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19/03/2013 | FRANCE | N°11-23155

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 mars 2013, 11-23155


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 20 juin 2011), que la Société civile d'Investissements financiers et immobiliers (la société) est propriétaire d'un immeuble donné à bail à une personne morale qui y exploite un fonds d'hôtel-restaurant ; que les associés, réunis en assemblée le 26 décembre 2007 ont décidé, à l'unanimité, de vendre l'immeuble pour un prix non inférieur à un certain montant ; qu'ils ont en outre décidé, également à l'unanimité, qu'il serait procÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 20 juin 2011), que la Société civile d'Investissements financiers et immobiliers (la société) est propriétaire d'un immeuble donné à bail à une personne morale qui y exploite un fonds d'hôtel-restaurant ; que les associés, réunis en assemblée le 26 décembre 2007 ont décidé, à l'unanimité, de vendre l'immeuble pour un prix non inférieur à un certain montant ; qu'ils ont en outre décidé, également à l'unanimité, qu'il serait procédé, après réalisation de la vente et paiement des dettes sociales, au « partage de l'actif » qui en résulterait selon des modalités déterminées, dérogatoires aux statuts ; qu'une nouvelle assemblée ayant été convoquée pour le 29 février 2008, les associés ont décidé, à la majorité prévue par les statuts, « d'annuler » ces décisions et de verser aux associés une certaine somme à titre d'acompte sur le résultat de l'exercice ; que faisant notamment valoir que les associés avaient un droit acquis à ce que les bénéfices devant résulter de la vente de l'immeuble soient répartis conformément aux délibérations adoptées le 26 décembre 2007, Mme X... et cinq autres personnes physiques, ainsi que la société Univers développement (les associés minoritaires), ont fait assigner M. Y... et huit autres personnes physiques (les associés majoritaires), ainsi que la société, aux fins d'annulation des décisions prises par l'assemblée du 29 février 2008 ;
Attendu que les associés majoritaires et la société font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen :
1°/ qu'une décision d'assemblée générale prise à la majorité statutaire peut revenir sur une décision antérieure, dès lors que cette dernière n'a pas fait naître de droit acquis au profit d'un ou plusieurs associés ; que le droit acquis des associés aux dividendes résulte de l'approbation des comptes de l'exercice par l'assemblée générale, la constatation par celle-ci de l'existence de sommes distribuables et la détermination de la part qui est attribuée à chaque associé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la décision du 26 décembre 2007 relative à la répartition du produit de la vente d'un immeuble appartenant à la société SCIFI avait été votée en même temps que la décision de vendre ledit immeuble ; qu'il en résultait que la délibération litigieuse portait sur la répartition de dividendes simplement éventuels, laquelle pouvait dès lors être rapportée à la majorité statutaire en l'absence d'approbation des comptes de l'exercice par l'assemblée générale et de la constatation par celle-ci de l'existence de sommes distribuables, comme le soutenaient la société et les associés majoritaires ; qu'en prononçant la nullité de la délibération du 29 février 2008 comme revenant, à la majorité statutaire et non à l'unanimité, sur la répartition du produit de la vente décidée le 26 décembre 2007, sans constater qu'au 29 février 2008, les comptes de résultat avaient été approuvés par l'assemblée générale constatant l'existence de sommes distribuables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1836, alinéa 2, 1844-1 et 1852 du code civil ;
2°/ qu'à supposer même qu'une assemblée générale ne puisse revenir, à la majorité statutaire, sur une précédente décision prise à l'unanimité qu'à la condition que cette dernière n'ait reçu aucun commencement d'exécution, ce commencement d'exécution ne saurait consister, s'agissant d'une décision de répartitions de dividendes, que dans la mise en paiement de ces derniers ; que pour dire que la répartition inégalitaire du prix de vente de l'immeuble de la société SCIFI, décidée par une délibération unanime du 26 décembre 2007, ne pouvait être remise en cause par la délibération, prise à la majorité statutaire, du 29 février 2008, la cour d'appel a retenu qu'elle était indivisible de la décision de vendre l'immeuble, laquelle avait reçu un commencement d'exécution puisque la vente avait été conclue le 14 février 2008 ; qu'en déduisant cette