La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/2013 | FRANCE | N°12-13631

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 mars 2013, 12-13631


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble l'article L. 533-4 du code monétaire et financier dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu que le prestataire de services d'investissement intervenant pour le compte d'un donneur d'ordre sur le marché à règlement différé est tenu, même sans ordre de liquidation et nonobstant tout ordre contraire de ce dernier, de liquider les positions de son client lorsque celui-ci n'a pas, le lendemain du dernier jour de la

liquidation mensuelle, remis les titres ou les fonds nécessaires ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble l'article L. 533-4 du code monétaire et financier dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu que le prestataire de services d'investissement intervenant pour le compte d'un donneur d'ordre sur le marché à règlement différé est tenu, même sans ordre de liquidation et nonobstant tout ordre contraire de ce dernier, de liquider les positions de son client lorsque celui-ci n'a pas, le lendemain du dernier jour de la liquidation mensuelle, remis les titres ou les fonds nécessaires à la livraison des instruments financiers vendus ou au paiement des instruments financiers achetés, une telle liquidation d'office devant également avoir lieu lorsque les positions du donneur d'ordre ont été reportées et que celui-ci n'a pas, avant la même date, réglé son solde débiteur et constitué ou complété la couverture afférente à l'opération de report ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X..., titulaires de comptes-titres ouverts en 2000 auprès de la société Dubus, prestataire de services d'investissement (la société), ont effectué sur le marché à règlement mensuel, devenu service à règlement différé, des opérations qui ont engendré des pertes et une insuffisance de couverture de leurs positions pour atteindre, au 14 septembre 2007 les sommes de 527 128, 40 euros et de 181 689, 51 euros ; qu'assignés en paiement, M. et Mme X...ont reproché à la société d'avoir manqué à son obligation de liquidation des positions non couvertes ;
Attendu que pour dire M. et Mme X...solidairement débiteurs à l'égard de la société de la somme de 725 238, 40 euros correspondant à l'insuffisance de couverture de leurs comptes portefeuilles au 26 octobre 2010, et les condamner solidairement après compensation à payer à la société la somme de 335 669, 68 euros, l'arrêt retient que ceux-ci, informés en permanence de la situation de leurs comptes et destinataires de plusieurs lettres recommandées par lesquelles le prestataire leur demandait de couvrir le débit de ces comptes, ont choisi de reporter la liquidation de leurs positions dans l'attente d'une conjoncture boursière plus favorable en proposant d'effectuer des versements d'espèces périodiques afin de reconstituer la couverture requise ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la faute imputée à M. et Mme X...n'aurait pu être commise en l'absence de celle de la société, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société Dubus aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

