LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société coopérative Les Vignerons du Pays basque, devenue société coopérative agricole Cave d'Irouléguy (la société), a confié la maîtrise d'oeuvre de la restructuration générale de sa cave à la société SICOE et la réalisation, le transport et la mise en place d'un ensemble de cuves en inox à la société anonyme X... dont la responsabilité civile professionnelle était garantie par la société Groupama ; que la société alléguant des désordres, après avoir obtenu en référé des mesures d'expertise, a assigné la société anonyme X..., M. et Mme X... et l'EARL X..., ainsi que la société SICOE et la société Groupama en paiement par la société anonyme X... et la société SICOE d'une certaine somme en réparation de son préjudice, et, par M. et Mme X... et l'EARL X..., d'une autre somme en tant que cautions ;
Attendu que le moyen unique, pris en ses première, deuxième et quatrième branches n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 563 et 565 du code de procédure civile ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ;
Attendu que pour fixer la créance de la société au passif de la liquidation judiciaire de la société anonyme X... à une certaine somme, dire que M. et Mme X... et l'EARL X... devaient contribuer au paiement à hauteur du montant de leur cautionnement, et mettre hors de cause la société Groupama, l'arrêt énonce que la société anonyme X... prétend que les conditions générales de cette police d'assurance ne lui sont pas opposables au motif qu'elle n'a pas expressément accepté ces clauses lors de la souscription du contrat, mais qu'il ressort des conclusions développées par cette société devant le tribunal de grande instance qu'elle n'avait pas soutenu ce moyen devant cette juridiction et qu'elle avait développé des moyens tendant à faire écarter les exclusions de garantie qui lui étaient opposées ; qu'Il convient donc de juger que les conditions générales et particulières de cette police d'assurance ont été valablement portées à la connaissance de la société anonyme X... et qu'elles lui sont donc opposables ;
Qu'en écartant ainsi le moyen nouveau tiré de l'inopposabilité des conditions générales du contrat, invoqué par la société anonyme X... et les cautions, en réplique au moyen de défense déjà formé par l'assureur devant les premiers juges, tendant à dénier sa garantie au regard des exclusions contractuelles, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la cinquième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé la mise hors de cause de la société Groupama, l'arrêt rendu le 8 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société coopérative agricole Cave d'Irouléguy et la société Groupama aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société coopérative agricole Cave d'Irouléguy et la société Groupama à payer à la société anonyme X..., à M. et Mme X... et à l'EARL X... la somme globale de 2 500 euros, rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit avril deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils, pour la société X..., M. et Mme X..., l'EURL X..., M. Y..., ès qualités et la SCP Vitani-Bru, ès qualités,
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR fixé la créance de la société coopérative LES VIGNERONS DU PAYS BASQUE au passif de la liquidation judiciaire de la Société X... à la somme de 181. 536, 16 €, d'AVOIR dit que Monsieur Philippe X..., Madame Anne X... et l'EARL X... devaient contribuer au paiement à hauteur du montant de leur cautionnement soit 76. 224, 50 € et de les AVOIR condamnés en conséquence au paiement, et d'AVOIR mis hors de cause la compagnie GROUPAMA.
AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « Sur le préjudice : (...) au vu du rapport d'expertise dont les conclusions ne sont pas critiquables, le préjudice de la société coopérative Les Vignerons du Pays basque doit être fixé ainsi qu'il suit :
« (...) « (...) Pénalités de retard : (...) le marché initial prévoyait : «- une livraison des lots 2, 5, 6 avant le 29/ 02/ 2000 et des pénalités de retard de 1/ 1000ème du montant HT de la part de marché par jour calendaire à compter du 1/ 03/ 2000 et de 1/ 5000ème à compter du 08/ 03/ 2000,- une livraison des autres lots avant le 30/ 06/ 2000 et des pénalités de retard de 1/ 1000ème du montant HT de la part de marché par jour calendaire à compter du 1/ 07/ 2000 et de 1/ 5000ème à compter du 08/ 07/ 2000 ;
« (...) l'avenant du 31/ 07/ 2000 a prévu que le retard de livraison des lots 2, 5, 6 par rapport au délai fixé initialement serait sanctionné conformément aux prévisions du marché initial ;
« (...) s'agissant des autres lots, il a été prévu que si les travaux n'étaient pas complètement achevés le lundi 11 septembre 2000 au soir, des pénalités de retard seraient alors imputées à l'entrepreneur à hauteur de 5. 000 F hors taxes par jour calendaire du 14 septembre au 17 septembre inclus, puis de 30. 000 F hors taxes par jour calendaire de retard à partir du 18 septembre 2000 et sans plafond ;
