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27/02/2013 | FRANCE | N°11-27834

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 février 2013, 11-27834


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 11 octobre 2011), que Mme X..., engagée à compter du 1er décembre 2007 par la société MF productions Saumur en qualité de comptable, a été licenciée pour faute grave par lettre du 23 décembre 2009 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen que si le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de cell

e-ci, d'une liberté d'expression à laquelle il ne peut être apporté que des r...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 11 octobre 2011), que Mme X..., engagée à compter du 1er décembre 2007 par la société MF productions Saumur en qualité de comptable, a été licenciée pour faute grave par lettre du 23 décembre 2009 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen que si le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, d'une liberté d'expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, il ne peut abuser de cette liberté en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ; que dès lors, en écartant le grief tiré des accusations formulées par Mme X... à l'égard de son employeur, M. E..., aux termes desquelles il l'aurait volontairement poussée dans l'escalier à la suite de leur entretien du 23 septembre 2009, aux motifs que la lettre contenant cette accusation n'aurait été adressée qu'à ce dernier et que la salariée serait ensuite revenue sur ces accusations, quand il ressortait de ses constatations que ces propos dont la salariée ne contestait pas les avoir tenus, ni qu'ils n'étaient pas conformes à la réalité, avaient été rendus publics puisque lors de l'entretien préalable, le secrétaire général de la société, M. Y..., lui avait demandé, en présence de M. Z..., délégué syndical, si elle entendait réaffirmer l'accusation selon laquelle elle aurait été bousculée physiquement par son employeur, de sorte que cette accusation mensongère qui avait eu, de surcroît, une certaine publicité, était incompatible avec la poursuite des relations contractuelles, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1235-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la lettre contenant la plainte de la salariée d'avoir été volontairement bousculée dans les escaliers par son employeur, n'avait été adressée qu'à ce dernier et que la salariée était revenue sur ses accusations lors de son entretien préalable, la cour d'appel, a pu décider que ces agissements ne constituaient pas une faute grave et, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la salariée la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour déloyauté, alors, selon le moyen :
1°/ que l'achat d'un appartement, dont il n'est pas démontré qu'il aurait été revendu à perte, ne saurait constituer pour un salarié un préjudice justifiant l'octroi de dommages-intérêts ; que dès lors, en se bornant, pour allouer à Mme X...la somme conséquente de 40 000 eurs, présentant un tiers du prix de son logement, pour le préjudice qu'elle aurait subi, à constater qu'elle avait acheté un appartement sur la commune de Maromme où elle devait être affectée et qu'elle n'avait finalement pas été mutée en ce lieu, sans caractériser le préjudice qu'elle aurait subi en l'absence de revente du bien et de toute justification quant au coût excessif qu'il aurait pu engendrer pour elle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil et L. 122-1 du code du travail ;
2°/ qu'en se bornant, pour allouer à la salariée la somme conséquente de 40 000 euros pour le préjudice qu'elle aurait subi, à constater qu'elle avait acheté un appartement sur la commune de Maromme où elle devait être affectée et qu'elle n'avait finalement pas été mutée en ce lieu, sans répondre au moyen des écritures de la société tiré de ce que, si elle l'avait encouragée à trouver un logement proche de son futur lieu de travail, elle ne l'avait nullement incitée à l'acquérir, de sorte que la salariée avait fait seule le choix d'acheter plutôt que de louer sa résidence principale et ne pouvait, dans ces conditions, imputer à son employeur l'intégralité des conséquences de ce choix, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en relevant, par motifs propres et adoptés, que l'acquisition d'un appartement par la salariée, dans une ville où elle n'avait finalement pas été mutée malgré les assurances et incitations préalables de son employeur, avait lourdement obéré les finances de celle-ci, la cour d'appel a caractérisé le préjudice dont elle a souverainement fixé l'indemnisation ; que sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, elle a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société MF productions Saumur aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour la société MF productions Saumur