indivisibilité de la seule circonstance que ces délibérations du 26 décembre 2007 avaient été « votées après échanges de vues, d'observations et d'explications, notamment relatives au partage de l'actif », circonstance qui n'établissait nullement que les associés aient entendu faire de la répartition inégalitaire du produit de la vente une condition de leur accord à la vente elle-même, la cour d'appel, qui n'a pas suffisamment caractérisé l'existence d'une prétendue indivisibilité entre les première et troisième délibérations du 26 décembre 2007, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1852 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir estimé, par une appréciation souveraine du sens et de la portée des termes du procès-verbal de l'assemblée des associés du 26 décembre 2007, que la décision de vendre l'immeuble appartenant à la société avait été prise en considération de l'accord concomitamment conclu sur une répartition du produit de la cession selon des modalités différentes de celles prévues par les statuts, ce dont elle a pu déduire que ces décisions étaient indivisibles, la cour d'appel a constaté que la vente de l'immeuble, intervenue le 14 février 2008, constituait un commencement d'exécution de ces délibérations ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas dit que les associés avaient un droit acquis à des dividendes qui n'avaient pas d'existence juridique lors de l'assemblée du 26 décembre 2007, mais seulement à la mise en oeuvre des modalités de répartition applicables aux bénéfices qui seraient constatés à la suite de la cession de l'immeuble décidée par cette assemblée, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société civile d'Investissements financiers et immobiliers, MM. Z... et Philippe Y..., Mme Christine Y..., MM. A... et B..., Mmes Janine et Huguette D..., et Mmes Anne-Marie et Jacqueline E..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer la somme globale de 2 500 euros à Mmes Marie-Pierre, Isabelle et Anne-Marie X..., MM. Philippe X... et L..., Mme G... et à la société Univers développement ; rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la Société civile d'investissements financiers et immobiliers, MM. Z... et Philippe Y..., Mme Christine Y..., MM. A... et B..., Mmes Janine et Huguette D..., et Mmes Anne-Marie et Jacqueline E...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé les délibérations numéros TROIS et CINQ de l'assemblée générale de la société civile d'Investissements Financiers et Immobiliers du 29 février 2008 et dit, en conséquence, que les résolutions TROIS et QUATRE de l'assemblée générale du 26 décembre 2007 recevront pleine et entière exécution ;
AUX MOTIFS QUE « la résolution numéro 3 était ainsi rédigée : « L'assemblée générale décide qu'après réalisation de la vente susvisée, il sera procédé comme indiqué ci-dessous au partage de l'actif résultant de cette vente, au plus tard le 28 février 2008, après paiement de toutes dettes sociales, notamment le remboursement des comptes courants d'associés, et nonobstant toute disposition contraire des statuts auxquels ils déclarent expressément déroger, la répartition ci-dessous arrêtée correspondant exactement à la résultante de leurs participations respectives dans la société à la date de ladite vente, d'une part, et d'un ensemble d'engagements et rapports d'affaires liés à cette participation et dont ils ont parfaite connaissance, d'autre part :- Madame Huguette I... : 674. 593 €- Monsieur Z...
Y... : 318. 924 €- Madame Janine Y... : 628. 311 €- Monsieur Philippe Y... : 591. 566 €- Madame Christine Y...
J... : 591. 566 €- Indivision X... : 284. 438 €- Monsieur Gérard B... : 288. 000 €- Monsieur Michel A... : 142. 000 €- EURL L'UNIVERS DEVELOPPEMENT : le solde » Que, aux termes de la quatrième résolution, adoptée, comme la précédente, à l'unanimité, « les associés déclarent que l'application de la résolution qui précède aura pour effet de les satisfaire valablement de tous engagements et rapports d'affaires qu'elle vise, et qu'ils en seront ainsi mutuellement et définitivement libéré dès la liquidation de ladite répartition ». Que les intimés soulèvent la nullité de ces deux délibérations, aux motifs qu'elles comporteraient une répartition des bénéfices sociaux contraires aux statuts et qu'elles auraient été adoptées par fraude ; Sur le premier point, que l'article 1844-9 du Code civil permet de déroger au principe d'un partage du boni de liquidation, proportionnel à la participation des associés dans le capital social, puisqu'il est expressément stipulé « sauf clause ou convention contraire » ;

