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09/04/2013 | FRANCE | N°11-25982

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 avril 2013, 11-25982


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant souverainement retenu que la présence d'arbres centenaires sur la bande de terre contestée caractérisait, au profit des consorts X..., une possession trentenaire et que la nature même des lieux, soit une cours privative close de murs et fermée par un portail, démontrait que la possession par ces derniers et leurs auteurs avait été paisible, publique et non équivoque avant le contentieux né entre les parties en 1999, la cour d'appel, qui, sa

ns être tenue de s'expliquer spécialement sur chacune des pièces soumi...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant souverainement retenu que la présence d'arbres centenaires sur la bande de terre contestée caractérisait, au profit des consorts X..., une possession trentenaire et que la nature même des lieux, soit une cours privative close de murs et fermée par un portail, démontrait que la possession par ces derniers et leurs auteurs avait été paisible, publique et non équivoque avant le contentieux né entre les parties en 1999, la cour d'appel, qui, sans être tenue de s'expliquer spécialement sur chacune des pièces soumises à son examen et sans violer l'article 16 du code de procédure civile, en a déduit que les consorts X... étaient propriétaires, par prescription acquisitive, de la bande de terrain revendiquée, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. André Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour M. André Y....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la limite de propriété entre d'une part, le fonds appartenant à Monsieur Y..., et d'autre part le fonds appartenant aux consorts X... du nu du mur de pierre de l'immeuble appartenant à celui-là en façade de rues sur une longueur de 1 mètre 43 jusqu'au pilastre et du nu du mur de pierre en bauge de l'immeuble appartenant à Monsieur Y... au-delà du pilastre ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il est constant que les titres de propriété ne mentionnent pas la moindre servitude et ne recèlent aucun détail susceptible d'aider à déterminer les limites précises des fonds respectifs ; aucune des parties ne conteste par ailleurs que le mur appartenant à Monsieur André Y... est privatif, qu'une partie du pilastre litigieux est incluse dans ce mur et que le toit du bâtiment des consorts Y... forme saillie de 20 cm par rapport au nu de son mur ; que l'étude réalisée par l'expert à partir d'une part des origines de propriété, et d'autre part des différents plans versés aux débats a permis de déterminer que, si les propriétés ont toujours été distinctes depuis 1937, la trace d'un passage entre les deux fonds existe encore dans le mur du bâtiment Y... ; qu'en outre le pilastre litigieux a pour base une pierre unique de grande taille, dont tous s'accordent à considérer qu'elle pouvait avoir pour fonction de constituer une protection du bâtiment dans lequel elle est incorporée ; qu'il a également été constaté que des traces d'une ancienne toiture, débordant plus largement encore sur le pilastre, y étaient encore visibles ;
AUX MOTIFS AUSSI QU'aucun des nombreux plans versés aux débats par les parties n'est décisif, tels notamment le plan établi lors de la division par lots d'une parcelle plus importante dont est issue la propriété actuelle des consorts Y... ; qu'il ne peut par ailleurs être tiré aucune conclusion de la différence entre la surface théorique de cette propriété, telle qu'elle résulte du titre des consorts Y..., et celle résultant de l'arpentage auquel ils ont fait procéder, de manière d'ailleurs non contradictoire, en raison de l'absence de fiabilité des indications de contenance figurant aux actes invoqués ; qu'en l'état d'une mesure d'instruction complémentaire n'est pas susceptible d'apporter plus d'éléments utiles ;
AUX MOTIFS ENCORE QUE selon l'article 681 du Code civil, dont la rédaction n'a pas varié depuis l'édition de ce Code de 1881 produite par les parties, tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique, il ne peut les faire verser sur le fonds de son voisin ; que cependant l'application de ce texte ne peut conduire, comme le demandent les consorts Y..., à leur reconnaître la propriété d'une bande de terre d'une largeur double de celle de la saillie de leur toit, telle qu'elle existait anciennement, soit 1 mètre 43, afin de correspondre à des usages anciens selon eux en vigueur lors de l'édification de leur bâtiment ; qu'en effet, si la jurisprudence déduit du texte précité que le propriétaire du bâtiment est présumé propriétaire de la bande de terre située sous le débord de son toit, c'est, bien évidemment, à la condition qu'une limite de propriété soit en cause non seulement lors du litige, mais encore lors de l'édification du bâtiment, puisque c'est seulement dans ce cas qu'il peut être considéré que l'implantation de la construction a été opérée en retrait de la limite de propriété afin de respecter cette règle ; qu'or en l'espèce, s'il peut être admis tant à la lecture des actes