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20/03/2013 | FRANCE | N°12-17757

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 mars 2013, 12-17757


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte établi le 30 octobre 2000 par François X..., notaire, la société AMI, qui avait pour gérant M. Alain X..., a cédé un fonds de commerce de restauration à la société Pub bar Tessier ; qu'en dépit de la clause de non-concurrence que comportait cet acte, M. Alain X... et la société Alphi, dont il était le gérant et qui est désormais en redressement judiciaire, o

nt fait l'acquisition d'un bar-restaurant situé dans le périmètre géographique c...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte établi le 30 octobre 2000 par François X..., notaire, la société AMI, qui avait pour gérant M. Alain X..., a cédé un fonds de commerce de restauration à la société Pub bar Tessier ; qu'en dépit de la clause de non-concurrence que comportait cet acte, M. Alain X... et la société Alphi, dont il était le gérant et qui est désormais en redressement judiciaire, ont fait l'acquisition d'un bar-restaurant situé dans le périmètre géographique concerné en exécution d'un acte instrumenté par le notaire le 8 novembre 2000, régularisant une promesse sous seing privé établie le 15 septembre précédent ; qu'après avoir été condamnés à indemniser la société Pub bar Tessier (Orléans, 7 février 2008), M. Alain X... et la société Alphi, invoquant un manquement au devoir de conseil, ont engagé une action en responsabilité contre le notaire depuis lors décédé et aux droits de qui se présentent MM. Bertrand et Hugues X... ses héritiers, à laquelle sont volontairement intervenues les sociétés MMA assurance et MMA IARD assurances mutuelles SAMCF ;
Attendu que pour accueillir la demande indemnitaire à hauteur de la condamnation prononcée en faveur de la société Pub bar Tessier et non d'une simple perte de chance, l'arrêt retient que cette condamnation était la conséquence directe de la méconnaissance de la clause de non-concurrence, quand le manquement du notaire à son devoir de conseil était lui-même en lien direct avec le comportement ainsi sanctionné ;
Qu'en se déterminant ainsi, après avoir pourtant retenu que le notaire était en faute pour ne pas avoir appelé l'attention des parties sur les effets de la clause de non-concurrence et pour ne pas leur avoir proposé la suppression ou une modification de cette stipulation, sans rechercher si les parties, dûment informées, auraient de manière certaine accepté la proposition que le notaire aurait dû leur soumettre, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à exclure l'aléa qui s'attachait à la volonté des parties, a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne M. Alain X..., la société Alphi et Mme Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour MM. Bertrand et Hugues X... et les sociétés Mutuelles du Mans assurance et Mutuelle du Mans IARD assurances mutuelles
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Messieurs BERTRAND et Hugues X... et la société MMA à payer à Monsieur Alain X... et à la société ALPHI la somme de 79. 448 euros ;
AUX MOTIFS QUE le fait d'avoir pour client un professionnel rompu aux affaires ne dispense nullement le notaire de son obligation d'information et de conseil qui doit l'amener à éclairer totalement les parties à l'acte de façon à conférer à ce dernier un maximum d'efficacité ; qu'il est constant que François X... assistait son cousin Alain X... lors de la passation de l'acte authentique de cession du fonds de commerce LA TASCA le 8 novembre 2000 ; qu'il connaissait donc l'installation future de la société ALPHI et d'Alain X... dans le périmètre interdit par la clause de non-rétablissement qu'il avait lui-même insérée dans l'acte de cession du 30 octobre 2000, dressé une semaine auparavant, en faveur de la société PUB BAR TESSIER ; que les appelants ne démontrent nullement que François X... a attiré l'attention de la société ALPHI et d'Alain X... sur les risques que comportait pour eux la clause de non-rétablissement alors qu'il savait que le fonds de commerce LA TASCA était