LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, qui est recevable :
Vu la coutume internationale ;
Attendu que les actes établis par une autorité étrangère et destinés à être produits devant les juridictions françaises doivent au préalable, selon la coutume internationale et sauf convention internationale contraire, être légalisés pour y recevoir effet ;
Attendu que l'adoption simple par Mme X... de l'enfant Alexandra Y..., née le 15 janvier 2004 en Haïti, a été prononcée le 12 novembre 2009 et transcrite le 30 novembre 2009, sur les registres de l'état civil haïtien ; que l'adoptante a saisi le tribunal de grande instance d'une requête en adoption plénière et a produit un consentement à une adoption plénière non légalisé recueilli le 9 mars 2010 ;
Attendu que, pour prononcer l'adoption plénière de l'enfant, l'arrêt retient, d'abord, que l'article 370-3 du code civil n'impose aucune forme au consentement de sorte que l'exigence de légalisation ajoute à ce texte, ensuite, que cette exigence est nouvelle, enfin, qu'elle ne concerne que les actes d'état civil et qu'il convient en conséquence d'examiner l'acte en lui même afin de déterminer, en dépit de son absence de légalisation, la force probante qui peut s'y attacher ;
Qu'en faisant ainsi produire effet en France à un acte non légalisé établi par une autorité étrangère, en l'absence de Convention internationale contraire, la cour d'appel a méconnu la coutume internationale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Rouen.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 22 mars 2011 en toutes ses dispositions exceptées celle relative aux dépens, jugement qui prononçait l'adoption plénière de l'enfant Alexandra Y... par Madame Marie-Pierre X... :
AUX MOTIFS QUE l'article 370-5 du Code Civil issu de la loi du 6 février 2011 prévoit expressément qu'une adoption simple prononcée à l'étranger peut être convertie en adoption plénière si les consentements requis ont été donnés en connaissance de cause, que l'article 370-3 alinea 3 du même code édicte que le consentement doit être libre, obtenu sans contrepartie, après la naissance de l'enfant et éclairé sur les conséquences de l'adoption, en particulier s'il est donné sur en vue d'une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant, que ni l'article 370-5 ni l'article 370-3 ne comportent d'exigence de forme quant au consentement donné par le représentant légal de l'enfant, que s'agissant d'un consentement donné dans un état qui ignore l'adoption entraînant la rupture du lien de filiation préexistant, aucun formalisme ne peut être exigé par la loi de cet état, que dans ces conditions l'exigence de légalisation de l'acte comportant consentement à adoption plénière en date du 9 mars 2010 conformément au droit international public posée par le Ministère Public posée comme fondement de son appel, ajoute aux textes des articles 370-3 et 370-5 du Code Civil, que la légalisation n'est qu'une formalité administrative et ne permet pas au juge français de s'assurer de la véracité de l'auteur du consentement ni de sa qualité de représentant légal de l'enfant ; quel'exigence de légalisation est nouvelle puisqu'elle n'est invoquée par le Ministère Public concernant les adoptions d'enfants nés à Haïti que depuis 2010, qu'elle a pour origine une information donnée par le Ministère des affaires étrangères français auprès des parquets selon laquelle le commissaires du gouvernement de port au Prince ferait interdiction à ses services de légaliser les actes de consentement, et ce, dans le but avoué de faire obstacle à une adoption plénière en France, que cependant aucun document officiel en ce sens, émanant des autorités haïtiennes n'a été rendu public à ce jour, que l'appel du Ministère Public tend à rendre cette exigence rétroactive car en l'espèce, la procédure haïtienne qui s'est terminée par le jugement civil de la Croix des Bouquets, daté du 12 novembre 2009, transcrit le 30 novembre 2009, de même que l'acte de consentement à l'adoption plénière, sont antérieurs à la formulation de la condition de légalisation de cet acte par la dépêche du 22 décembre 2010 citée par l'intimée ;
que si la Cour de Cassation a énoncé dans deux arrêts rendus le 4 juin 2009 que la légalisation des actes de l'état civil étrangers destinés à être produits en France continue à être exigée en vertu de la coutume internationale, l'acte dressé afin de constater un consentement n'est pas un acte d'état civil et la réalité d'une pratique répandue des Etats en la matière n'est pas démontrée ; que même à admettre l'exigence de légalisation, la requérante qui n'était pas informée de la nécessité de faire légaliser l'acte de consentement, s'agissant d'une règle rendue publique postérieure à l'acte, n'a pu s'y soumettre ou former un recours en cas de refus de cette formalité, qu'il convient dans ces conditions de d'examiner l'acte et de déterminer la force probante qui peut s'y attacher, en dépit de sa non légalisation, que l'acte intitulé " consentement à l'adoption plénière daté du 9 mars 2010 et signé par Maître Z..., notaire public dont sont indiqués les numéros d'identification et de patente, est produit en original, que le Ministère Public ne prétend ni ne démontre que ces mentions seraient inexactes, ni même que la signature en bas du document ne serait pas sincère ; que sur ce document figure une empreinte digitale en vert à côté du nom de Marie Mélandise Y..., qu'il ressort du précédent acte de consentement du 1er juillet 2009, que Madame Y... ne pouvant pas signer a également apposé son empreinte, que le Ministère Public n'émet aucun doute sur la véracité de cette empreinte qui marque le consentement donné par Madame Marie Mélandise Y... au contenu de l'acte, que ce consentement a été recueilli postérieurement au jugement d'homologation du Tribunal civil de la Croix des Bouquets en date du 12 novembre 2009, qu'aucune pression ne pouvait donc plus être exercée sur Marie Mélandise Y... pour provoquer son renoncement à l'enfant, ce qui fait présumer que c'est donc librement et sans aucune contrepartie qu'elle a consenti de manière irrévocable à ce que l'adoption simple de sa fille, par Madame X..., de nationalité française, devienne en France une adoption pleine et entière, conformément aux lois françaises, que le consentement recueilli le 9 mars 2010 répond aux conditions de fond de l'article 370-3 du Code Civil et établit la volonté de Marie Mélandise Y... de rompre de manière complète et définitive le lien de filiation qui l'unissait à l'enfant Alexandra, qu'il est de l'intérêt supérieur de l'enfant de bénéficier en France d'une adoption plénière à laquelle sa mère a consenti en connaissance de ses enfants en droit français.
ALORS QUE en considérant que l'exigence de légalisation serait " ajouter " aux textes des articles 370-2 et 370-5 du Code Civil, que cette exigence serait nouvelle comme requise depuis l'année 2010, ne concernerait que les actes d'état civil et qu'il y aurait lieu d'examiner la force probante de l'acte nonobstant sa légalisation, la Cour d'Appel a violé les règles de droit international public et la coutume internationale, qu'elle a également violé les règles internationales sur le consentement à adoption.