LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 janvier 2012) et les productions que la société " Société générale " (la banque), propriétaire d'un volume dans le centre commercial de la Coupole à la Défense, a assigné, en référé, l'Etablissement public pour l'aménagement de la région de la Défense (l'EPAD), devenu l'Etablissement public pour l'aménagement de la Défense Seine-Arche (l'EPADESA), ainsi que les sociétés d'assurances CNA Insurance compagny Ltd, Axa France IARD et AGF IART, devenue la société Allianz IARD, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, afin que soit ordonnée une expertise en vue d'examiner les travaux envisagés et fournir tous éléments permettant de déterminer les responsabilités et préjudices éventuels ;
Attendu que l'EPADESA fait grief à l'arrêt d'ordonner une mesure d'expertise et de désigner deux experts judiciaires, avec la mission détaillée au dispositif de l'ordonnance du 26 mars 2010, alors selon le moyen :
1°/ que, pour apprécier l'existence d'un motif d'intérêt légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile, il appartient au juge de rechercher si les faits dont il s'agit de conserver ou d'établir la preuve, au moyen de la mesure sollicitée, sont de nature à exercer une influence sur l'issue d'une action qui n'apparaît pas manifestement vouée à l'échec ; que l'EPADESA a soutenu qu'aucun motif légitime ne justifiait d'ordonner la mesure d'instruction que sollicitait la Société générale en vue de rechercher par la suite sa responsabilité sur le fondement de la théorie des troubles du voisinage dès lors qu'une telle action était vouée à un échec certain en raison des liens contractuels unissant les deux parties qui avaient adhéré à l'Union Leclerc ; qu'en affirmant, pour retenir l'existence d'un motif d'intérêt légitime, que la théorie des troubles du voisinage était applicable aux rapports entre la Société générale et l'EPADESA qui devait répondre des inconvénients anormaux résultant de l'exécution des travaux de rénovation dans les volumes de passage dont il était propriétaire au sein du centre commercial, à la suite des annonces successives de fermeture du centre commercial, de la fermeture du centre commercial et de l'incertitude sur les projets de restructuration du centre, au lieu de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le principe de non-cumul des deux ordres de responsabilité ne constituait pas un obstacle manifeste au succès de l'action en responsabilité que la Société générale se proposait d'engager contre l'EPADESA en raison des troubles de voisinage dès lors que chacune des parties étaient liées l'une à l'autre par un contrat, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'un motif d'intérêt légitime ; qu'ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article 1147 du code civil et le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui, un trouble anormal de voisinage ;
2°/ qu'en s'abstenant de répondre au moyen tiré de ce que le principe de non-cumul des deux ordres de responsabilité interdisait à la Société générale de solliciter une mesure d'instruction in futurum en vue de rechercher la responsabilité de l'EPADESA pour troubles de voisinage dès lors qu'ils avaient tous deux adhéré aux statuts de l'Union Leclerc, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que l'EPADESA a rappelé que l'article 2. 1 du règlement intérieur de l'Union Leclerc prévoit expressément que « les membres doivent souffrir sans indemnité l'exécution des travaux et réparations qui deviendraient nécessaires aux ouvrages d'intérêt collectif ou qui seraient décidés par l'Union Leclerc, quelle qu'en soit la durée » ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles l'EPADESA a soutenu que l'application du règlement intérieur manifeste constituait un obstacle manifeste à l'action en responsabilité pour trouble de voisinage que la Société générale se proposait d'engager à son encontre et qui privait la mesure sollicitée de tout motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que le juge doit respecter et faire respecter le principe du contradictoire ; qu'en relevant de sa propre initiative le moyen tiré de ce que l'EPADESA s'était engagé à indemniser les commerçants lors de la réunion de son conseil d'administration du 5 novembre 2010, aux termes d'un courrier du préfet des Hauts-de-Seine du 15 novembre 2010, sans inviter les parties à en débattre, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant rappelé que seule une prétention manifestement vouée à l'échec commanderait le rejet de la mesure, que les parties étaient opposées sur la possibilité d'une responsabilité fondée sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage et qu'il avait été judiciairement enjoint à l'EPAD d'exécuter les travaux puis relevé que la banque avait vu son exploitation perturbée en raison des annonces successives de fermeture du centre, de l'obligation de fermeture provisoire fin 2010 de son agence et de l'incertitude sur les projets de restructuration totale du centre commercial, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la quatrième branche, motivant sa décision, a retenu que la banque justifiait d'un motif légitime de recourir à une mesure d'instruction ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
