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09/04/2013 | FRANCE | N°12-81263

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 avril 2013, 12-81263


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Nicolas X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NOUMÉA, chambre correctionnelle, en date du 17 janvier 2012, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, à trois mois d'interdiction professionnelle, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense et les observations complémentaires ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 121

-3, 221-6 du code pénal et 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base lé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Nicolas X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NOUMÉA, chambre correctionnelle, en date du 17 janvier 2012, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, à trois mois d'interdiction professionnelle, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense et les observations complémentaires ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 121-3, 221-6 du code pénal et 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale, défaut de réponse à conclusions, contradiction de motifs ;
" en ce que l'arrêt a dit que M. X...s'était rendu coupable d'avoir, le 23 décembre 2007, involontairement causé la mort de Mme Y..., par la violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements en refusant, malgré les signes cliniques multiples et en minimisant les constatations objectives d'un confrère qui objectivait la présence d'un liquide dans l'abdomen de la patiente, d'opérer et d'avoir ainsi indirectement précipité son décès ;
" aux motifs que Mme Y...était hospitalisée le 9 février 2007 à la clinique de la Baie des citrons pour une ablation de la vésicule biliaire selon la technique de la laparoscopie ; que, lors de cette intervention, un calcul était découvert à l'intérieur du cholédoque, ce qui conduisait le chirurgien à pratiquer une cholédocotémie, la voie biliaire était fermée par un drain de Kehr ; que la patiente regagnait son domicile le 19 février 2007 ; que, dans la nuit du 21 au 22 février, elle était en proie à de vives douleurs, et le matin faisait un malaise lors des soins infirmiers ; qu'elle consultait son médecin traitant, lequel devant l'aggravation de son état se mettait en relation avec M. X...qui prenait la décision de la faire à nouveau hospitaliser le 22 févier 2007 à 19 heures ; que, dans la nuit du 22 février 2007, Mme Y...présentait des douleurs importantes et faisait un malaise vagal ; que différents examens étaient pratiqués le 23 février 2007 à la demande de M. X...à savoir : bilan sanguin, cholangiographie des voies biliaires, échographie abdominale ; qu'au vu des résultats, M. X...demandait alors une fibroscopie gastro-duedénale, laquelle était pratiquée par le docteur Z..., qui déclarait aux enquêteurs avoir indiqué au chirurgien que les ulcères n'étaient pas responsables des saignements mais peut-être de la douleur et qui ajoutait que Mme Y...n'avait pas eu de selles noires ou de vomissements de sang ; qu'une transfusion sanguine (3 poches de sang) était effectuée dans la journée du 23 février sur prescription du médecin anesthésiste, Mme A...; que la patiente développait, à nouveau, une chute brutale de la tension vers 20 heures ; que le chirurgien se déplaçait à son chevet et pratiquait un examen que le personnel infirmier qualifiait de très superficiel au cours de l'instruction ; qu'il concluait à l'absence de nécessité d'une reprise chirurgicale et quittait la clinique vers 22 heures ; que l'état de santé de la patiente se dégradait dans la nuit et le médecin anesthésiste prenait la décision d'effectuer un remplissage vasculaire ; que l'état de santé se dégradait à nouveau ; que le personnel médical et le médecin anesthésiste tentaient en vain de contacter à plusieurs reprises M. X...sur son téléphone portable et sur celui de son épouse, lesquels avaient été laissés sur la messagerie ; que les services du Samu étaient appelé à 0 h 29 ; que le médecin urgentiste, estimant que Mme Y...n'était pas transportable, préconisait une chirurgie d'urgence qui était réalisée par le docteur
B...