exploité dans le périmètre interdit et le fait qu'Alain X... soit rompu aux affaires et ait, par le passé, signé des actes comportant une clause de non-rétablissement similaire ne dispensaient nullement le notaire de son obligation ; que, d'ailleurs, compte tenu des dates de signatures et de l'antériorité du compromis par rapport à la cession à la société PUB BAR TESSIER, Alain X... pouvait s'interroger sur le point de savoir si la clause s'appliquait à l'exploitation de LA TASCA ; que le notaire devait mentionner dans son acte les conséquences de cette clause et prévoir une parfaite information des parties en proposant, le cas échéant, de supprimer la clause, d'en modifier la teneur ou de prévoir une dérogation en fonction des circonstances et de volonté des parties ; qu'en ne le faisant pas, il a commis une faute indéniable car s'il ne pouvait, en effet, interdire à Alain X... de violer ladite clause, il devait, pour le moins, tirer les conséquences, dans l'acte qu'il rédigeait, de sa connaissance de l'interdiction de se rétablir faite au cédant ; que le préjudice a été subi exclusivement par la société ALPHI et Alain X... puisque la société ALJEF, elle aussi visée par les faits de concurrence interdite, est dissoute depuis le 9 février 2004 et ne pourra donc pas exécuter l'arrêt de la Cour d'appel d'ORLEANS du 7 février 2008 ; que ce préjudice, comme le relève à bon droit le Tribunal, n'est pas une simple perte de chance, mais est du montant précis de la condamnation prononcée contre la société ALPHI et Alain X... ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE suivant acte authentique reçu par François X... le 30 octobre 2000, la société AMI dont le gérant était Alain X... vendit à la société PUB BAR TESSIER son fonds de commerce de café bar sis à TOURS 108 rue du Commerce connu sous le nom commercial LE BOUCHON, ainsi que le droit au bail y attaché pour le prix d'un million trois cent mille francs, que cet acte précisait à la page 23 que la société AMI s'interdisait formellement de se rétablir ou de s'intéresser de façon directe ou indirecte, même comme associée commanditaire ou salariée, dans un fonds similaire en tout ou en partie à celui vendu, à peine de dommages et intérêts envers le cessionnaire ou de ses ayants-cause, et sans préjudice du droit qu'aurait ce dernier de faire cesser cette contravention sans délai, que cette clause précisait ensuite que cette interdiction se poursuivrait pendant un délai de quatre années à compter de l'entrée en jouissance du cessionnaire, et enfin qu'elle s'appliquerait dans un rectangle défini par les rues Marceau, des Halles, Bretonneau et des Tanneurs, attendu que huit jours plus tard, soit le 8 novembre 2000, les notaires Z... et François X... recevaient en l'office du premier la cession par la société LA TASCA de son fonds de commerce de bar café restaurant situé 16 Place du Grand Marché à TOURS, soit dans le périmètre d'interdiction de rétablissement défini à l'acte du 30 octobre à la société ALPHI, créée par acte sous seing privé du 30 octobre 2000 par Alain X... (et immatriculée le 6 novembre 2000 au registre du Commerce), attendu que cet acte authentique de cession de fonds de commerce faisait suite à un compromis conclu directement le 15 septembre 2000 entre la société LA TASCA et la société ALPHI en cours de constitution représentée par Alain X..., que ce compromis prévoyait en page 10 qu'il serait régularisé par acte authentique par la SCP B...-A...-Z..., notaires à TOURS, avec la participation de François X..., notaire à MONLOUIS SUR LOIRE que François X..., qui ne le dénie pas, était donc complètement informé de l'intention d'Alain X... au travers d'une société en cours de constitution, d'acquérir un fonds de commerce de bar café restaurant bien avant qu'il ne reçoive l'acte de vente du fonds de commerce de la société AMI à la société PUB TESSIER ; qu'il lui appartenait ainsi, connaissant le 30 octobre 2000 l'intention d'Alain X... de se rétablir dans le secteur visé par la clause ci-dessus reproduite, d'attirer l'attention des parties, et notamment Alain X..., sur le fait que cela lui serait interdit, ou de