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13/03/2013 | FRANCE | N°11-27715

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 mars 2013, 11-27715


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 octobre 2011), que M. X... a été engagé le 22 octobre 1999 en qualité d'opérateur de marchés, par la société ETC Pollak, aux droits de laquelle est venue la société Aurel BGC ; que sa rémunération comportait une partie fixe et une partie variable composée d'une commission de 18 % sur le chiffre d'affaires net réalisé au-delà d'un "point mort" mensuel de 15 245 euros ; qu'en octobre 2006, l'employeur a décidé de mettre en place une nouv

elle organisation des opérations de courtage en fonction de la nature des tra...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 octobre 2011), que M. X... a été engagé le 22 octobre 1999 en qualité d'opérateur de marchés, par la société ETC Pollak, aux droits de laquelle est venue la société Aurel BGC ; que sa rémunération comportait une partie fixe et une partie variable composée d'une commission de 18 % sur le chiffre d'affaires net réalisé au-delà d'un "point mort" mensuel de 15 245 euros ; qu'en octobre 2006, l'employeur a décidé de mettre en place une nouvelle organisation des opérations de courtage en fonction de la nature des transactions traitées ; qu'à la suite du refus opposé par le salarié, celui-ci a été mis à pied à titre conservatoire le 24 octobre 2006 et convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 31 octobre 2006 ; que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 9 novembre 2006 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de le condamner en conséquence au paiement de diverses sommes, alors selon le moyen :
1°/ qu' « il n'était pas contesté que les modalités de rémunération de la part variable mentionnées dans le contrat de travail de M. X... n'étaient pas modifiées à la suite de la nouvelle organisation mise en place par la société ETC Pollak, celle-ci ayant seulement pour objet de répartir la clientèle entre des équipes spécialisées en fonction de la durée des taux ; qu'aucune disposition du contrat de travail n'avait pour objet ou pour effet de garantir à M. X... le droit d'intervenir sur une clientèle spécifique ; qu'ainsi, le seul fait que la nouvelle organisation du travail décidée par l'employeur puisse avoir un effet éventuel sur le montant, par définition non fixé à l'avance, de la rémunération mensuelle variable de M. X... n'était pas constitutif d'une modification de son contrat de travail dès lors que la qualification professionnelle du salarié et le mode de rémunération prévus au contrat restaient inchangés ; qu'en considérant que, même si elle ne changeait pas la structure et le mode de calcul de la rémunération contractuelle de M. X..., la nouvelle organisation du travail décidée par la société ETC Pollak constituait une modification du contrat de travail au seul motif qu'elle avait un impact sur la partie variable de la rémunération proportionnelle au chiffres d'affaire réalisé dépendant de la clientèle traitée, la cour d'appel s'est déterminée d'après des motifs inopérants et a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
2°/ que lorsque le mode de rémunération variable prévu au contrat de travail est fonction du chiffre d'affaires réalisé par le salarié, la mise en place d'une nouvelle organisation du travail par l'employeur ne peut constituer une modification de son contrat de travail que s'il est établi que cette nouvelle organisation interdit au salarié de réaliser un chiffre d'affaires comparable à celui réalisé lorsque l'ancienne organisation était en vigueur ; qu'au cas présent, la société exposante faisait valoir que la nouvelle répartition des dossiers au sein du bureau « govies » en deux équipes selon le type d'opérations à traiter n'était pas de nature à diminuer les potentialités de réalisation de chiffre d'affaires de M. X... puisque, dans le cadre de cette réorganisation, celui-ci avait vocation à traiter de nouveaux clients dont le potentiel était équivalent, sinon supérieur aux clients qu'il traitait jusqu'alors ; qu'en considérant que la nouvelle organisation décidée par la société exposante constituait une modification du contrat de travail de M. X... au motif qu'elle aurait nécessairement eu un impact sur sa rémunération variable proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé dépendant de la clientèle traitée, sans caractériser l'impossibilité pour M. X... de réaliser un chiffre d'affaires équivalent sous l'empire des nouvelles conditions de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
