LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 2166 devenu 2461 du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 23 juin 1989, la société d'économie mixte Ile-de-France (la SEEM), venant aux droits de la société Udeco, elle-même à ceux de la société Logebail, a fait inscrire une hypothèque judiciaire sur l'immeuble de son débiteur, M. X..., avec effet, après renouvellement, jusqu'au 2 avril 2009 ; que par actes établis par la société civile professionnelle notariale (SCP) Y...- Z..., aux droits de laquelle se présente la SCP Y...
A..., le bien a été vendu le 1er octobre 1993 puis le 20 août 1999 et, en dernier lieu, le 16 décembre 2004 pour un prix remis, à l'issue de la première vente, à un créancier de premier rang et, à l'occasion du dernier acte, au vendeur, en l'absence de toute procédure de purge ; que la SEEM a, alors, engagé une action en responsabilité et en garantie contre le notaire et les assureurs de celui-ci, les sociétés Mutuelles du Mans (MMA) assurances IARD et MMA IARD, reprochant à l'officier public de s'être libéré des fonds sans tenir compte de son inscription hypothécaire ;
Attendu que pour condamner à réparation le notaire, jugé fautif pour avoir omis de régler les créanciers et de purger les hypothèques à l'occasion de la vente instrumentée en 2004, l'arrêt énonce que s'il est exact qu'est seul sujet à réparation le préjudice actuel, direct et certain et tout aussi exact que la SEEM conserve son droit de suite, il ne saurait lui être imposé la charge de remédier à la situation préjudiciable imputable au notaire par l'exercice d'une action contre l'acquéreur de l'immeuble hypothéqué, dès lors que la mise en jeu de la responsabilité notariale ne peut être subordonnée à une poursuite préalable contre d'autres débiteurs ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la SEEM, disposant contre l'acquéreur, pour le recouvrement de sa créance, d'un droit de suite, lequel constitue, non une voie de droit qui ne serait que la conséquence de la situation dommageable imputée à la faute du notaire, mais un effet attaché à l'hypothèque, ne justifiait pas d'un préjudice certain, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la SCP Y...
A... et les sociétés MMA assurances IARD et MMA IARD à payer à la SEEM une somme de 40 538, 26 euros avec capitalisation des intérêts, l'arrêt rendu le 12 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne la société SEEM aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Y...
A..., les Mutuelles du Mans assurances IARD et les Mutuelles du Mans IARD.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné solidairement la SCP Y...- Z..., la société MMA IARD Assurances Mutuelles et la société MMA IARD SA à payer à la SEEM la somme de 40. 538, 26 euros à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2004, et ordonné la capitalisation des intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'effet essentiel de l'hypothèque réside dans le droit pour son titulaire d'être payé par préférence sur la totalité de la valeur de l'immeuble, dégagée au moment où elle produit son effet légal, notamment par la notification à fins de purge en cas de vente amiable ; qu'engage sa responsabilité vis à vis du créancier hypothécaire qui, de ce fait, n'a pu être payé, le notaire qui ne se préoccupe pas de régler les créanciers et de purger les hypothèques lors d'une vente d'immeuble ; que la société Y...- Z... a donc commis une faute en négligeant de tenir compte dans la distribution du prix de l'immeuble vendu le 16 décembre 2004 de l'inscription de premier rang valable jusqu'au 2 avril 2009, privant ainsi la SEEM du bénéfice de sa sûreté, et les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD SA lui doivent leur garantie ; que le droit de suite permettant de suivre l'immeuble en quelques mains qu'il se trouve et d'exercer le droit de préférence lors de l'apparition de sa valeur, c'est vainement qu'il est prétendu que l'absence de dommage résulterait du paiement du créancier hypothécaire de premier rang, absorbant la totalité du prix lors de la première vente de 1993, alors qu'à défaut de l'accord prévu au premier alinéa de l'article 2475 du code civil, seule la procédure de purge a pour effet de libérer l'immeuble de ses charges hypothécaires en les reportant sur le prix dégagé par la vente ; que s'il est exact qu'est seul sujet à réparation le préjudice actuel, direct et certain et s'il est tout aussi exact que la SEEM conserve son droit de suite, il ne saurait lui être imposé la charge de remédier à la situation préjudiciable dans laquelle elle est placée par le fait du notaire par l'exercice d'une action contre le tiers acquéreur de l'immeuble hypothéqué, la mise en jeu de la responsabilité du notaire n'étant pas subordonnée à une poursuite préalable contre d'autres débiteurs ; qu'en conséquence, infirmant le jugement, il convient de condamner solidairement la SCP Y...- Z..., et ses assureurs, les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD SA à réparer le préjudice de la SEEM ; que le créancier hypothécaire ayant, aux termes de l'article 2432 du code civil (ancien article 2151), le droit d'être colloqué pour trois années au même rang que le principal, c'est donc la somme de 40 538, 26 euros (32 428, 11 € en principal + 8 110, 15 € en intérêts de trois ans) qui aurait dû être versée à la SEEM le 16 décembre 2004 ; qu'il y a lieu de condamner solidairement, la SCP Y...- Z..., les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD SA à lui payer ladite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter de cette date et d'ordonner la capitalisation des intérêts ;
1°) ALORS QUE le créancier hypothécaire ne bénéficie sur le prix de vente amiable de l'immeuble grevé d'aucun droit de préférence, qui est subordonné à la mise en oeuvre du droit de suite ou d'une procédure de purge à l'initiative des parties à l'acte de vente ; qu'à défaut de mandat exprès l'y autorisant, le notaire ne peut dès lors se dessaisir du prix de vente amiable entre les mains des créanciers du vendeur ; qu'en affirmant néanmoins que le notaire avait commis une faute en ne désintéressant pas la société SEEM lors de la distribution du prix de l'immeuble vendu de gré à gré le 16 décembre 2004, sans constater que les parties à la vente avaient requis du notaire qu'il procède à la purge, la Cour d'appel a violé les articles 1382 et 2181 ancien du Code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, seul le préjudice actuel et certain est réparable ; que le créancier hypothécaire qui ne perçoit pas le prix de la vente amiable de l'immeuble grevé ne subit aucun préjudice actuel et certain dès lors qu'il conserve et peut mettre en oeuvre son droit de suite sur l'immeuble ; qu'en condamnant le notaire à verser à la société SEEM, créancier hypothécaire, la somme que celle-ci aurait perçu lors de la vente de l'immeuble grevé le 16 décembre 2004 s'il avait été procédé à la purge des hypothèques, au motif qu'il ne pouvait lui être imposé de mettre en oeuvre son droit de suite, cependant qu'en l'absence de mise en oeuvre de son droit de suite, le préjudice allégué était hypothétique, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble les articles 2114 et 2166 anciens du Code civil.