LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour dire que la société Banque populaire Atlantique avait commis une faute en rompant sans préavis les relations contractuelles continues qu'elle avait avec la société d'avocats X...- Y... sans respecter un délai d'un an, l'arrêt retient que la banque qui a exercé son droit de révoquer le mandat avait agi de manière abusive ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la sociétés d'avocat ne fondait sa demande que sur les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce et la rupture d'une convention-cadre, la cour d'appel qui a statué par un moyen relevé d'office, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société X...- Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire Atlantique.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la Banque Populaire Atlantique avait commis une faute en rompant sans préavis les relations contractuelles continues qu'elle avait avec la Selarl X...- Y..., sans respecter un préavis d'un an ;
AUX MOTIFS QUE la profession d'avocat est incompatible, en application des dispositions de l'article 11 du décret n° 91-1197 organisant la profession d'avocat avec toutes les activités de caractère commercial, exercées directement ou par personne interposée ; qu'il en résulte que dans ses relations avec ses clients, l'avocat ne peut invoquer en cas de rupture de celles-ci, la disposition sanctionnant la rupture d'une relation établie prévue par l'article L. 442-6-1-5° du code de commerce ; que l'avocat et son client sont liés par une convention de mandat à laquelle il peut être mis fin par l'une ou l'autre des parties ; qu'il n'est cependant pas contesté que la Banque Populaire Atlantique a confié pendant de nombreuses années à la Selarl X...- Y... et auparavant au prédécesseur de celle-ci, Maître Z..., depuis une trentaine d'armées, la défense de ses intérêts dans des dossiers relevant de son service contentieux et de son service juridique ; qu'à la fin de l'année 2008, la Selarl X...- Y... a appris incidemment que la Banque Populaire Atlantique avait confié un dossier de contentieux à un de ses confrères du barreau de Quimper, fait qui lui a été confirmé par la Banque ; qu'en rompant une collaboration effective depuis plus de trente années, sans accorder à son mandataire un préavis de nature à lui permettre d'anticiper une perte substantielle d'activité, la Banque Populaire Atlantique a manqué à son obligation de bonne foi alors que compte tenu de la complexité et du nombre de dossiers qu'elle a confiés à la Selarl X...- Y... depuis de très nombreuses années, elle devait accorder à son cocontractant un délai permettant à ce cabinet d'avocats de prendre des dispositions conformes à ses intérêts ; qu'ainsi, la Banque, qui a exercé son droit de révoquer le mandat à durée indéterminée qu'elle avait, sans discontinuer depuis plus de trente ans, confié au même cabinet d'avocat, a agi de manière abusive dans l'exercice de ce droit ; qu'elle aurait dû avertir la Selarl un an à l'avance, sous forme d'un préavis de son intention de mettre fin à leurs relations contractuelles compte tenu de la durée, de la nature, de l'importance financière des relations antérieures et du temps nécessaire pour remédier à la désorganisation provoquée par la rupture ; que la faute ainsi commise a causé un préjudice à la Selarl X...- Y... qui ne peut être égal à la perte de chiffres d'affaires sur un an mais au bénéfice que cette société a réalisé avec ce client pendant la dernière année où la Banque a continué à lui adresser des dossiers soit l'année 2007 ;
1) ALORS, D'UNE PART, QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, en appel, la Selarl X...- Y... se bornait à prétendre que ses relations avec sa cliente étaient régies par une convention cadre sui generis implicite ou, en tout cas, non formalisée, soumise aux principes généraux du droit, sans pour autant invoquer l'existence d'un mandat à durée indéterminée, ni se fonder sur les dispositions du Code civil relatives au mandat et à ses modalités de révocation ; que dès lors, en relevant d'office le moyen tiré de l'existence entre les parties d'un mandat tacite unique à durée indéterminée, sans avoir invité au préalable les parties à s'en expliquer, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
2) ALORS, D'AUTRE PART, QU'en déduisant l'existence d'un mandat unique à durée indéterminée du seul fait que l'exposante avait confié à l'avocat, pendant une trentaine d'années, la défense de ses intérêts dans des dossiers relevant de son service contentieux et de son service juridique, sans caractériser l'existence d'un pouvoir global de représentation d'où il résulterait que les parties auraient entendu définir leurs relations futures dans une convention unique régissant leurs obligations réciproques dont elle n'a constaté aucune des modalités, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1984 du Code civil ;
3) ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE dans ses conclusions d'appel, l'exposante soutenait que la substance même de la relation entre l'avocat et son client, fondée sur la confiance et le libre choix de l'avocat par le client, excluait tout droit à préavis au profit de l'avocat, le client bénéficiant d'une faculté de résiliation unilatérale discrétionnaire et sans préavis de toute mission confiée à celui-ci ; que dès lors, en se bornant à affirmer, pour retenir l'existence d'une faute imputable à l'exposante, que la banque aurait dû respecter un préavis d'un an avant de mettre fin à ses relations contractuelles avec la Selarl X... – Y..., compte tenu notamment de la durée et de l'importance financière des relations antérieures et du temps nécessaire pour remédier à la désorganisation provoquée par la rupture, sans répondre au moyen tiré de la contrariété du droit à préavis allégué au principe de libre révocation de l'avocat par son client, notamment en cas de désaccord entre eux ou de perte de confiance, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
4) ALORS, ENCORE, QU'en déclarant que la banque avait agi de manière abusive dans l'exercice de son droit à révocation pour n'en avoir pas averti son avocat un an à l'avance sous forme de préavis, sans réfuter les motifs du jugement qu'elle infirmait, et dont l'exposante demandait la confirmation, ayant retenu que « manifestement avocat et cliente n'avaient plus la même conception des modalités de recouvrement des créances de la banque » et que « celle-ci n'a toutefois pas déchargé le cabinet des dossiers en cours mais a seulement cessé de lui en confier de nouveaux », ce qui était de nature à exclure tout exercice abusif du droit de révocation, la Cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision, en violation des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.