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18/04/2013 | FRANCE | N°12-20230;12-27272

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 18 avril 2013, 12-20230 et suivant


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° N 12-20.230 et S 12-27.272 ;
Sur le moyen unique identique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 10 mai 2012), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 4 février 2010, pourvoi n° 09-12.850), que la société X... (la société), entreprise familiale créée en 1946, victime d'une escroquerie commise par la société Karl's Daso avec la complicité de M. Y..., préposé du Crédit lyonnais, a déclaré sa cessation de paiements le 24 janvier 1997, puis a été mise en liquida

tion judiciaire le 3 février suivant par le tribunal de grande instance ; que les a...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° N 12-20.230 et S 12-27.272 ;
Sur le moyen unique identique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 10 mai 2012), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 4 février 2010, pourvoi n° 09-12.850), que la société X... (la société), entreprise familiale créée en 1946, victime d'une escroquerie commise par la société Karl's Daso avec la complicité de M. Y..., préposé du Crédit lyonnais, a déclaré sa cessation de paiements le 24 janvier 1997, puis a été mise en liquidation judiciaire le 3 février suivant par le tribunal de grande instance ; que les associés de la société, MM. Pierre, Rémy et Mme Arlette X... (les consorts X...) ont assigné M. Y... et Le Crédit lyonnais en paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts, en soutenant que l'escroquerie commise avait entraîné la liquidation judiciaire de la société, la poursuite des membres de la famille X... en qualité de cautions solidaires de ses engagements et la perte de salaires et de biens personnels ; qu'un arrêt du 22 janvier 2009 ayant débouté les consorts X... de leurs demandes ayant été cassé le 4 octobre 2010 mais seulement en ses dispositions déboutant les consorts X... des demandes qu'ils avaient formées en réparation de leur préjudice personnel, les consorts X... ont saisi la cour d'appel de renvoi ;
Attendu que les consorts X..., associés d'une société à responsabilité limitée liquidée, font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes formées à l'encontre du Crédit lyonnais et de son préposé, M. Y..., alors, selon le moyen :
1°/ qu'il suffit qu'une faute ait concouru à la survenue du dommage pour qu'elle engage la responsabilité de son auteur et celle de son commettant ; qu'en considérant, dès lors, pour rejeter la demande indemnitaires des consorts X..., que la liquidation judiciaire n'est donc pas une conséquence « inévitable » de l'escroquerie dont la société X... avait été victime, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé les articles 1382 et 1384, alinéa 3, du code civil ;
2°/ qu'en considérant que les fautes commises par M. Y..., préposé du Crédit lyonnais n'avaient pas constitué la cause « directe » des différents préjudices invoqués par le consorts X... après avoir pourtant relevé que c'est le débit des effets impayés à la suite de l'escroquerie dont la société X... avait été victime qui avait entraîné le blocage du compte et l'interdiction d'émettre des chèques, ce dont il découlait que la complicité d'escroquerie dont s'était rendu coupable le directeur de l'agence du Crédit lyonnais avait été à l'origine directe de l'arrêt de l'exploitation de l'entreprise, laquelle lui avait permis, jusque là, de faire face à ses engagements, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1382 et 1384, alinéa 3, du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'il ressort des pièces versées aux débats que le tribunal de grande instance a prononcé le 3 février 1997 la liquidation judiciaire de la société sans période d'observation, ce qui démontre qu'il était impossible de mettre en place une procédure de redressement judiciaire qui aurait permis à la société de revenir à meilleure fortune ; que le montant des effets impayés par le client Karl's Daso et donc débités du compte de la société s'élevait à 537 218,30 francs ; que c'est ce débit qui a entraîné le blocage du compte et l'interdiction d'émettre des chèques ; que les consorts X... font état d'un carnet de commandes à hauteur de 5,5 millions de francs et d'un stock important de tissus permettant de faire face à ces importantes commandes ; qu'ils décrivent une situation plutôt positive, malgré une baisse du chiffre d'affaires de la société suite à la liquidation d'une société sous-traitante, mais qu'il ressort des bilans fournis que la société a eu deux résultats négatifs de 386 495 francs et 1 730 514 francs respectivement en 1992 et 1993, puis a eu des résultats positifs deux années de suite en 1994 et 1995, mais limités à 383 173 francs et 151 327 francs ; que de plus, ces bilans font apparaître d'importantes dettes financières au titre des emprunts et dettes auprès des établissements de crédit, ce qui peut