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27/02/2013 | FRANCE | N°11-27986

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 février 2013, 11-27986


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Nancy, 14 octobre 2011), que M. X..., engagé le 26 janvier 2008 par la société Trailor en qualité de directeur d'usine, a été licencié par lettre du 11 septembre 2008 pour faute grave ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé du licenciement et le paiement de diverses sommes ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la faute grave est carac

térisée par un comportement rendant impossible tout maintien du salarié dans l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Nancy, 14 octobre 2011), que M. X..., engagé le 26 janvier 2008 par la société Trailor en qualité de directeur d'usine, a été licencié par lettre du 11 septembre 2008 pour faute grave ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé du licenciement et le paiement de diverses sommes ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la faute grave est caractérisée par un comportement rendant impossible tout maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en estimant que M. X... avait commis une faute grave au titre d'une « maîtrise insuffisante de la trésorerie », au seul motif que la situation financière de l'entreprise aurait dû « l'inciter à ne pas faire payer en priorité des factures non urgentes, au risque d'aggraver la situation de l'entreprise », cependant que ne saurait par principe être fautive, et a fortiori gravement fautive, l'initiative prise par le salarié, qui n'est pas responsable de la situation financière de l'entreprise, de régler des factures de la société venues à échéance, quelque soit le degré d'urgence du règlement, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une faute grave, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ que la faute grave est caractérisée par un comportement rendant impossible tout maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en conséquence, ne saurait constituer une faute grave le comportement que l'employeur ne sanctionne pas dans un délai restreint à compter de la connaissance qu'il en a eu ; qu'en estimant que la carence alléguée de M. X... dans ses relations avec son personnel et avec la clientèle était « récurrente » , ce dont il résulte que la situation durait depuis plusieurs mois, puis en estimant que ce comportement était de nature à justifier un licenciement pour faute grave, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3°/ que l'insuffisance professionnelle n'est pas constitutive d'une faute ; qu'en estimant que la « carence récurrente » de M. X... dans ses relations avec son personnel et dans la gestion de la clientèle était constitutive d'une faute grave, cependant que cette situation, à la supposée avérée, caractérisait tout au plus une insuffisance professionnelle non fautive, la cour d'appel, qui n'a pas retenu l'existence de négligences délibérées du salarié, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
4°/ que la faute grave est caractérisée par un comportement rendant impossible tout maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en conséquence, ne saurait constituer une faute grave le comportement que l'employeur ne sanctionne pas dans un délai restreint à compter de la connaissance qu'il en a eu ; qu'en estimant que le licenciement pour faute grave de M. X..., intervenu le 11 septembre 2008, se trouvait justifié par la tenue de propos inappropriés et discourtois, tout en constatant que ces propos avaient été tenus au mois de mars 2008, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
5°/ que la tenue de propos discourtois et inappropriés, en une seule occasion, et alors que le salarié se trouvait dans une situation de tension nerveuse causée par sa charge de travail, ne saurait dans tous les cas caractériser l'existence d'une faute grave ; que la lettre de licenciement adressait à M. X... le grief suivant : « Lorsque vous étiez sous pression lors de la livraison de véhicules à El Mithak, vous avez déclaré à Mme Sonia Y..., assistante commerciale export au service ADV : "On ne va pas travailler comme dans les pays d'Afrique du Nord. On a l'impression d'être chez Aziz et sa soeur" » ; qu'en estimant que ces propos, « discourtois et inappropriés », étaient constitutifs d'une faute grave, sans tenir compte du contexte de « stress » qui était pourtant mentionné dans le courrier de licenciement, qui fixe les limites du débat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu que par des motifs propres et adoptés, la cour d'appel a relevé d'une part que le salarié, en sa qualité de directeur d'usine et malgré des alertes comptables, ne