produits par les consorts Y... qu'à la vue des très nombreuses photos versées aux débats que leur bâtiment, d'un aspect très ancien, est antérieur à 1818, ne sont pour autant établis ni la date de sa construction, ni surtout que la limite de propriété était identique lors de l'édification du bâtiment, ce qui aurait conduit en effet à l'édifier en conformité à cette règle et aux usages en découlant ; que même sous l'empire de la Coutume de Normandie, le droit dit de « tour d'échelle », comparable à la présomption tirée de l'article 681 du Code civil, supposait que lors de son édification, le bâtiment confinât au fonds voisin ; qu'au contraire, les éléments relevés par l'expert, à savoir la trace de porte dans le mur Y..., la taille et la configuration du soubassement du pilier, et la trace d'un ancien toit dans le pilastre, sont plutôt en faveur de l'absence d'une telle limite ; qu'en outre, la présomption résultant de l'article 681 du code civil est une présomption simple, susceptible d'être combattue par des éléments contraires laissés à l'appréciation du juge, et notamment par la présomption contraire résultant de la possession que le voisin aurait sur le même terrain ; que nonobstant son caractère constant et immémorial, l'égout du toit du bâtiment Y... dans la cour des consorts X..., qui ne constitue que l'exercice d'une servitude, n'est pas incompatible avec des actes de possession utiles des consorts X... ou de leurs auteurs sur la bande de terrain recevant cet égout ; qu'à cet égard, si la plantation de simples iris ne peut constituer en soi un acte de possession, la présence d'arbres centenaires sur la bande de terrain contestée caractérise en revanche au profit de ces derniers une possession trentenaire, ainsi d'ailleurs que les multiples attestations produites par chacune des parties, qui confirment bien que les lieux n'ont, de mémoire d'homme, subi aucune modification substantielle ; qu'enfin la nature même des lieux, soit une cour privative close de murs et fermée par un portail, dont il importe peu qu'elle ait eu jadis une vocation agricole, démontre que la possession par les consorts X... et leurs auteurs de la bande de terre contestée a bien été, au sens de la loi, paisible, publique et non équivoque avant le contentieux né entre les parties en 1999 seulement, puisque n'est allégué aucun débat antérieur ; qu'il en résulte d'une part que les consorts X... sont bel et bien propriétaires de la bande de terrain revendiquée à tort par les consorts Y..., au moins par prescription acquisitive, et, d'autre part, que ces derniers ont acquis, de la même manière, une servitude d'écoulement des eaux pluviales de leur toit, ainsi que ce qui doit être considéré comme un droit de surplomb ; que ce faisant, le jugement sera donc confirmé en ce que les consorts Y... ont été déboutés de leur revendication portant sur la bande de terrain litigieuse ;
ET AUX MOTIFS, AU SURPLUS, QU'à les supposer adoptés des premiers juges, qu'en vertu de l'article 681 du Code civil, tout propriétaire établir des toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique ; qu'il ne peut les faire verser sur le fonds de son voisin ; qu'il n'existe pas de présomption légale au profit du propriétaire du bâtiment dont le toit fait saillie de la propriété de la bande de terrain située au-dessous de la saillie du toit ; qu'il appartient alors à celui qui la revendique d'en faire la preuve ; qu'à défaut de rapporter la preuve de sa propriété, il s'expose à la démolition de la partie de la couverture empiétant sur l'espace du jardin voisin, sauf existence d'une servitude de surplomb ou d'écoulement des eaux ; que par ailleurs lorsque deux immeubles, bâtis ou non bâtis, sont contigus ou voisins, les éléments immobiliers, qui sont affectés à l'usage commun des deux fonds, sont soumis à un régime de mitoyenneté ; que par acte authentique du 29 mars 1947, Monsieur Y... a acquis une propriété sise... l'Orgueilleux ; que suivant acte authentique du 19 février 1983, Monsieur Henri X... a acquis une propriété contiguë, sise... ; que Monsieur Y... est propriétaire d'un cellier dont l'un des murs forme séparation d'avec la propriété de Monsieur X... et se termine sur la rue Connan par un pilastre en pierre qui supporte le portail de Monsieur X... ; qu'au cours de l'année 1999, Monsieur Y... a rénové la toiture de ce cellier et a fait pratiquer une entaille dans le pilastre du côté de sa propriété pour permettre la pose d'une gouttière ;
ET AUX MOTIFS ENCORE QU'il est constant que les titres de propriété des parties ne comportent aucune précision quant à la limite entre les deux propriétés ; qu'il ressort également des pièces versées aux débats que la toiture sans gouttière de Monsieur Y... fait saillie par rapport au nu du mur de sa propriété et que contrairement à ce qu'indique l'expert, maître du bâtiment dont le toit n'est fait saillie, n'est pas, par application des dispositions de l'article 681 du Code civil, présumé propriétaire de la bande de terrain située au-dessous de la saillie du toit, s'ensuit que Monsieur Y... ne peut invoquer aucune présomption de propriété et doit rapporter la preuve qu'il est effectivement propriétaire de la bande de terrain en cause ;