, lequel constatait une hémorragie importante au niveau du lit vésiculaire et pédicule cystique et parvenait à stabiliser la patiente qui était transportée au centre hospitalier territorial ; qu'une nouvelle intervention était réalisée au centre hospitalier territorial par le docteur C...dans la matinée, et malgré celle-ci, Mme Y...décédait ; qu'une expertise était confiée au professeur D...; qu'elle était déposée le 9 mars 2008 ; qu'un complément d'expertise était ordonné, lequel était déposé le 27 avril 2010 ; qu'aux termes de l'expertise et du complément, le professeur D...relevait que l'indication chirurgicale et les modalités chirurgicales décrites dans le compte rendu opératoire répondaient aux critères d'une bonne pratique médicale et ne comportait ni faute ni erreur, négligence ou maladresse ; que la patiente avait signé un consentement éclairé avant l'intervention ; que les suites opératoires ne révélaient aucune anomalie ; qu'il indiquait que Mme Y...avait présenté une hémorragie intra-abdominale en rapport avec une chute tardive de l'artère cystique vraisemblablement auto-digérée par une fuite biliaire post-opératoire dans un contexte de drainage externe par drain de Kher ou une chute d'escarre sur artère hépatique ; que l'expert mentionnait que le descriptif fait par le docteur Z...ne pouvait donner lieu aux douleurs telles que décrites par la patiente, à savoir des douleurs abdominales diffuses ; qu'il soulignait que l'existence d'un épanchement liquidien " de moyenne importance " associé à un épanchement dans le cul de sac de Doulgas témoignait de la présence non négligeable de sang dans le ventre ; que le professeur D...indiquait que les interventions chirurgicales des docteurs B...et C... répondaient aux critères d'une bonne pratique médicale ; qu'il ne notait aucun défaut dans l'organisation du service de la clinique et dans les soins qui avaient été dispensés par l'équipe médicale et notamment par le médecin anesthésiste ; qu'il considérait que le docteur X...aurait dû prendre la décision d'opérer après la réalisation de l'endoscopie digestive qui ne révélait pas d'ulcère creusant ; qu'il ajoutait, sur ce point, que le diagnostic d'hémorragie ulcéreuse gastroduodénale aurait dû être écarté à la fois par l'examen du docteur E...et pas l'absence de vomissement sanguin ou de méléna de la patiente ; qu'il concluait qu'en ne retenant pas l'indication chirurgicale au plus tard le 23 février à 20 heures et en ne prenant pas les précautions suffisantes pour être joint à tous moments, le chirurgien avait exposé sa patiente à un arrêt cardio-vasculaire et à des troubles majeurs de crase sanguine rendant l'hémostase chirurgicale difficile et aléatoire ; qu'il considérait que les fautes, négligences et erreurs dans la prise en charge étaient en rapport direct et exclusif avec le décès de la patiente ; que Mme Y...se plaignant de fortes douleurs abdominales était à nouveau hospitalisée en urgence le 22 février 2007 sur prescription du prévenu ; qu'il faisait faire des analyses et les examens nécessaires dans le courant de la journée du 23 février ; que l'échographie montrait une collection liquidienne de moyenne abondance au niveau du flanc gauche et dans la région sous ombilicale ainsi qu'une petite collection liquidienne dans le cul de sac de Douglas ; que la choliographie par le drain était sans particularité et la fibroscopie gastro-duodénale révélait des ulcères de la pointe du bulbe peu creusant, le docteur Z...ayant indiqué en outre au prévenu que les ulcères n'étaient à priori pas responsables du saignement mais peut être de la douleur ; que les résultats de l'analyse de sang indiquaient une anémie aiguë avec un taux d'hématies à 1 590 000, un taux d'hémoglobine à 4, 7 g/ dl et un taux d'hématocrite à 14, 5 % ; qu'après transfusion dans l'après-midi de trois poches de sang, la correction de l'anémie s'avérait incomplète et ce, avant 20 heures ; que, s'agissant de la reprise chirurgicale le docteur X...ne saurait se retrancher derrière la responsabilité des autres praticiens qui n'avaient pas le pouvoir d'en décider et dont le rôle était d'interpréter les résultats des examens pour aider à la prise de décision du prévenu ; qu'à cet égard, il y a lieu de constater qu'aucune faute n'a été relevée par le prévenu quant à leur interprétation ; que, tout au plus, il critique les déclarations faites par le gastro-entérologue aux enquêteurs qui ne peuvent être retenues, celle-ci étant cohérentes avec le résultat de l'examen ci-dessus rappelé ; que, s'agissant des actes pratiqués par l'anesthésiste, l'expert n'a, en outre, relevé aucune faute ; qu'enfin, aucune faute n'a été également relevée à l'encontre de l'équipe médicale de la clinique et des docteurs B...et C... ; qu'il en résulte que, contrairement à ce que prétend le prévenu, le diagnostic de l'hémorragie, non imputable aux ulcères et expliqué par l'échographie, la correction incomplète