modifier la clause en cause de manière à autoriser ce rétablissement particulier, que force est de constater que François X... n'établir nullement avoir attiré l'attention d'Alain X... sur la portée de la clause et à son application aux sociétés dirigées directement ou indirectement par celui-ci, étant observé par ailleurs qu'il est inopérant de prétendre sans aucune preuve que celle-ci fut acceptée en toute connaissance de cause par le demandeur, les compétences personnelles et en particulier son expérience commerciale n'étant pas de nature à décharger le notaire de son devoir de conseil, que François X... n'établit pas plus que le compromis de vente du fonds de commerce du café LE BOUCHON ait contenu la clause de non rétablissement litigieuse et que ce compromis ait en définitive été parfait avant même sa réitération par acte authentique, que François X... a ainsi manqué à son devoir de conseil et devra réparer conformément à l'article 1382 du Code civil les conséquences de sa faute, attendu qu'ensuite de la violation par Alain X... et les sociétés ALPHI et ALJEF, la Cour d'appel d'ORLEANS, par arrêt du 7 février 2008, a condamné in solidum Alain X... et les sociétés ALPHI et ALJEF à payer à la société PUB BAR TESSIER la somme de 79. 448 euros à titre de dommages et intérêts, que cette condamnation est la conséquence directe du manquement d'Alain X... et des sociétés ALPHI et ALJEF à l'interdiction qui pesait sur eux d'avoir une activité identique en tout ou en partie à celle cédée à la société PUB BAR TESSIER, que le manquement de François X... à son devoir de conseil et de mise en garde lors de l'établissement de l'acte de cession du fonds de commerce du 30 octobre 2000 est ainsi en lien direct avec le comportement d'Alain X... et de la société ALPHI, et par suite avec le préjudice subi par ces derniers, et attendu que la société ALJEF qui avait aussi enfreint l'interdiction de rétablissement sus évoquée a été dissoute le 9 février 2004 et radiée du Registre du Commerce à la même date par suite de la clôture de sa liquidation, comme il en résulte d'un extrait du registre du Commerce et des Sociétés délivré le 23 août 2010 (pièce 12 des demandeurs), de sorte qu'Alain X... et la société ALPHI, en redressement judiciaire, sont désormais les seuls débiteurs de la société PUB BAR TESSIER ainsi qu'il s'évince d'une lettre de la société civile professionnelle d'Huissiers de Justice BOUGET-LAUNAY ;
1°) ALORS QU'un manquement à un devoir de conseil ne peut être la cause d'un dommage que s'il est établi que mieux informé son créancier y aurait échappé ; qu'en se contentant de relever, pour condamner le notaire à indemniser Monsieur X... et la société ALPHI de la condamnation qu'ils avaient encourue pour avoir méconnu la clause de nonconcurrence insérée dans l'acte du 30 octobre, que l'officier ministériel aurait dû attirer l'attention du cédant sur la portée de cette clause, la modifier ou prévoir une dérogation à l'interdiction qu'elle prévoyait, sans rechercher si le bénéficiaire de cette clause aurait accepté de renoncer à une telle clause essentielle et nécessaire à l'équilibre de toute cession de fonds de commerce, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regarde l'article 1382 du Code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, la disparition d'une éventualité favorable s'analyse en une simple perte de chance ; qu'en relevant que le « préjudice … n'était pas une simple perte de chance mais était du montant précis de la condamnation prononcée contre la société ALPHI et Alain X... », bien qu'il n'ait pas été établi que Monsieur Alain X... aurait pu, de manière certaine, faire supprimer la clause de non rétablissement, ou, à tout le moins, la faire modifier de manière favorable, la Cour d'appel a, ce faisant, violé l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-17757
Date de la décision : 20/03/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 06 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 mar. 2013, pourvoi n°12-17757


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.17757
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