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24/04/2013 | FRANCE | N°11-26883

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 avril 2013, 11-26883


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 septembre 2011), que M. X... a été engagé à compter du 24 octobre 2005 par la société Genzyme, qui est un établissement pharmaceutique, en qualité de directeur senior de recherche clinique pour la division Bio Surgery Europe ; qu'il a été licencié le 28 mai 2008 ;
Attendu que la société Genzyme fait grief à l'arrêt de dire nul le licenciement du salarié et de la condamner au paiement de diverses indemnités en conséquence, alors,

selon le moyen :
1°/ que peuvent caractériser un harcèlement moral les métho...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 septembre 2011), que M. X... a été engagé à compter du 24 octobre 2005 par la société Genzyme, qui est un établissement pharmaceutique, en qualité de directeur senior de recherche clinique pour la division Bio Surgery Europe ; qu'il a été licencié le 28 mai 2008 ;
Attendu que la société Genzyme fait grief à l'arrêt de dire nul le licenciement du salarié et de la condamner au paiement de diverses indemnités en conséquence, alors, selon le moyen :
1°/ que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que s'il incombe au salarié d'établir les faits permettant de présumer l'existence d'un tel harcèlement, l'employeur peut prouver que les agissements discutés sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, qu'en omettant de rechercher si, au regard des fonctions exercées par le salarié, les critiques dont il avait pu faire l'objet de la part de son N + 1 comme de son entourage professionnel dans la société Genzyme étaient objectivement fondées, ce qui excluait toute idée de dénigrement gratuit pouvant être considéré comme un fait de harcèlement moral, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1154-1 du code du travail ;
2°/ que dans la lettre de licenciement du 18 mai 2008 qui fixe les limites du litige, la société Genzyme a reproché au salarié de ne pas remplir correctement ses fonctions d'encadrement de son équipe comme de jonction avec le directeur scientifique aux Etats-Unis au point de ne plus disposer de la crédibilité nécessaire pour travailler en équipe, qu'elle concluait en faisant valoir que tous ses interlocuteurs chez Genzyme sont unanimes pour souligner ses insuffisances, qu'ense bornant à relever que le comportement d'homme consensuel du salarié est décrié dans son entretien d'évaluation et que le salarié dispose de connaissances unanimement reconnues dans son secteur d'activité dont il justifie par de nombreuses attestations élogieuses, l'arrêt attaqué qui s'est déterminé par des motifs inopérants, et a ainsi omis de répondre aux conclusions de la société Genzyme, a violé l'article L. 1154-1 du code du travail, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que l'arrêt attaqué, qui a relevé qu'au vu des organigrammes produits, M. Y... a supprimé trois des quatre personnes de l'équipe de M. X... présents en 2006 sans en assurer le remplacement, générant un surcoût de travail pour le salarié, sans répondre aux conclusions de la société Genzyme qui entendait démontrer en produisant deux organigrammes que l'équipe qu'encadrait M. X... s'était au contraire étoffée, passant de 9 à 11 personnes, et qu'en outre un directeur des affaires médicales avait été recruté au Pays Bas compte tenu du développement des équipes en Europe, a encore violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'il est impossible de voir un élément de harcèlement moral du salarié dans le paiement de la prime d'objectifs par l'employeur, quel'arrêt attaqué, qui a estimé que le paiement de la prime d'objectifs pour l'année 2007 corrobore le fait que le salarié avait été victime de harcèlement moral de manière incompatible et incohérente avec sa propre analyse de l'entretien d'évaluation du salarié dans lequel il a trouvé une absence de soutien du N + 1 du salarié qui est un indice de harcèlement moral, a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1154-1 et suivants du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a examiné l'ensemble des faits invoqués par le salarié comme constitutifs de harcèlement moral, sans excéder les limites du litige en considérant que l'attribution d'un bonus démontrait l'inanité des reproches faits concomitamment au salarié, puis estimé que les éléments de preuve fournis par l'employeur ne démontraient pas que ces mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral a pu décider que le salarié avait fait l'objet de harcèlement moral et dire nul, en conséquence, son licenciement ; que le moyen, qui tente, en sa troisième branche, de remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de fait par les juges du fond, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Genzyme aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Genzyme à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour la société Genzyme
