LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que suivant deux marchés conclus respectivement le 21 janvier 2004 avec la société Snet pour la centrale thermique de Gardanne et le 17 mars 2004 avec la société EDF pour celle de Cordemais, la société Alstom Power Environment devenue Alstom Power Systems (la société Alstom) s'est vu confier divers travaux sur chacun de ces sites ; qu'elle a sous-traité une partie des prestations des deux marchés à la société ATCI, qui a elle-même sous-traité certains travaux à la société BPG ; que, le 29 novembre 2007, la société ATCI a été placée sous sauvegarde puis, le 7 février 2008, en liquidation judiciaire ; qu'elle avait auparavant passé un contrat d'affacturage avec la société Natixis Factor (la société Natixis), et conclu, les 23 et 27 novembre 2007, un accord de délégation de paiement avec la société Alstom pour un paiement direct au profit de la société BPG, son sous-traitant, d'une somme de 110 988 euros ; que, la société Natixis ayant informé la société Alstom les 28 et 29 novembre 2007, qu'elle était propriétaire de toutes les créances de la société ATCI et que la délégation de paiement ne pouvait s'exécuter, la société Alstom a procédé au paiement de la somme de 110 988 euros au profit de la société Natixis et en a avisé la société BPG ; que celle-ci ayant assigné en référé les sociétés Alstom et Natixis, le juge des référés a, par ordonnance du 21 mai 2008, condamné la société Natixis à restituer la somme à la société BPG, qui a ensuite assigné les sociétés Alstom et Natixis en paiement des sommes de 657 074 euros et 60 000 euros ;
Attendu que pour rejeter l'action en garantie formée par la société Natixis à l'encontre de la société Alstom, l'arrêt retient qu'en tant qu'entrepreneur principal, la société Alstom n'avait aucune obligation légale, en application des dispositions d'ordre public de la loi du 31 décembre 1975, ni de présenter le sous-traitant de second rang ni d'exiger de la société ATCI une caution au bénéfice de la société BPG, seule la société ATCI, entrepreneur principal de la société BPG ayant cette obligation de présentation et d'agrément des conditions de paiement ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le moyen tiré par la société Natixis de ce que la société Alstom s'était contractuellement engagée vis-à-vis des maîtres d'ouvrage à mettre en place un cautionnement "pour les travaux que son sous-traitant ATCI n'exécutait pas lui-même", et sur l'incidence de l'inexécution de cette obligation sur l'obligation de paiement de la société Natixis vis-à-vis de la société BPG, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Alstom Power Systems aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour la société Natixis Factor
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société NATIXIS FACTOR de son action en garantie contre la société ALSTOM, après l'avoir condamnée à verser à la société BPG la somme de 686 645,72 euros en principal ;
AUX MOTIFS QUE dans la chaîne de contrats conclus respectivement par EDF et SNET avec ALSTOM, puis entre ALSTOM et ATCl et enfin entre ATCI et BPG, les maîtres d'ouvrage sont les sociétés EDF et SNET, propriétaires des centrales électriques sur lesquelles ont été réalisés les travaux, et la société ALSTOM est l'entrepreneur principal ; que la société BPG n'exerce d'ailleurs pas une action directe contre ALSTOM en tant que celle-ci serait le maître d'ouvrage mais une action en responsabilité in solidum avec NATIXIS FACTOR en lui faisant grief de n'avoir pas mis en oeuvre la procédure de présentation du sous-traitant par la société ATCI ni exigé de caution de celle-ci au profit de son sous-traitant ; qu'en tant qu'entrepreneur principal, la société ALSTOM n'avait aucune obligation légale ni de présenter le sous-traitant de 2ème rang ni d'exiger d'ATCI une caution au bénéfice de la société BPG, seule la société ATCI, entrepreneur principal de la société BPG, ayant cette obligation de présentation et d'agrément des conditions de paiement ; que la responsabilité délictuelle de la société ALSTOM pour manquement aux dispositions de la loi du 31 décembre 1975, qui ne crée d'obligations qu'à l'égard du maître d'ouvrage, a donc été inexactement retenue par les premiers juges : qu'en vertu de l'article 13-1 de ladite loi, l'entrepreneur principal ne peut céder ou nantir les créances résultant du contrat passé avec le maître de l'ouvrage qu'à concurrence des sommes qui lui sont dues au titre des travaux qu'il effectue personnellement, sauf caution obtenue préalablement et par