Qu'il en va de même, a fortiori, des modalités de répartition des dividendes, les associés ayant parfaitement le droit, par une convention adoptée à l'unanimité, de prévoir que les bénéfices sociaux seront répartis entre eux dans des proportions différentes de celles instituées par les statuts ; Que l'article 1854 du Code civil dispose, en effet, que les décisions collectives peuvent résulter du consentement de tous les associés exprimé dans un acte ; Que les associés ont ainsi, en l'occurrence, valablement décidé, par un vote à l'unanimité, d'un mode de répartition de l'actif à résulter de la cession différent de celui prévu aux statuts, auxquels ils ont expressément indiqué vouloir déroger ; Par ailleurs qu'il résulte de l'article 1844-10 du Code civil que la nullité des délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du titre IX du livre III du Code civil, relatif aux sociétés, ou des règles de validité du contrat ; Qu'il s'en déduit que le non-respect des stipulations des statuts n'est pas sanctionné par la nullité ; (…) Que le moyen tenant à la nullité des résolutions 3 et 4 de l'assemblée générale du 26 décembre 2007 n'est pas fondé et doit être rejeté ; Que, non seulement les délibérations dont s'agit sont parfaitement valables, mais qu'elles sont, en outre, unies entre elles par un lien d'indivisibilité ; Qu'il résulte en effet des termes mêmes du procès-verbal d'assemblée générale précité qu'elles ont été votées « après échanges de vues, d'observations et d'explications, notamment relatives au partage de l'actif » ; Qu'il s'en déduit indiscutablement que la décision de vendre l'immeuble, propriété de SCIFI, a été acceptée en considération de l'accord concomitamment conclu sur la répartition de l'actif, de sorte que les délibérations adoptées sont indissociables ; Que la vente intervenue le 14 février 2008 constitue un commencement d'exécution des décisions, indivisibles, adoptées lors de l'assemblée générale du 26 décembre 2007 ; Que la délibération contenant répartition du prix de cession, devenue définitive par suite de ce commencement d'exécution, a fait naître un droit acquis au profit de chaque associé, en l'occurrence un droit de créance entré dans son patrimoine ; Qu'une telle décision ne pouvait être rapportée que par un autre vote pris à l'unanimité des associés ; Que, en revenant, lors de l'assemblée générale du 29 février 2008, sur les décisions prises le 26 décembre 2007 par un simple vote à la majorité, l'assemblée générale de la SCIFI a porté atteinte aux droits acquis de ses associés ; Qu'il s'ensuit que les délibérations numéros 3, annulant les 3ème et 4ème résolutions de l'assemblée générale du 26 décembre 2007, et 5, décidant d'une répartition des dividendes différente de celle précédemment adoptée, sont entachées de nullité ; Qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris et de dire que les 3ème et 4ème résolutions de l'assemblée générale du 26 décembre 2007 recevront application » ;
1°/ ALORS QU'une décision d'assemblée générale prise à la majorité statutaire peut revenir sur une décision antérieure, dès lors que cette dernière n'a pas fait naître de droit acquis au profit d'un ou plusieurs associés ; que le droit acquis des associés aux dividendes résulte de l'approbation des comptes de l'exercice par l'assemblée générale, la constatation par celle-ci de l'existence de sommes distribuables et la détermination de la part qui est attribuée à chaque associé ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que la décision du 26 décembre 2007 relative à la répartition du produit de la vente d'un immeuble appartenant à la société SCIFI avait été votée en même temps que la décision de vendre ledit immeuble ; qu'il en résultait que la délibération litigieuse portait sur la répartition de dividendes simplement éventuels, laquelle pouvait dès lors être rapportée à la majorité statutaire en l'absence d'approbation des comptes de l'exercice par l'assemblée générale et de la constatation par celle-ci de l'existence de sommes distribuables, comme le soutenaient les exposants (cf. conclusions d'appel, p. 11, § 7 et s.) ; qu'en prononçant la nullité de la délibération du 29 février 2008 comme revenant, à la majorité statutaire et non à l'unanimité, sur la répartition du produit de la vente décidée le 26 décembre 2007, sans constater qu'au 29 février 2008, les comptes de résultat avaient été approuvés par l'assemblée générale constatant l'existence de sommes distribuables, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1836 alinéa 2, 1844-1 et 1852 du Code civil ;
2°/ ET ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QU'à supposer même qu'une assemblée générale ne puisse revenir, à la majorité statutaire, sur une précédente décision prise à l'unanimité qu'à la condition que cette dernière n'ait reçu aucun commencement d'exécution, ce commencement d'exécution ne saurait consister, s'agissant d'une décision de répartitions de dividendes, que dans la mise en paiement de ces derniers ; que pour dire que la répartition inégalitaire du prix de vente de l'immeuble de la société SCIFI, décidée par une délibération unanime du 26 décembre 2007, ne pouvait être remise en cause par la délibération, prise à la majorité statutaire, du 29 février 2008, la Cour d'appel a retenu qu'elle était indivisible de la décision de vendre l'immeuble, laquelle avait reçu un commencement d'exécution puisque la vente avait été conclue le 14 février 2008 ; qu'en déduisant cette indivisibilité de la seule circonstance que ces délibérations du 26 décembre 2007 avaient été « votées après échanges de vues, d'observations et d'explications, notamment relatives au partage de l'actif », circonstance qui n'établissait nullement que les associés aient entendu faire de la répartition inégalitaire du produit de la vente une condition de leur accord à la vente elle-même, la Cour d'appel, qui n'a pas suffisamment caractérisé l'existence d'une prétendue indivisibilité entre les première et troisième délibérations du 26 décembre 2007, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1852 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-23155
Date de la décision : 19/03/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOCIETE CIVILE - Associés - Décisions collectives - Effets - Rapport d'une décision antérieure - Limite - Droit acquis par un ou plusieurs associés

Le pouvoir souverain dont dispose l'assemblée des associés, lui permettant de revenir, à la majorité requise, sur une décision collective antérieure, trouve une limite dans le cas où la première décision a fait naître un droit acquis au profit d'un ou plusieurs associés


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 20 juin 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 mar. 2013, pourvoi n°11-23155, Bull. civ. 2013, IV, n° 43
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, IV, n° 43

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Rapporteur ?: M. Le Dauphin
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.23155
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