LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis, pris en leurs diverses branches, ci-après annexés :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2012), que le 14 novembre 2001 a été conclu entre l'Etat du Cameroun et la société de droit camerounais Projet pilote Garoube, devenue ultérieurement de droit belge et dont le siège a été transféré en Belgique, un contrat d'affermage portant sur un élevage de faune sauvage dans une zone protégée d'intérêt cynégétique de 40 000 hectares au Nord du Cameroun, et contenant une clause d'arbitrage ; que la société, invoquant la résiliation abusive de la convention d'affermage et les entraves mises par l'Etat du Cameroun à l'évaluation de son fonds de commerce et de ses actifs, a, le 13 novembre 2007, introduit auprès de la Chambre de commerce international une demande d'arbitrage ; que par une sentence partielle rendue à Paris le 16 février 2010, un tribunal arbitral a admis la continuité de la personnalité juridique de la société, retenu sa compétence, condamné l'Etat du Cameroun à payer à celle-ci une certaine somme au titre des frais exposés à ce stade de la procédure et renvoyé les débats au fond à une audience ultérieure ; que le 27 septembre 2010, le tribunal arbitral composé à l'identique, a rendu un « addendum » à la sentence partielle du 16 février 2010 augmentant la somme mise à la charge de l'Etat du Cameroun ; que ce dernier a formé un recours en annulation contre les deux sentences ;
Attendu que la société Projet Pilote Garoube fait grief à l'arrêt d'annuler la sentence arbitrale du 16 février 2010 ainsi que l'addendum du 27 septembre 2010 ;
Attendu que l'arrêt constate, en premier lieu, que dans une lettre du 28 juillet 2010, la société Projet pilote Garoube a demandé à la Cour internationale d'arbitrage de remplacer le président du tribunal arbitral, dont il contestait la capacité à mener l'instruction de la cause dans des délais raisonnables, et de surseoir à toute nouvelle provision à sa charge ; en second lieu, que dans une lettre du 2 août 2010 adressée à la cour d'appel, M. X..., arbitre nommé par la société Projet pilote Garoube, alléguait l'existence d'un déséquilibre flagrant entre les deux parties au motif que l'Etat du Cameroun, dans une situation de supériorité manifeste, disposait de moyens considérables sur les plans financier, administratif et juridique, quand la société était une petite ou moyenne entreprise, puis relayait la demande formée par celle-ci le 28 juillet 2010 relative à la charge des provisions, ensuite proposait d'inviter l'Etat du Cameroun à verser sa quote-part de l'avance des frais destinés à couvrir les honoraires et débours des arbitres et d'autoriser la société Projet pilote Garoube à surseoir à statuer au paiement de la sienne jusqu'au prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, enfin imputait à l'Etat du Cameroun les retards dans la procédure ; en troisième lieu, que la Cour internationale d'arbitrage ayant récusé M. X... et fixé le 1er septembre 2011 ses honoraires, la société Projet pilote Garoube, qui n'avait cessé de formuler des objections aux demandes d'avances sur les frais d'arbitrage, a, par lettre du 6 septembre 2011, sollicité l'augmentation des honoraires pour la période allant de la date de la sentence partielle jusqu'au 1er septembre 2011, c'est à dire pour la période pendant laquelle M. X... a exercé sa fonction d'arbitre ; qu'après avoir constaté que les lenteurs de l'instance arbitrale n'étaient pas imputables à l'Etat du Cameroun et avoir confronté ces trois lettres, en retenant que le parti-pris dont témoigne la lettre de M. X... et l'empressement de la société Projet pilote Garoube à favoriser les intérêts matériels de l'arbitre qu'elle avait choisie, étaient révélateurs des liens qui les unissaient, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, hors dénaturation et sans méconnaître le principe de la contradiction, que la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder aux recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a estimé que cet arbitre ayant manqué à ses obligations d'indépendance et d'impartialité, la composition du tribunal arbitral était irrégulière, de sorte que la sentence du 16 février 2010 devait être annulée ;