En ce que l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir dit que les époux X.../ Y... sont solidairement débiteurs à l'égard de la société Dubus d'une somme de 725. 238, 40 € correspondant à l'insuffisance de couverture de leurs comptes portefeuilles numéros 600 et 700 au 26 octobre 2010, les a condamnés solidairement, après compensation, à payer à la société Dubus la somme de 335. 669, 68 € et les a déboutés de toutes prétentions plus amples ou contraires ;
Aux motifs que par une lettre du 5 mars 2001 les époux X.../ Y... indiquaient à la Société Dubus que, si leurs trois comptes étaient effectivement " à découvert ", toutefois ils possédaient un portefeuille d'assurance-vie Groupama qui leur procurait " une couverture financière largement supérieure " ; qu'ils annonçaient le déblocage des fonds nécessaires au renflouement de leurs comptes dans un délai de quelques semaines ; que le 18 avril 2001, les époux X.../ Y... écrivaient à la Société Dubus pour lui confirmer que, suivant leur accord, ils lui verseraient chaque mois une somme de 50-000 F " jusqu'à couverture totale du débit " et que, dans l'hypothèse où le solde n'aurait pas été apuré en mars 2003, le passif subsistant serait acquitté " lors du déblocage de l'assurance-vie Groupama " ; que dans ce même courrier, les intéressés affirmaient à leur interlocutrice qu'ils lui seraient " reconnaissants de ne pas clôturer les comptes " ; que le 23 avril 2001 ils adressaient à la Société Dubus un chèque de 500. 000 F 76. 224, 51 € afin d'en voir déposer la valeur sur le compte n° 2235430700 ; que par des courriers recommandés avec demande d'avis de réception des 5 septembre 2001 pour le compte n° 2235130700 et 4 avril 2002 pour le compte n° 2235430600, la Société Dubus attirait de nouveau l'attention de ses clients sur la quotité de leurs engagements qui excédait les limites autorisées eu égard à l'actif en dépôt ; qu'elle renouvelait ces rappels les 22 octobre 2001 et 15 mars 2002 et les 23 et 24 octobre 2003 où elle invitait les époux X.../ Y... à résorber leur débit par un plan de versements échelonnés ; que l'article 4-1-35-1 du Règlement général du C. M. F. dispose que " le prestataire qui reçoit un ordre à règlement ou livraison différés ne peut accepter un tel ordre de la part de l'investisseur que s'il obtient de celui-ci la constitution d'une couverture, soit dans ses livres, soit dans les livres du teneur de compte conservateur s'il n'assure pas lui-même cette fonction " ; que ce texte énonce encore que " lorsque le donneur d'ordre n'a pas, dans le délai requis, constitué ou complété la couverture ou rempli les engagements résultant de l'ordre exécuté pour son compte, le prestataire habilité procède à la liquidation partielle ou totale de ses engagements ou positions " ; que la décision n° 2000-04 du C. M. F. en date du 30 août 2000 vient préciser dans ce même sens que la couverture des ordres avec service de règlement et de livraison différés initialement constituée est réajustée en cas de besoin en fonction de la réévaluation quotidienne de la position elle-même et des actifs admis en couverture de cette position, de telle sorte qu'elle corresponde en permanence au minimum réglementaire requis ; que dans cette hypothèse le prestataire met en demeure par tous moyens le client de compléter ou reconstituer sa couverture de marché ; qu'à défaut de complément ou de reconstitution de la couverture dans le délai requis, le prestataire. prend les mesures nécessaires pour que la position du client soit à nouveau couverte ;
que, sauf à ce que le prestataire et le client soient convenus de modalités différentes, le prestataire commence par réduire la position du client avant de réaliser tout ou partie de la couverture ; que les époux X.../ Y... relèvent que si leurs positions à partir du moment où elles étaient insuffisamment couvertes, avaient été aussitôt liquidées par la Société Dubus, ils n'auraient pas laissé s'accumuler l'important solde négatif dont il leur est demandé de répondre aujourd'hui ; que la société de bourse qui a accepté de passer pour eux certains ordres alors que la couverture était insuffisante a par là encore contribué à l'aggravation de leur dette dont elle leur doit une entière réparation ; mais que les époux X.../ Y..., informés en permanence de la situation de leurs comptes et de la répartition de leurs portefeuilles par le truchement du serveur " Bourse Dubus on line " auquel il leur était loisible de se connecter à tout instant, et destinataires de courriers par voie électronique ou épistolaires par lesquels l'intermédiaire de bourse, dès avant le 5 mars 2001, a insisté auprès d'eux pour qu'ils remédient au débit de leurs comptes, avaient eux-mêmes le pouvoir, du moment que le solde négatif de ces comptes révélait des pertes, de liquider de leur propre chef leurs positions sans que cette décision les expose à une mise de fonds supplémentaire dont ils n'auraient pas eu la disponibilité ; que c'est donc librement que les époux X.../ Y..., sans plus passer de nouveaux ordres à partir du 26 septembre 2000 pour le compte n° 2235430600, à l'exception de l'achat à règlement différé de cinq mille neuf cents actions Alcatel le 20 avril 2001, et à partir du 14 juin 2001 pour le compte n° 2235430700, ont choisi de reporter la liquidation de leurs engagements dans l'attente d'une conjoncture boursière plus favorable à leur exécution, en proposant à la société de bourse d'effectuer des versements d'espèces périodiques entre ses mains afin de reconstituer la couverture requise ; toutefois, que la Société Dubus en ne veillant pas à la constitution d'une couverture suffisante en garantie de l'ordre d'achat reçu des époux X.../ Y... le 20 avril 2001 où l'avoir réalisable du compte n° 2235430600 était négatif de 52. 499, 30 €, a enfreint les exigences des articles 58 de la loi n° 96597 du 2 juillet 1996 et L. 533-4 du Code Monétaire et Financier qui lui faisaient obligation de respecter les règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs en même temps que l'intégrité du marché ; que, de même, en s'abstenant de liquider les positions de ses clients comme les règles du marché le lui commandaient, la société de bourse a commis une faute dont elle doit répondre dans la mesure de l'aggravation du solde débiteur qui en est résultée ; (…) ; que les époux X.../ Y... sont fondés à réclamer la réparation du dommage qui découle pour eux de l'obligation d'avoir à reconstituer la couverture de leurs engagements dont l'insuffisance s'est progressivement accrue en raison de l'inertie de l'intermédiaire financier, peu important que, comme l'objecte la Société Dubus, la provision à compléter soit sujette à varier quotidiennement suivant les fluctuations des cours boursiers ; qu'il suit de ce qui précède que le débit des comptes doit, à proportion de la faute imputable à la société Dubus, peser sur celle-ci pour moitié ; que les époux X.../ Y... ont admis à l'audience l'actualisation de l'insuffisance de couverture au 26 octobre 2010, de 534 322, 04 € pour le compte n° 2235430600 et de 190 916, 36 € pour le compte n° 2235430700 ; que l'aggravation du déficit postérieure à la date à partir de laquelle celui-ci s'est définitivement constitué, soit le 3 février 2001 pour le compte n° 2235430600 et le 17 janvier 2002 pour le compte n° 2235430700 ressort respectivement aux sommes de (534 322, 04-765, 52 =) 533 557, 52 € et (190 916, 36-8 271, 39 =) 182 644, 97 € ; que l'indemnisation pesant à la charge de la société Dubus s'élève ainsi à un montant global de (533 557, 52 + 182 644, 97)/ 2 = 358 101, 24 € (arrêt attaqué p. 5 al. 2 à p. 7 al. 1 et 2) ;
1° Alors qu'aux termes de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable, le prestataire de services d'investissement est tenu d'exercer son activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de ses clients et de l'intégrité du marché, ainsi que de se conformer à toutes les réglementations applicables à l'exercice de son activité de manière à promouvoir au mieux les intérêts de son client et l'intégrité du marché ; qu'il résulte de l'article 1147 du code civil qu'il est tenu de réparer les conséquences dommageables de l'inexécution de ces obligations ; qu'en statuant comme elle a fait par le motif inopérant qu'informés de la situation de leurs comptes, les époux X...auraient pu procéder de leur propre chef à la liquidation de leurs positions qu'ils avaient au contraire librement choisi de reporter, cependant que la société Dubus avait l'obligation de procéder, même sans ordre, même en l'état d'ordres contraires, à la liquidation de leurs positions dès lors que ceux-ci ne satisfaisaient pas à l'obligation de reconstituer la couverture et que, faute d'y avoir procédé, elle devait répondre de l'aggravation du solde débiteur du compte causé par cette faute, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°/ Et alors, en outre, qu'il résulte de l'article 10 de la décision n° 99-07 du Conseil des marchés financiers, devenu l'article 321-62 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, que le prestataire habilité qui fournit les services de réception et transmission d'ordres via internet doit, lorsqu'il tient lui-même le compte d'espèces et d'instruments financiers de son client, disposer d'un système automatisé de vérification du compte et qu'en cas d'insuffisance des provisions et des couvertures, le système doit assurer le blocage de l'entrée de l'ordre ; que l'article 1147 du code civil oblige le prestataire de services d'investissement à répondre des conséquences dommageables de l'inexécution de ces obligations ; de sorte qu'en statuant comme elle a fait sans répondre au moyen des écritures des époux X...(conclusions d'appel, p. 36 et 37) par lequel il était fait valoir que des ordres avaient pu être exécutés en dépit d'une insuffisance, voire d'une absence de couverture, à l'origine d'une aggravation de celle-ci dont la société Dubus devait répondre, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-13631
Date de la décision : 26/03/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BOURSE - Prestataire de services d'investissement - Marché à règlement différé - Couverture - Défaut - Liquidation d'office - Défaut - Effets - Responsabilité du prestataire