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement pour faute grave de Madame X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la Société MF PRODUCTIONS SAUMUR à lui verser à ce titre les sommes de 20. 000 € ainsi que celle de 1. 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « sur le licenciement, la lettre de licenciement pour faute grave est annexée à l'arrêt ; que sur la propagation de rumeurs injurieuses à l'encontre de Monsieur E..., président de la Société MF PRODUCTIONS, et sur les familiarités et les remarques déplacées concernant la vie privée de celui-ci, la Société n'étaye ce grief d'aucune pièce ; que sur le fait d'avoir accusé Monsieur E... d'avoir volontairement bousculé Madame X... dans l'escalier à la suite d'un entretien du 23 septembre 2009, la lettre de Madame X... du 23 septembre 2009 contenant cette accusation n'a été adressée qu'à Monsieur E... ; qu'en outre, celle-ci est revenue sur ses propos puisque le compte rendu de l'entretien préalable par le secrétaire général de la société, indique : « Je lui ai très précisément demandé : " avez-vous été bousculé physiquement par Monsieur E... ? " Réponse de Madame X... : " Non, par contre, après cet entretien avec Monsieur E..., j'ai été bousculée moralement " » ; qu'enfin, dans la déclaration d'accident du travail, la salariée se borne à mentionner : « Lieu de l'accident SDPP (EVREUX) : rendez-vous avec le directeur de MF PRODUCTIONS. Circonstances détaillées de l'accident : " en descendant les marches, la victime a trébuché et a dévalé plusieurs marches en roulant et en se cognant partout " » ; que ce grief ne constitue donc pas une cause sérieuse de licenciement ; que sur l'insubordination de Madame X... (refus de communiquer avec le cabinet d'expertise comptable), la Société ne produit aucune pièce sur ce point ; que les autres reproches de la Société ne sont même pas évoqués dans ses conclusions ; que le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse ; que compte tenu de l'ancienneté de la salariée de sa rémunération et des circonstances de la rupture, il convient de lui allouer 20. 000 € à titre de dommages-intérêts » ;
ALORS QUE si le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, d'une liberté d'expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, il ne peut abuser de cette liberté en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ; que dès lors, en écartant le grief tiré des accusations formulées par Madame X... à l'égard de son employeur, Monsieur E..., aux termes desquelles il l'aurait volontairement poussée dans l'escalier à la suite de leur entretien du 23 septembre 2009, aux motifs que la lettre contenant cette accusation n'aurait été adressée qu'à ce dernier et que la salariée serait ensuite revenue sur ces accusations, quand il ressortait de ses constatations que ces propos dont la salariée ne contestait pas les avoir tenus, ni qu'ils n'étaient pas conformes à la réalité, avaient été rendus publics puisque lors de l'entretien préalable, le secrétaire général de la Société, Monsieur Y..., lui avait demandé, en présence de Monsieur Z..., délégué syndical, si elle entendait réaffirmer l'accusation selon laquelle elle aurait été bousculée physiquement par son employeur, de sorte que cette accusation mensongère qui avait eu, de surcroit, une certaine publicité, était incompatible avec la poursuite des relations contractuelles, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1235-1 et L. 1234-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société MF PRODUCTIONS SAUMUR à verser à Madame X...les sommes de 40. 000 € à titre de dommages et intérêts pour déloyauté et de 1. 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la demande de Madame X... pour déloyauté de l'employeur et investissement immobilier devenu sans objet, Madame X... soutient que Monsieur E... l'a fortement incitée à réaliser un investissement immobilier sur la commune de MAROMME qui a été ensuite sans objet ; que l'employeur réplique avoir préféré centraliser la comptabilité au même endroit que la paie, au sein de la société principale du groupe, ce qui ne peut constituer une faute de sa part ; que le 29 janvier 2009, Monsieur Y...a informé les partenaires sociaux du transfert des services comptabilité de BRP, MFP SAUMUR et SDPP EVREUX sur le site de MAROMME ; que par mail du 27 février 2009, Monsieur E... a écrit à Mme X... : « Je vous confirme qu'il faut envisager très sérieusement votre déménagement. Le profil du poste devrait un peu changer en mieux. Donc vite » ; que dans une attestation du 22 juillet 2009, Monsieur E... « certifie que notre salariée, Mademoiselle X...Marie-Amélie, sera mutée à MAROMME au cours du second semestre 2009 » ; que celui-ci a également signé un dossier destiné à l'obtention d'un prêt patronal au titre du CIL 1 % logement et une demande d'aide « mobiliti-pass » en indiquant donner son accord pour l'attribution d'une telle aide d'un montant de 3. 