Et attendu qu'en retenant que l'annulation de cette sentence emporte par voie de conséquence celle de l'addendum rendu par la même formation et ayant pour objet de l'interpréter et de la modifier, la cour d'appel qui n'avait pas à procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, l'a annulé à bon droit ; que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Projet pilote Garoube aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à l'Etat du Cameroun la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la société Projet pilote Garoube.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a annulé la sentence du 16 février 2010 et la sentence du 27 septembre 2010 ;
AUX MOTIFS QUE « que si tout grief invoqué à l'encontre d'une sentence au titre de l'article 1502 2° du code de procédure civile doit, pour être recevable devant le juge de l'annulation, avoir été soulevé, chaque fois que cela est possible, au cours de la procédure d'arbitrage, l'ignorance d'une cause de récusation pendant cette procédure ne saurait avoir pour effet de priver une partie de la faculté de l'invoquer ultérieurement devant le juge de la régularité de la sentence auquel appartient le contrôle de l'exigence d'indépendance et d'impartialité des arbitres, nonobstant les règles procédurales de récusation fixées, le cas échéant, par règlement d'arbitrage ; que l'indépendance d'esprit est indispensable à l'exercice du pouvoir juridictionnel, quel qu'en soit la source, et qu'elle est l'une des qualités essentielles des arbitres ; qu'en l'espèce, GAROUBE a adressé le 28 juillet 2010 à la Cour internationale d'arbitrage une lettre qui, d'une part, contestait la capacité du président du tribunal arbitral à instruire la cause dans des délais raisonnables et sollicitait son remplacement, d'autre part, demandait qu'il soit sursis à toute décision de nouvelle provision à sa charge ; que la Cour internationale d'arbitrage a invité les membres du tribunal arbitral à formuler leurs observations sur cette lettre ; que M. Z..., arbitre désigné par le CAMEROUN, s'est borné à constater que les longueurs de la procédure étaient imputables aux nombreux incidents provoqués par les parties et qu'elles justifiaient la fixation d'une provision complémentaire qui devait être imputée conformément aux prévisions du règlement d'arbitrage ; que, pour sa part, M. X..., arbitre choisi par GAROUBE, s'est exprimé dans les termes suivants dans une lettre du 2 août 2010 : " Le tribunal arbitral doit veiller en l'espèce : à l'égalité des armes, le déséquilibre entre les deux parties étant flagrant : d'un côté, un Etat qui dispose de moyens considérables sur les plans financier, administratif et juridique, de l'autre une petite ou moyenne entreprise, à l'accomplissement des actes de la procédure dans les délais impartis. Sur le premier point, le fait que le défendeur soit un Etat le place, par rapport à son contradicteur, dans une situation non pas plus difficile que celle d'un opérateur commercial, mais au contraire de supériorité manifeste : l'Etat du CAMEROUN dispose, comme le tribunal arbitral a pu le constater, d'un nombre important de juristes qualifiés qui connaissent parfaitement le dossier et d'agents susceptibles de procéder à toute sortes d'investigations et de constatations. Sur le second point, par ordonnance de procédure n° 7 en date du 5 mai 2010, le tribunal arbitral a invité les deux parties à conclure au fond le 15 juin 2010. A ce stade de la procédure, le défendeur n'avait donc pas à'répondre'aux conclusions de la demanderesse, mais à exposer les arguments et les moyens dont il entend se prévaloir à l'appui de ses prétentions, les deux parties étant informées de longue date des données du litige. La demanderesse a exécuté cette décision au plus tard le 23 juin 2010, si l'on ne tient pas compte de la date de dépôt le 15 juin 2010 d'un mémoire qu'elle a ultérieurement retiré, tandis que le défendeur a sollicité'un délai au 15 octobre prochain pour déposer son mémoire en réponse'. Deux années d'une procédure émaillée de nombreux incidents ont été nécessaires pour aboutir à une sentence partielle en date du 16 février 2010 qui a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le défendeur, contre laquelle ce dernier a formé un recours en annulation actuellement pendant devant la cour d'appel de Paris. Le défendeur s'est abstenu pendant deux ans de se prononcer sur le fond et n'a soulevé que des moyens de procédure. La demande de délai du défendeur pour déposer son mémoire au fond a provoqué un nouvel allongement de la procédure de plusieurs mois, qui va immanquablement compliquer encore le déroulement de celle-ci. H – AVIS 1- Il est certain qu'il convient de mettre rapidement un terme aux errements que connaît cet arbitrage. 