écrit, vis-à-vis de ses sous-traitants ; que la société NATIXIS FACTOR, qui a rappelé ces dispositions légales dans la convention d'affacturage et qui a néanmoins factorisé et refacturé à ALSTOM 100% des factures d'ATCI, pour plus de 3 000 000 euros, y compris celles concernant des travaux réalisés par BPG, doit, pour s'être mise en infraction avec les dispositions d'ordre public susvisées, restituer les créances revenant à la société BPG qui ont été identifiées et chiffrées par l'expert sur les deux chantiers à un montant global de 686 645,72 euros ; que la société NATIXIS FACTOR, professionnelle de l'affacturage, ne peut opposer à la société BPG, pour s'exonérer de sa responsabilité, l'absence d'information de la société ATCI sur l'existence de marchés sous-traités ou l'absence de cautionnement ; que NATIXIS FACTOR ne peut encore moins, pour obtenir la garantie de la société ALSTOM, reporter sur celle-ci une obligation de vérification qui lui incombait à elle seule, alors qu'elle a été d'une particulière réactivité pour s'opposer à la mise en oeuvre par ALSTOM de la délégation de paiement consentie par ATCI au profit de BPG, ce qui démontre, au moins au moment de cette opposition, sa connaissance de l'existence de ce sous-traitant ; que de son côté, la société ALSTOM, tenue de déférer à l'opposition de l'affactureur, ne devait ni retenir la part revenant à un sous-traitant de second rang qui n'avait pas été agréé, ni mettre en garde NATIXIS FACTOR sur l'existence de ce sous-traitant, bénéficiaire de la délégation de paiement, dès lors que la situation irrégulière de NATIXIS FACTOR, au moment de la convention d'affacturage, était déjà consommée ; que cette dernière n'a d'ailleurs pas fait appel de l'ordonnance la condamnant à restituer à BPG, la somme de 110 988,80 euros, irrégulièrement détenue ; qu'elle doit seule être condamnée à payer la somme de 686 645,72 euros à la société BPG ;
ALORS, en premier lieu, QUE la société NATIXIS FACTOR exposait que les contrats conclus par la société ALSTOM avec EDF et la SNET autorisaient la société ATCI à sous-traiter l'exécution des travaux sous réserve, notamment, de justifier auprès du maître de l'ouvrage, préalablement à la signature du contrat de sous-traitance, de la mise en place des cautions prévues par l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 et qu'ALSTOM avait, par suite, l'obligation de vérifier si ses sous-traitants justifiaient de la caution exigée par l'article 14, ce qu'elle n'avait pas fait, alors que si elle avait exigé d'ATCI une caution pour les travaux sous-traités par cette dernière, cette caution aurait garanti BPG et le présent litige n'existerait pas en sorte que la carence d'ALSTOM la rendait responsable de la situation actuelle (p. 8, 10, 13, 14, 15) ; qu'en se bornant à examiner quelles étaient les obligations légales d'ALSTOM et en omettant de s'expliquer sur le moyen tiré par la société NATIXIS FACTOR des obligations contractuelles d'ALSTOM et de l'incidence de leur inexécution sur sa propre obligation de paiement vis-à-vis de la société BPG, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, en deuxième lieu, QUE la société NATIXIS FACTOR soutenait que la société ALSTOM savait que la société ATCI sous-traitait l'exécution des travaux tandis qu'elle-même l'ignorait, en sorte qu'ALSTOM aurait dû l'en avertir, ce qui lui aurait évité d'accepter d'acquérir d'ATCI des créances relatives à des travaux non exécutés personnellement par celle-ci ; qu'en retenant que l'opposition de NATIXIS FACTOR à la délégation de paiement consentie par ACTI au profit de BPG, démontre que l'affactureur avait connaissance de ce sous-traitant sans rechercher si, aux dates, nécessairement antérieures à cette délégation, où NATIXIS FACTOR a remis à ATCI des sommes en contrepartie de l'acquisition de créances relatives à des travaux exécutés en réalité par le sous-traitant de second rang, elle avait connaissance de l'existence de cette sous-traitance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
ALORS, en troisième lieu, QU'en opposant au reproche fait par la société NATIXIS FACTOR à la société ALSTOM de ne pas l'avoir mise en garde sur l'existence du sous–traitant de second rang, le fait que «la situation irrégulière de NATIXIS, au moment de la convention d'affacturage, était déjà consommée», la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inintelligibles puisque l'avertissement en cause aurait très bien pu intervenir utilement après la conclusion du contrat d'affacturage, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.