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20/03/2013 | FRANCE | N°12-17866

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 mars 2013, 12-17866


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles 11 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble l'article L. 2324-2 du code du travail ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que, le 14 février 2012, la société EDF a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de la désignation de M. X... en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise par le syndicat CFDT Chimie énergie du Val-de-Loire, aux motifs que le syndicat n'avait pas deux élus au comité d'entrepri

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Attendu que, pour rejeter cette demande, le tribunal retient que l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles 11 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble l'article L. 2324-2 du code du travail ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que, le 14 février 2012, la société EDF a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de la désignation de M. X... en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise par le syndicat CFDT Chimie énergie du Val-de-Loire, aux motifs que le syndicat n'avait pas deux élus au comité d'entreprise ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, le tribunal retient que l'article L. 2324-2 du code du travail est contraire aux dispositions des articles 11 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'en effet, selon l'article L. 2323-1 du code du travail, le comité d'entreprise a pour objet d'assurer « une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans des décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de productions. Il formule, à son initiative et examine à la demande de l'employeur, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d'emploi et de formation professionnelle des salariés, leurs conditions de vie dans l'entreprise ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient des garanties collectives complémentaires » ; que le comité d'entreprise permet donc l'expression d'une dualité, celle des élus du personnel et celle des représentants syndicaux, et ce même si ces derniers n'ont que voix consultative, cette voix permettant une expression différente de celle des élus du personnel, susceptible d'influer tout autant sur les décisions du comité que celles de l'employeur qui en fait partie ; qu'en outre, cela permet à un syndicat d'avoir accès à des informations sur la vie de l'entreprise par le biais de son représentant ; que le syndicat qui, tout en participant à la négociation collective, activité fondamentale de la vie de l'entreprise, ne disposerait pas d'un égal accès aux informations communiquées au comité d'entreprise, et n'aurait donc pas la même force de proposition et d'action, serait placé dans une situation d'inégalité tout en étant au sein de l'entreprise aussi représentatif que d'autres ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les articles 11 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales laissent les Etats libres d'organiser leur système de manière à reconnaître, le cas échéant, un statut spécial à certains syndicats en fonction de la nature des prérogatives qui leur sont reconnues ; qu'il en résulte que le choix du législateur de réserver aux seules organisations syndicales ayant des élus la possibilité de désigner un représentant syndical au comité d'entreprise ne méconnaît pas les articles susvisés de la Convention, le tribunal a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 6 avril 2012, entre les parties, par le tribunal d'instance de Bourges ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Annule la désignation de M. X... en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise de la société EDF par le syndicat CFDT Chimie énergie du Val-de-Loire ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour la société EDF
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir écarté l'application de l'article L. 2324-2 du Code du travail comme contraire aux articles 11 et 14 combinés de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rejeté la demande d'annulation de la désignation de Monsieur X... en qualité de représentant syndicat au comité d'établissement EDF à Lere par le Syndicat CFDT Chimie Energie Centre Val de Loire et condamné la société EDF à payer à Monsieur X... et au Syndicat CFDT Chimie Energie Centre Val de Loire la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Aux motifs que, conformément à l'article L.2323-1, le comité d'entreprise a pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production ; qu'il formule à son initiative, et examine, à la demande de l'employeur, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d'emploi et de formation professionnelles des salariés, leurs conditions de vie dans l'entreprise ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires ; que pour exercer l'ensemble de ces attributions, le comité d'entreprise est composé d'élus du personnel tirant leur légitimité de l'élection et représentant les salariés, syndiqués ou non, et de représentants des syndicats, qui portent dans l'entreprise la mission du syndicat auquel ils appartiennent et définie par ses statuts, et qui tirent leur légitimité de cette appartenance et de leur désignation ; que le comité d'entreprise permet donc l'expression d'une dualité, celles des élus du personnel et celle des représentants syndicaux, et ce même si ces derniers n'ont que voix consultative, cette voix permettant une expression différente de celle des élus du personnel, susceptible d'influer tout autant sur les décisions du comité que sur celles de l'employeur qui en fait partie ; qu'en outre, cela permet à un syndicat d'avoir accès à des informations sur la vie de l'entreprise par le biais de son représentant ; que le comité d'entreprise, ou d'établissement, est donc un organe essentiel de coopération entre l'employeur et les salariés dans les domaines énumérés ci-dessus, qui doit être informé et consulté sur les questions intéressant l'entreprise, l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise (article L. 2324-6) ; que pour ce faire, il dispose d'informations étendues ayant trait à la comptabilité de l'entreprise, à l'évolution de la rémunération et de l'emploi dans l'entreprise notamment, et comme corollaire dispose d'un droit d'alerte permettant de solliciter l'employeur quand il a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise ; que c'est à ces informations importantes qu'a donc accès le représentant syndical et son syndicat à travers lui, alors qu'un délégué syndical en entreprise, chargé de la même mission de représentation syndicale que le représentant, n'a accès qu'à une information moindre (article L. 2242-2) ; qu'or en application de l'article L.2324-2, et compte tenu des modalités d'élections professionnelles au sein des entreprises, un syndicat pourrait être représentatif en bénéficiant de 10% des votes et participer ainsi à la négociation collective, qui demeure l'activité naturelle des syndicats en entreprise (article L.2121-1), tout en ne disposant pas de la faculté de désigner un représentant au comité d'entreprise car il n'a eu qu'un élu ou aucun ; que dans ce dernier cas, le syndicat, tout en participant à la négociation collective, activité fondamentale de la vie de l'entreprise, ne disposerait pas d'un égal accès aux informations communiquées au comité d'entreprise, dont on a rappelé l'importance, et n'aurait donc pas la même force de proposition et d'action, ce qui le placerait dans une situation d'inégalité tout en étant au sein de l'entreprise aussi représentatif que d'autres ; qu'ainsi, l'article L.2324-2 crée une inégalité de traitement entre syndicats au sein de l'entreprise et, au-delà, crée un deuxième degré de représentativité, existant en parallèle de la représentativité de 10% de votes, toutes deux étant cependant issues de l'audience électorale ; qu'or si la loi du 20 août 2008 faisait de la représentativité la notion clé pour déterminer les prérogatives des syndicats dits représentatifs, force est de constater que cette loi, ainsi que les travaux préparatoires, n'ont jamais fait référence à une double notion de représentativité, de chacune découlant des conséquences différentes pour les syndicats selon qu'ils sont représentatifs ou non au regard de la notion considérée ; qu'il n'apparaît pas que les objectifs poursuivis par la loi de 2008 justifient la différence de traitement ainsi observée entre syndicats, ni même au-delà les buts légitimes d'une société démocratique poursuivant la pluralité et l'égalité d'expression conformément aux articles 11 et 14 de la CESDH ;
Alors que c'est sans méconnaître les article 11 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors que la loi garantit par ailleurs aux organisations syndicales représentatives appelées à participer à la négociation collective la communication des informations qui leur sont nécessaires dans ce cadre, que l'article L. 2324-2 du Code du travail réserve, dans les entreprises de plus de 300 salariés, aux organisations syndicales ayant obtenu au moins deux élus au comité d'entreprise la possibilité d'y désigner un représentant syndical ; qu'en jugeant le contraire et en refusant d'annuler la désignation d'un tel représentant par une organisation syndicale de disposant que d'un seul élu audit comité, le Tribunal d'instance a violé ces dispositions par fausse application, ensemble l'article L.2324-2 du Code du travail par refus d'application.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-17866
Date de la décision : 20/03/2013
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Bourges, 06 avril 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 mar. 2013, pourvoi n°12-17866


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.17866
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