s'était pas suffisamment informé de l'état de la trésorerie de l'usine et avait pris des décisions inadéquates de règlement de factures entraînant des conséquences financières très négatives pour la société, et d'autre part que le salarié, responsable de l'équipe de production, malgré de nombreuses relances et un rappel à l'ordre, n'avait pas répondu aux demandes du personnel afin de trouver des solutions de gestion des retards entraînant un mécontentement certain de la clientèle ; qu'elle a pu décider, qu'eu égard à son niveau de responsabilité, les manquements du salarié à ses obligations contractuelles présentaient une importance telle qu'ils rendaient impossible son maintien dans l'entreprise et constituaient une faute grave ; que le moyen manquant en fait en sa première branche, irrecevable en sa deuxième branche comme nouveau et mélangé de fait et de droit, inopérant en ses quatrième et cinquième branches comme critiquant des motifs surabondants, n'est pas fondé en sa troisième branche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Etienne X... de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; que la faute grave qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur qui l'invoque, de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement invoque trois griefs : - suivi et maîtrise de la trésorerie insuffisante portant gravement préjudice au bon fonctionnement de la société ; - non respect du délai de sortie des véhicules sans information préalable provoquant une perte de confiance des clients et des commerciaux ; - propos inadmissibles tenus à une salariée de l'entreprise en présence de témoins ; que c'est à juste titre et par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont considéré que les griefs étaient établis et constituaient une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en effet, sur le premier grief relatif à une maîtrise insuffisante de la trésorerie, le conseil de prud'hommes a exactement relevé que, du fait de son statut de directeur d'usine et son niveau de responsabilité, M. X... se devait être informé de l'état de la trésorerie de l'usine pour prendre les décisions adéquates quant à la production et au suivi des commandes ; qu'il était responsable de la mobilisation des factures et de l'engagement des dépenses et devait vérifier que les prévisions concernant la trésorerie avaient été respectées, a fortiori lorsque la société était fragilisée et dans une situation financière difficile ; que le conseil a justement observé que les prévisions d'août 2008 indiquaient une mobilisation de factures de 597.700 € alors que seuls 3.000 € étaient financés, ce qui aurait dû alerter M. X... en sa qualité de responsable principal du site et l'inciter à ne pas faire payer en priorité des factures non urgentes, au risque d'aggraver la situation de l'entreprise ; qu'en outre, les premiers juges ont exactement apprécié les pièces produites en indiquant que M. A... n'était pas responsable de la trésorerie mais intervenait ponctuellement comme chargé de mission au sein de l'entreprise ; que le grief est constitué ; que sur le non respect des délais et le mécontentement des clients, il a été justement relevé par le conseil au vu des pièces produites, que M. X... était responsable de la gestion de l'équipe de production et de la motivation du personnel, que des technico-commerciaux se sont plaints à plusieurs reprises de n'avoir reçu aucune aide de sa part pour la gestion des clients mécontents des retards et qu'il a été rappelé à l'ordre par le président de la société sur ce point ; que les échanges de mail produits démontrent le désarroi dans lequel se trouvait l'équipe commerciale qui n'obtenait aucune réponse de la part de M. X... quant aux solutions à apporter aux clients, malgré de nombreuses relances ; qu'en raison du niveau hiérarchique de M. X... et de son poste de directeur d'usine, il lui appartenait de soutenir son personnel, de répondre à ses attentes et de trouver des solutions pour répondre utilement à la clientèle ; que la carence récurrente de M. X... sur ces points démontrent une attitude fautive ; que le grief est établi ; qu'enfin, sur le fait d'avoir tenu des propos inadmissibles envers une salariée, les premiers juges ont exactement constaté que les pièces produites et notamment le courrier de Mme Y... et les attestations des autres salariés, établissent qu'en mars 2008, M. X... avait tenu des propos déplacés devant cette salariée, en disant « je n'accepte pas cette façon de travailler à la manière des Nord Africains, comme Aziz et sa soeur » ; que les témoignages décrivent le malaise de Mme Y... et le fait qu'elle a été choquée par ces propos, notamment en raison du fait que M. X... a refusé de s'en