3°/ qu'il appartient à l'employeur de déterminer l'organisation des conditions de travail au sein de son entreprise, le salarié n'étant pas propriétaire de la clientèle dont il est en charge ; qu'en subordonnant la mise en place d'une nouvelle organisation du travail à l'accord préalable des salariés dont le contrat de travail prévoit une rémunération variable proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé dépendant de la clientèle traitée, alors même que leur contrat ne comporte aucune clause leur garantissant une clientèle spécifique, la cour d'appel a violé le principe fondamental de la liberté d'entreprendre et l'article 1er du Protocole additionnel n°1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ que le salarié qui refuse d'exécuter la prestation de travail aux conditions qui lui ont été fixées par l'employeur n'est pas fondé à se prévaloir d'une méconnaissance de ce dernier à ses obligations contractuelles de lui fournir du travail et de lui verser sa rémunération ; que l'employeur n'est pas tenu de licencier un salarié qui refuse d'exécuter son travail à la suite d'un changement de ses conditions de travail ; que l'article L. 1332-2 du code du travail prévoit que l'employeur qui a engagé une procédure disciplinaire dispose d'un délai d'un mois à compter de l'entretien préalable pour prendre une sanction ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que M. X... a refusé d'exécuter son contrat de travail aux nouvelles conditions fixées par la société ETC Pollak le 20 octobre 2006, ce refus ayant été réitéré le 23 octobre puis lors de l'entretien préalable du 31 octobre 2006 ; qu'en estimant que la société ETC Pollak aurait exercé une « pression morale et financière » sur le salarié en ne prenant pas sa décision immédiatement après l'entretien préalable du 31 octobre 2006 et que ce comportement justifiait la décision de M. X... de prendre acte de la rupture de son contrat de travail le 9 novembre suivant, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que le salarié refusait d'accomplir la prestation de travail aux conditions définies par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, L. 1221-1, L. 1232-1 et L. 1235-3 du code du travail et par fausse application, l'article L. 1222-1 du même code ;
5°/ que le salarié n'est pas propriétaire de la clientèle de l'employeur dont il est en charge et l'employeur ne commet aucune faute en maintenant les contacts avec les clients gérés par un salarié en l'absence de celui-ci ; qu'en considérant que la société ETC Pollak aurait commis une faute en prenant contact avec les clients gérés pour son compte par M. X... après que celui-ci ait expressément refusé d'accomplir son travail aux nouvelles conditions fixées par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1232-1 et L. 1235-3 du code du travail, ensemble le principe fondamental de la liberté d'entreprendre et l'article 1er du Protocole additionnel n°1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la réorganisation du service opérée par l'employeur était de nature à affecter la rémunération variable du salarié sans qu'il justifie avoir assorti cette réorganisation d'une garantie du maintien du montant du salaire, la cour d'appel a exactement décidé que cette réorganisation emportait une modification du contrat de travail que l'employeur ne pouvait imposer, ce dont elle a déduit à bon droit que la prise d'acte de la rupture par le salarié était justifiée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Aurel BGC aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Aurel BGC à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Aurel BGC
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur X... produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'avoir en conséquence condamné la Société AUREL BGC, venant aux droits de la Société ETC POLLAK à verser à Monsieur X... les sommes de 53.333,25 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 5.333,32 € à titre de congés payés afférents, 62.222,12 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 10.074,05 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied, 1.007,40 € de congés payés afférents et 112.