2- Le tribunal arbitral a demandé à la Cour internationale d'arbitrage d'inviter le défendeur à communiquer ses conclusions dans le recours en annulation afin notamment de permettre au tribunal arbitral qui a l'obligation d'instruire complètement et objectivement le procès, de déterminer la connaissance que le nouveau conseil du défendeur pouvait avoir de cette affaire lorsqu'il a sollicité un délai de quatre mois pour le dépôt de ses conclusions. Il y a donc lieu de rappeler cette demande au défendeur, de l'inviter à faire connaître à la Cour s'il a déposé ses conclusions dans le recours en annulation et dans l'affirmative, à les communiquer d'urgence. 3- Il résulte indiscutablement du courrier échangé les 2, 9, 15 et 16 juillet 2010 par le conseil de la demanderesse et le président du tribunal arbitral, courrier qui a été régulièrement communiqué au conseil du défendeur et aux autres membres du tribunal arbitral que 7e tribunal arbitral, s'il se déclare compétent par première sentence partielle, statuera dans une seconde sentence partielle sur le principe de la responsabilité de la rupture du contrat, de même que sur la qualification de cette rupture et sur les composantes du préjudice'. Ces dispositions qui sont d'ailleurs d'un usage courant, font partie intégrante de l'acte de mission et doivent sortir leur plein et entier effet. 4- La demande d'avance complémentaire sur frais destinée à couvrir les honoraires et les débours qui seront dus aux arbitres, est pleinement justifiée. Si la Cour internationale d'arbitrage ne pouvait pas, en application du règlement, mettre à la charge du défendeur la totalité de cette avance, compte tenu de ce que la condamnation, par la sentence partielle du 10 février 2010 de l'Etat du CAMEROUN à payer à la demanderesse la somme de 155 990 euros, n'a pas été exécutée, en l'absence d'exécution provisoire et si cette avance devait incomber aux deux parties à parts égales, il apparaîtrait équitable, au vu de ce qui précède, d'inviter le défendeur à verser sa quote-part et d'autoriser la demanderesse à surseoir au paiement de la sienne jusqu'au prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, à intervenir dans le recours en annulation ; que cet exposé des faits, qui impute au CAMEROUN les lenteurs de l'instance arbitrale, est démenti par l'examen objectifs des vicissitudes de la procédure ; qu'il résulte, en effet, des énonciations de la sentence que le tribunal arbitral ayant été constitué le 15 avril 2008, GAROUBE a, dès le mois de mai 2008, pris l'initiative de demander aux arbitres de trancher le litige en deux phases et non pas en une seule sentence (§ 17) ; qu'elle a changé une première fois d'avocat en juin 2008 (§ 22) puis en décembre 2008 (§ 17), qu'en janvier 2009, elle a demandé la récusation du président du tribunal au motif qu'il tutoyait l'arbitre Y... (§ 59) à la suite de quoi ce dernier a démissionné et a été remplacé par M. Z... (§ 66), enfin que si le Cameroun a déposé ses conclusions avec retard, GAROUBE a multiplié les transmissions d'écritures et de pièces non sollicitées et hors délais (§ 18, 42, 57, 76 et 79) ; qu'à la suite de la décision de GAROUBE de se faire assister d'un nouveau Conseil, Me Lantourne, et de la déclaration d'indépendance complémentaire souscrite à cette occasion par M. X... le 25mai 2011, la Cour internationale d'arbitrage a, par une décision non motivée en date du 28 juillet 2011, accueilli la demande de récusation de M. X... présentée par le Cameroun ; que le 1er septembre 2011, les honoraires de M. X... ont été fixés par la Cour internationale d'arbitrage à 23 000 $ ; que GAROUBE, qui n'avait jusqu'alors cessé de formuler des objections aux demandes de versement d'avances sur les frais d'arbitrage, à, par une lettre du 6 septembre 2011, sollicité l'augmentation du montant des honoraires pour la période allant de la date de la sentence partielle jusqu'au 1er septembre 2011 ; qu'une telle demande ne pouvait avoir d'autre part que l'accroissement