condamne l'Etablissement public pour l'aménagement de la Défense Seine-Arche aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la Société générale la somme de 2 500 euros et à la société Allianz IARD celle de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour l'Etablissement public pour l'aménagement de la Défense Seine-Arche (EPADESA)
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR ordonné une mesure d'expertise et d'avoir désigné deux experts judiciaires, avec pour mission de convoquer les parties, et, dans le respect du principe de la contradiction, de se faire communiquer tous document et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission, de se rendre sur place, visiter les lieux ..., La DEFENSE 6, 92400 COURBEVOIE, et les décrire, d'entendre tous sachants, de se faire remettre tous documents et pièces qu'ils estimeront nécessaires, de donner leur avis sur le programme des travaux envisagés par l'EPAD, les délais de réalisation au plan technique, d'indiquer si les travaux peuvent être accomplis par étapes ou échelonnés dans le temps, de donner leur avis sur la valeur des murs ou volumes, propriété de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, de fournir tous éléments techniques et de fait nécessaires pour déterminer les responsabilités éventuellement encourues et évaluer, s'il y a lieu tous les préjudices subis, de la valeur des murs ou volumes des locaux exploités par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE augmentée des coûts inhérents à toute acquisition d'un bien de même valeur, de l'indemnité compensatrice des préjudices et notamment les pertes d'exploitation éventuelles résultant de la fermeture du centre commercial, de l'indemnité compensatrice du préjudice qui résulterait de la perte de son fonds de commerce comprenant notamment la valeur marchande du fond, les frais de déménagement et de réinstallation, les frais et droits de mutation afférents à l'acquisition d'un fonds de commerce de même importance, le trouble commercial subi, les coût sociaux liés à cette fermeture, dans la mesure où il serait établi que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE aurait la possibilité de transférer son fonds sur un emplacement de qualité équivalente sans perte de l'essentiel de sa cliente, d'évaluer l'indemnité compensatrice qui résulterait du transfert l'acquisition d'un nouveau titre locatif, les frais et droits de mutation, les dépenses de déménagement et de réinstallation, la réparation du trouble commercial et les coûts sociaux ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 145 du Code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; que la mesure d'expertise peut être ordonnée, qu'il existe ou non une contestation sérieuse, et que seule une prétention manifestement vouée à l'échec en commanderait le rejet ; que L'EPADESA invoque l'irrecevabilité de la demande de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE au motif qu'elle serait fondée sur la notion de trouble anormal de voisinage, fondement dépourvu de caractère sérieux puisque l'EPADESA, en tant que gestionnaire provisoire des parties communes, n'est pas " un voisin " susceptible de voir sa responsabilité engagée par l'effet d'un tel trouble ; qu'elle expose également qu'agissant en tant que mandataire des propriétaires des volumes pour gérer provisoirement les parties communes, il ne peut lui être reproché par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, propriétaire d'un volume, d'exécuter les obligations du mandat dont elle est chargée, et que d'ailleurs le règlement intérieur interdit toute action qui tendrait à obtenir l'indemnisation d'un préjudice né de l'exécution d'une obligation d'accomplir des travaux pesant sur le gestionnaire des voies de circulation ; que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE expose pour sa part que la réalisation des travaux de mise aux normes du réseau de " sprinklage " conduirait à des percements d'équipements et de produits amiantes, de sorte qu'il y aurait lieu préalablement à des travaux de désamiantage ; qu'elle ajoute que dès 2007 l'EPAD avait informé les commerçants de l'imminence de la fermeture du centre commercial, plusieurs fois reportée en raison de difficultés pour l'EPAD à trouver un repreneur avant une fermeture définitive fin décembre 2010 ; qu'en effet une ordonnance de la présente cour en date du 15 juillet 2010 a condamné l'EPAD à effectuer les travaux de mise aux normes sous astreinte ; que plusieurs ordonnances de référés ont d'ores et déjà été rendues à l'égard de différents locataires et propriétaires, certains accords ayant toutefois mis fin à des procédures ; que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE estime donc que sa demande est fondée au regard des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile ; qu'en effet il est incontestable que la fermeture du centre commercial aura pour conséquence un important préjudice financier, que L'EPAD est bien propriétaire et seul gestionnaire des volumes de passage et de structure dans lesquels doivent être exécutés les travaux de rénovation, de sorte qu'il appartiendra au juge du fond de statuer sur l'existence ou non d'un trouble anormal de voisinage ; qu'il existe bien