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE « que par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 novembre 2006, M. X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur en ces termes "Vous m'avez écarté du desk depuis le 24 octobre dernier, date à laquelle vous avez tenté de me faire signer une convocation à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, que vous avez assortie d'une mise à pied conservatoire (...). Cette mesure a directement fait suite à mon refus d'abandonner la clientèle de la courbe des taux de 2 à 10 ans dont je suis l'interlocuteur depuis plus de 6 ans et de voir réduire mon champ d'intervention, et par voie de conséquence, ma rémunération variable, aux seuls clients des taux de 11 à 30 ans. Je vous ai fait part de mon refus par un mail circonstancié du 20 octobre 2006 auquel vous avez répondu par une lettre du 23 octobre 2006 en affirmant que votre demande de me voir intégrer l'équipe du responsable de la courbe de taux de 11 à 30 ans n'était qu'une modification de mes conditions de travail, ce que le montant de ma rémunération variable suffit à démentir. Lors de l'entretien préalable du 31 octobre dernier au cours duquel j'ai été assisté du représentant du personnel, je vous ai confirmé mon refus d'abandonner une grande partie de mon chiffre d'affaires et vous avez répondu que vous étiez en droit de différer votre décision à un mois. Sur l'insistance de M. Jean-Luc Y... qui assistait à l'entretien et souhaitait savoir si des contacts avaient été pris avec mes clients habituels, vous avez répondu par l'affirmative démontrant ainsi que vous m'avez éloigné du desk pour mettre en place la réorganisation que je refuse en me coupant de mes clients. Pour autant, vous refusez d'en tirer les conclusions qui s'imposent : soit en revenant sur votre décision de réorganisation et en me réintégrant avec rappel de salaire, soit en procédant à mon licenciement. Je me vois donc contraint de tirer les conséquences de votre comportement et de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail du fait de la modification de mon contrat et de la procédure abusive dont je fais actuellement l'objet" ; qu'en cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; que le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit ; que M. X... reproche à l'employeur : - de lui avoir imposé une modification de son contrat de travail pour motif économique sans respecter les formes prévues par le code du travail, - à la suite de son refus de cette modification, d'avoir mis en oeuvre une procédure disciplinaire abusive et illicite, - d'avoir profité de cette mise à pied pour contacter ses clients ; que L'employeur répond que la nouvelle organisation décidée en octobre 2006 avait pour but d'optimiser le fonctionnement et le rendement du "desk", qu'elle constituait une modification des conditions de travail et qu'elle n'avait aucun impact sur la rémunération de M. X... ; qu'il soutient qu'en réalité le salarié a utilisé ce prétexte pour quitter la société et passer déloyalement à la concurrence, c'est-à-dire au service de la société GFI, comme l'ont fait plus de la moitié des courtiers de l'équipe "govies" entre septembre et novembre 2006, puisque M. X... a rejoint les effectifs de la société GFI dès le 11 janvier 2007 ; qu'il résulte des pièces produites les faits qui suivent : en octobre 2006, alors que jusque là chaque courtier du pôle "govies", dont M. X..., gérait un certain nombre de clients indépendamment du produit concerné, la société ETC Pollak a décidé de mettre en place une nouvelle organisation des opérations de courtage en fonction de la nature des transactions traitées ; que c'est dans ces conditions que, par courriel du 17 octobre 2006, la société a avisé l'équipe du pôle "govies" de la réorganisation du pôle à compter du 23 octobre suivant par la segmentation de l'équipe en fonction des courbes de taux, à savoir :- une première équipe traitant de la courbe de taux 2 à 10 ans,- et une seconde équipe s'occupant de la courbe de taux 11 à 30 ans et +, à laquelle M. X... était affecté, sous la responsabilité de M. Y... ; que par courriel du 20 octobre 2006, M. X... a avisé l'employeur qu'il ne pouvait accepter la segmentation de la courbe des taux annoncée, laquelle avait été décidée sans l'accord des personnes concernées, dans un climat de pressions et chantage au licenciement et entraînait pour lui une diminution d'environ 50% de sa rémunération ; que par courrier du 23 octobre 2006, la société ETC POLLAK constatant que M. X... avait refusé d'intégrer sa nouvelle équipe le matin même, a avisé celui-ci qu'en cas de persistance dans cette attitude le lendemain, il encourait une sanction disciplinaire "à effet immédiat" ; que le 24 octobre 2006 le salarié a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pour le 31 octobre suivant et il lui était notifié une mise à pied à titre conservatoire à effet immédiat dans l'attente d'une décision définitive ; que lors de l'entretien du 31 octobre 2006, M. X... était assisté de M. Z..., représentant du personnel, lequel dans un courriel du même jour en a fait la relation suivante : "La direction a d'abord demandé à David X..., après ces quelques jours de réflexion, s'il avait changé d'avis ; que David X... a répondu qu'il n'était toujours pas d'accord et davantage opposé à la segmentation et au fait qu'on prenne ses comptes ;qu'après cette réponse, la direction a