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04/04/2013 | FRANCE | N°12-15920

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 avril 2013, 12-15920


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 janvier 2012), que M. X..., salarié de la société Flexelec, a été victime, le 15 mai 2003, d'un lumbago survenu lors du déplacement d'une bobine de câble ; que cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon (la caisse) ; que, sollicitant la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, M. X... a saisi une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que la société Flexelec fait grief

à l'arrêt de juger que l'accident du travail de M. X... est imputable à la f...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 janvier 2012), que M. X..., salarié de la société Flexelec, a été victime, le 15 mai 2003, d'un lumbago survenu lors du déplacement d'une bobine de câble ; que cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon (la caisse) ; que, sollicitant la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, M. X... a saisi une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que la société Flexelec fait grief à l'arrêt de juger que l'accident du travail de M. X... est imputable à la faute inexcusable de l'employeur alors, selon le moyen :
1°/ que la faute inexcusable de l'employeur suppose que « l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver » ; qu'en l'espèce, il est admis que le risque n'avait pas fait l'objet d'un signalement de la part de M. X... ou d'un délégué du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que la seule mise en évidence d'un « risque dorso-lombaire » lié à une opération manuelle « quel que soit le poids » de l'élément objet de la manutention ne saurait entraîner la reconnaissance automatique de la faute inexcusable de l'employeur pour n'avoir pas mis en place une formation « gestes et postures » dès lors que ce risque n'avait pas été signalé ; qu'en retenant la faute inexcusable de la société Flexelec du seul fait « que les tâches réalisées par Mustafa X... consistent en des opérations de manutention manuelle entraînant, quel que soit le poids des bobines et indépendamment de l'utilisation du chariot élévateur, un risque dorso-lombaire lié aux gestes et postures adoptés lors des opérations et dont la société Flexelec avait ou aurait dû avoir conscience » étant établi, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que la faute inexcusable de l'employeur suppose que « l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver » ; que la seule mention d'une proposition de formation « geste et posture » à un procès-verbal de réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne saurait caractériser une situation où « l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié » en l'absence de signalement du risque par la victime ou un délégué du personnel ; qu'en retenant que la faute inexcusable de la société Flexelec était établie du fait « qu'au jour de l'accident, la société Flexelec n'avait pas organisé de formation "gestes et postures" évoqué depuis le 24 septembre 2004 sic 2002 par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail », ladite formation ayant seulement fait l'objet d'une « proposition de formation » au procès-verbal de réunion du 24 septembre 2002 sans signalement du risque à l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
3°/ que la faute inexcusable de l'employeur suppose que « l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver » ; qu'il est constant que l'employeur avait mis à disposition du salarié un chariot élévateur pour soulever un poids de nature à éviter tout risque au salarié ; qu'en retenant la faute inexcusable aux motifs « que les tâches réalisées par M. X... consistent en des opérations de manutention manuelle entraînant, quel que soit le poids des bobines et indépendamment de l'utilisation du chariot élévateur, un risque dorso-lombaire », la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt retient que M. X... devait prendre au sol une bobine de câble, la transférer sur une palette se trouvant à proximité et dont le plateau se situait à dix centimètres du sol ; que, pour poser le premier rang de bobines, il les faisait rouler puis basculer sur la palette tandis que, pour les autres rangées, il devait les soulever pour les hisser au-dessus de la dernière rangée ; que, pour faire rouler les bobines, l'opérateur doit se courber et adopter une position de sécurité pour les prendre au sol ; qu'il ressort de ces éléments que les tâches réalisées par le salarié consistaient en des opérations de manutention manuelle entraînant, quel que soit le poids des bobines et indépendamment de l'utilisation du chariot élévateur, un risque dorso-lombaire lié aux gestes et postures adoptés lors des opérations et dont l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience ; qu'au jour de l'accident, celui-ci n'avait pas organisé de formation « gestes et postures » évoquée depuis le 24 septembre 2002 par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, celle-ci ayant été organisée le 4 juillet 2005 soit plus de deux ans après l'accident du travail ;
