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28/02/2013 | FRANCE | N°11-26955

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 28 février 2013, 11-26955


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que Patrick X...a travaillé pour la société Y... et Cie (l'employeur) du 1er juillet 1961 au 18 août 1972 en qualité de mécanicien automobile, qu'il est décédé le 25 avril 2008 des suites d'un cancer broncho-pulmonaire déclaré le 25 janvier 2008 comme maladie professionnelle ; que les ayants droit de la victime ayant saisi un tribunal des affaires de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appe

l a accueilli cette demande ;
Sur le premier moyen :
Attendu que ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que Patrick X...a travaillé pour la société Y... et Cie (l'employeur) du 1er juillet 1961 au 18 août 1972 en qualité de mécanicien automobile, qu'il est décédé le 25 avril 2008 des suites d'un cancer broncho-pulmonaire déclaré le 25 janvier 2008 comme maladie professionnelle ; que les ayants droit de la victime ayant saisi un tribunal des affaires de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a accueilli cette demande ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la maladie professionnelle dont est décédé Patrick X...était due à la faute inexcusable de la société Y... et Cie, alors, selon le moyen :
1°/ que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de prendre en charge la maladie du salarié à titre professionnel ne saurait établir le caractère professionnel de la maladie dans le cadre d'un litige en faute inexcusable opposant le salarié à l'employeur lorsque la procédure d'instruction préalable à la décision de prise en charge n'a pas été menée de manière contradictoire à l'égard de l'employeur ; qu'il incombe dans cette hypothèse à la juridiction saisie de rechercher, après débat contradictoire, si la maladie a un caractère professionnel au regard des dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ; que le juge doit alors vérifier soit que les conditions de prise en charge prévues au tableau litigieux sont remplies, soit, dans la négative, que la maladie est « directement causée par le travail habituel de la victime » ; que le caractère professionnel d'un cancer broncho-pulmonaire ne peut être établi sur le fondement du tableau n° 30 bis qu'à condition que le salarié ait accompli pendant plus de 10 ans des travaux susceptibles de l'exposer à l'amiante figurant dans une liste limitative et ne peut donc être établi au vu de la seule exposition du salarié à l'inhalation de poussières d'amiante ; qu'au cas présent, la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne du caractère professionnel du cancer broncho-pulmonaire de Patrick X...n'avait pas été établie de manière contradictoire à l'égard de la société Y... dont la faute inexcusable était recherchée, de sorte qu'il incombait à la cour d'appel de statuer sur l'origine professionnelle de l'affection du salarié au regard de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en admettant l'origine professionnelle de la maladie de Patrick X...sans établir que les conditions de prise en charge prévues tableau n° 30 bis étaient remplies, ni caractériser un lien direct entre l'affection déclarée par Patrick X...et son travail habituel pour le compte de la société Y..., la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 461-1 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1147 du code civil ;
2°/ qu'en cas d'exposition au risque auprès de plusieurs employeurs, la maladie professionnelle est présumée avoir été contractée auprès du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque ; que, si la victime peut solliciter la reconnaissance d'une faute inexcusable d'un précédent employeur, elle doit rapporter la preuve d'un lien de causalité nécessaire entre la maladie et son exposition au risque chez cet employeur ; qu'au cas présent, il résultait tant des conclusions du médecin traitant de Patrick X...reprises par le tribunal des affaires de sécurité sociale que des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne que la société Y... n'était pas le dernier employeur chez lequel Patrick X...avait été exposé au risque ; que le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Dordogne avait en première instance constaté qu'il n'était pas objectivement démontré que la maladie dont est décédé Patrick X...résulterait de son exposition à l'amiante au sein de la société Y... ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme cela lui était demandé, s'il existait un lien de causalité nécessaire entre la maladie de Patrick X...et son exposition au risque au sein de la société Y..., la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 461-1 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladie professionnelle et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ;