de l'anémie, les douleurs abdominales, les épisodes de chute tensionnelle, l'hypotension persistante et l'hyperleucocytose, pouvait être posé pour le moins à 20 heures ; qu'ainsi, la chronologie des faits, les symptômes constatés, les résultats des examens, les vaines interventions effectuées par les docteurs B...et C..., établissent que le chirurgien, qui ne pouvait ignorer le risque d'une particulière gravité auquel était exposé sa patiente, aurait dû intervenir sans le courant de la journée du 23 février et au plus tard aux environs de 20 heures ; que dans ces conditions, le chirurgien n'a pas appliqué le standard minimal des soins appropriés en faisant un diagnostic erroné et hâtif, notamment lors de son dernier passage au chevet de la malade et par suite en n'intervenant pas ; qu'il a donc commis une faute caractérisée en exposant Mme Y...à un risque d'une particulière gravité et ayant un lien indirect mais certain avec le décès, la reprise chirurgicale aurait pu en effet juguler l'hémorragie pourtant suggérée par les analyses biologiques, les examens et les symptômes présentés par la patiente ; qu'il ne pouvait donc ignorer ce risque au sens de l'article 121-3, alinéa 3, du code pénal ; qu'en conséquence, la cour retient que le prévenu s'est rendu coupable d'avoir, le 23 décembre 2007, involontairement causé la mort de Mme Y...par la violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements en refusant malgré les signes cliniques multiples et en minimisant les constatations objectives d'un confrère qui objectivait la présence d'un liquide dans l'abdomen de la patiente d'opérer et d'avoir ainsi indirectement précipité son décès ; que l'infraction est donc caractérisée en tous ses éléments ;
" 1) alors que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; qu'en se bornant à affirmer, outre des motifs faisant état d'une faute caractérisée, radicalement inopérants en l'absence d'une requalification de la prévention sur ce point, l'existence d'un manquement manifestement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence prétendument imputable à M. X..., sans préciser la source et la nature de l'obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement dont la violation aurait constitué l'infraction visée à la prévention, ni a fortiori en quoi aurait consisté la volonté de procéder à cette violation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
" 2) alors en tout état de cause que le délit d'homicide involontaire suppose un lien de causalité certain entre la faute et le dommage, lequel consiste, non en une perte de chance de survie, mais dans le décès de la victime ; qu'en déclarant M. X...coupable d'homicide involontaire aux motifs que sa faute avait " exposé Mme Y...à un risque d'une particulière gravité " et qu'une reprise chirurgicale aurait pu juguler l'hémorragie sans constater qu'une intervention chirurgicale pratiquée dès 20 heures le 23 février 2007 aurait nécessairement évité le décès ni répondre aux conclusions circonstanciées par lesquelles le docteur X...faisait valoir que la patiente avait déjà développé le syndrome de coagulation intra-vasculaire disséminé (CIVD) qui a rendu inefficace toutes les interventions ultérieures, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs contradictoires, n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le docteur X...a procédé le 9 février 2007 à l'ablation de la vésicule biliaire de Nicole Y...; que l'état de celle-ci, qui était rentrée à son domicile, s'est brusquement dégradé le 22 février suivant, date à laquelle elle a été à nouveau hospitalisée sous la responsabilité de ce chirurgien ; qu'elle est décédée le 25 février, malgré plusieurs interventions pratiquées en urgence par d'autres médecins, d'une hémorragie intra-péritonéale ;
Attendu que, pour déclarer le docteur X...coupable d'homicide involontaire, l'arrêt attaqué, après avoir énoncé que le manquement qui lui est reproché constitue une faute caractérisée ayant exposé sa patiente à un risque d'une particulière gravité, retient qu'il s'agit d'une violation délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs contradictoires et sans préciser, au surplus, les dispositions légales ou réglementaires auxquelles elle entendait se référer, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nouméa, en date du 17 janvier 2012, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu de faire application de l'article 618-1 du code de procédure pénale, de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nouméa et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Roth conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-81263
Date de la décision : 09/04/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 17 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 avr. 2013, pourvoi n°12-81263


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.81263
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