de la part revenant à M. X..., écarté de la procédure à cette date ; que le parti pris dont témoigne le courrier de M. X... du 2 août 2010 et l'empressement de GAROUBE à favoriser les intérêts matériels de l'arbitre qu'elle avait choisi sont de nature à faire naître dans l'esprit du CAMEROUN un doute légitime sur l'indépendance et l'impartialité de ce dernier, peu important, à cet égard le sentiment exprimé par le président relativement à l'impartialité des deux autres membres du tribunal arbitral ; que si la lettre de Monsieur X... du 2 août 2010 et celle de GAROUBE du 6 septembre 2011 sont postérieures à la sentence attaquée, elles sont révélatrices de liens préexistants qui justifient qu'elles soient prises en considération pour l'appréciation de la validité de cette sentence ; qu'enfin la procédure ayant été engagée devant une formation de trois arbitres, celui dont la partialité est suspectée a pu exercer son influence tant sur les conditions de déroulement de l'instance que sur l'opinion de ses collègues au cours du délibéré ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'efficacité juridique de la sentence n'est pas subordonnée à l'accord de tous les arbitres et qu'elle pourrait résulter de la seule signature du président est inopérant ; qu'il résulte de tout ce qui précède que la sentence partielle doit être annulée pour irrégularité de la composition du tribunal arbitral ; considérant que l'annulation de la sentence emporte par voie de conséquence celle de l'addendum – rendu par la même formation-qui a pour objet de l'interpréter et de la modifier " ;
ALORS QUE, premièrement, à aucun moment, le CAMEROUN n'a soutenu que les appréciations de M. X..., quant aux retards affectant la procédure, et quant à l'imputabilité de ces derniers à l'une ou l'autre des deux parties, révélaient un défaut d'impartialité ou d'indépendance ; qu'en se fondant néanmoins sur les énonciations de la lettre du 2 août 2010, relatives aux retards affectant la procédure et à leur origine, les juges du fond ont violé le principe du contradictoire et l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en toute hypothèse, une sentence arbitrale ne peut être annulée pour irrégularité de la composition du tribunal à raison d'un éventuel défaut d'impartialité d'un arbitre dès lors que la partie invoquant le défaut d'impartialité connaissait, au cours de la procédure arbitrale, le fait fondant son grief et n'a pas usé de son droit de récuser l'arbitre ; qu'en l'espèce pour considérer qu'il y avait défaut d'impartialité, les juges du fond ont fait état d'une lettre du 2 août 2010 adressée par l'un des arbitres à la Cour internationale d'arbitrage, à la suite d'une demande qui a été faite par la première aux seconds, sachant que ces échanges sont systématiquement communiqués aux parties (article 3 du règlement d'arbitrage de la CCI) ; qu'en s'abstenant de vérifier si, la seconde sentence ayant été rendu le 27 septembre 2010, l'Etat du CAMEROUN était recevable à invoquer le défaut d'impartialité, en tant que fondée sur la lettre du 2 août 2010, faute d'avoir usé de son droit de récusation, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1502 du code de procédure civile et du principe suivant lequel l'irrégularité de la composition du tribunal arbitral doit être invoquée dès qu'elle est portée à la connaissance d'une partie ;
ALORS QUE, troisièmement, ayant retenu que la société GAROUBE avait demandé en mai 2008 que le litige fut tranché en deux phases, sans s'interroger sur le point de savoir si cette demande avait pu avoir une quelconque incidence sur le déroulement de la procédure, la phase de mise au point de l'acte de mission signé le 1er décembre 2008 étant alors en cours, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard du principe d'indépendance et d'impartialité ;
ALORS QUE, quatrièmement, en retenant que la société GAROUBE avait changé d'avocat en juin 2008 puis en décembre 2008, sans s'interroger sur le point de savoir si ces évènements avaient pu retarder en quoi que ce soit la procédure, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard du principe d'indépendance et du principe d'impartialité ;