Le prestataire de services d'investissement intervenant pour le compte d'un donneur d'ordre sur le marché à règlement différé est tenu, même sans ordre de liquidation et nonobstant tout ordre contraire de ce dernier, de liquider les positions de son client lorsque celui-ci n'a pas, le lendemain du dernier jour de la liquidation mensuelle, remis les titres ou les fonds nécessaires à la livraison des instruments financiers vendus ou au paiement des instruments financiers achetés, une telle liquidation d'office devant également avoir lieu lorsque les positions du donneur d'ordre ont été reportées et que celui-ci n'a pas, avant la même date, réglé son solde débiteur et constitué ou complété la couverture afférente à l'opération de report. En conséquence, la faute résultant du défaut de régularisation de ses positions commise par le titulaire d'un compte-titres, qui effectuant sur le marché à règlement différé des opérations qui ont engendré des pertes et une insuffisance de couverture, ne peut être commise en l'absence de celle du prestataire de services d'investissement auprès duquel est ouvert ce compte et qui n'a pas procédé à la liquidation des positions de son client dans le délai imparti


Références :

article 1147 du code civil

article L. 533-4 du code monétaire et financier

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 27 janvier 2011

Dans le même sens que :Com., 26 juin 2012, pourvoi n° 11-11450, Bull. 2012, IV, n° 133 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 mar. 2013, pourvoi n°12-13631, Bull. civ. 2013, IV, n° 46
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, IV, n° 46

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Canivet-Beuzit
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.13631
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award