Et attendu que l'arrêt relève que Patrick X...a travaillé pour l'employeur en qualité de mécanicien entre le 1er juillet 1961 et le 18 août 1972, que l'employeur reconnaissait lui-même que son activité de garagiste exposait ses salariés aux poussières d'amiante, même s'il estimait à 5 % la part de travail de la victime en rapport avec des équipements contenant de l'amiante ; que selon les témoignages produits, il n'était prévu, pour les travaux réalisés sur de pareils équipements, aucun système collectif ou individuel de protection contre les poussières d'amiante, l'aération des locaux par leurs portes et leur balayage n'étant pas de nature à assurer cette protection, mais favorisant au contraire la diffusion de ces poussières dans l'ensemble des ateliers et la contamination des salariés présents ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche invoquée par la deuxième branche que ses constatations rendaient inopérante, a pu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, déduire l'origine professionnelle de la maladie et l'exposition au risque chez cet employeur ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé en sa première ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'il incombe à celui qui invoque l'existence d'une faute inexcusable de démontrer que l'employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé, n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la conscience du danger s'apprécie objectivement par rapport à ce que devait savoir, dans son secteur d'activité et à l'époque de l'exposition au risque, un employeur conscient de ses devoirs et obligations ; cette appréciation implique nécessairement la prise en compte de l'époque à laquelle la victime a pu être exposée au risque, de l'état de connaissance du risque à l'époque de l'exposition, de l'activité de l'employeur, de l'organisation de l'entreprise et des travaux effectués par le salarié et de la réglementation en vigueur ; qu'il en résulte que la faute inexcusable ne saurait résulter de la seule exposition du salarié à l'inhalation de poussières d'amiante ; qu'au cas présent, la société Y... exposait que Patrick X...avait cessé de travailler en son sein en 1972 et avait donc travaillé à une époque où il n'existait aucune réglementation spécifique concernant l'utilisation de produits contenant de l'amiante, qu'elle exerçait une activité de garagiste ne lui conférant pas une connaissance particulière des dangers liés à l'amiante, qu'elle n'utilisait pas l'amiante comme matière première mais qu'elle ne faisait qu'utiliser de manière très limitée des produits pouvant contenir de l'amiante ; qu'elle exposait également que l'atelier au sein duquel travaillait Patrick X...était vaste et très aéré et que les conditions de travail étaient respectueuses de la réglementation sur les poussières en vigueur à l'époque de l'exposition au risque ; que pour estimer néanmoins que sa faute inexcusable était caractérisée, la cour d'appel s'est contentée de relever l'absence de dispositif de sécurité spécifique en matière d'amiante et que la société Y... aurait dû avoir conscience du danger dès lors que le rôle cancérigène de l'amiante était connu depuis 1956 et que l'amiante était connu comme étant à l'origine de l'asbestose inscrite au tableau des maladies professionnelles depuis 1950 ; qu'en statuant de la sorte sans apprécier la conscience du danger et les mesures prises par l'employeur en matière d'empoussièrement à l'époque de l'exposition au risque, au regard de l'importance de la société Y..., de son organisation, de la nature de son activité et des travaux auxquels était affecté Patrick X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'ayant relevé que, de 1961 à 1972, Patrick X...avait été exposé sans protection aux poussières d'amiante dans l'exercice de ses fonctions de mécanicien, l'arrêt retient qu'étaient, dès 1956, connu le rôle cancérigène de l'amiante et, dès 1964, déterminée la cause de l'asbestose inscrite au tableau des maladies professionnelles en sa version applicable en 1950 ;
Que de ces constatations et énonciations, exemptes d'insuffisance, la cour d'appel a pu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, décider qu'était rapportée la preuve que, ne pouvant ignorer les effets nocifs de l'amiante à l'époque des faits de la cause, l'employeur devait ou aurait dû, à raison de son obligation de sécurité de résultat à l'égard de son salarié, avoir conscience du danger couru par celui-ci et prendre corrélativement les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Que la cour d'appel a pu ainsi en déduire que l'employeur avait commis une faute inexcusable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'en vertu de ce texte, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;