expliquer ; qu'il importe peu de savoir si ces propos étaient ou non dirigés à l'encontre de Mme Y..., le fait de parler ainsi en prenant un accent étranger ainsi que le relatent les témoins, était particulièrement déplacé de la part du directeur du site ; qu'il ne s'agit pas d'un trait d'humour mais de propos discourtois et inappropriés, propos particulièrement inadmissibles lorsqu'ils émanent du directeur du site qui, en raison de son statut, doit être particulièrement attentif au respect de ses collaborateurs et à la maîtrise de ses paroles ; que ces faits avérés sont constitutifs d'une faute grave ; qu'il s'ensuit que le jugement ayant débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif et d'indemnité de préavis doit être confirmé ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE la faute grave est caractérisée par un comportement rendant impossible tout maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en estimant que M. X... avait commis une faute grave au titre d'une « maîtrise insuffisante de la trésorerie », au seul motif que la situation financière de l'entreprise aurait dû « l'inciter à ne pas faire payer en priorité des factures non urgentes, au risque d'aggraver la situation de l'entreprise » (arrêt attaqué, p. 3 § 6), cependant que ne saurait par principe être fautive, et a fortiori gravement fautive, l'initiative prise par le salarié, qui n'est pas responsable de la situation financière de l'entreprise, de régler des factures de la société venues à échéance, quelque soit le degré d'urgence du règlement, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une faute grave, a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE la faute grave est caractérisée par un comportement rendant impossible tout maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en conséquence, ne saurait constituer une faute grave le comportement que l'employeur ne sanctionne pas dans un délai restreint à compter de la connaissance qu'il en a eu ; qu'en estimant que la carence alléguée de M. X... dans ses relations avec son personnel et avec la clientèle était « récurrente » (arrêt attaqué, p. 4 § 1), ce dont il résulte que la situation durait depuis plusieurs mois, puis en estimant que ce comportement était de nature à justifier un licenciement pour faute grave, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE l'insuffisance professionnelle n'est pas constitutive d'une faute ; qu'en estimant que la « carence récurrente » de M. X... dans ses relations avec son personnel et dans la gestion de la clientèle était constitutive d'une faute grave, cependant que cette situation, à la supposée avérée, caractérisait tout au plus une insuffisance professionnelle non fautive, la cour d'appel, qui n'a pas retenu l'existence de négligences délibérées du salarié, a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail ;
ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE la faute grave est caractérisée par un comportement rendant impossible tout maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en conséquence, ne saurait constituer une faute grave le comportement que l'employeur ne sanctionne pas dans un délai restreint à compter de la connaissance qu'il en a eu ; qu'en estimant que le licenciement pour faute grave de M. X..., intervenu le 11 septembre 2008, se trouvait justifié par la tenue de propos inappropriés et discourtois, tout en constatant que ces propos avaient été tenus au mois de mars 2008 (arrêt attaqué, p. 4 § 2), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE la tenue de propos discourtois et inappropriés, en une seule occasion, et alors que le salarié se trouvait dans une situation de tension nerveuse causée par sa charge de travail, ne saurait dans tous les cas caractériser l'existence d'une faute grave ; que la lettre de licenciement adressait à M. X... le grief suivant : « Lorsque vous étiez sous pression lors de la livraison de véhicules à El Mithak, vous avez déclaré à Mlle Sonia Y..., assistante commerciale export au service ADV : "On ne va pas travailler comme dans les pays d'Afrique du Nord. On a l'impression d'être chez Aziz et sa soeur" » ; qu'en estimant que ces propos, « discourtois et inappropriés », étaient constitutifs d'une faute grave, sans tenir compte du contexte de « stress » qui était pourtant mentionné dans le courrier de licenciement, qui fixe les limites du débat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-27986
Date de la décision : 27/02/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 14 octobre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 fév. 2013, pourvoi n°11-27986


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.27986
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