ALORS QUE, cinquièmement, et à tout le moins, avant de porter une appréciation sur l'état d'esprit apparent de l'arbitre, s'agissant des retards ayant affecté la procédure et de leur imputabilité, les juges du fond se devaient de comparer l'attitude respective des parties à partir des tableaux produits par la société GAROUBE (productions n° 8 et 9) à l'effet de déterminer, comme le faisaient apparaître ces tableaux, si les délais dont le Cameroun avait bénéficié (679 jours) n'excédaient pas très largement ceux dont la société GAROUBE avait usé (393 jours) et que faute de se prononcer sur ce point, les juges du fond ont, une fois encore, privé leur décision de base légale au regard du principe d'indépendance et du principe d'impartialité.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a annulé la sentence du 16 février 2010 et la sentence du 27 septembre 2010 ;
AUX MOTIFS QUE « que si tout grief invoqué à l'encontre d'une sentence au titre de l'article 1502 2° du code de procédure civile doit, pour être recevable devant le juge de l'annulation, avoir été soulevé, chaque fois que cela est possible, au cours de la procédure d'arbitrage, l'ignorance d'une cause de récusation pendant cette procédure ne saurait avoir pour effet de priver une partie de la faculté de l'invoquer ultérieurement devant le juge de la régularité de la sentence auquel appartient le contrôle de l'exigence d'indépendance et d'impartialité des arbitres, nonobstant les règles procédurales de récusation fixées, le cas échéant, par règlement d'arbitrage ; que l'indépendance d'esprit est indispensable à l'exercice du pouvoir juridictionnel, quel qu'en soit la source, et qu'elle est l'une des qualités essentielles des arbitres ; qu'en l'espèce, GAROUBE a adressé le 28 juillet 2010 à la Cour internationale d'arbitrage une lettre qui, d'une part, contestait la capacité du président du tribunal arbitral à instruire la cause dans des délais raisonnables et sollicitait son remplacement, d'autre part, demandait qu'il soit sursis à toute décision de nouvelle provision à sa charge ; que la Cour internationale d'arbitrage a invité les membres du tribunal arbitral à formuler leurs observations sur cette lettre ; que M. Z..., arbitre désigné par le CAMEROUN, s'est borné à constater que les longueurs de la procédure étaient imputables aux nombreux incidents provoqués par les parties et qu'elles justifiaient la fixation d'une provision complémentaire qui devait être imputée conformément aux prévisions du règlement d'arbitrage ; que, pour sa part, M. X..., arbitre choisi par GAROUBE, s'est exprimé dans les termes suivants dans une lettre du 2 août 2010 : " Le tribunal arbitral doit veiller en l'espèce : à l'égalité des armes, le déséquilibre entre les deux parties étant flagrant : d'un côté, un Etat qui dispose de moyens considérables sur les plans financier, administratif et juridique, de l'autre une petite ou moyenne entreprise, à l'accomplissement des actes de la procédure dans les délais impartis. Sur le premier point, le fait que le défendeur soit un Etat le place, par rapport à son contradicteur, dans une situation non pas plus difficile que celle d'un opérateur commercial, mais au contraire de supériorité manifeste : l'Etat du CAMEROUN dispose, comme le tribunal arbitral a pu le constater, d'un nombre important de juristes qualifiés qui connaissent parfaitement le dossier et d'agents susceptibles de procéder à toute sortes d'investigations et de constatations. Sur le second point, par ordonnance de procédure n° 7 en date du 5 mai 2010, le tribunal arbitral a invité les deux parties à conclure au fond le 15 juin 2010. A ce stade de la procédure, le défendeur n'avait donc pas à'répondre'aux conclusions de la demanderesse, mais à exposer les arguments et les moyens dont il entend se prévaloir à l'appui de ses prétentions, les deux parties étant informées de longue date des données du litige. La demanderesse a exécuté cette décision au plus tard le 23 juin 2010, si l'on ne tient pas compte de la date de dépôt le 15 juin 2010 d'un mémoire qu'elle a ultérieurement retiré, tandis que le défendeur a sollicité'un délai au 15 octobre prochain pour déposer son mémoire en réponse'. Deux années d'une procédure émaillée de nombreux incidents ont été nécessaires pour aboutir à une sentence partielle en date du 16 février 2010 qui a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le défendeur, contre laquelle ce dernier a formé un recours en annulation actuellement pendant devant la cour d'appel de Paris. Le défendeur s'est abstenu pendant deux ans de se prononcer sur le fond et n'a soulevé que des moyens de procédure. La demande de délai du défendeur pour déposer son mémoire au fond a provoqué un nouvel allongement de la procédure de plusieurs mois, qui va immanquablement compliquer encore le déroulement de celle-ci. H – AVIS 1- Il est certain qu'il convient de mettre rapidement un terme aux errements que connaît cet arbitrage. 