confirmé que la mise à pied conservatoire était à durée indéterminée, et que ce n'était pas une mesure disciplinaire, jusqu'à la décision définitive de la direction concernant le refus des nouvelles conditions de travail par David X... (…) 1ère question de Jean-Luc Y... portant sur la mise à pied à titre conservatoire de David X..., qui doit durer jusqu'à la décision définitive de la société qui a 30 jours pour se prononcer ; 2ème question de Jean-Luc Y... portant sur le fonctionnement du desk sans David X... ("comment le desk peut-il fonctionner normalement sans David ?") (...) ; que David X... prend la parole pour confirmer qu'il n'est pas d'accord avec le fait qu'on veuille lui prendre ses clients, que cela constitue une amputation de son salaire de 50%, sans consultation ni accord de sa part (...) ; que David X... ajoute (...) que la direction a autorisé des personnes à démarcher ses clients sur toute la courbe (2 à 30 ans) ; que ses clients ont reçu des bloombergs de la part de personnes du desk moyen ternie (2 à 10 ans) ; et d'ajouter que cette mise à pied est une mise à l'écart pour appeler ses clients ; que ma direction a demandé si les bloombergs contenaient des prix ou des cotations ; que Jean-Luc Y... demande si les clients de David X... ont été appelés avant la mise à pied ; qu'il insiste pour avoir une réponse (..) ; que la direction pense (puis affirme devant l'insistance de Jean-Luc) que les clients n'ont pas été appelés pour faire du business. (...) ; que David X... reprend la parole pour affirmer qu'il est toujours contre la segmentation, ainsi que Claude B..., il conteste l'arrivée de nouveaux sur le desk pour prendre ses clients, qu'il est le seul à qui on veut prendre des clients ; qu' il rappelle qu'il est un très gros producteur ; qu'il constate que la direction n'a rien fait pour défendre ses intérêts ni engager le dialogue ; qu'il n'a rien à dire de plus. (...)" ; que c'est dans ces conditions que M. X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 9 novembre 2006 dans les termes énoncés ci-dessus ; que si l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction peut apporter des modifications au contrat de travail, il ne peut en revanche, sans l'accord du salarié, modifier le contrat de travail ; qu'en l'espèce, s'il est exact que la nouvelle répartition des dossiers envisagée par l'employeur ne changeait pas la structure et le mode de calcul de la rémunération de M. X..., elle en affectait nécessairement le montant puisqu'elle avait un impact sur sa partie variable proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé, dépendant directement de la clientèle traitée et qui constituait une part importante du salaire de celui-ci ; que l'employeur lui-même, après avoir affirmé que la nouvelle répartition n'avait aucun impact sur la rémunération de M. X..., ajoute que celui-ci en effet "continuait, conformément aux dispositions de son contrat de travail à percevoir une rémunération variable de 18% net réalisé au-delà d'un point mort mensuel de 15 245 euros" ; qu'il ne justifie pas, par ailleurs, avoir de façon ferme et officielle assorti la segmentation projetée d'une garantie du montant du salaire, l'attestation de M. C..., l'un des dirigeants de l'entreprise, certifiant qu'il avait avisé le salarié "qu'il serait compensé dans le cas peu probable d'une baisse de son chiffre d'affaires" ne présentant pas des garanties suffisantes d'objectivité pour constituer une preuve fiable ; que dès lors, et indépendamment du fait que le salarié n'était pas propriétaire de sa clientèle et que la nouvelle organisation, qui entrait en vigueur le 23 octobre 2006, n'avait pas encore trouvé de traduction sur le salaire de l'intéressé lors de sa prise d'acte du 9 novembre 2006, la modification mise en oeuvre n'était pas un simple changement dans les conditions de travail de M. X... mais constituait une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail, à savoir sa rémunération, et, comme telle, ne pouvait se faire sans son accord ; que le refus par le salarié de cette modification unilatérale de son contrat de travail n'était donc pas fautif en lui-même ; que l'employeur, qui de surcroît ne démontre pas que la réorganisation mise en place répondait à l'un des motifs économiques énoncés à l'article L.1233-3 du code du travail, ne justifie pas en tout état de cause l'avoir proposée au salarié dans les formes exigées par l'article L.1222-6 du code du travail ; que les pièces produites par la société AUREL BGC, si elles révèlent qu'effectivement une partie importante de l'effectif de son « desk govies » a, dans une période relativement brève, quitté le service de la société ETC POILAK et a été recrutée par la société GFI, concurrent direct nouvellement