Attendu que pour fixer l'indemnisation du préjudice d'agrément subi par Patrick X...à la somme de 40 000 euros, l'arrêt retient qu'au vu des éléments produits aux débats et notamment des témoignages recueillis dans son entourage, il s'était trouvé très rapidement limité dans les actes de la vie courante ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice d'agrément est celui qui résulte d'un trouble spécifique lié à l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé, au titre de l'action successorale, à la somme de 40 000 euros l'indemnisation d'un préjudice d'agrément, l'arrêt rendu le 29 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne les consorts X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société H. Y...et Cie.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la maladie professionnelle de Monsieur X...et son décès sont dus à la faute inexcusable de la société Y..., fixé la majoration de rente allouée à la veuve de Monsieur X...à son taux maximum, fixé le montant des réparations allouées à Monsieur X...au titre de l'action successorale et du préjudice moral de chacun des ayants droit ;
AUX MOTIFS QUE « la SAS Y... ne peut soutenir que la décision de la CPAM de la DORDOGNE de reconnaître le caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur X...lui est inopposable pour non-respect des articles R. 441-11 à R. 441-14 du Code de la sécurité sociale dès lors qu'il résulte de l'article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale que l'obligation d'information qui incombe à la caisse ne concerne que la victime, ses ayants droit et la personne physique ou morale qui a la qualité d'employeur actuel ou de dernier employeur de la victime ; qu'il convient en conséquence la SAS H. Y... et Cie ne contestant pas que la caisse a satisfait à son obligation d'information à l'égard de la Société Z... Garage Peugeot, autre employeur de Monsieur X..., de dire que la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle de son salarié doit lui être déclaré opposable ; que la SAS H. Y...ET CIE fait également valoir l'absence de lien de causalité entre l'activité de Monsieur X...en qualité de mécanicien dans ses ateliers et la maladie déclarée 35 ans après son départ de l'entreprise aux motifs que, tout d'abord, celui-ci a également travaillé, pendant ce délai, chez d'autres garagistes puis aux cuisines du centre hospitalier de Périgueux pendant 33 ans, que, ensuite, son exposition aux poussières d'amiante pendant son activité dans ses ateliers n'est pas significative, que, par ailleurs, il présentait, selon son médecin traitant, des antécédents familiaux très nombreux de cancer du poumon et que, enfin, il n'a pas été noté, lors des différents examens réalisés, l'existence de plaques pleurales, de fibroses significatives ou d'images nodulaires dénotant l'inhalation prolongée de fibres d'amiante ; mais que si la SAS H. Y...ET CIE peut, en sa qualité d'ancien employeur de Monsieur X..., contester le caractère professionnel de la maladie en cas d'action en reconnaissance de sa faute inexcusable, force est de constater que ce caractère professionnel n'est pas contestable dès lors que, d'une part, l'employeur reconnaît lui-même que son activité de garagiste exposait ses salariés aux poussières d'amiante, même s'il qualifie cette exposition de non-significative, et que, d'autre part, les documents médicaux qu'il produit, desquels il ressort que Monsieur X...ne présentait pas les signes radiologiques d'une asbestose, sont inopérants dès lors que la maladie retenue par la CPAM de la DORDOGNE est le cancer broncho-pulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante (tableau n° 30 bis) et non pas l'asbestose, maladie inscrite au Tableau n° 30 A » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la décision de la CPAM de prendre en charge la maladie du salarié à titre professionnel ne saurait établir le caractère professionnel de la maladie dans le cadre d'un litige en faute inexcusable opposant le salarié à l'employeur lorsque la procédure d'instruction préalable à la décision de prise en charge n'a pas été menée de manière contradictoire à l'égard de l'employeur ; qu'il incombe dans cette hypothèse à la juridiction saisie de rechercher, après débat contradictoire, si la maladie a un caractère professionnel au regard des dispositions de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale ; que le juge doit alors vérifier soit que les conditions de prise en charge prévues au Tableau litigieux sont remplies, soit, dans la négative, que la maladie est « directement causée par le travail habituel de la victime » ; que la caractère professionnel d'un cancer broncho-pulmonaire ne peut être établi sur le fondement du Tableau n° 30 bis qu'à condition que le salarié ait accompli pendant plus de 10 ans des travaux susceptibles de l'exposer à l'amiante figurant dans une liste limitative et ne peut donc être établi au vu de la seule exposition du salarié à l'inhalation de poussières d'amiante ; qu'au cas présent, la reconnaissance par la CPAM de la DORDOGNE du caractère professionnel du cancer broncho-pulmonaire de Monsieur X...n'avait pas été établie de manière contradictoire à l'égard de la société Y... dont la faute inexcusable était recherchée, de sorte qu'il incombait à la Cour d'appel de statuer sur l'origine professionnelle de l'affection du salarié au regard de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale ; qu'en admettant l'origine professionnelle de la maladie de Monsieur X...sans établir que les conditions de prise en charge prévues Tableau n° 30 bis étaient remplies, ni caractériser un lien direct entre l'affection déclarée par Monsieur X...et son travail habituel pour le compte de la société Y..., la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 461-1 et L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1147 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en cas d'exposition au risque auprès de plusieurs employeurs, la maladie professionnelle est présumée avoir été contractée auprès du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque ; que, si la victime peut solliciter la reconnaissance d'une faute inexcusable d'un précédent employeur, elle doit rapporter la preuve d'un lien de causalité nécessaire entre la maladie et son exposition au risque chez cet employeur ; qu'au cas présent, il résultait tant des conclusions du médecin traitant de Monsieur X...reprises par le TASS (jugement p. 5 al. 8) que des conclusions de la CPAM de la DORDOGNE que la société Y... n'était pas le dernier employeur chez lequel Monsieur X...avait été exposé au risque ; que le TASS de la DORDOGNE avait en première instance constaté qu'il n'était pas objectivement démontré que la maladie dont est décédé Monsieur Patrick X...résulterait de son exposition à l'amiante au sein de la société Y... (jugement p. 6 al. 6) ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme cela lui était demandé, s'il existait un lien de causalité nécessaire entre la maladie de Monsieur X...et son exposition au risque au sein de la société Y..., la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 461-1 et L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1147 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIRE
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la maladie professionnelle de Monsieur X...et son décès sont dus à la faute inexcusable de la société Y..., fixé la majoration de rente allouée à la veuve de Monsieur X...à son taux maximum, fixé le montant des réparations allouées à Monsieur X...au titre de l'action successorale et du préjudice moral de chacun des ayants droit ;
AUX MOTIFS QUE « sur l'existence d'une faute inexcusable, que la SAS H. Y... et CIE fait valoir qu'outre le fait que l'activité de Monsieur X...en rapport avec des équipements contenant de l'amiante représentait à peine 5 % de son travail, elle avait mis en place, pour respecter les dispositions du décret du 10 juillet 1913 exigeant des ateliers sains, des mesures d'aération permanente de l'atelier par l'ouverture de 7 grandes portes, de nettoyage quotidien des locaux et d'élimination des déchets à l'extérieur des locaux par la mise en place de bacs de récupération ; que selon les témoignages produits, qu'il n'était prévu, dans les ateliers de la SAS H. Y... et CIE, pour les travaux réalisés sur des équipements comportant de l'amiante, aucun système collectif ou individuel de protection contre les poussières d'amiante, l'aération des locaux par leurs portes et leur balayage n'étant pas de nature à assurer cette protection, mais favorisant au contraire la diffusion de ces poussières dans l'ensemble des ateliers et la contamination des salariés qui y étaient employés ; qu'il convient en conséquence de constater que la SAS H. Y...ET CIE, qui avait, ou aurait dû avoir, conscience du danger lié à l'amiante dès lors qu'étaient, dès 1956, connu le rôle cancérigène de l'amiante et, dès 1964, déterminée la cause de l'asbestose inscrite au tableau des maladies professionnelles en sa version applicable en 1950, n'a pas, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour l'en préserver, rempli son obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la maladie professionnelle contractée par Monsieur X...du fait de son exposition aux poussières d'amiante pendant de son activité dans l'entreprise ; que ce manquement à cette obligation ayant le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, il sera fait droit, sur ce point, à la demande des appelants » ;
