives aux mesures de publicité, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-82824
Date de la décision : 24/04/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 avr. 2013, pourvoi n°12-82824


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.82824
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