2- Le tribunal arbitral a demandé à la Cour internationale d'arbitrage d'inviter le défendeur à communiquer ses conclusions dans le recours en annulation afin notamment de permettre au tribunal arbitral qui a l'obligation d'instruire complètement et objectivement le procès, de déterminer la connaissance que le nouveau conseil du défendeur pouvait avoir de cette affaire lorsqu'il a sollicité un délai de quatre mois pour le dépôt de ses conclusions. Il y a donc lieu de rappeler cette demande au défendeur, de l'inviter à faire connaître à la Cour s'il a déposé ses conclusions dans le recours en annulation et dans l'affirmative, à les communiquer d'urgence. 3- Il résulte indiscutablement du courrier échangé les 2, 9, 15 et 16 juillet 2010 par le conseil de la demanderesse et le président du tribunal arbitral, courrier qui a été régulièrement communiqué au conseil du défendeur et aux autres membres du tribunal arbitral que 7e tribunal arbitral, s'il se déclare compétent par première sentence partielle, statuera dans une seconde sentence partielle sur le principe de la responsabilité de la rupture du contrat, de même que sur la qualification de cette rupture et sur les composantes du préjudice'. Ces dispositions qui sont d'ailleurs d'un usage courant, font partie intégrante de l'acte de mission et doivent sortir leur plein et entier effet. 4- La demande d'avance complémentaire sur frais destinée à couvrir les honoraires et les débours qui seront dus aux arbitres, est pleinement justifiée. Si la Cour internationale d'arbitrage ne pouvait pas, en application du règlement, mettre à la charge du défendeur la totalité de cette avance, compte tenu de ce que la condamnation, par la sentence partielle du 10 février 2010 de l'Etat du CAMEROUN à payer à la demanderesse la somme de 155 990 7 euros, n'a pas été exécutée, en l'absence d'exécution provisoire et si cette avance devait incomber aux deux parties à parts égales, il apparaîtrait équitable, au vu de ce qui précède, d'inviter le défendeur à verser sa quote-part et d'autoriser la demanderesse à surseoir au paiement de la sienne jusqu'au prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, à intervenir dans le recours en annulation ; que cet exposé des faits, qui impute au CAMEROUN les lenteurs de l'instance arbitrale, est démenti par l'examen objectifs des vicissitudes de la procédure ; qu'il résulte, en effet, des énonciations de la sentence que le tribunal arbitral ayant été constitué le 15 avril 2008, GAROUBE a, dès le mois de mai 2008, pris l'initiative de demander aux arbitres de trancher le litige en deux phases et non pas en une seule sentence (§ 17) ; qu'elle a changé une première fois d'avocat en juin 2008 (§ 22) puis en décembre 2008 (§ 17), qu'en janvier 2009, elle a demandé la récusation du président du tribunal au motif qu'il tutoyait l'arbitre Y... (§ 59) à la suite de quoi ce dernier a démissionné et a été remplacé par M. Z... (§ 66), enfin que si le Cameroun a déposé ses conclusions avec retard, GAROUBE a multiplié les transmissions d'écritures et de pièces non sollicitées et hors délais (§ 18, 42, 57, 76 et 79) ; qu'à la suite de la décision de GAROUBE de se faire assister d'un nouveau Conseil, Me Lantourne, et de la déclaration d'indépendance complémentaire souscrite à cette occasion par M. X... le 25mai 2011, la Cour internationale d'arbitrage a, par une décision non motivée en date du 28 juillet 2011, accueilli la demande de récusation de M. X... présentée par le Cameroun ; que le 1er septembre 2011, les honoraires de M. X... ont été fixés par la Cour internationale d'arbitrage à 23 000 $ ; que GAROUBE, qui n'avait jusqu'alors cessé de formuler des objections aux demandes de versement d'avances sur les frais d'arbitrage, à, par une lettre du 6 septembre 2011, sollicité l'augmentation du montant des honoraires pour la période allant de la date de la sentence partielle