Que, de ces constatations relevant de son appréciation souveraine de la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel a pu déduire que l'employeur, conscient du risque auquel était exposé son salarié lors du déplacement des bobines de câble et n'ayant pas pris les mesures de nature à l'en préserver, avait commis une faute inexcusable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Flexelec aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Flexelec ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils, pour la société Flexelec
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que l'accident du travail du 15 mai 2003 de Monsieur X... est imputable à la faute inexcusable de l'employeur ; majoré la rente attribuée au taux maximum ; avant dire droit sur l'indemnisation : alloué à Monsieur X... la somme de 2.000 € à titre de provision et ordonné une expertise médicale ;
AUX MOTIFS QUE « (…) à titre principal, Mustafa X... invoque la présomption de faute inexcusable posée par l'article L. 4131-4 du code du travail ; qu'à titre subsidiaire, il prétend prouver la faute inexcusable de l'employeur ; qu'aux termes de l'article L. 4131-4 du code du travail, le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé ; que Mustafa X... produit les procès-verbaux du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en date des 24 septembre 2002, 25 mars 2003 et 25 juin 2003 ; que le procès-verbal de la réunion du 24 septembre 2002 mentionne une proposition de formation geste et posture ; qu'à l'ordre du jour établi le 6 mars 2003 pour la réunion du 25 mars suivant a été inscrit la définition des postes prioritaires en vu d'une formation "gestes et postures" ; que le procès verbal de la réunion du 25 mars 2003 indique que vu le nombre important de postes concernés, une formation intra-muros semble adaptée ; que le procès-verbal de la réunion du 25 juin 2003 mentionne que la formation intramuros sur les gestes et postures est prévue pour le 2ème trimestre 2003 ; qu'il ne résulte pas de ces pièces qu'un délégué du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avait signalé à l'employeur le risque encouru par les salariés du poste extrusion et qui s'est matérialisé ; que la faute inexcusable n'est donc pas présumée ; qu'en conséquence, il appartient à Mustafa X... de prouver la faute inexcusable de l'employeur ; que l'accident dont Mustafa X... a été victime s'est produit alors qu'il déplaçait une bobine de câble du sol sur une palette ; que la SA FLEXELEC produit des photographies de la reconstitution des tâches que Mustafa X... effectuait le jour de l'accident ; que le tribunal des affaires de sécurité sociale qui s'est transporté sur les lieux a assisté à une démonstration des tâches ; qu'il en résulte que Mustafa X... devait prendre au sol une bobine de câble, descendue à l'aide d'un vérin hydraulique, la transférer sur une palette se trouvant à proximité et dont le plateau se trouve à 10 centimètres du sol ; que pour poser le premier rang de la bobine sur la palette, Mustafa X... faisait rouler les bobines et les faisaient basculer sur la palette ; que pour les autres rangées, il devait soulever les bobines pour les hisser au-dessus de la dernière rangée ; que selon l'employeur, lors de cette dernière opération, les bobines étaient montées à l'aide d'un chariot élévateur ; que cependant, lors du transport sur les lieux du tribunal, le chef d'atelier a confirmé les déclarations de Mustafa X... selon lesquelles, le chariot élévateur n'était pas utilisé pour hisser les bobines sur les rangs supérieurs ; que les parties ne sont pas d'accord sur le poids des bobines ; que celle utilisée lors de la démonstration pesait 30kgs ; que les photographies produites par l'employeur, montrent que pour faire rouler les bobines, l'opérateur doit se courber et pour prendre les bobines au sol, il adopte une position de sécurité ; qu'il ressort de ces éléments que les tâches réalisées par Mustafa X... consistent en des opérations de manutention manuelle entraînant quel que soit le poids des bobines et indépendamment de l'utilisation du chariot élévateur, un risque dorso-lombaire lié aux gestes et postures adoptés lors des opérations et dont la SA FLEXELEC