arrivé sur ce secteur de marché, ne permettent pas de démontrer qu'au-delà de ce seul constat de fait, M. X..., dont il est établi qu'il s'opposait légitimement à la modification de son contrat de travail qu'elle entendait lui imposer, se serait livré antérieurement ou concomitamment à des manoeuvres déloyales pour obtenir la rupture des relations contractuelles entre eux ; que le premier manquement reproché à l'employeur à l'appui de la prise d'acte du salarié est par conséquent établi et est suffisamment grave pour justifier cette prise d'acte de rupture ; que par ailleurs, il résulte des explications et des pièces fournies que, non seulement l'employeur n'a pas recueilli préalablement le consentement du salarié, mais qu'il a, de plus, annoncé et mis en oeuvre la réorganisation du pôle sans concertation ni information préalable, de façon brutale en quelques jours et qu'il a aussitôt entrepris une procédure disciplinaire en se cantonnant dans une posture de principe et sans répondre aux arguments du salarié ; qu'au-delà du caractère injustifié de cette procédure disciplinaire, la société ETC POLLAK a ainsi agi fautivement et de mauvaise foi envers un salarié ancien et dont elle reconnaît elle-même qu'il avait des résultats exceptionnels pour le plus grand profit de l'entreprise ; que c'est ensuite avec cette même mauvaise foi qu'elle a exercé une pression morale et économique sur le salarié en le mettant à pied, c'est-à-dire en le privant de son salaire, pour une période dont elle a laissé entendre qu'elle pouvait se prolonger de façon indéterminée et en mettant à profit cette exclusion de fait du salarié hors de l'entreprise pour contacter la clientèle qu'il avait apportée en grande partie et qu'il gérait ; que cette déloyauté dans l'exécution du contrat de travail rendait, elle aussi, impossible le maintien du lien salarial ; que la prise d'acte de rupture par le salarié était donc justifiée et elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit au profit du salarié au paiement des indemnités de rupture, de dommages-intérêts et du salaire de la période de mise à pied elle-même injustifiée ; qu'au vu des bulletins de salaire produits et de l'attestation destinée à l'ASSEDIC, la moyenne mensuelle du salaire brut de M. X... sera fixée à 17 777,75 euros comme le demande l'employeur ; que compte tenu de l'ancienneté du salarié, de sa catégorie professionnelle, du montant de son salaire et des dispositions légales et conventionnelles applicables, la société AUREL BGC doit être condamnée à lui payer : - 53 333,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois de salaire), - 5 333,32 euros au titre des congés payés afférents, - 62 222,12 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement (17 777,75. x 0,5 x 7ans), - 10 074,05 euros au titre du salaire de la période de mise à pied de 17 jours (I7 777,75. x 17/30), - 1 007,40 euros au titre des congés payés afférents ; que compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences de la rupture à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à M. X..., une somme de 112.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;
ALORS, D'UNE PART, QU' il n'était pas contesté que les modalités de rémunération de la part variable mentionnées dans le contrat de travail de Monsieur X... n'étaient pas modifiées à la suite de la nouvelle organisation mise en place par la Société ETC POLLAK, celle-ci ayant seulement pour objet de répartir la clientèle entre des équipes spécialisées en fonction de la durée des taux ; qu'aucune disposition du contrat de travail n'avait pour objet ou pour effet de garantir à Monsieur X... le droit d'intervenir sur une clientèle spécifique ; qu'ainsi, le seul fait que la nouvelle organisation du travail décidée par l'employeur puisse avoir un effet éventuel sur le montant, par définition non fixé à l'avance, de la rémunération mensuelle variable de Monsieur X... n'était pas constitutif d'une modification de son contrat de travail dès lors que la qualification professionnelle du salarié et le mode de rémunération prévus au contrat restaient inchangés ; qu'en considérant que, même si elle ne changeait pas la structure et le mode de calcul de la rémunération contractuelle de Monsieur X..., la nouvelle organisation du travail décidée par la société ETC POLLAK constituait une modification du contrat de travail au seul motif qu'elle avait un impact sur la partie variable de la rémunération proportionnelle au chiffres d'affaire réalisé dépendant de la clientèle traitée, la cour d'appel s'est déterminée d'après des motifs inopérants et a violé les articles L.1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE lorsque le mode de rémunération variable prévu au contrat de travail est