« (...) si l'expert n'a pas précisé de manière parfaitement clair à quelle date les cuves avaient finalement été livrées et si ce renseignement ne figure pas non plus dans les écritures des parties, ni ne résulte d'aucune pièce, si ce n'est de la date des procès-verbaux de réception signés en juillet 2001, en tout état de cause, il résulte de la chronologie figurant en annexe du second rapport de l'expert, que la livraison a eu lieu avec plusieurs mois de retard ;
« (...) dans la mesure où la société coopérative Les Vignerons du Pays Basque a accepté de limiter ses réclamations quant aux pénalités de retard, à 91. 469, 41 € HT correspondant seulement à une vingtaine de jours de retard nettement inférieur au retard véritable subi, l'expert a retenu ce chiffre non contestable ;
« (...) cependant (...) la SA X... entend ne pas être désignée comme seule responsable des retards qui, selon elle, serait imputable tant à la société coopérative Les Vignerons du Pays Basque, que surtout à SERAP ; (...) elle se prétend, en effet, victime de la tardiveté de la commande passée auprès de cette société pour les fonds cuillères qui ont retardé leur mise en oeuvre ;
« (...) mais aux termes d'une analyse parfaitement circonstanciée dont il tiré les conséquences qui s'imposaient, l'expert, dans son deuxième rapport, note que si l'origine du retard de livraison découle de la décision de SERAP, de cesser ses livraisons à la SA X..., la décision de SERAP procède de la défaillance financière de cette société ;
« (...) dans ces conditions, la SA X... est mal venue à faire peser sur SERAP un retard procédant de sa seule responsabilité, alors que la situation a nécessité un laps de temps important pour mettre au point une solution consistant à substituer la société coopérative Les Vignerons du Pays Basque à la SA X... pour la commande et le règlement des fournitures auprès de SERAP, étant précisé que l'expert relève l'absence de faute de SERAP qui était créancière d'importantes sommes d'argent vis à vis de la SA X... pour d'autres chantiers et était donc fondée à refuser tout crédit supplémentaire à cette dernière ;
« (...) dans ces conditions, il y a lieu de retenir le montant des pénalités de retard telles que figurant ci-dessus ; (...)
« (...) Sur la garantie de GROUPAMA :
« (...) au vu des conditions générales et particulières du contrat, sont exclus de la garantie les ouvrages exécutés par l'assuré (...) ;
« (...) sont exclus, outre les exclusions figurant aux dispositions générales : (...) les frais incombant à l'assuré pour réparer, améliorer, remplacer, refaire tout ou partie des produits, marchandises, matériel fourni les travaux ou prestations exécutées ou pour leur substituer tout autre, même de nature différente, ainsi que la perte qu'il subit lorsqu'il est tenu d'en rembourser le prix (...)
« (...) de ces prévisions contractuelles, il résulte que l'assureur ne couvre pas les frais de réparations liés aux malfaçons des cuves ;
(...) « (...) par ailleurs, les conditions contractuelles excluent clairement la prise en charge des pénalités de retard ;
« (...) il y a lieu d'écarter la demande à l'égard de la compagnie d'assurances qui sera mise (hors) de cause (...) » (jugement p. 13, § 4, 6 à 9, p. 14, 7 premiers §, p. 17, § 8, 9, 12, p. 18, § 3, 5, p. 19 § 2).
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « 3) Sur la réparation des préjudices : (...)
« B) Sur les pénalités de retard :
« Le marché initial stipulait :
«- une livraison des lots 2, 5 et 6 avant le 29 février 2000, avec application de pénalités de retard de 1/ 1000ème du montant hors taxe de la part de marché par jour calendaire à compter du 1er mars 2000 et de 1/ 5000ème à compter du 8 mars 2000,
«- une livraison des autres lots avant le 30 juin 2000, avec des pénalités de retard de 1/ 1000ème du montant hors taxes de la part de marché par jour calendaire à compter du 1er juillet 2000 et de 1/ 5000ème à compter du 8 juillet 2000 ;
« L'avenant du 31 juillet 2000 stipule que le retard de livraison des lots 2, 5 et 6 par rapport au délai fixé initialement sera sanctionné conformément aux prévisions du marché initial ; pour ce qui est des autres lots, il a été prévu que dans le cas où les travaux ne seraient pas complètement achevés le 11 septembre 2000 au soir, des pénalités de retard seraient alors imputées à l'entrepreneur à hauteur de 5. 000 F hors taxes par jour calendaire du 14 septembre au 17 septembre inclus, puis de 30. 000 F hors taxes par jour calendaire de retard à partir du 18 septembre 2000 et sans plafond.
« La date a laquelle la livraison des cuves a été effectuée n'a pas pu être déterminée avec précision ; cependant elle peut être déduite d'une part de la signature des procès-verbaux de réception au mois de juillet 2001, et il ressort de la chronologie figurant en annexe du second rapport de l'expert que la livraison est intervenue en tout état de cause avec plusieurs mois de retard.
« Il convient de relever d'autre part que la société coopérative Les Vignerons du Pays Basque a limité sa réclamation à la somme de 91. 469, 41 € hors taxes correspondant à une vingtaine de jours de retard, qui est donc largement inférieure au retard véritablement subi, et c'est à bon droit que l'expert a retenu ce chiffre.
« La SA X... soutient que ce retard doit être imputé au moins pour partie à la société Serap, au motif qu'elle a subi la tardiveté de la commande passée auprès de cette société pour les fonds-cuillères, retardant ainsi leur mise en oeuvre.