ALORS QU'il incombe à celui qui invoque l'existence d'une faute inexcusable de démontrer que l'employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé, n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la conscience du danger s'apprécie objectivement par rapport à ce que devait savoir, dans son secteur d'activité et à l'époque de l'exposition au risque, un employeur conscient de ses devoirs et obligations ; cette appréciation implique nécessairement la prise en compte de l'époque à laquelle la victime a pu être exposée au risque, de l'état de connaissance du risque à l'époque de l'exposition, de l'activité de l'employeur, de l'organisation de l'entreprise et des travaux effectués par le salarié et de la réglementation en vigueur ; qu'il en résulte que la faute inexcusable ne saurait résulter de la seule exposition du salarié à l'inhalation de poussières d'amiante ; qu'au cas présent, la société Y... exposait que Monsieur Y... avait cessé de travailler en son sein en 1972 et avait donc travaillé à une époque où il n'existait aucune réglementation spécifique concernant l'utilisation de produits contenant de l'amiante, qu'elle exerçait une activité de garagiste ne lui conférant pas une connaissance particulière des dangers liés à l'amiante, qu'elle n'utilisait pas l'amiante comme matière première mais qu'elle ne faisait qu'utiliser de manière très limitée des produits pouvant contenir de l'amiante ; qu'elle exposait également que l'atelier au sein duquel travaillait Monsieur X...était vaste et très aéré et que les conditions de travail étaient respectueuses de la réglementation sur les poussières en vigueur à l'époque de l'exposition au risque (Conclusions p. 16) ; que pour estimer néanmoins que sa faute inexcusable était caractérisée, la Cour d'appel s'est contentée de relever l'absence de dispositif de sécurité spécifique en matière d'amiante et que la société Y... aurait dû avoir conscience du danger dès lors que le rôle cancérigène de l'amiante était connu depuis 1956 et que l'amiante était connue comme étant à l'origine de l'asbestose inscrite au tableau des maladies professionnelles depuis 1950 ; qu'en statuant de sorte sans apprécier la conscience du danger et les mesures prises par l'employeur en matière d'empoussièrement à l'époque de l'exposition au risque, au regard de l'importance de la société Y..., de son organisation, de la nature de son activité et des travaux auxquels était affecté Monsieur X..., la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIRE
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 40. 000 € le préjudice d'agrément subi par Monsieur X...au titre de sa maladie professionnelle ;
AUX MOTIFS QUE « que le préjudice d'agrément résulte non seulement de l'impossibilité de se livrer à une activité ludique et sportive mais encore de la privation des agréments normaux de l'existence ; qu'au vu des éléments produits aux débats et notamment des témoignages recueillis dans son entourage relatant que Monsieur X...s'est trouvé très rapidement limité dans les actes de la vie courante, ce chef de préjudice sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 40. 000 € » ;
ALORS QUE la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que, lorsque la maladie n'occasionne aucune perte de gains et n'a aucune incidence professionnelle, la rente indemnise exclusivement le déficit fonctionnel permanent ; que le préjudice d'agrément est celui qui résulte d'un trouble spécifique lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ; qu'il en résulte que la victime d'une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l'employeur ne peut obtenir, en plus de la rente majorée, de dommages-intérêts au titre d'un préjudice d'agrément qu'à condition d'établir judiciairement l'existence de troubles spécifiques distincts du déficit fonctionnel consécutif aux séquelles de la maladie ; qu'au cas présent, la société Y... exposait qu'il n'était produit aucun élément justifiant que Monsieur X..., qui était à la retraite au moment de la survenance de sa maladie et qui s'était vu attribuer une rente d'incapacité permanente partielle à effet au 2 août 2007, s'était vu privé du fait de sa maladie de la possibilité d'exercer une activité spécifique justifiant la réparation d'un préjudice d'agrément (Conclusions p. 20) ; qu'en se fondant sur une limitation dans les actes de la vie courante subie par Monsieur X..., pour allouer à ses ayants droit des dommages-intérêts au titre de l'action successorale au titre du préjudice d'agrément (Arrêt p. 8 al. 9), la Cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'un trouble spécifique distinct du déficit fonctionnel permanent réparé par la rente majorée et n'a pas donné à sa décision de base légale au regard des articles L. 434-1, L. 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale et du principe de la réparation intégrale du préjudice.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 11-26955
Date de la décision : 28/02/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 29 septembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 28 fév. 2013, pourvoi n°11-26955


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.26955
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