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR, infirmant le jugement entrepris, dit que le licenciement de M. Erick X... intervenu le 28 mai 2008 est nul en application des dispositions de l'article L 1152-3 du code du travail, et condamné la SAS Genzyme à payer à M. Erick X... la somme de 60 000 euros au titre de réparation du préjudice matériel, celle de 30 000 euros à titre de réparation du préjudice moral et celle de 10 000 euros à titre de réparation du préjudice de carrière,
AUX MOTIFS QUE qu'aux termes des articles L 1152-1 et L 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; Que selon l'article L 1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; Qu'enapplication de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral ; Considérant en l'espèce, que dès son courrier du 6 juin 2008 contestant la mesure de licenciement, le salarié a évoqué le contexte des relations entretenues avec M. Khazal Y... (N + 1) au cours des mois passés, « une réduction drastique des moyens notamment humains a engendré ainsi une surcharge de travail et de stress directement à l'origine de la dégradation de son état de santé parfaitement diagnostiquée par M. Y... », ajoutant qu'il subit de la part de celui-ci de véritables actes d'humiliation, matérialisés à partir du mois d'avril par une rétrogradation structurelle de son poste à l'origine d'une déstabilisation psychologique de sa part ; Que pour justifier de l'altération de son état de santé en lien avec son environnement de travail, le salarié produit un certificat médical du 9 juin 2008 précisant qu'il présente depuis mars 2007 une dégradation de son état de santé avec dépression nécessitant un traitement, poussée tensionnelle, malaise, ainsi qu'un second certificat émanant du même médecin daté du 1° octobre 2010 précisant que l'intéressé est sous traitement anxio-dépressif depuis octobre 2007 ; Que cet état dépressif a été suspecté par M. Y..., dès lors que l'entretien d'appréciation de performance de M. X... du 14 décembre 2007 relate l'envoi d'un mail du 3 août 2007 au salarié, précisant qu'il est apparu au N + 1 après discussion, que le niveau d'énergie du salarié s'était affaibli ces temps derniers, ce qui lui indiquait que les prochaines vacances de celui-ci sont très nécessaires pour restaurer sa motivation et son énergie ; Que le salarié en signant l'entretien a précisé : « Ayant lu cette évaluation, je suis d'accordque j'aurais pu donner une meilleure année, mais je suis en désaccord sur les détails énoncés. Les raisons de ma performance ont été discutées avec Kaz. Des mesures ont été prises par moi-même pour faire face à la situation. J'ai pleinement confiance que des modifications seront apportées pour 2008. En fait, des changements sont apportés au moment où ceci est écrit au niveau des équipes et des projets. Ils seront bénéfiques conduisant à améliorer la structure de l'équipe, donner une meilleure communication et un leadership clair. Je m'attends à être en mesure de montrer d'ici peu et montrer à Kaz que je peux changer de vitesse et être de retour aux affaires comme d'habitude et meilleur. » ; Considérant que le salarié s'est retrouvé en conflit avec l'équipe Bio Energy américaine qui le tient pour responsable de la perte de confiance dans la performance de l'équipe Europe, sans recevoir de soutien de la part de son N + 1, que son comportement d'homme consensuel est décrié par son supérieur hiérarchique dans son entretien d'évaluation, alors que celui-ci dispose de connaissances et compétences unanimement reconnues dans son secteur d'activité et produit pour le justifier, de nombreuses attestations donnant des appréciations élogieuses sur son cursus professionnel, notamment au sein du laboratoire Sanofi-Aventis pendant 17 années ; Qu'au vu des organigrammes produits (pièce 24 et 25), M. Y... a supprimé trois des quatre personnes de l'équipe de M. X... présents en 2006 sans en assurer leur remplacement, générant un surcroît de travail pour le salarié (ce qui résulte également de l'entretien d'évaluation de M. Z...) ; Que M. X..., pourtant pressenti en janvier 2008 pour être « medical monitor », a finalement été évincé de l'équipe de qualité clinique au cours d'une réunionde management du 12 mars 2008 (pièce 14) ; Considérant que la circonstance que le salarié ait reçu une prime de bonus en mars 2008 de 24 192 euros au titre de l'année 2007, soit le maximum du bonus (20 %) du fait que tous ses objectifs étaient atteints, ne peut que corroborer, comme le fait valoir M. X..., que les relations de travail s'étaient modifiées, qu'il subissait des pressions dans son travail, que