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10/04/2013 | FRANCE | N°12-11676

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 avril 2013, 12-11676


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 7412-1 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que sont considérés comme travailleurs à domicile ceux qui exécutent à leur domicile, moyennant une rémunération forfaitaire, un travail qui leur est confié ; que constitue une rémunération forfaitaire au sens de ce texte la rémunération calculée selon des tarifs de base connus à l'avance et liés à des éléments quantitatifs, peu important qu'elle dépende de critères quantitatifs distincts et soit c

alculée sur la base de taux différents dès lors que ceux-ci sont déterminés pa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 7412-1 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que sont considérés comme travailleurs à domicile ceux qui exécutent à leur domicile, moyennant une rémunération forfaitaire, un travail qui leur est confié ; que constitue une rémunération forfaitaire au sens de ce texte la rémunération calculée selon des tarifs de base connus à l'avance et liés à des éléments quantitatifs, peu important qu'elle dépende de critères quantitatifs distincts et soit calculée sur la base de taux différents dès lors que ceux-ci sont déterminés par avance ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en matière de contredit, que Mme X... a exécuté, à son domicile, de mai 1998 à décembre 2008, des travaux de maquettiste graphiste pour la réalisation du magazine mensuel, dénommé " JA Mag ", publié par le syndicat Jeunes agriculteurs ; que la relation contractuelle ayant été rompue en 2008, Mme X... a saisi la juridiction prud'homale afin de se voir reconnaître la qualité de travailleur à domicile et d'obtenir diverses sommes liées à sa prestation de travail et à la rupture ;
Attendu que pour déclarer la juridiction prud'homale incompétente, l'arrêt retient que les factures établies par Mme X... font apparaître une première somme résultant du nombre de pages réalisées et payées selon un prix forfaitaire, par page, qui a évolué avec le temps, pour atteindre 60 euros en 2008, et une seconde somme résultant du nombre d'heures passées pour l'exécution de travaux spécifiques, notamment les corrections de maquettes, les pages à refaire après modification de " pubs ", la réalisation de pages envoyées sur site, la vérification des pages de publicité, la préparation de la photogravure ou la participation au comité de direction, et payées sur la base d'environ 15 euros de l'heure, en 2008 ; que, selon les mois, le nombre d'heures ainsi réalisées pouvait varier entre 22 et 50 ; que compte tenu de ce double mode de calcul, la somme globale facturée mensuellement n'était jamais identique ; que la rémunération, qui dépendait de deux variables, le nombre de pages réalisées et le nombre d'heures consacrées à l'exécution de travaux spécifiques, et qui était calculée sur la base de deux tarifs différents, l'un pour une page réalisée et l'autre pour une heure effectuée, n'avait pas de caractère forfaitaire, au sens de l'article L. 7412-1 du code du travail ; que Mme X... ne peut se prévaloir des dispositions de ce texte ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la rémunération des prestations effectuées par Mme X... à son domicile, calculée selon des taux fixes connus à l'avance et dépendant d'éléments strictement quantitatifs, avait un caractère forfaitaire, ce dont il résultait que l'intéressée exerçait son activité en qualité de travailleur à domicile, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi sur la compétence ;
DIT que le conseil de prud'hommes de Paris était compétent pour connaître des demandes formées par Mme X... contre le syndicat Jeunes agriculteurs ;
Renvoie les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, pour qu'il soit statué sur les points restant en litige, comme il est dit à l'article 89 du code de procédure civile ;
Condamne le syndicat Jeunes agriculteurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du syndicat Jeunes agriculteurs et le condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le conseil de prud'hommes incompétent et déclaré le Tribunal de grande instance de Paris compétent ;