expliquer que la banque ait prononcé une interdiction bancaire après la survenance de l'escroquerie ; qu'ainsi, le bilan de 1993 fait apparaître 3 589 764 francs d'emprunts et dettes auprès des établissements de crédit et des capitaux propres négatifs de – 970 145,12 francs ; que le bilan de 1994 fait apparaître 2 928 380 francs d'emprunts et dettes auprès des établissements de crédit et le bilan de 1995 mentionne 2 980 763 francs au même titre ; qu'enfin, le défaut de paiement de la société Karl's Daso ne représentait qu'environ 10 % du chiffre d'affaires annuel de la société, qui est d'environ 8 millions de francs ; que la déclaration de cessation des paiements du 24 janvier 1997 fait d'ailleurs apparaître des dettes s'élevant à plus de 4 millions de francs, alors que ce même document cite un encours avec le client Karl's Daso d'environ 990 000 francs ; que cette même déclaration de paiement fait apparaître un passif total de 4 293 823 francs et un actif de 2 402 300 francs constitué principalement du stock ; que ce stock a par ailleurs été évalué par le commissaire-priseur lors de l'inventaire le 19 février 1997 à 855 164,90 francs ; que donc, les dettes de la société Karl's Daso et l'escroquerie dont M. Y... s'est rendu coupable n'auraient pas entraîné de telles conséquences si la société n'avait pas été dans une situation financière totalement obérée ; que la liquidation judiciaire n'est donc pas une conséquence inévitable de l'escroquerie dont la société X... a été victime ; qu'en conséquence, les fautes de M. Y..., préposé du Crédit lyonnais, ne sont donc pas la cause directe des différents préjudices découlant directement de la liquidation judiciaire de la société ; que de plus, tous les préjudices personnels que les consorts X... réclament dans leurs écritures d'appel ont pour origine et cause la liquidation judiciaire, imputable à la situation financière de la société, gravement obérée avant l'escroquerie ;
Que de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, la cour d'appel a pu déduire que n'était pas établi par les consorts X... un lien de causalité direct et certain entre les préjudices qu'ils invoquaient et les fautes retenues à l'encontre de M. Y... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit avril deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen identique produit aux pourvois par Me Haas, avocat aux Conseils, pour les consorts X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté les consorts X..., associés d'une société à responsabilité limitée liquidée, des demandes qu'ils avaient formées à l'encontre du Crédit Lyonnais et de son préposé, M. Y..., en vue d'obtenir la réparation des préjudices subis du fait de l'escroquerie commise par ce dernier ;
AUX MOTIFS QU'il appartient aux consorts X... d'établir qu'il a existé entre les préjudices personnels dont ils se plaignent un lien direct de causalité avec la faute commise par Damien Y..., préposé du Crédit Lyonnais ; que d'autre part, compte tenu des écritures échangées dans cette procédure d'appel, il appartient au préalable à la cour de rechercher si la faute de Damien Y... a eu un rôle causal dans la cessation des paiements de la société X... et la liquidation judiciaire de cette société ; qu'il ressort du débat et des productions les faits suivants : 1/ la SARL X..., entreprise familiale crée en 1946, victime d'une escroquerie commise par la société Karl's Daso avec la complicité de Damien Y..., préposé du Crédit Lyonnais, a déclaré sa cessation des paiements le 24 janvier 1997, puis a été mise en liquidation judiciaire le 3 février suivant par le tribunal de grande instance ; 2/ les associés de la société, Pierre, Rémy et Arlette X..., ont assigné Damien Y... et le Crédit Lyonnais devant le tribunal de grande instance de Lyon, en paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts, affirmant que l'escroquerie commise avait entraîné la liquidation judiciaire de la société, la poursuite des membres de la famille X... en qualité de causions solidaires e ses engagements et la perte de salaires et de biens personnels ; 3/ la cassation de l'arrêt du 22 janvier 2009 est intervenue au motif que la cour avait constaté que l'escroquerie dont la société avait été victime, commise par la société Karl's Daso avec la complicité du préposé du Crédit Lyonnais, était la cause directe et certaine de sa liquidation judiciaire et qu'elle n'en avait pas tiré les conséquences légales quant aux préjudices des consorts X... ; que les consorts X... soutiennent que la liquidation judiciaire de la société X... est bien la conséquence directe et immédiate de l'escroquerie commise par Daso avec la complicité de Damien Y..., préposé du Crédit Lyonnais ; que le Crédit Lyonnais conclut, en revanche, qu'il n'existe pas de lien de causalité entre les agissements de Damien Y... et les préjudices personnels des consorts X... dont la société a été mise en liquidation judiciaire en raison de sa situation économique et financière irrémédiablement compromise dont l'origine