LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Alfred X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-12, en date du 4 octobre 2011, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de confiance, l'a condamné à la peine de 8 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant une durée de trois ans avec les obligations de l'article 132-45, 1°, 2° et 5° du code pénal, a rejeté la demande de non inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire, et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs que, ( ..) il est reproché à M. X... d'avoir détourné au préjudice d'Alain Y... un lot de saphirs qui lui avait été remis et qu'il avait accepté à charge de les rendre ou représenter ;que, dans des circonstances, comme précédemment rappelées, où les engagements pris l'ont été entre personnes morales mais nécessairement entre les deux gérants des sociétés, avec, en l'espèce, un aspect d'intuitu personae important, eu égard à l'importance des relations d'affaires déjà existantes entre les deux hommes et à l'activité du négoce de pierres précieuses, il n'existe aucune obligation légale ou autre de poursuivre cumulativement la personne physique et la personne morale, ou cette dernière uniquement, dans l'hypothèse ou un contrat entre personnes morales apparaît en cause dans le mode opératoire évoqué ; que la seule poursuite de M. X..., en l'espèce, n'est donc pas entachée d'irrégularité ; qu'il ressort des éléments de la procédure et des débats que les pierres litigieuses constituant quarante lots de pierres précisément inventoriées, ont fait l'objet des trois contrats dits de confiés des 5 septembre (contrat 5007) et 12 novembre 2002 (contrats 5009 et 5011) ; qu'il ressort de ces contrats que les obligations qui en résultaient pour M. X..., es qualités de gérant de la société Naubusson, et à qui les pierres ont été remises, ce qui n'est pas contesté, étaient parfaitement détaillées et que la mention qui a été reprise plus haut ne laissait aucun doute sur le fait qu'il ne pouvait être disposé de ces pierres, autrement que pour les proposer à la vente, et qu'en outre, celles-ci devaient pouvoir être restituées à tout moment ; que cette obligation s'imposait malgré la société de fait constituée par les relations d'affaires avérées qu'entretenaient MM. X... et Y... ; qu'il ressort également du code d'usage des confiés et des déclarations de l'expert M. Z... que si ces accords sont très marqués par une confiance réciproque, ils demeurent, par essence, des contrats d'intermédiation et que, s'il doit être dérogé à cette fin, les parties le mentionnent expressément, le cas échéant par un addendum, ce qui, non seulement, n'est pas le cas en l'espèce, mais en outre apparaît comme contraire aux termes, sans ambiguïté, du contrat ; qu'en outre, M. X... a d'ailleurs reconnu qu'étant placé dans une situation de menace et de mise en cause de sa propre réputation, il avait décidé, à l'encontre des dispositions contractuelles, de vendre les pierres pour reverser cette somme à ses partenaires sri lankais ; que, dès lors, qu'il n'ignorait pas, ce faisant, et malgré par la suite des observations plus nuancées sur la portée de ces accords contractuels, qu'il détournait de l'usage prévu initialement les pierres qui lui avaient été remises ; que sur ses déclarations quant à la restitution partielle des 40 lots en cause, contestée par la partie civile, aucun élément ou justificatif ne vient étayer ces affirmations ; qu'en effet, comme le prévenu l'indique lui même, certaines des restitutions qu'il allègue n'auraient pas, par erreur, fait l'objet d'une mention sur l'inventaire des pierres ; que les pierres qui lui auraient été dérobées lors d'un vol à Paris ne sont pas identifiées ce qui ne permet pas d'établir qu'elles faisaient effectivement partie des lots litigieux, et qu'enfin, il a reconnu lui même avoir disposé de certains lots pour rembourser les négociants sri lankais, en raison des incidences pour sa réputation ; qu'en outre, il n'hésitait pas à écrire à la plaignante, le 15 mai 2003, qu'il avait en sa possession dans sa société 16 saphirs qu'il tenait à sa disposition, et le 16 mai, qu'outre les 16 saphirs, une autre pierre avait été retrouvée, répertoriée dans le contrat n° 5009, et était en sa possession ; que l'infraction d'abus de confiance est donc établie à son encontre, à l'égard de la partie civile que, dès lors, la cour confirmera la décision des premiers juges sur la déclaration de culpabilité ; que sur la peine, la cour, évoquant, et en l'absence d'indemnisation de la partie civile, estimant qu'une mesure de sursis avec mise à l'épreuve avec obligation d'indemniser la victime, est en l'espèce, adaptée, condamnera M. X... à la peine de 8 mois d'emprisonnement avec sursis mise à l'épreuve pendant une période de trois ans, avec les obligations de résidence, de formation ou activité professionnelle et d'indemniser la victime ; qu'en l'état, la non inscription de la condamnation au bulletin numéro 2 du casier judiciaire du prévenu apparaît prématurée, à défaut de justification par l'intéressé de la nécessité d'une telle mesure ( ... ) ; que la cour estime que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice direct, actuel et certain résultant pour la partie civile des agissements frauduleux du prévenu, nonobstant les écritures comptables de la partie civile, alléguées par le conseil du prévenu qui, n'établissent pas la restitution des pierres litigieuses ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions civiles et notamment sur l'exclusion de la somme de 8294,30 euros, correspondant à la valeur d'une pierre facturée (...) ;