les relations avec l'équipe Biosurgery américaine s'avéraient tendues, qu'il avait perdu leur soutien (attestation de M. A...) du fait qu'on lui reprochait de ne pas partager la culture d'entreprise Genzyme ; Considérant que la relation des faits qui vient d'être précisée etsa chronologie laisse présumer que le salarié a subi des agissements répétés de harcèlement moral de la part de l'encadrement de la société, qui ont eu pour effet, au vu des pièces médicales produites, une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, peu importe que l'état dépressif médicalement constaté n'ait pas nécessité un arrêt de travail ; Que les éléments de preuve fournis par l'employeur ne démontre pas que ces mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral ; Considérant qu'il convient par voie de conséquence, de prononcer la nullité du licenciement par application de l'article L 1152-3 du code du travail ; Considérant qu'en réparation du préjudice patrimonial subi par le salarié, il lui sera alloué la somme de 60 000 euros, celle de 30 000 euros en réparation du préjudice moral subi (du fait des termes employés dans la lettre de licenciement qui ont un caractère volontairement insultant au regard des capacités universitaires et professionnelles du salarié), outre la somme de 10 000 euros pour préjudice de carrière (arrêt p 4 à 6)
1°) ALORS QUE peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que s'il incombe au salarié d'établir les faits permettant de présumer l'existence d'un tel harcèlement, l'employeur peut prouver que les agissements discutés sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, qu'en omettant de rechercher si, au regard des fonctions exercées par M. X..., les critiques dont il avait pu faire l'objet de la part de son N + 1 comme de son entourage professionnel dans la Société Genzyme étaient objectivement fondées, ce qui excluait toute idée de dénigrement gratuit pouvant être considéré comme un fait de harcèlement moral, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1154-1 du code du travail,
2°) ALORS QUE dans la lettre de licenciement du 18 mai 2008 qui fixe les limites du litige, la société Genzyme a reproché à M. X... de ne pas remplir correctement ses fonctions d'encadrement de son équipe comme de jonction avec le Directeur Scientifique aux Etats-Unis au point de ne plus disposer de la crédibilité nécessaire pour travailler en équipe, qu'elle concluait (page 7 des conclusions) en faisant valoir que tous ses interlocuteurs chez Genzyme sont unanimes pour souligner ses insuffisances, qu'ense bornant à relever que le comportement d'homme consensuel de M. X... est décrié dans son entretien d'évaluation et que M. X... dispose de connaissances unanimement reconnues dans son secteur d'activité dont il justifie par de nombreuses attestations élogieuses, l'arrêt attaqué qui s'est déterminé par des motifs inopérants, et a ainsi omis de répondre aux conclusions de la Société Genzyme, a violé l'article L 1154-1 du code du travail, ensemble l'article 455 du code de procédure civile,
3°) ALORS QUE l'arrêt attaqué, qui a relevé qu'au vu des organigrammes produits (pièce 24 et 25), M. Y... a supprimé trois des quatre personnes de l'équipe de M. X... présents en 2006 sans en assurer le remplacement, générant un surcoût de travail pour le salarié, sans répondre aux conclusions de la Société Genzyme qui entendait démontrer en produisant deux organigrammes que l'équipe qu'encadrait M. X... s'était au contraire étoffée, passant de 9 à 11 personnes, et qu'en outre un directeur des affaires médicales avait été recruté au Pays Bas compte tenu du développement des équipes en Europe, a encore violé l'article 455 du code de procédure civile,
4°) ALORS QUE il est impossible de voir un élément de harcèlement moral du salarié dans le paiement de la prime d'objectifs par l'employeur, quel'arrêt attaqué, qui a estimé que le paiement de la prime d'objectifs pour l'année2007 corrobore le fait que le salarié avait été victime de harcèlement moral de manière incompatible et incohérente avec sa propre analyse de l'entretien d'évaluation de M. X... dans lequel il a trouvé une absence de soutien du N + 1 du salarié qui est un indice de harcèlement moral, a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L 1154-1 et s. du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-26883
Date de la décision : 24/04/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Cour d'appel de Versailles, 21 septembre 2011, 09/04366

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 21 septembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 avr. 2013, pourvoi n°11-26883


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Lesourd

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.26883
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