AUX MOTIFS QUE : « Madame Michèle X... affirme qu'elle était liée par un contrat de travail, ce que conteste le SYNDICAT JEUNES AGRICULTEURS ; Considérant que l'existence d'un contrat de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leurs conventions, mais se caractérise par les conditions de faits dans lesquelles s'exerce l'activité professionnelle ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; qu'il appartient à la partie qui entend se prévaloir de l'existence d'un contrat de travail de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de subordination ; Considérant que l'article L. 7412-1 du code du travail prévoit qu'est travailleur à domicile toute personne qui exécute moyennant une rémunération forfaitaire, pour le compte d'un ou plusieurs établissements, un travail qui lui est confié, soit directement, soit par un intermédiaire et qu'il n'y a pas à rechercher s'il existe un lien de subordination juridique avec lui et le donneur d'ordre ; Considérant, qu'en l'espèce, les pièces que Madame Michèle X... apporte aux débats font apparaître qu'elle facturait ses prestations sur du papier qui mentionnait son nom, sa fonction de maquettiste graphique, son inscription à la Maison des Artistes et son numéro SIRET ; Que ses factures révèlent, par ailleurs, qu'elle les établissait mensuellement, après exécution de son travail, sur la base de deux tarifs ; Que ses factures font, en effet, tout d'abord apparaître une première somme résultant du nombre de pages réalisées et payées selon un prix forfaitaire, par page, qui a évolué avec le temps, pour atteindre 60 euros en 2008 que le nombre de pages a également augmenté passant de 18 ou 19 pages les premières années, à 45 ou 49 pages les dernières ; Que ses factures font également apparaître une seconde somme résultant du nombre d'heures passées pour l'exécution de travaux spécifiques, notamment les corrections de maquettes, les pages à refaire après modification de pubs, la réalisation de pages envoyées sur site, la vérification des pages de publicité, la préparation de la photogravure ou la participation au comité de direction, et payées sur la base d'environ euros de l'heure, en 2008 ; que, selon les mois, le nombre d'heures ainsi réalisées pouvait varier entre 22 et 50 heures ; Que compte tenu de ce double mode de calcul, la somme globale facturée mensuellement par Madame Michèle X... n'était jamais identique ; Considérant que la rémunération ainsi versée à Madame Michèle X..., qui dépendait de deux variables ; le nombre de pages réalisées et le nombre d'heures consacrées à l'exécution de travaux spécifiques, et qui était calculée sur la base de deux tarifs différents, l'un pour une page réalisée et l'autre pour une heure effectuée, n'avait pas de caractère forfaitaire, au sens de l'article L. 7412-1 précité ; Qu'ainsi, Madame Michèle X... ne peut se prévaloir des dispositions de ce texte et de la présomption de l'existence d'un lien de subordination juridique entre elle et le donneur d'ordre, le SYNDICAT JEUNES AGRICULTEURS ; qu'il lui appartient, en conséquence, alors qu'elle était affiliée à la Maison des Artistes et disposait d'un numéro SIRET, de démontrer l'existence d'un lien de subordination avec le SYNDICAT JEUNES AGRICULTEURS, pour que la qualité de salariée lui soit reconnue ; Considérant que Madame Michèle X... ne produit aucun document faisant ressortir qu'elle recevait des ordres ou des directives du SYNDICAT JEUNES AGRICULTEURS, en ce qui concerne les tâches à accomplir, son emploi du temps, ses horaires de travail et ses périodes de congés ; qu'il n'est pas contesté qu'elle travaillait dans ses propres locaux avec du matériel lui appartenant ; Que les pièces versées aux débats font apparaître que les deux parties considéraient qu'elle n'était passible d'aucune sanction en cas de refus d'exécuter une prestation ; qu'ainsi, suite à la demande du syndicat relative à l'établissement d'un devis pour la création d'une nouvelle maquette pour le magazine, à compter du mois de janvier 2009, elle lui a, le 18 septembre 2008, répondu qu'elle refusait de s'engager dans un travail aussi complexe dans des délais aussi courts et précisé qu'il devait prendre acte de son désengagement dans ce travail de création d'une nouvelle formule de « JA Mag » ; que, suite à ce refus, le SYNDICAT JEUNES AGRICULTEURS ne l'a pas sanctionnée, mais a pris acte de la fin de la relation contractuelle à son initiative ; Que le fait que le syndicat ait assorti la rupture des relations contractuelles, après une dizaine d'années de collaboration, d'un délai de prise d'effet de deux mois n'implique pas qu'il ait entendu la faire bénéficier d'un préavis, au sens du droit du travail, et ait ainsi reconnu sa qualité de salariée ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Madame Michèle X... ne se trouvait pas placée, de quelque manière que ce soit, dans un lien de subordination vis-à-vis du SYNDICAT JEUNES AGRICULTEURS ; Qu'il y a lieu de rejeter le contredit de compétence et de renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance de Paris, pour qu'il soit statué sur le fond du litige ».