200 € maximum ; que le 25 juillet 2009, Madame X... a signé un compromis en vue de l'achat d'un appartement à MAROMME et le 19 octobre 2009, l'acte authentique d'acquisition de cet appartement ; que le 26 octobre 2009, elle a été mutée à EVREUX avec effet au 1er décembre 2009 avec la précision qu'en cas de refus, la Société envisagerait de la licencier ; que le conseil de prud'hommes a déduit à juste titre de ces éléments que Monsieur E... avait fortement encouragé Mme X... à rechercher un logement proche de son futur lieu de travail et que, par ailleurs, la Société MF PRODUCTIONS ne produisait aucun justificatif de son brusque changement de décision quant au lieu de transfert de la comptabilité ; que l'employeur a donc commis une faute ayant entraîné un important préjudice pour la salariée, puisque celle-ci a acquis un appartement dans une ville où celui-ci lui avait donné l'assurance qu'elle allait être mutée, préjudice qui a été exactement évalué par le Conseil de prud'hommes » ;
ET AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QU'« au vu des pièces versées aux débats (compte rendu de la réunion de délégués du personnel, attestation de Madame D..., échange de mails, attestation de Monsieur E...et dossier MOBILI PASS), il apparaît que, dès janvier 2009, le transfert du service de comptabilité et la mutation de Madame X... sur le site de MARONNE étaient envisagés et que Monsieur E...a fortement encouragé Madame X... à rechercher rapidement un logement proche de son futur lieu de travail, l'aidant dans la constitution de son dossier de financement ; que le 26 octobre 2009, alors que Madame Marie Amélie X... avait signé l'achat de son appartement à MAROMME le 19 octobre 2009, la Société MF PRODUCTION lui notifiait sa mutation effective au 1er décembre 2009 sur un autre site (EVREUX) lui indiquant qu'elle était tenue de se conformer à cette décision et qu'un refus de sa part l'exposerait à un licenciement ; que la Société MF PRODUCTION ne produit aucun justificatif de son brusque changement de décision quant au lieu de transfert de la comptabilité ; que quiconque cause un dommage à autrui doit le réparer ; qu'en l'espèce, l'acquisition de cet appartement devenu sans utilité du fait du changement de décision de l'employeur a lourdement obéré les finances de Madame X... ; que la Société MF PRODUCTION sera condamnée à l'indemniser à hauteur de 40. 000 € en réparation de ce préjudice spécifique » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'achat d'un appartement, dont il n'est pas démontré qu'il aurait été revendu à perte, ne saurait constituer pour un salarié un préjudice justifiant l'octroi de dommages et intérêts ; que dès lors, en se bornant, pour allouer à Madame X...la somme conséquente de 40. 000 €, représentant un tiers du prix de son logement, pour le préjudice qu'elle aurait subi, à constater qu'elle avait acheté un appartement sur la commune de MAROMME où elle devait être affectée et qu'elle n'avait finalement pas été mutée en ce lieu, sans caractériser le préjudice qu'elle aurait subi en l'absence de revente du bien et de toute justification quant au coût excessif qu'il aurait pu engendrer pour elle, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du Code civil et L. 1222-1 du Code du travail ;
ET ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se bornant, pour allouer à Madame X...la somme conséquente de 40. 000 € pour le préjudice qu'elle aurait subi, à constater qu'elle avait acheté un appartement sur la commune de MAROMME où elle devait être affectée et qu'elle n'avait finalement pas été mutée en ce lieu, sans répondre au moyen des écritures de la Société (Conclusions p. 13) tiré de ce que, si elle l'avait encouragée à trouver un logement proche de son futur lieu de travail, elle ne l'avait nullement incitée à l'acquérir, de sorte que la salariée avait fait seule le choix d'acheter plutôt que de louer sa résidence principale et ne pouvait, dans ces conditions, imputer à son employeur l'intégralité des conséquences de ce choix, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-27834
Date de la décision : 27/02/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 11 octobre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 fév. 2013, pourvoi n°11-27834


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.27834
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