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13/03/2013 | FRANCE | N°10-28022

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 mars 2013, 10-28022


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 28 octobre 2002 en qualité d'assistante régionale par la société L'Adresse des conseils immobiliers, promue agent de maîtrise le 1er juin 2004, s'est vu établir un descriptif de poste d'assistante de communication le 30 août suivant ; qu'après avoir été en arrêt de travail pour maladie du 2 novembre 2005 au 21 mai 2006, elle a été déclarée inapte à tous postes dans l'entreprise par le médecin du travail le 22 mai 2006 et licenciée pour inaptitude p

hysique le 21 juin suivant ;
Sur le second moyen :
Attendu que la sala...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 28 octobre 2002 en qualité d'assistante régionale par la société L'Adresse des conseils immobiliers, promue agent de maîtrise le 1er juin 2004, s'est vu établir un descriptif de poste d'assistante de communication le 30 août suivant ; qu'après avoir été en arrêt de travail pour maladie du 2 novembre 2005 au 21 mai 2006, elle a été déclarée inapte à tous postes dans l'entreprise par le médecin du travail le 22 mai 2006 et licenciée pour inaptitude physique le 21 juin suivant ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en réparation du préjudice subi par elle du fait de la souscription discriminatoire par la société d'un régime de prévoyance complémentaire maladie invalidité au profit des seuls cadres de l'entreprise, la condamnant à ne percevoir que les indemnités journalières de la sécurité sociale durant son absence pour maladie, alors selon le moyen, que la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait, en elle-même, justifier pour l'attribution d'un avantage une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence ; qu'il revient ainsi au juge de rechercher s'il existe un rapport raisonnable entre la différence de traitement mise en oeuvre et l'objectif qu'elle poursuit ; que la seule « nécessaire distinction opérée au titre du niveau de cotisation mise à la charge des cadres, eu égard à leur niveau de rémunération » relevée par la cour d'appel, ne saurait donner une justification objective et pertinente de la différence de traitement des cadres et des non cadres au regard du régime de prévoyance ; que dès lors, en statuant comme elle a fait, sans rechercher s'il existait un rapport raisonnable entre la différence de traitement mise en oeuvre et l'objectif qu'elle poursuivait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe d'égalité de traitement ;
Mais attendu qu'en raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en oeuvre la garantie d'un organisme extérieur à l'entreprise, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre salariés relevant d'une même catégorie professionnelle ; que par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, après avis donné aux parties, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
Mais sur le premier moyen pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en nullité de son licenciement pour cause de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, l'arrêt retient que le supérieur hiérarchique plaçait l'ensemble du personnel en état de stress sans chercher à exclure la salariée qui compte tenu de la fiche de poste versée ne démontre pas que les tâches qui lui étaient confiées ne relevaient pas de ses fonctions, que c'est vainement qu'elle reproche à la société son absence d'enquête alors qu'elle ne verse aucune attestation de salarié décrivant des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral à son endroit, l'employeur indiquant dans une lettre du 21 février 2006 ne trouver aucune personne pour corroborer ses déclarations ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de dire si tous les faits présentés par la salariée pris dans leur ensemble, à savoir les lettres au dirigeant de la société pour se plaindre de la dégradation de ses conditions de travail du fait de l'obligation qui lui était faite d'accomplir de plus en plus de tâches annexes au détriment de sa fonction principale, du peu de considération de son supérieur hiérarchique, du stress imposé à tout le personnel et à elle-même, les nombreux certificats d'arrêts de travail, le certificat du médecin du travail faisant état de souffrance morale au travail et aboutissant à un avis d'inaptitude totale à tous postes dans l'entreprise, n'étaient pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral puis de vérifier si les éléments de preuve versés par l'employeur démontraient que les agissements litigieux étaient étrangers à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de sa demande en nullité de son licenciement pour cause de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, l'arrêt rendu le 14 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société L'Adresse des conseils immobiliers aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société L'Adresse des conseils immobiliers à payer à la salariée, la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X..., salariée de la société L'ADRESSE, de sa demande tendant à voir juger qu'elle avait été victime d'un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique et de l'avoir, en conséquence, déboutée de sa demande tendant à voir constater la nullité de son licenciement ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Madame X... verse les courriers qu'elle a adressés au Président de L'ADRESSE et les réponses qui lui ont été faites ainsi que des messages électroniques échangés avec d'autres salariés ; qu'il ressort de l'ensemble de ces pièces que Monsieur Y..., directeur du Réseau l'Adresse plaçait l'ensemble du personnel dans un état de stress sans chercher à exclure Madame X... de la communauté du travail ; que compte tenu de la fiche de poste versée aux débats, Madame X... ne démontre pas que les tâches qui lui étaient confiées ne relevaient pas de ses fonctions ; que Madame X... reproche vainement à la société de n'avoir diligenté aucune enquête alors qu'elle ne verse aucune attestation de salarié décrivant des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement commis à son endroit et que dans un courrier du 21 février 2006, l'employeur indique n'avoir trouvé aucune personne corroborant ses déclarations ; que Madame X... n'établit pas de faits qui permettent de présumer de l'existence d'un harcèlement moral dont elle aurait été la victime ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la salariée apporte la preuve qu'elle a déclaré à un médecin qu'elle subissait une souffrance morale au travail ; qu'elle rapporte également s'être plainte de la situation à la direction de L'ADRESSE ; qu'elle produit encore un courrier électronique qu'elle a envoyé à une collègue « A... », dans lequel elle rapporte les termes d'une réunion avec « SR » et déclare qu'on l'a chargée de changer la moquette ; que la réponse de cette collègue