fonction du chiffre d'affaires réalisé par le salarié, la mise en place d'une nouvelle organisation du travail par l'employeur ne peut constituer une modification de son contrat de travail que s'il est établi que cette nouvelle organisation interdit au salarié de réaliser un chiffre d'affaires comparable à celui réalisé lorsque l'ancienne organisation était en vigueur ; qu'au cas présent, la société exposante faisait valoir que la nouvelle répartition des dossiers au sein du bureau « govies » en deux équipes selon le type d'opérations à traiter n'était pas de nature à diminuer les potentialités de réalisation de chiffre d'affaires de Monsieur X... puisque, dans le cadre de cette réorganisation, celui-ci avait vocation à traiter de nouveaux clients dont le potentiel était équivalent, sinon supérieur aux clients qu'il traitait jusqu'alors (conclusions p. 17) ; qu'en considérant que la nouvelle organisation décidée par la société exposante constituait une modification du contrat de travail de Monsieur X... au motif qu'elle aurait nécessairement eu un impact sur sa rémunération variable proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé dépendant de la clientèle traitée, sans caractériser l'impossibilité pour Monsieur X... de réaliser un chiffre d'affaires équivalent sous l'empire des nouvelles conditions de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'il appartient à l'employeur de déterminer l'organisation des conditions de travail au sein de son entreprise, le salarié n'étant pas propriétaire de la clientèle dont il est en charge ; qu'en subordonnant la mise en place d'une nouvelle organisation du travail à l'accord préalable des salariés dont le contrat de travail prévoit une rémunération variable proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé dépendant de la clientèle traitée, alors même que leur contrat ne comporte aucune clause leur garantissant une clientèle spécifique, la cour d'appel a violé le principe fondamental de la liberté d'entreprendre et l'article 1er du Protocole additionnel n°1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE le salarié qui refuse d'exécuter la prestation de travail aux conditions qui lui ont été fixées par l'employeur n'est pas fondé à se prévaloir d'une méconnaissance de ce dernier à ses obligations contractuelles de lui fournir du travail et de lui verser sa rémunération ; que l'employeur n'est pas tenu de licencier un salarié qui refuse d'exécuter son travail à la suite d'un changement de ses conditions de travail ; que l'article L. 1332-2 du Code du travail prévoit que l'employeur qui a engagé une procédure disciplinaire dispose d'un délai d'un mois à compter de l'entretien préalable pour prendre une sanction ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que Monsieur X... a refusé d'exécuter son contrat de travail aux nouvelles conditions fixées par la Société ETC POLLAK le 20 octobre 2006, ce refus ayant été réitéré le 23 octobre puis lors de l'entretien préalable du 31 octobre 2006 (arrêt p. 2 al. 7 à 10 ; p. 3 al. 1) ; qu'en estimant que la Société ETC POLLAK aurait exercé une « pression morale et financière » sur le salarié en ne prenant pas sa décision immédiatement après l'entretien préalable du 31 octobre 2006 et que ce comportement justifiait la décision de Monsieur X... de prendre acte de la rupture de son contrat de travail le 9 novembre suivant, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que le salarié refusait d'accomplir la prestation de travail aux conditions définies par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil, L.1221-1, L.1232-1 et L.1235-3 du Code du travail et par fausse application, l'article L.1222-1 du même Code ;
ALORS, ENFIN, QUE le salarié n'est pas propriétaire de la clientèle de l'employeur dont il est en charge et l'employeur ne commet aucune faute en maintenant les contacts avec les clients gérés par un salarié en l'absence de celuici ; qu'en considérant que la Société ETC POLLAK aurait commis une faute en prenant contact avec les clients gérés pour son compte par Monsieur X... après que celui-ci ait expressément refusé d'accomplir son travail aux nouvelles conditions fixées par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil, L.1221-1, L.1222-1, L.1232-1 et L. 1235-3 du Code du travail, ensemble le principe fondamental de la liberté d'entreprendre et l'article 1er du Protocole additionnel n°1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-27715
Date de la décision : 13/03/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 octobre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 mar. 2013, pourvoi n°11-27715


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.27715
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