causale est l'état d'endettement de cette société qui n'a pas été provoqué par les agissements de Damien Y... ; qu'il ressort des pièces versées au débat que la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu a prononcé le 3 février 1997 la liquidation judiciaire de la société X... sans période d'observation, ce qui démontre qu'il était impossible de mettre en place une procédure de redressement judiciaire qui aurait permis à la société X... de revenir à meilleure fortune ; que le montant des effets impayés par le client Daso et donc débités du compte de la société X... s'élevait à 537.218,30 F ; que c'est ce débit qui a entraîné le blocage du compte et l'interdiction d'émettre des chèques ; que les consorts X... font état d'un carnet de commande à hauteur de 5,5 millions de francs et d'un stock important de tissus lui permettant de faire face à ces importantes commandes ; qu'ils décrivent une situation plutôt positive, malgré une baisse du chiffre d'affaires de la société suite à la liquidation d'une société sous-traitante ; mais qu'il ressort des bilans fournis que la société X... a eu deux résultats négatifs de F et 1.730.514 F respectivement en 1992 et 1993, puis a eu des résultats positifs deux années de suite en 1994 et 1995, mais limités à 383.173 F et 151.327 F ; que de plus, ces bilans font apparaître d'importantes dettes financières au titre des emprunts et dettes auprès des établissements de crédit, ce qui peut expliquer que la banque ait prononcé une interdiction bancaire après la survenance de l'escroquerie ; qu'ainsi, le bilan de 1993 fait apparaître 3.589.764 F d'emprunts et dettes auprès des établissements de crédit et des capitaux propres négatifs de – 970.145,12 F ; que le bilan de 1994 fait apparaître 2.928.380 F d'emprunts et dettes auprès des établissements de crédit et le bilan de 1995 mentionne 2.980.763 F au même titre ; qu'enfin, le défaut de paiement de Daso, ne représentait qu'environ 10 % du chiffre d'affaire annuel de la société, qui est d'environ 8.000.000 F chaque année ; que la déclaration de cessation des paiements du 24 janvier 1997 fait d'ailleurs apparaître des dettes s'élevant à plus de 4 millions de francs, alors que ce même document cite un encours avec le client Daso d'environ 990.000 F ; que cette même déclaration de paiement fait apparaître un passif total de 4.293.823 F et un actif de 2.402.300 F constitué principalement du stock ; que ce stock a par ailleurs été évalué par le commissaire priseur lors de l'inventaire le 19 février 1997 à 855.164,90 F ; que donc, les dettes de la société Daso et l'escroquerie dont Damien Y... s'est rendu coupable n'auraient pas entraîné de telles conséquences si la société X... avait été dans une situation financière totalement obérée ; que la liquidation judiciaire n'est donc pas une conséquence inévitable de l'escroquerie dont la société X... a été victime ; qu'en conséquence, les fautes de Damien Y..., préposé du Crédit Lyonnais ne sont donc pas la cause directe des différents préjudices invoqués par le consorts X..., associés, salariés et cautions ; que ces préjudice découlent directement de la liquidation judiciaire de la société ; que, de plus, tous les préjudices personnels que les consorts X... réclament dans leurs écritures d'appel ont pour origine et cause la liquidation judiciaire, imputable à la situation financière de la société, gravement obérée avant l'escroquerie
ALORS, 1°), QU'il suffit qu'une faute ait concouru à la survenue du dommage pour qu'elle engage la responsabilité de son auteur et celle de son commettant ; qu'en considérant, dès lors, pour rejeter la demande indemnitaires des consorts X..., que la liquidation judiciaire n'est donc pas une conséquence « inévitable » de l'escroquerie dont la société X... avait été victime, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé les articles 1382 et 1384, alinéa 3, du code civil ;
ALORS, 2°), QU'en considérant que les fautes commises par M. Y..., préposé du Crédit Lyonnais n'avaient pas constitué la cause « directe » des différents préjudices invoqués par le consorts X... après avoir pourtant relevé que c'est le débit des effets impayés à la suite de l'escroquerie dont la société X... avait été victime qui avait entraîné le blocage du compte et l'interdiction d'émettre des chèques, ce dont il découlait que la complicité d'escroquerie dont s'était rendu coupable le directeur de l'agence du crédit Lyonnais avait été à l'origine directe de l'arrêt de l'exploitation de l'entreprise, laquelle lui avait permis, jusque là, de faire face à ses engagements, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles1382 et 1384, alinéa 3, du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 12-20230;12-27272
Date de la décision : 18/04/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 10 mai 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 18 avr. 2013, pourvoi n°12-20230;12-27272


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.20230
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