évoque à propos de « SR » une « situation inadmissible », déclare être « prise en otage par un terroriste » ou encore « la dictature continue » ; qu'elle produit un courrier collectif émanant de Serge Y... demandant que le courrier lui parvienne trié et donnant des instructions pour ce tri ; que ce courrier n'est pas insultant ni particulièrement autoritaire ; que le seul courrier de Monsieur Y... dont les termes sont excessifs et qui est produit au dossier est un courrier du 17 septembre 2004 adressé à Dominique Z..., qui sur un problème parle de situation « anormale, scandaleuse et criminelle », en gras souligné avec point d'exclamation, menaçant de sanction ; qu'il résulte de l'examen de ces pièces que la demanderesse ne produit pratiquement que des documents qu'elle a elle-même établis ou rédigés, à l'exception d'un courrier d'une collègue qui reste assez vague sur les reproches faits à « SR », dont on peut supposer sans certitude qu'il s'agit de Monsieur Y... et d'un courrier de Monsieur Y... adressé à un tiers, la demanderesse n'en ayant que la copie ; qu'en conséquence, le Conseil considère que la demanderesse ne rapporte pas la preuve de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ;
ALORS QUE aux termes de l'article L 1125-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que le salarié qui subit de tels actes est fondé à s'en plaindre, peu important qu'il s'agisse dans l'entreprise d'une méthode générale appliquée à de nombreux autres salariés, la généralisation du harcèlement ne le privant pas de son caractère fautif ; qu'en excluant le harcèlement au motif que le directeur plaçait l'ensemble du personnel dans un état de stress sans chercher à exclure Mme X... sans exclure que cette salariée soit placée par lui dans un état de stress, caractérisant le harcèlement, la Cour d'appel a violé les articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du travail
ET ALORS en tout cas QUE le salarié qui invoque des faits de harcèlement moral doit rapporter la preuve de faits permettant de présumer l'existence d'un tel harcèlement, le défendeur devant alors établir que ces agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge doit tenir compte de l'ensemble des éléments matériels établis par le salarié ; qu'en l'espèce, Madame X... avait versé aux débats les courriers qu'elle avait adressés au Président de la société L'ADRESSE pour se plaindre du comportement à son égard de son supérieur hiérarchique, Monsieur Y..., ainsi que plusieurs documents médicaux établissant que l'altération de son état de santé résultant d'une souffrance morale au travail, avait nécessité deux arrêts de travail prolongés dont le dernier avait abouti à une déclaration d'inaptitude physique à tout poste dans l'entreprise par le médecin du travail qui avait constaté une situation de danger immédiat pour la salariée ; que pour débouter la salariée de sa demande au titre du harcèlement moral la Cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'il résultait de l'ensemble des pièces que Monsieur Y..., directeur du réseau L'ADRESSE, plaçait l'ensemble du personnel dans un état de stress sans chercher à exclure Madame X... de la communauté du travail ; que cette dernière ne démontrait pas que les tâches qui lui étaient confiées ne relevaient pas de ses fonctions, qu'elle ne versait aucune attestation de salarié décrivant des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement commis à son endroit et que dans un courrier du 21 février 2006, l'employeur indiquait n'avoir trouvé aucune personne corroborant ses déclarations ; qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si les courriers adressés par la salariée à son employeur ainsi que les certificats médicaux produits par elle et l'avis d'inaptitude à tout poste dans l'entreprise, n'étaient pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ce dont elle aurait alors dû déduire que c'était à l'employeur de prouver que ces agissements n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X... de sa demande tendant à voir juger que le fait pour l'employeur d'avoir souscrit un régime de prévoyance complémentaire « maladie invalidité » au profit des seuls cadres de l'entreprise était discriminatoire et de l'avoir déboutée, en conséquence de sa demande en réparation du préjudice subi correspondant à la différence entre les salaires qu'elle aurait dû percevoir pendant son absence pour maladie et les indemnités journalières versées par la sécurité sociale ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il est constant que L'ADRESSE a souscrit au bénéfice de ses salariés deux contrats de prévoyance, l'un pour les cadres, l'autre pour les non cadres et que Madame X... relevait du statut des non cadres ; que la différence de traitement au titre du régime de prévoyance complémentaire santé entre les non cadres et les cadres ne saurait laisser en tant que tel supposer l'existence d'une discrimination indirecte dès lors qu'une telle différence ne procède exclusivement que de la nécessaire distinction opérée au titre du niveau de cotisation mise à la charge des cadres, eu égard à leur niveau de rémunération ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU ‘ en application de la convention collective de l'immobilier, article 26 et de l'article VIII du contrat de travail, l'employeur n'est tenu d'organiser un système de prévoyance complémentaire que pour les cadres ; que L'ADRESSE n'a jamais organisé de prévoyance pour les non cadres ; que la distinction entre les cadres et les non cadres, faite par la convention collective n'est pas une discrimination injustifiée, ces deux catégories de salariés se trouvant dans des situations différentes et pouvant donc être soumis à des régimes juridiques différents ;
ALORS QUE la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait, en ellemême, justifier pour l'attribution d'un avantage une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence ; qu'il revient ainsi au juge de rechercher s'il existe un rapport raisonnable entre la différence de traitement mise en oeuvre et l'objectif qu'elle poursuit ; que la seule « nécessaire distinction opérée au titre du niveau de cotisation mise à la charge des cadres, eu égard à leur niveau de rémunération » relevée par la Cour d'appel, ne saurait donner une justification objective et pertinente de la différence de traitement des cadres et des non cadres au regard du régime de prévoyance ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher s'il existait un rapport raisonnable entre la différence de traitement mise en oeuvre et l'objectif qu'elle poursuivait, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe d'égalité de traitement.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-28022
Date de la décision : 13/03/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 mar. 2013, pourvoi n°10-28022


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:10.28022
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