"et aux motifs adoptés que, (...) il résulte de l'ensemble des investigations effectuées au cours de l'information, des factures et des documents recueillis par les enquêteurs et surtout des déclarations faites par M. X... notamment lors des débats que le prévenu, convaincu à tort que la société Eurogem n'avait pas respecté ses engagements vis-à-vis de la société DetN Gem et craignant tant pour sa propre réputation sur le marché que pour l'intégrité physique de ses partenaires habituels au Sri Lanka, a fait le choix de détourner les saphirs objets des contrats de confiés pour les vendre et, selon ses dires, rembourser directement les fournisseurs sri-lankais ; que s'il prétend que trois des saphirs faisaient partie d'un important lot de pierres qui lui auraient été dérobé le 30 novembre 2002, le tribunal ne peut que s'étonner, d'une part, qu'il n'ait jamais évoqué ce fait avec M. Y... alors qu'à l'époque leurs relations étaient encore bonnes, d'autre part qu'il ait attendu son interrogatoire de première comparution pour s'en souvenir ; qu'en outre il doit être rappelé qu'aucun des saphirs n'a été retrouvé lors de l'inventaire effectué par le commissaire priseur le 26 mai 2003 et qu'un seul saphir d'une valeur de 8 294,30 euros a en fait été facturé à la société Eurogem ; qu'enfin, M. X... est bien peu crédible lorsqu'il prétend, en se retranchant derrière la confiance, que des saphirs ont été restitués par ses soins à M. Y... sans document écrit en attestant alors même qu'il se dit convaincu à l'époque de la malhonnêteté de M. Y... vis-à-vis des Sri lankais ; attendu ainsi que le délit d'abus de confiance reproché à M. X... est parfaitement caractérisé, celui-ci ayant fait sciemment un usage des pierres qui lui avaient été confiées par contrat contraire à ce transfert et n'étant pas en mesure de les restituer, ce qu'il ne pouvait ignorer en raison de la situation particulièrement obérée de sa société ; qu'en conséquence, M. X... doit être déclaré coupable de ce délit ;
"1°) alors que l'abus de confiance suppose un acte de détournement ; que dans ses conclusions d'appel, le prévenu soutenait qu'une grande partie des pierres ayant fait l'objet des contrats de « confié » litigieux, avait été finalement vendue en plein accord avec la société Eurogem, ainsi que cela résultait de factures établies par cette société les 13 novembre 2002, 12 décembre 2002 et 14 avril 2003 ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ces éléments essentiels et de rechercher s'ils caractérisaient un accord de la société Eurogem pour vendre les pierres en cause, ce qui aurait permis d'exclure un détournement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"2°) alors que, l'abus de confiance suppose un acte de détournement ; que, dans ses conclusions d'appel, le prévenu soutenait qu'une partie des pierres ayant fait l'objet des contrats de « confié » litigieux, lui avait été volée ; qu'il invoquait à cet égard notamment une déclaration de vol faite à la compagnie d'assurances, comportant la liste des pierres volées et identifiant clairement les pierres confiées par Eurogem (cf. les pièces D142 à D144, et en particulier la pièce D143) ; qu'en affirmant que « les pierres qui auraient été dérobées lors d'un vol à Paris ne sont pas identifiées ce qui ne permet pas d'établir qu'elles faisaient effectivement partie des lots litigieux », sans se prononcer, ne serait-ce que sommairement, sur les éléments essentiels susvisés et en particulier sur la liste des pierres volées, qui étaient invoqués par le prévenu pour démontrer la réalité du vol dont il avait été victime, et donc l'absence de détournement de sa part, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"3°) alors que l'abus de confiance suppose une intention de commettre un détournement au préjudice d'autrui ; que le juge du fond a retenu que le prévenu avait vendu certaines pierres parce qu'il était convaincu que la société Eurogem n'avait pas respecté ses engagements vis-à-vis du fournisseur initial de ces pierres, la société DetN GEMS, et qu'il avait voulu rembourser celle-ci ; qu'en en déduisant l'existence d'un abus de confiance, quand les circonstances susvisées faisaient simplement ressortir que M. X... avait voulu intervenir de bonne foi dans un litige commercial pour compenser le préjudice de la société DetN GEMS, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'intention frauduleuse du prévenu de commettre un détournement au préjudice de la société Eurogem, a privé sa décision de base légale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 3 000 euros la somme que M. X... devra payer à la société Eurogem, partie civile, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;