« Cependant l'expert a constaté que si l'origine du retard de livraison de ces équipements découle de la décision de la société Serap de cesser ses livraisons à la SA X..., cette décision procède de la défaillance financière de cette dernière.
« Il a donc fallu un certain laps de temps important pour mettre au point une solution consistant à substituer la coopérative Les Vignerons du Pays Basque à la SA X... pour la commande ainsi que le règlement des fournitures auprès de la société Serap.
« Dès lors, c'est à bon droit que le Tribunal de grande instance a jugé que la totalité des retards constatés doit être imputée à la société X....
« (...) « I) Sur la garantie de Groupama :
« La responsabilité contractuelle de la SA X... a été retenue.
« Elle a souscrit auprès de la compagnie Groupama une assurance garantissant sa responsabilité civile professionnelle.
« Elle soutient que les conditions générales de cette police d'assurance ne lui sont pas opposables au motif qu'elle n'a pas expressément accepté ces clauses lors de la souscription du contrat.
« Or, il ressort des conclusions développées par cette société devant le Tribunal de grande instance qu'elle n'avait pas soutenu ce moyen devant cette juridiction, et qu'elle avait développé des moyens tendant à faire écarter les exclusions de garantie qui lui étaient opposées.
« Il convient donc de juger que les conditions générales et particulières de cette police d'assurance ont été valablement portées à la connaissance de la SA X... et qu'elles lui sont donc opposables.
« Il ressort de l'examen des conditions générales et particulières du contrat que sont exclus du champ d'application de la garantie :
« (...) « En conséquence, il résulte des stipulations contractuelles précitées que la garantie de l'assureur n'est pas due au titre des travaux de réfection liés aux malfaçons affectant les cuves.
« D'autre part, le contrat exclut expressément et clairement la garantie des pénalités de retard.
« (...) « En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de la compagnie Groupama » (arrêt p. 8, § 9, p. 9, 9 premiers §, p. 11, § 7 à 13, p. 12, § 2, 3 et 7).
ALORS, de première part, QUE les motifs dubitatifs équivalent au défaut de motif ; que la Cour d'appel a condamné la Société X... à payer au titre des pénalités de retard la somme de 91. 469, 41 € « correspondant à une vingtaine de jours de retard » ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que « la date à laquelle la livraison des cuves a été effectuée n'a pas pu être déterminée avec précision », la Cour d'appel, qui a statué par des motifs dubitatifs, a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile.
ALORS, de deuxième part, QUE la Société X... sollicitait la réduction des pénalités de retard à la somme symbolique de 1. 500 € en invoquant les dispositions de l'article 1152 du Code civil qui permettent au juge, même d'office, de modérer la peine convenue si elle apparaît manifestement excessive ; que la Société X... faisait valoir que, bien qu'il fût décidé dès le mois d'avril 2000 que la société coopérative LES VIGNERONS DU PAYS BASQUE achèterait directement les fournitures auprès de la Société SERAP, la commande des fonds cuillères n'a été effectivement passée par la société coopérative que le 23 juin 2000, quand le délai de livraison imposé à la Société X... était fixé au 30 juin 2000, les pénalités de retard devant commencer à courir dès le lendemain ; qu'en condamnant la Société X... à payer la somme de 91. 469, 41 € au titre des pénalités de retard, sans rechercher si la clause pénale n'était pas manifestement excessive au regard de l'impossibilité où se trouvait la Société X... de respecter les délais contractuels, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1152 du Code civil.
ALORS, de troisième part, QUE pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux ; que les prétentions ne sont pas nouvelles, dès lors qu'elles tendent aux même fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; que la Société X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel que les conditions générales de la police d'assurance lui étaient inopposables puisqu'elle ne les avait pas expressément acceptées lors de la souscription du contrat ; qu'en écartant le moyen tiré de l'inopposabilité de ces conditions générales, motif pris de ce qu'il n'avait pas été soutenu devant les premiers juges, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles 563 et 565 du Code de procédure civile.
ALORS, de quatrième part, QUE l'aveu exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques ; que pour juger que les conditions générales de la police d'assurance étaient opposables à la Société X..., la Cour d'appel a affirmé que cette société avait développé devant le premier juge des moyens tendant à faire écarter les exclusions de garantie qui lui étaient opposées ; qu'en statuant ainsi, quand le fait pour la Société X... de discuter la teneur des exclusions de garantie ne saurait constituer un aveu de ce que les conditions générales contenant ces exclusions avaient été portées à sa connaissance, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1356 du Code civil.
ALORS, ENFIN, QU'il appartient à l'assureur de démontrer que les clauses contenant des exclusions de garantie, qui ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents, ont été portées à la connaissance de l'assuré ; qu'en affirmant que les conditions générales et particulières de la police d'assurance avaient été valablement portées à la connaissance de la Société X... et qu'elles lui étaient opposables, sans préciser ce qui établirait que les exclusions de garantie figurant dans les conditions générales avaient été portées à la connaissance de la Société X... et acceptées par elle, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315 du Code civil et L. 112-4 du Code des assurances.