avait ou aurait dû avoir conscience ; qu'au jour de l'accident, la SA FLEXELEC n'avait pas organisé de formation "gestes et postures" évoqué depuis le 24 septembre 2004 par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, celle ayant été organisée le 4 juillet 2005 soit plus de deux ans après l'accident du travail ; qu'il est donc établi que la SA FLEXELEC qui avait conscience du risque d'accident dorso-lombaire auquel était exposé le salarié n'a pas pris toutes les mesures de nature à éviter la réalisation de ce risque en n'assurant pas une formation "gestes et postures" ; que dès lors, la SA FLEXELEC a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail dont Mustafa X... a été victime ; que la décision déférée doit être infirmée ; que seule la faute inexcusable de la victime qui se définit comme une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience autorise à réduire la majoration de la rente ; que compte tenu des circonstances de l'accident précédemment décrites, Mustafa X... n'a pas commis une telle faute ; qu'en conséquence, la rente attribuée à Mustafa X... doit être majorée au taux maximum prévu par la loi ; qu'avant dire droit sur l'indemnisation, une expertise médicale de la victime est nécessaire pour évaluer les préjudices ; (…) que Mustafa X... a été consolidé le 31 août 2005 avec un taux d'incapacité permanente partielle de 20% ; que ces éléments justifient de lui allouer une provision de 2.000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices »
ALORS QUE 1°) la faute inexcusable de l'employeur suppose que « l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver » ; qu'en l'espèce il est admis que le risque n'avait pas fait l'objet d'un signalement de la part de Monsieur X... ou d'un délégué du personnel au Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que la seule mise en évidence d'un « risque dorso-lombaire » lié à une opération manuelle « quel que soit le poids » de l'élément objet de la manutention ne saurait entraîner la reconnaissance automatique de la faute inexcusable de l'employeur pour n'avoir pas mis en place une formation « gestes et postures » dès lors que ce risque n'avait pas été signalé ; qu'en retenant la faute inexcusable de la Société FLEXELEC du seul fait « que les tâches réalisées par Mustafa X... consistent en des opérations de manutention manuelle entraînant quel que soit le poids des bobines et indépendamment de l'utilisation du chariot élévateur, un risque dorso-lombaire lié aux gestes et postures adoptés lors des opérations et dont la SA FLEXELEC avait ou aurait dû avoir conscience » étant établi, la Cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE 2°) la faute inexcusable de l'employeur suppose que « l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver » ; que la seule mention d'une proposition de formation « geste et posture » à un procès verbal de réunion du Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne saurait caractériser une situation où « l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié » en l'absence de signalement du risque par la victime ou un délégué du personnel ; qu'en retenant que la faute inexcusable de la Société FLEXELEC était établie du fait « qu'au jour de l'accident, la SA FLEXELEC n'avait pas organisé de formation "gestes et postures" évoqué depuis le 24 septembre 2004 sic 2002 par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail », ladite formation ayant seulement fait l'objet d'une « proposition de formation » au procès-verbal de réunion du 24 septembre 2002 sans signalement du risque à l'employeur (v. arrêt d'appel, p. 3, dernier alinéa), la Cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE 3°) la faute inexcusable de l'employeur suppose que « l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver » ; qu'il est constant que l'employeur avait mis à disposition du salarié un chariot élévateur pour soulever un poids de nature à éviter tout risque au salarié ; qu'en retenant la faute inexcusable aux motifs « que les tâches réalisées par Mustafa X... consistent en des opérations de manutention manuelle entraînant quel que soit le poids des bobines et indépendamment de l'utilisation du chariot élévateur, un risque dorso-lombaire », la Cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 12-15920
Date de la décision : 04/04/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 24 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 avr. 2013, pourvoi n°12-15920


Composition du Tribunal
Président : Mme Aldigé (président)
Avocat(s) : SCP Tiffreau, Corlay et Marlange

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.15920
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