ALORS D'UNE PART QU'en application des articles L. 7411-1 et L. 7412-1 du code du travail, sont considérés comme travailleurs à domicile salariés ceux qui exécutent à leur domicile, moyennant une rémunération forfaitaire, un travail qui leur est confié, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il existe entre eux et le donneur d'ouvrage un lien de subordination juridique ; que constitue une rémunération forfaitaire au sens de l'article L. 7412-1 du Code du travail, la rémunération calculée d'après des tarifs de base connus à l'avance et liés à des éléments quantitatifs peu important que la rémunération dépende de deux critères quantitatifs distincts et soit calculée sur la base de deux taux différents dès lors que ceux-ci sont déterminés par avance ; qu'en l'espèce, et après avoir relevé que Madame X... percevait au titre de sa rémunération, une première somme résultant du nombre de pages réalisées et payées selon un prix forfaitaire de 60 euros et une seconde, résultant du nombre d'heures passées pour l'exécution de travaux spécifiques définis à l'avance et selon un tarif horaire constant de 15 euros de l'heure, la cour d'appel a cependant considéré que celle-ci n'avait pas bénéficié d'une rémunération forfaitaire et partant, ne pouvait être considérée comme salariée ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il résultait de ses propres constatations que la rémunération des prestations effectuées par Madame X... était calculée, d'une part, selon des taux fixes et invariables et ce faisant, nécessairement connus à l'avance et d'autre part, dépendait d'éléments strictement quantitatifs, ce dont il résultait que la rémunération de Madame X... avait nécessairement un caractère forfaitaire, la cour d'appel a violé, ensemble les articles L. 7411-1 et L. 7412-1 du code du travail.
ALORS D'AUTRE PART QU'en déduisant que Madame X... ne pouvait être regardée comme ayant bénéficié d'une rémunération forfaitaire et ne pouvait partant être qualifiée de salarié de la circonstance que sa rémunération dépendait de deux variables et était calculée selon deux taux différents, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7411-1 et L. 7412-1 du Code du travail ;
ET ALORS ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, à supposer que Madame X... ne puisse être considérée comme une travailleuse à domicile salariée au sens de l'article L. 7412-1 du code du travail, QUE l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité professionnelle ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; qu'en décidant que Madame X... ne se trouvait pas placée dans un lien de subordination vis-à-vis du Syndicat Jeunes Agriculteurs alors même qu'elle constatait, d'une part, que celle-ci, rémunérée selon des taux invariables, était constamment tenue, outre de réaliser la maquette du magazine Ja Mag, de procéder aux corrections des maquettes, à la vérification des pages de publicité ou encore de participer aux réunions du comité de direction et d'autre part, que suite à son refus de procéder à la création d'une nouvelle maquette pour le magazine, le Syndicat Jeunes Agriculteurs avait immédiatement pris acte de la fin de leurs relations contractuelles ce dont il résultait nécessairement que Madame X... avait exécuté son travail sous les ordres et les directives du Syndicat Jeunes agriculteurs lequel contrôlait l'exécution de son travail et disposait du pouvoir de sanctionner ses manquements, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article L. 1221-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-11676
Date de la décision : 10/04/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partiellement sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 avr. 2013, pourvoi n°12-11676


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.11676
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