AUX MOTIFS AUSSI des premiers juges d'une part, QUE Monsieur Y... entend se prévaloir d'un usage ancien selon lequel les bâtiments étaient érigés sans gouttière de sorte que le propriétaire laissait une parcelle de terrain entre son mur et le fonds voisin pour recevoir les eaux en provenance de son toit ; que, cependant, en l'absence de démonstration de l'antériorité de la construction de l'ancienne toiture du bâtiment de Monsieur Y... à la division de la ferme en deux fonds distincts, celui-ci ne saurait valablement invoqué cet usage comme élément de preuve de sa propriété ; que d'autre part, conformément à l'avis de Monsieur A..., les plans réalisés en 1965 par Monsieur B..., géomètre expert, ont été établis pour les seuls besoins de Monsieur Y... qui envisageait alors la division de sa propriété en lots sans objectif de division de limites aves les riverains ; que par ailleurs, il se révèle que le dessin y figurant est erroné dans le pan coupé d'accès à la propriété des consorts X... ; que, dans ces conditions, Monsieur Y... ne saurait tirer argument d'une lecture combinée de ce document avec son titre de propriété et les titres antérieurs d'un quelconque indice ou d'une quelconque présomption de sa propriété sur le fonds de terrain litigieuse ; qu'en tout état de cause, il ressort des pièces versées aux débats que les consorts X... dont la propriété acquise en 1983 est close par un portail depuis plus de trente années, possèdent actuellement utilement la bande de terrain litigieuse sur laquelle ils ont fait des plantations ; qu'en outre, Monsieur Y... ne peut valablement soutenir que l'écoulement des eaux pluviales de son toit sur la parcelle voisine s'analyse en des actes de jouissance du propriétaire susceptible de faire obstacle à la possession actuelle des consorts X... ; qu'en effet, la saillie du toit sur le fonds voisin, dont il est établi qu'elle existait déjà depuis plus de trente années lors de la réalisation des travaux de rénovation de la toiture en 1999, a en fait permis l'acquisition au profit du fonds de Monsieur Y..., à titre de servitude, du droit de surplomber de déverser les eaux provenant de l'égout du toit sur le fonds voisin, que du fait de l'existence et de servitude, la demande de Madame C... en démolition d'une partie de la toiture empiétant sur son terrain ne saurait être accueillie afin de ne pas nier l'existence même de ladite servitude ;
ALORS QUE, D'UNE PART, la référence faite par la Cour a de multiples attestations produites par chacune des parties sans plus de précisions, méconnaît les exigences des articles 455 et 458 du Code de procédure civile dans la mesure où la juridiction d'appel qui fait état de ces attestations pour caractériser une prétendue possession paisible publique et non équivoque trentenaire n'a procédé à aucune analyse, même sommaire, des attestations ainsi retenues ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la seule référence à de multiples attestations qui auraient été produites par chacune des parties sans la moindre précision, sans la moindre analyse, ne met la Cour de cassation en mesure de vérifier que les attestations retenues par la Cour ont été régulièrement produites au sens des articles 6 et 7 du Code de procédure civile et ont pu faire l'objet d'un débat véritablement contradictoire au sens de l'article 16, en sorte que cette référence à de multiples attestations pour retenir une possession paisible, publique et non équivoque fait ressortir une violation des articles précités, en semble d'un procès à armes égales ;
ALORS QUE DE TROISIEME PART, la présence d'arbres, fussent-ils centenaires – sur une bande de terrain n'est pas de nature à caractériser une possession paisible, publique et non équivoque, en l'état des dispositions de l'article 681 du Code civil, et ne l'est pas davantage la circonstance que l'on serait en présence d'une cour privative close de murs et fermée par un portail, en sorte qu'en retenant de tels motifs insuffisants pour retenir une possession trentenaire paisible, publique et non équivoque, la Cour, en l'état des contestations de l'appelant, ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article 2228 ancien du Code civil, violé ;
ET ALORS ENFIN que la Cour ne constate pas davantage que les auteurs d'Henri X... qui n'a acquis l'immeuble que le 19 février 1983, avaient eux-mêmes pu valablement prescrire, cependant que la cour privative close de murs et fermée par un portail avait une vocation agricole, or un fermier, un dépositaire, un usufruitier et tous autres qui détiennent précairement la chose du propriétaire, ne peuvent la prescrire, d'où un manque de base légale au regard des articles 2228 et 2236 anciens du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 11-25982
Date de la décision : 09/04/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 11 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 avr. 2013, pourvoi n°11-25982


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : Me Blondel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.25982
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