un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ; que, outre le fait qu'il a déjà été jugé que l'EPADESA est tenue d'assurer la réalisation des travaux de mise aux normes des volumes (arrêt de la Cour d'appel de Paris du 13 octobre 2010 confirmant une ordonnance de référé du président du Tribunal de grande instance de Paris du 15 juillet 2010 ayant ordonné sous astreinte à l'EPAD d'exécuter les travaux de rénovation ordonnés par des arrêtés du maire de Courbevoie des 18 avril et 5 mai 2010), il résulte d'un courrier du 15 novembre 2010 du Préfet des Hauts-de-Seine que " lors de la première réunion le 5 novembre 2010, le conseil d'administration de l'EPADESA a décidé d'assurer directement l'indemnisation des commerçants et a voté une dotation budgétaire immédiatement mobilisable pour leur indemnisation. Ce dispositif doit permettre d'accélérer la signature des protocoles transactionnels d'indemnisation. C'est pourquoi j'ai décidé que la fermeture du Centre Commercial La Coupole sera effective à la fin de l'année " ; que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE qui a vu son exploitation perturbée en raison des annonces successives de fermeture du centre, de l'obligation de fermeture provisoire fin 2010 de son agence, et de l'incertitude sur les projets de restructuration totale du centre commercial, justifie d'un motif légitime de recourir à une mesure d'instruction ;
1. ALORS QUE, pour apprécier l'existence d'un motif d'intérêt légitime au sens de l'article 145 du Code de procédure civile, il appartient au juge de rechercher si les faits dont il s'agit de conserver ou d'établir la preuve, au moyen de la mesure sollicitée, sont de nature à exercer une influence sur l'issue d'une action qui n'apparaît pas manifestement vouée à l'échec ; que L'EPADESA a soutenu qu'aucun motif légitime ne justifiait d'ordonner la mesure d'instruction que sollicitait la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE en vue de rechercher par la suite sa responsabilité sur le fondement de la théorie des troubles du voisinage dès lors qu'une telle action était vouée à un échec certain en raison des liens contractuels unissant les deux parties qui avaient adhéré à l'Union Leclerc ; qu'en affirmant, pour retenir l'existence d'un motif d'intérêt légitime, que la théorie des troubles du voisinage était applicable aux rapports entre la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et l'EPADESA qui devait répondre des inconvénients anormaux résultant de l'exécution des travaux de rénovation dans les volumes de passage et de passage dont il était propriétaire au sein du centre commercial, à la suite des annonces successives de fermeture du centre commercial, de la fermeture du centre commercial et de l'incertitude sur les projets de restructuration du centre, au lieu de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le principe de non-cumul des deux ordres de responsabilité ne constituait pas un obstacle manifeste au succès de l'action en responsabilité que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE se proposait d'engager contre l'EPADESA en raison des troubles de voisinage dès lors que chacune des parties étaient liées l'une à l'autre par un contrat, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'un motif d'intérêt légitime ; qu'ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard l'article 145 du Code de procédure civile, ensemble l'article 1147 du Code civil et le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui, un trouble anormal de voisinage ;
2. ALORS QU'en s'abstenant de répondre au moyen tiré de ce que le principe de non-cumul des deux ordres de responsabilité interdisait à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE de solliciter une mesure d'instruction in futurum en vue de rechercher la responsabilité de l'EPADESA pour troubles de voisinage dès lors qu'ils avaient tout deux adhéré aux statuts de l'Union Leclerc (conclusions d'appel, p. 11), la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
3. ALORS QUE l'EPADESA a rappelé que l'article 2. 1 du règlement intérieur de l'Union Leclerc prévoit expressément que « les membres doivent souffrir sans indemnité l'exécution des travaux et réparations qui deviendraient nécessaires aux ouvrages d'intérêt collectif ou qui seraient décidés par l'Union Leclerc, quelle qu'en soit la durée » (conclusions d'appel, p. 11) ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles l'EPADESA a soutenu que l'application du règlement intérieur manifeste constituait un obstacle manifeste à l'action en responsabilité pour trouble de voisinage que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE se proposait d'engager à son encontre et qui privait la mesure sollicitée de tout motif légitime au sens de l'article 145 du Code de procédure civile, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
4. ALORS QUE le juge doit respecter et faire respecter le principe du contradictoire ; qu'en relevant de sa propre initiative le moyen tiré de ce que l'EPADESA s'était engagé à indemniser les commerçants lors de la réunion de son conseil d'administration du 5 novembre 2010, aux termes d'un courrier du Préfet des Hauts-de-Seine du 15 novembre 2010, sans inviter les parties à en débattre, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.