jusqu'au 1er septembre 2011 ; qu'une telle demande ne pouvait avoir d'autre part que l'accroissement de la part revenant à M. X..., écarté de la procédure à cette date ; que le parti pris dont témoigne le courrier de M. X... du 2 août 2010 et l'empressement de GAROUBE à favoriser les intérêts matériels de l'arbitre qu'elle avait choisi sont de nature à faire naître dans l'esprit du CAMEROUN un doute légitime sur l'indépendance et l'impartialité de ce dernier, peu important, à cet égard le sentiment exprimé par le président relativement à l'impartialité des deux autres membres du tribunal arbitral ; que si la lettre de Monsieur X... du 2 août 2010 et celle de GAROUBE du 6 septembre 2011 sont postérieures à la sentence attaquée, elles sont révélatrices de liens préexistants qui justifient qu'elles soient prises en considération pour l'appréciation de la validité de cette sentence ; qu'enfin la procédure ayant été engagée devant une formation de trois arbitres, celui dont la partialité est suspectée a pu exercer son influence tant sur les conditions de déroulement de l'instance que sur l'opinion de ses collègues au cours du délibéré ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'efficacité juridique de la sentence n'est pas subordonnée à l'accord de tous les arbitres et qu'elle pourrait résulter de la seule signature du président est inopérant ; qu'il résulte de tout ce qui précède que la sentence partielle doit être annulée pour irrégularité de la composition du tribunal arbitral ; considérant que l'annulation de la sentence emporte par voie de conséquence celle de l'addendum – rendu par la même formation-qui a pour objet de l'interpréter et de la modifier " ;
ALORS QUE, premièrement, la lettre de la société GAROUBE en date du 6 septembre 2011 concernait, non pas les honoraires dus à Monsieur X..., pour la période antérieure au 1er septembre 2011, mais les honoraires dus aux trois arbitres, y compris l'arbitre désigné par le CAMEROUN, à cette même date, puisqu'elle énonçait : « il me semble que le montant des honoraires des trois arbitres, tel qu'arrêté pour la période allant du 16 février 2010 (date de la sentence partielle) jusqu'au 1er septembre 2011, devrait être augmentée », que l'auteur de la lettre concluait : « en conséquence, il me semble juste de réexaminer … les honoraires de 76 590 US $ à répartir entre les trois Arbitres à la date du 1er septembre 2011 » ; qu'en retenant que la demande visait à ce que la part des honoraires revenant à Monsieur X... fût accrue, les juges du fond ont dénaturé la lettre du 6 septembre 2011 ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, faute d'avoir recherché si la démarche de la société GAROUBE, à l'occasion de la lettre du 6 septembre 2011 n'était pas légitime dans la mesure où, d'une part, une partie peut toujours s'exprimer sur l'affectation des provisions, dans la mesure où, d'autre part, la démarche visait la rémunération des trois arbitres, sans distinction, y compris l'arbitre désigné par le CAMEROUN à raison des diligences accomplies par le tribunal arbitral à la date du 1er septembre 2011, et dans la mesure où enfin cette démarche procédait d'une appréciation sur l'état d'avancement de la procédure, à la date du 1er septembre 2011 et aux diligences corrélatives qu'elle avait requises des trois arbitres, sans distinction, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard du principe d'indépendance et du principe d'impartialité ;
ALORS QUE, troisièmement, et en tout cas, une partie à un arbitrage, auquel l'institution d'arbitrage communique une décision relative à l'affectation des provisions, est libre de formuler ses observations quant à l'affectation des provisions sans qu'en soi cette démarche puisse être imputée comme révélatrice de liens entre cette partie et un arbitre et que la formulation d'observations, dans un tel contexte, ne peut être retenue comme révélant l'existence de liens permettant de suspecter l'indépendance et l'impartialité de l'arbitre qu'en présence d'indices extérieurs aux dites observations ; qu'en déduisant l'existence de liens des seules observations concernant l'affectation des provisions au profit des trois arbitres, sans relever aucun indice extérieur, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard du principe d'indépendance et du principe d'impartialité.